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Critiques de Jean-Paul Dubois (1979)
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La succession

Ici le héros s'appelle Paul.

Comme dans "Le cas Sneijder".

Comme dans "Une vie française".

Comme dans "Les accommodements raisonnables"…

En fait chez Jean-Paul tous les héros s'appellent Paul. Et si leurs péripéties s'inscrivent chacune dans un registre différent, les Paul de Jean-Paul ont souvent en commun cet humour mélancolique et un poil dépressif auquel je ne résiste pas.



Ici voici un Paul joueur professionnel de pelote basque et accessoirement médecin, installé en Floride et accessoirement en région toulousaine.



C'est compliqué ? Certes, et encore, ce n'est qu'un aspect succinct de la vie de notre Paul, bringuebalé entre ses affres existentiels de trentenaire approximatif, et une famille pour le moins névrosée dont il cherche désespérément à s'affranchir.



Mais finalement peu importe l'intrigue, car Jean-Paul Dubois est décidément une sensibilité à part, un univers à lui seul, et quel que soit le drame qu'il nous conte c'est avant tout la grâce de son imagination décalée qu'il s'agit d'apprécier.



Absurdité de situations, intime alchimie entre tragique et comique, émotion, ironie, dérision, poignantes introspections… c'est bien simple, moi, chez Dubois, tout me plait.



Courez-y, si ce n'est déjà fait.




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Le cas Sneijder

Oui, Paul Sneijder est un cas. Un cas auquel tu t'attaches, lentement mais sûrement.



Un peu comme un confident, te voilà témoin de son existence et de ses ''accommodements raisonnables'' si chers à JP. Dubois. Mais depuis qu'un ''accident d'ascenseur'' a bouleversé nombre de ses repères, Paul Sneijder n'en finit pas de se remettre en question et aborde sa toute nouvelle perception de la vie avec l'élégance fragile et désenchantée d'un poète incompris. Tout y passe : femme, enfants, amis, boulot... le présent mais aussi l'inventaire du passé et les perspectives d'avenir sont parfois cruels, souvent cocasses, toujours désespérément lucides. Entre dérision et mélancolie, voilà en substance le tendre et délicat portrait d'une âme solitaire victime du conformisme social.



Moi, Dubois, j'aime bien, mais le cas Sneijder est vraiment son roman le plus juste et le plus touchant que j'aie pu lire de lui à ce jour. Après, c'est toi qui vois.*





* Autrement dit : Ce n'est que mon avis c'est-à-dire pas grand-chose, mais il semble que la formule fasse déjà l'objet d'un brevet nastasiesque exclusif...




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Une vie française

« Et ma mère tomba à genoux. Ses mains sur son visage ressemblaient à un pansement dérisoire ».

Ca commence comme ça : avec un malheur. Le frère ainé de Jean Blick, Vincent, vient de mourir de complications opératoires. Jean a 8 ans, nous sommes en 1958, et commence pour lui une longue période de purgatoire entre des parents effondrés qui vivent sous l’eau, avec De Gaulle en toile de fond, sur le téléviseur.



Mais rassurez-vous, Jean-Paul Dubois n’est pas du genre à faire se lamenter ses narrateurs, loin de là ! Avec toute l’humanité du monde, mais aussi avec plein d’humour et d’ironie, Jean Blick va vivre. Il va vivre et connaitre ses premières expériences sexuelles (ah là là...son copain et le rôti familial...) . Il va vivre et clamer ses premières convictions politiques. Il va vivre et tomber amoureux fou d’Anna, qui devient sa femme.



Tout ce qui se passe d’important en France défile sous nos yeux (les chapitres d’ailleurs ont comme titre le nom des divers présidents qui se succèdent, c’est tout dire), mais tout ce qui se passe d’important dans la vie de Jean ne nous échappe pas non plus. Ses pensées les plus intimes, ses déchirements, ses peurs, ses joies et ses doutes, surtout, parsèment les pages de ce roman qui emporte, qui enveloppe. Les joies de la paternité, les voyages en mission pour photographier les arbres, les relations peu à peu distantes avec sa femme, le lien de plus en plus profond avec sa mère...tout ceci est raconté en même temps que la guerre d’Algérie, mai 68, les divers scandales financiers, l’affrontement Chirac- l’Autre, comme il dit (vous avez tous deviné de qui il s’agit) ...



Bref, trêve d’explications : je vous invite à entrer dans ce roman, vous vous y sentirez comme chez vous, amusés, attendris, étonnés, et même bouleversés, car je vous assure que l’humour (toutes les sortes d’humour) et l’émotion (toute la gamme des émotions) vous y accueilleront à chaque page.



Jean-Paul Dubois, que j’appréciais déjà énormément après avoir lu « Kennedy et moi » et « Le cas Sneijder », eh bien cet auteur entre dans mon panthéon personnel de mes auteurs favoris ! Je l’adore !

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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Fils d’un pasteur danois et de l’exploitante d’un petit cinéma de Toulouse, Paul Hansen s’est établi au Canada, où il est le concierge, l’homme à tout faire, et le confident des habitants d’une grande résidence de Montréal. Jusqu’alors heureusement partagée entre son travail et sa compagne Winona, une Irlando-Algonquine qui sillonne le pays à bord de son petit avion coursier, sa vie bascule lorsqu’un nouvel et insupportable arrivant reprend la gérance de l’immeuble. Poussé à bout, Paul commet l’irréparable et se retrouve en prison, dans la cellule d’Horton, Hells Angel condamné pour meurtre.





Construit en incessants allers-retours entre la prison et le passé que Paul ressasse depuis sa cellule, le récit retrace pas à pas ce qui a mené cet homme à perdre le contrôle de sa vie. Remontant ainsi à la tendre enfance du narrateur pour revenir peu à peu au présent, l’histoire enchaîne des tableaux tous plus saisissants les uns que les autres : d’une église ensablée au Danemark à un petit cinéma de quartier dans la France des années soixante-dix, d’une mine d’amiante à ciel ouvert au survol de lacs enneigés ou enchâssés comme des émeraudes dans les forêts québecoises, des entrailles d’un immeuble cossu à celles d’une prison où l’humanité réussit à refleurir sous les cendres de vies saccagées, chaque ambiance est sans pareille et vous transporte d’étonnements en dépaysements, dans une succession d’univers restitués avec une singulière puissance d’évocation.





Une profonde humanité et une vraie tendresse pour les personnages imprègnent les pages : campés avec la plus grande justesse, ils prennent corps au point de paraître parfaitement réels. Ils nous distillent des dialogues savoureux aux sonorités étonnamment authentiques, en particulier Horton, dont les reparties brutes de décoffrage révèlent une désarmante fragilité et une sincérité naïve pleine de bon sens qui fait souvent mouche. Curieusement, alors que les hommes sont tous les jouets malheureux de sorts souvent contraires, les femmes de ce roman savent imperturbablement tenir leur cap.





Ajoutons à tout cela le délicieux plaisir des mots et des tournures merveilleusement choisies, un humour irrésistible qui ne vous empêchera pas de verser quelques larmes, et vous regretterez d’être déjà parvenu à la dernière page de cet envoûtant livre coup de coeur.


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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Jean Paul Dubois, je confesse que je l'aime d'amour, ce gars-là. 



J'aime sa mélancolie, aussi douce que profonde, j'aime les "Paul " de ses romans, des anti heros de toutes origines qui détestent les ascenseurs, l'argent, le management, les plannings, qui aiment les chiens et les gens-  les humbles, les vieux, les débiles, les paumés,  les taulards-  et sont des losers magnifiques et des amis sans faille.



 J'aime sa petite musique , ironique et déchirante qui me fait pleurer de rire et pleurer tout court... aucun de ses livres ne m'a jamais ennuyée,  ils m'ont tous apporté un petit supplément d'âme, une petite parcelle d'humanité,  et par les temps qui courent ce n'est pas un apport négligeable.



J'ai bien retrouvé tout ça dans son dernier livre mais sans éprouver l'enthousiasme inconditionnel de mes précédentes lectures...



Alors avant que tous les aficionados de Jean-Paul Dubois ne m'étrillent le cuir,  façon Davy Crockett avec un vison tout frais, et  ne crient à la trahison, je vais essayer de m'expliquer...



L'histoire de Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon se passe au Québec:  je vais donc m'inspirer d'un film que j'avais vu,  en joual non sous-titré, à  Montréal,  et qui s'appelait L'eau chaude, l'eau frette...



Côté eau chaude:

- l'humour tenace, le désespoir discret-  le style Dubois, parfait, léger sans être superficiel, profond sans être lourd.

-  l'amour des vraies gens et l'amour des chiens -pas besoin d'ajouter "vrais", c'est toute sincérité et toute franchise, un chien, ça ne feinte jamais!

- l'anti héros loser, un Paul, encore,  taulard gentil, ex-homme à tout faire d'un condominium, une résidence de luxe avec jardin et piscine,  un rincé par la vie qui garderait intactes ses facultés d'amour, de naïveté , de générosité.

- une chienne trop gnon, trop douce, trop mimi, qui confie ses impressions du jour  en fourrant son nez sous le coude de son maitre. 

-un codétenu, Horton,  sorte de Samson sans trône -quoique...le trône soit l'endroit où  il se montre le plus inspiré ! - absolument irrésistible,  dont les interventions, le naturel confondant, et la présence ont rendu encore plus exaspérantes ses éclipses dues au découpage "scénaristique" dont je me dispose à parler

-

Côté eau frette:

- un putain de découpage, en effet, un kriss de découpage scénaristique tout droit sorti d'un stage de novel writing à  l'américaine - un coup je te balance mes souvenirs d'enfance, un coup je reviens dans ma chtite zonzon avec mon hell's angel de coloc' !-

( On a vu ça dix fois, Jean-Paul, à quoi tu pensais?)  Bref, ça m'a gonflée qu'un chum comme Jean-Paul fasse le niaiseux avec ce truc pitoyable...

- un roman du père qui n'en finit plus,  et fait attendre le roman du fils,  autrement mieux torché,  mais si lent à venir qu'on est presque déçu,  kâliss, en le découvrant - genre tout ça pour ça? Tu comprends-tu?

- des personnages auxquels on ne croit pas- l'aviatrice -algonquine- as- du -manche- à- balai qui vous pose un hydravion sans casse sur le lac le plus gelé , le pasteur sans foi devenu  gambler frénétique, qui perd à la roulette tous les deniers du culte, kâliss d'hostie!



Et vous savez quoi? L'eau chaude pis l'eau frette, ça fait de l'eau tiède...



 J'ai même pas pu me laisser prendre par les bons sentiments tant ça me paraissait un robinet d'eau tiède , justement,  je ne suis pas arrivée à  me laisser  attendrir par mon Dubois que j'aime, par mon Paul et sa chienne, par mon motard hilarant...



Je me suis ENNUYÉE , là,  je l'ai dit, je me suis ENNUYÉE sur le dernier bouquin de mon Jean-Paul Dubois à moi que j'aime, c'est une chose pas croyable, tu comprends-tu?



NB : Et pis aussi, Jean-Paul, dans tes dialogues de taule ou de condo', pourquoi pas le moindre mot de joual? Pas la plus petite touche de  couleur locale? C'est ben l'fun, le joual,  pourtant! Ils  parlent tous comme s'ils sortaient des grandes écoles françaises, kriss kâliss d'hostie!! ..







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La succession

« Je regrette de ne pas avoir su trouver ma place. »

« Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière. »



Tout est là…enfin presque. Pour en arriver à ces constatations existentielles assez définitives, il faut suivre les aventures de Paul Katrakilis, quadra toulousain un tantinet déboussolé, médecin de formation comme son père et son grand-père ; éprouver son bonheur de pratiquer en pro la cesta punta à Miami tout en vivant au jour le jour ; apprendre le suicide du paternel et finalement revenir en France pour affronter les fantômes familiaux qui ont tous choisi le suicide pour tirer leurs révérences.



On fait plus enthousiasmant comme trame romanesque.



Et pourtant, ce roman est diablement efficace, enlevé, oscillant avec brio en permanence entre humour et gravité.

Il faut dire que le personnage principal est attachant malgré sa solide dose de mélancolie, voire de dépression. La fantaisie n’est jamais loin malgré un propos mordant et foncièrement triste. C’est cette subtile alchimie qui m’a plue et me poussera à tenter à nouveau l’expérience Jean-Paul Dubois.



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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Jean-Paul Dubois n'oublie jamais d'ironiser gentiment sur les malheurs qui s'abattent inévitablement sur l'homme. Ainsi son héros mélancolique et un brin caustique, Paul Hansen, de sa prison où il purge une peine pour on ne sait quel crime (on le découvre par la suite) raconte que, fils d'un pasteur danois et d'une mère toulousaine propriétaire d'un cinéma d'art et d'essai, s'il a eu des moments de bonheur dans sa vie professionnelle et familiale, il a aussi subi des coups du sort et est resté l'enfant marqué par la mésalliance fondamentale de ses parents.



Des aléas de vie et des discordances qui sont le lot de tous les personnages du livre, mais surtout de Paul — si proche de Jean-Paul Dubois, semble-t-il — qui dresse un constat désabusé mais néanmoins affectif et indulgent sur ses proches et sur le monde qui l'entoure. Humanité qu'il se garde de juger, même s’il n’est pas dupe de l’abîme de bassesse de certains, convaincu que chacun s'efforce d'être au monde avec une foi fluctuant au gré des doutes et désillusions (ce qui pourrait, en y réfléchissant bien, constituer le sel de l'existence).



" Il suffit de prêter son attention et son regard pour comprendre que nous faisons tous partie d’une gigantesque symphonie qui, chaque matin, dans une étincelante cacophonie, improvise sa survie. "
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La vie me fait peur

Paul Siegelman s’est toujours laissé porter par la vie, laissant les choses avancer d’elles-mêmes sans jamais réellement s’en mêler. Un événement imprévu vient pourtant soudain secouer sa quarantaine jusqu’ici sans histoire. Dans l’avion qui l’emmène à Miami où réside désormais son père, il entame une introspection qui pourrait bien déboucher sur un tournant majeur dans son existence…





Chaque livre de Jean-Paul Dubois n’est « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre ». Les obsessions de l’auteur nous emmènent une fois de plus aux côtés d’un homme prénommé Paul, à la dérive d’une existence toute tracée qu’il suit passivement, comme réfugié dans une sorte d’absence, commode mais au final assez ennuyeuse. Seul un séisme personnel le forcera à sortir du cadre dans lequel il paresse distraitement, à enfin prendre des risques et des décisions, à vivre en définitive.





L’on retrouve avec amusement les ingrédients des autres romans, accommodés d’une manière chaque fois étonnamment renouvelée. L’élégance et l’humour de la plume opèrent avec le charme qu’on est toujours sûr de trouver dans les pages de cet écrivain, au point que chacun de ses ouvrages évoque aussitôt la promesse d’une vraie délectation, le plaisir de s’installer dans un bon vieux fauteuil familier et confortable, pour une soirée de connivence aussi légère que profonde, aussi drôle que mélancolique.





Par bonheur, la bibliographie de Jean-Paul Dubois me réserve encore de nombreuses découvertes, que j’ai bien l’intention de savourer une à une. Coup de coeur.


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Si ce livre pouvait me rapprocher de toi

Le narrateur et écrivain Paul Permülter est au bord de la dépression. Fraîchement divorcé et sans enfant, il dresse à cinquante ans le bilan d’une vie creuse et stérile, qu’il résume avec morosité aux quelques décimètres cubes de papier où loge toute son œuvre. Il décide de secouer ce quotidien qui ne le satisfait plus, en partant à l’aventure outre-Atlantique. Après plusieurs petits boulots aux Etats-Unis, il atterrit au Canada, dans la région des lacs où son père s’est noyé il y a bien longtemps. Son parcours ne tardera pas à l’emporter bien au-delà des traces paternelles, par ailleurs pleines de surprises…





Il aura fallu l’âge mûr, et tout le poids de ses désillusions et de sa solitude, pour que Paul en arrive à affronter ses peurs et ses démons, passage obligé pour enfin devenir lui-même et trouver la sérénité. Loin de son ancienne vie bourgeoise et au gré des imprévus d’une bourlingue sans but précis, son voyage va s’avérer un parcours aussi bien intérieur et personnel qu’intercontinental. Au fil de multiples rebondissements et de rencontres marquantes, Paul nous embarque ainsi dans un récit d’aventures qui, le confrontant d’abord à ses semblables, puis à la nature grandiose du Canada, et enfin à lui-même, monte peu à peu en puissance pour s’achever dans une apothéose haletante.





Captivé à ne plus pouvoir lâcher le livre, le lecteur s’attache à ce personnage en perdition, qui devra d’abord régler ses vieux comptes avec son père pour trouver ensuite le courage de vaincre ses propres ténèbres. Le charme du récit doit beaucoup au talent narratif de l’auteur et à son style. L’écriture de Jean-Paul Dubois est toujours un régal de perfection et de dérision, qui vous envoûte et vous fait regretter de déjà tourner la dernière page. Du coup de foudre de mon premier titre « duboisien » à mes coups de coeur successifs dans ma découverte de ses autres romans, cet écrivain n’est pas prêt de quitter le panthéon de mes auteurs favoris. Coup de coeur.


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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

4 novembre 2008, alors que les États-Unis célèbrent l'élection de Barack Obama, Paul Hansen, lui, est incarcéré à la prison de Bordeaux, à Montréal. Deux ans qu'il croupit en prison et neuf mois qu'il cohabite avec Patrick Horton, un Hells Angel, à l'humeur changeante, incarcéré pour meurtre (dont, évidemment, il est innocent). Dès que celui-ci apprend les raisons de l'enfermement de Paul, il cherche à en savoir plus sur l'homme. Une occasion pour Paul de se souvenir et se rappeler à lui ses morts tant aimés : son père, Johannes, pasteur danois; sa femme, Winona, mi-Indienne, mi-Irlandaise; son chien, Nouk...



Paul Hansen est en prison. Son motif d'incarcération, on l'apprend bien plus tard. Et ce n'est pas là l'essentiel de ce roman mais bien la vie de ce Paul Hansen. De sa naissance à Toulouse en 1955 à son boulot de superintendant à L'excelior en passant par son enfance auprès d'un pasteur danois et d'une mère, propriétaire d'un cinéma, féministe, sa découverte du Danemark et du Canada ou encore sa rencontre avec Winona, pilote hors-pair qui deviendra sa femme, l'on prend un réel plaisir à découvrir Paul. Un homme très attachant, empreint d'humanité, infiniment dévoué à son travail et aux habitants de L'Excelsior. Et une vie faite, inévitablement, de hauts et de bas, avec ses petits bonheurs et ses grands chagrins. Outre Paul, l'on se délecte de l'humour ravageur de Patrick Horton, un compagnon de cellule pour le moins inoubliable. Jean-Paul Dubois nous offre un roman d'une grande finesse, tendrement désespéré et tristement beau.
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La vie me fait peur

Il y a précisément trois types de lectures chez moi : les lectures-ci les lectures-ça, et les lectures Dubois. Le schéma est toujours le même, j'entame une alternance entre les deux premières un temps plus ou moins long, et je reviens à la troisième pour un ravitaillement maison. Parfois cela peut être une relecture, et puis d'autres fois c'est une relecture. Vu qu'il écrit toujours à peu près la même chose.



Voici Paul en vol pour Miami, la quarantaine, parti annoncer à son père qu'il s'est fait virer par sa femme de sa propre entreprise de fabrique en tondeuses à gazon. Rien de tel que de prendre de la hauteur pour faire un retour introspectif sur soi et sa vie, tirer les ficelles du souvenir pour mieux cerner la crise de middle-life.

Est-il utile de préciser que l'on retrouve les ritournelles de Jean-Paul Dubois : les tondeuses à gazon, les aléas du couple, Paul, les poulets maison. Et son ton désabusé bien sûr (« J'ai foi en un certain nombre de chose, comme la patience, le respect, le silence et même le mensonge. Mais je me défie de l'amour, ce sentiment hallucinogène éphémère qui paralyse l'esprit, et vous laisse ensuite pour mort, dans la posture de l'électrocuté »). Sauf qu'ici j'ai eu l'impression de me trouver face à un roman qui cristallise ses leitmotivs, une espèce de roman base de sa quête obsessionnelle.



Un crû de 1994, certes pas le meilleur, loin de là. Des longueurs, comme s'il avait fallu combler pour atteindre les sempiternelles 240 pages (une autre habitude là-aussi). Pour voir au meilleur, il faudrait je crois se tourner vers les derniers. Difficile de dire d'ailleurs en quoi ils seraient meilleurs, peut-être le cocasse y est-il plus présent, l'écriture plus incisive, le désenchantement poussé à son paroxysme. Je sais pas, et puis je m'en fous un peu à vrai dire. L'important pour moi au final est de pouvoir le retrouver après mes lectures comme ci ou mes lectures comme ça.

A se demander si l'obsession, elle serait pas plutôt chez moi.

Faudrait que j'en parle à mon psy.

Et qu'il vienne pas me raconter que ce besoin de me retrouver en gazon connu, c'est justement parce que « La vie me fait peur ».
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

J'ai toujours le sourire aux lèvres et le coeur en émoi quand j'entame un roman de Jean-Paul Dubois...



J'aime ses personnages atypiques, un peu perdus dans l'existence, maladroits dans l'expression de leurs sentiments, si humains, si émouvants.



J'aime l'humour, léger et décapant à la fois, qui accompagne avec bonheur la description lucide des travers de notre société.



J'ai tout de suite apprécié Paul Hansen, incarcéré dans une prison de Montréal pour deux ans. Nous n'apprendrons qu'à la fin la raison de son emprisonnement. Alternant le présent carcéral et les souvenirs qui affluent, peuplés des trois fantômes des êtres qui ont compté pour lui: son père, pasteur d'origine danoise, sa femme amérindienne, sa chienne Nourk, il m'a totalement conquise.



Il y a l'inénarrable Patrick, son co-détenu, qui a souvent déclenché chez moi des crises d'hilarité, entre son interprétation toute personnelle -et ma foi pertinente- de la Bible, le spectacle scatologique qu'il offre à Paul, sa passion d'Hells Angel pour les catalogues de motos.



Il y a le lien si tendre de Paul avec sa chienne, qui comprend tout et lui parle.



Il y a les vols magiques, avec Winona, à bord de son aéroplane. Et son porte-bonheur, l'oiseau-mouche.



Il y a un père, doux rêveur nordique, ayant perdu sa foi mais pas le goût des mots, lui qui avouera:" Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon" . Quelle phrase magnifique et juste!



Vraiment un beau roman, prenant, entre rires et larmes aux yeux, porté par une histoire addictive! Un excellent cru!

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Vous plaisantez, monsieur Tanner

Certains le savent et je n'en fais pas mystère: les maisons m'ont beaucoup préoccupée ces temps derniers et me préoccupent encore.



Il fallait tout l'humour de Jean Paul Dubois - dois-je redire que je l'aime d'amour, ce gars-là?- pour arriver à me dérider sur le sujet, surtout depuis que , livrée à la solitude dans ma vieille maison d'Aubrac confinée ET enfouie sous des tonnes de neige- un pléonasme local-, je me distrais comme je peux en convoquant pour des devis improbables et des travaux aussi pharaoniques que chimériques, une série d'artisans dubitatifs et peu empressés que je supplie, entre autres, de me protéger des vents d'autan redoutables qui secouent ma porte d'entrée et s'infiltrent dans les interstices mal joints des vieux battants fourbus, me contraignant, par ces frimas, à boucher la (trop) vaste serrure avec du sparadrap et à tendre des couvertures de déménagement, désormais sans objet, entre des gonds archaïques, au mépris le plus total de mon sens esthétique, révolté mais impuissant!



Les démêlés de Paul Tanner avec une série de corps de métier (et des drôles de corps, je vous l'assure, appelés surement par des Erinyes vengeresses sur la tète du pauvre Tanner, on ne s'explique pas autrement un tel acharnement du sort, une scoumoune aussi obstinée) ont de quoi faire pâlir le plus optimiste des propriétaires de vieille baraque à restaurer, l'entrepreneur de travaux le plus confiant dans la compétence professionnelle des escrocs patentés auquel il a recours, et le chef de travaux le plus naïf à l'égard de la nature humaine.



Mais ces démêlés sont racontés avec une telle auto-dérision, un sens de la formule si réjouissant (je vous renvoie à la citation du plombier kurosawesque!), une si belle allégresse dans l'hyperbole et l'accumulation qu'on est littéralement mort de rire en les découvrant, sans la moindre pitié pour ce pauvre Tanner à qui, méchamment, on souhaite d'autres électriciens russes "détraqués du caleçon", d'autres Chavolo et Dorado avec meute de molosses et calendriers de bimbos Pirelli, et même un autre Harang, plombier martyre de son perfectionnisme, afin qu'ils prolongent son chemin de croix... pour notre plus grand bonheur!



Un livre joyeux, enlevé, truculent dont le héros, accablé par une Némésis artisanière, et non artisanale, nous renvoie une image réjouissante de nos impuissances à maîtriser le réel.



Merci à toi, Jihef, qui fus l'artisan , (un artisan compétent et efficace cette fois), d'une pause joyeuse dans mes soucis domestiques!



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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Voilà des semaines que j'attendais mon tour pour lire ce nouveau Dubois, et voilà que je le récupère enfin… en plein mois de mars 2020.



Or donc là, moi je dis « il n'y a pas de hasard » et « en voilà un bouquin qui fait du bien ». Parce que ce récit se déroule pour partie en prison (bouge pas, je m'explique) et que quand le héros relate ses conditions de détention avec – entre autres – le popo routinier de son collègue de cellule dans leur « condo » de 6 mètres carrés, tu te dis que quelles que soient les modalités de ton confinement perso, tu es peut-être assez bien loti finalement.



« Et donc, le popo du coloc balèze et décomplexé, c'est tout ce que tu as retenu de ce chouette roman ? » Pourrait-on m'avancer...



« Point du tout », m'empresserais-je de rétorquer.



Mais je ne suis pas là pour te raconter le bouquin, seulement pour donner mon avis, même si chez moi, quand il s'agit de Dubois, toute velléité de verdict objectif présente une tendance chronique à se faire la malle.



Pourtant il faut admettre en toute impartialité (bien sûr) que ce nouvel opus réunit à nouveau tout ce qui fait le charme de cet auteur que j'aime : sensibilité, humour et sens de l'absurde, authenticité et humilité, deux qualités qui me touchent particulièrement chez JiPé et qui hélas désertent parfois les propos de ses quelques détracteurs.



Bien sûr ça fait genre aussi de débiner les prix littéraires en général et les Goncourt en particulier. Mais moi de toute façon le Goncourt je m'en fous, car ce Goncourt-là, avant d'être un Goncourt, c'est d'abord un Dubois. Un Dubois qui cette fois encore ne m'a pas déçue, loin de là.




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Une vie française

Il est temps de revoir la grande Histoire de la Vème République autant que les petites histoires de Jean-Paul Dubois. Je peux maintenant citer dans l’ordre tous les présidents de ces derniers temps, les deux intérims d'Alain Poher compris, des présidents qui marquent la vie de Paul Brick, grand photographe d’objet inanimé. De Gaulle est président, son frère est mort, et la vie de Paul, encore adolescent bascule dans un monde où sa mémoire sera toujours présente, où le cynisme de la vie prend le dessus, où je découvre une autre fonctionnalité d'un rôti en famille. La belle époque, ce de Gaulle et mai 68, une autre adolescence que je vis ici par procuration en écoutant Curtis Mayfield, le temps du Québec libre et de la chienlit. Avec Pompidou, c’était une autre paire de manche, pas la peine de s’astiquer le manche, il avait moins de couilles que le Général.



Si je traverse la vie des présidents aux travers de leurs petites magouilles présidentielles et autres travers politiciennes, me pourléchant les babines et me léchant mon majeur après des travers de porc, je découvre surtout celle de Paul Brick que je vois évoluer dans sa petite vie, du gars boutonneux méprisant Ash Ra Tempel et Jetho Thull au quinquagénaire accompli mais pas forcément plus heureux. La faute à cette vie, cette putain de vie, WTF, qui a commencé par le rôti de Mme Rochas. Il faut bien un facteur déclencheur, source d’initiation autant physique que spirituel. Un rôti peut conditionner toute une vie, je te l’assure.



Seconde expérience Jean-Paul Dubois, et j’en redemande déjà… Le début d’un long roman, d’une belle histoire comme la passion de la famille Rochas pour le rôti de bœuf de la Boucherie Centrale. Je te le répète, le rôti est au centre de tout, de la table, du roman et de notre monde aussi. Le plaisir est à chaque page, ou presque – je ne peux pardonner à l’auteur de citer Pink Floyd comme un groupe affligeant comme une envie de déchirer la page et de la fourrer dans le rôti pour qu’il s’étouffe avec. Parce qu’après tout, j’aime bien Curtis Mayfield, comme j’aime bien America ou Kraftwerk. J’ai une place pour tous ces groupes dans mon cœur et dans ma discothèque, classée par genre et par interprète. Beaucoup de musiques dans la première partie de sa vie, des silences de plus en plus omniprésents par la suite. Je me reconnais forcément dans la vie de Paul Brick, souvent incomprise, et j’avoue que la classification de ma discothèque a toujours également été un véritable casse-tête que je n’ai toujours pas résolu, constamment insatisfait par les choix qui m'ont été de faire.



J’entends les haricots verts qui grésillent dans la poêle, un peu de sel, un peu d’ail. J’ouvre la porte du four, une vapeur chaude embrume mes lunettes, le rôti commence à caraméliser sur ses contours. Un certain plaisir me submerge, plaisir simple et gourmand, décapsule une bière et insère mon disque de Curtis sur la platine…



Une vie désabusée. Paul Brick qui ne sourit plus à la vie, la déprime facile, la vie, putain de vie, désenchantée. Cynique et morose. Drolatique et corrosif. La sinistrose à son firmament. Mais une vie où la musique et les silences ne l'ont jamais quittés. (Dont Worry) If There's Hell Below, Were all Gonna Go...



Tu reprendras bien une tranche de rôti ?
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Si ce livre pouvait me rapprocher de toi

C’est un de livres préférés de Jean-Paul Dubois, avec son titre compliqué dans lequel chacun peut réaliser le rapprochement personnel qu’il désire. Une belle histoire riche et variée, avec une fin dans les majestueux décors du Canada que l’auteur transcende par la poésie de son écriture.



Le héros du roman est écrivain, à la cinquantaine, pris dans ses démons, il part outre-atlantique pour y vivre autre chose. Cette bascule de la vie l’amène vers de multiples rencontres, des partages enrichissants, surprenants quelquefois, toujours décrits avec une plume alerte capable de traduire les sentiments les plus enfouis et de les faire remonter à la surface de l’âme.



Les descriptions de la nature sont tout simplement belles, les arbres, les lacs, les silences de la forêt canadienne incitent à la méditation et peu à peu le lecteur participe à la quête du héros qui veut voir le lac où son père s’est noyé et y trouver peut-être une présence ou, en tout cas, ressentir différemment l’absence.



C’est aussi le roman de l’âge dit mûr, le tournant de la vie, et Jean-Paul Dubois sait parfaitement exprimer ces états d’âmes qui saisissent l’homme tôt ou tard. Il le fait avec un réalisme et un souci de traduire un vécu, le sien en partie sans doute.



Pour ma part, ce livre m’a vraiment rapproché de son auteur.



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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

D'habitude, j'aime pas les titres à rallonge.

D'habitude, j'aime pas les Goncourt.

D'habitude, j'aime pas qu'un auteur soit tellement cossard qu'il appelle tous ses héros Paul.

D'habitude, j'aime pas les habitudes.

J'ai donc aimé ce Dubois, CQFD.



C'est l'histoire d'un mec, il a pas eu d'bol.

Sinon, il serait pas en prison, même si on le sait tous, elles sont blindées d'innocents.

C'est donc là que végète Paul (quelle surprise) en compagnie de son pote de chambrée un brin sociopathe, Horton.

La taule, c'est long. Pesant, aussi, mais unanimement interminable.

Ça laisse beaucoup de temps aux méninges pour turbiner, encore et encore. Et puis ça occupe.

Paul se souvient. D'où il vient, tout en subissant les frasques journalières d'un coturne à l'imprévisibilité du colon comme du physique aussi soudaine que violente.

Guide de survie en milieu carcéral : sur les Harley, tu ne t'étaleras point, surtout si t'y entraves que dalle.



Jean-Paul Dubois, pour moi, c'est à ce jour La Succession, et basta.

Lorsqu'on garde un souvenir éclatant d'une lecture récente, on y retourne sans trop se poser de questions, prix machin ou pas prix trucmuche.



Ce Paul Hansen m'a enchanté. Attristé également.

Écartelé entre une mère passionnée, éprise de cinéma et de liberté, et un père pasteur, un peu moins jouasse au quotidien, Paul aura poussé sur un terreau quelque peu bancal, traçant un sillon chargé d'humanité et de tragédie.



Le destin est facétieux, entend-on maintes fois déclamé entre deux petits fours un peu trop arrosés lors du pot de départ de Paul (comme par hasard). Je dis non, il est un infâme connard, générateur de trop nombreuses désillusions.

Pouvait pas laisser ce Paul à la place de superintendant qui lui était idéalement dévolue alors qu'il caressait sa bien-aimée et chérissait son chien, ou peut-être bien l'inverse.



Le ton se veut nostalgique et amer, mais pas que.

Grâce aux régulières saillies d'un Horton rarement le dernier en matière de cocasserie gratinée, Jean-Paul Dubois désamorce et allège un karma qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi. Arf, en y repensant, y aurait bien Jean-Eudes, en primaire, qui avait le don de me faire bisquer en faisant habilement passer une gomme double face pour de la guimauve bicolore...Mais non. Rien de comparable avec les blagounettes Hortoniennes...



Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, non.

Tous les écrivains ne pondent pas d'inlassables ritournelles glaçantes sur l'hiver qu'est bien précoce et rudement rude cette année.

Ce qui fait possiblement la différence entre un Goncourt et un con gourd.
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Paul Hansen sait pourquoi il cohabite désormais dans une cellule de Montréal évidemment trop exiguë, surtout pour Patrick Horton son codétenu au format bien réel d'homme et demi d'Hells Angel, prêt à diviser en deux tout représentant de l'humanité qui ne lui convient pas, mais exiguë peut-être aussi pour les visites inopinées de ses chers fantômes de Nouk le chien, Winona sa femme indienne, ou son pasteur de père Danois. Le lecteur quant à lui attendra la fin de son récit pour le savoir, comment il s'est retrouvé ici, lui le paisible et dévoué factotum de l'Excelsior que rien ne prédestinait à ça. Juste le temps pour Paul de remonter le fil de son histoire, dans une alternance narrative délicatement huilée entre les murs de son présent et sa biographie virevoltante, où l'on visite Toulouse et le cinéma de sa mère, le Danemark pour les origines de son père, pour finir par son exil au Québec.

Et c'est à peu près sous ces auspices que l'on se laisse bercer par cette histoire simple et savoureuse, à musarder au gré d'une prose subtile et feutrée, tout en sachant à l'avance que tout cela va mal tourner, très mal même au vu du nombre de fantômes dans le parloir imaginaire de sa cellule. Et si le récit ne joue pas vraiment sur la tension du suspens pour nous maintenir en douce urgence, c'est sûrement grâce à la sérénité de l'écriture, mais aussi la cocasserie désinvolte des événements, sans oublier les fresques obsédées du monde matériel, ni les personnages. Ça croustille de truculence humaine sans être caricaturale, à commencer par le tonitruant Horton à la philosophie pétaradante, mais aussi Kieran Read -un des soixante-huit résidents de l'Excelsior, un « Casualties Adjuster » au besoin d'épanchement inaltérable, ou la chère Winona aux origines Algonquines, entre autres. Et ça palpite aussi de tendresse, en catimini.

Bref, tout ça pour dire que je me suis régalé une fois de plus. Il est des auteurs dont je me lasse, à percevoir leur redondante manière de procéder. Il en est un dont je ne me lasse pas, malgré sa plus que redondante manière de procéder : encore un Paul, un peu de tondeuse à gazon, une histoire de chien attachante, une bonne pincée de Toulouse, 240 pages écrites sûrement un mois de mars à raison de 8 par jour...



La docimologie a révélé l'imperfection des notations, je mets donc un cinq sans sourciller. Plus un point bonus pour le chouchou.
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L'Origine des larmes

Du Réel.



Jean-Paul Dubois fait partie de ces auteurs dont j'ai lu tous les ouvrages et dont j'ai tout aimé. Ou presque. Il y a « Hommes entre eux », par exemple, qui rentre dans ce que j'appelle pompeusement les périodes « off ».

L'Origines des larmes en fait indéniablement partie.

Je tiens à présenter par avance mes excuses pour le ton pompeux, légèrement ampoulé de ce petit billet sur lequel le nouveau style de mon cher auteur a déteint.

Je ne m'y attendais pas, il m'a pris par surprise. Il faut parfois un peu de temps pour rentrer dans un Dubois. Mais tout de même, là il a fallu de je retrouve mon Dictionnaire des mots rares et précieux !! Jugez vous-même:

Chancissure, cryptogamique, controuvé, ergastule, érubescence, aristarque, épiphora, conjonctivochalasis, baltique, péricaryon, tronies, empyreume, enbata, galerne, acide ursodésoxycholique etc.

Voilà par exemple pour les mots. Mais il faut aussi compter sur l'érudition des références :

Samuel Taylor Coleridge, Thomas a Kempis (connu pour un livre surprenant intitulé L'Imitation de Jésus-Christ) , Arnaud d'Amaury, Salomon van Ruysdael (peintre flamand du fameux Après la pluie) , Dag Hammarskjöld, Bo Besko, Kim Tschang-Yeul (l'homme qui peint des gouttes d'eau et dont le musée est sur l'île de Jeju, au sud de la Corée du Sud, où j'ai eu la chance d'aller) et tout est à l'avenant.



Et si c'est pour le moins déconcertant, il faut dire qu'on s'y fait rapidement en épousant la personnalité de notre anti-héros, Paul Sorensen.

Vous le savez peut-être, il y a des récurrences dans l'oeuvre de Dubois : les personnages principaux se nomment Paul ou Jean-Paul, on y rencontre des chiens et des avions et même assez souvent des tondeuses à gazon…



Paul est né en 1980. Sa mère et son jumeau n'ont pas survécu à sa naissance. Il a été élevé à…Toulouse (évidemment!) par le pervers, l'odieux, l'abominable Lanski, son géniteur. Mais aussi par l'aimable Rebecca, sa mère adoptive. Marta, la mère biologique, lui lègue ...son patronyme.

L'action se déroule en 2031. Après une longue période de sécheresse, il pleut continuellement depuis deux ans. Paul a repris l'entreprise de Rebecca à la mort de celle-ci et vend des housses mortuaires très haut de gamme. L'entreprise, Stamentum, se porte à merveille en ces périodes troubles.

Mais voilà, Paul est jugé pour avoir tiré deux balles dans la tête de son père déjà mort et gisant à la morgue.

Il sera condamné à une obligation de soins : pendant un an, il devra être suivi par un psychiatre pour cet étrange parricide.

L'action (si l'on peut dire, il ne se passe pas grand chose…) peut se dérouler tranquillement .

Au fil des quatorze séances, Paul va se confier plus ou moins aimablement au Dr Frédéric Guzman qui souffre, lui, d'un sévère épiphora : son oeil droit pleure, pleure sans arrêt.



Ce livre est une réflexion puissante et, comme toujours chez l'auteur, drôle et désabusée, sur…l'origine des larmes.

Il y aura beaucoup d'eau, on y parlera beaucoup de la mort mais le vrai sujet est ailleurs, bien sûr. Ce livre est une aimable dissertation sur le réel. Mine de rien. Aux détours de toutes ces histoires d'intelligence artificielle, de maladies à prions, de photos de jouets et de l'incroyable chien Watson. L'épisode le concernant est un petit morceau d'anthologie, extrêmement drôle, sans doute le meilleur moment du livre.

Il y sera beaucoup question de Nom du Père à partir de l'abominable Thomas Lanski à la fois omniprésent et forclos, doublement forclos, on le comprendra lors de ces fameuses séances. La relation qui va s'installer entre Guzman et Paul aura de quoi surprendre !

Je disais donc le réel ou le Réel, comme vous voudrez, qui fait dire à Paul, retournant l'aphorisme : « Pourquoi y-a t'il Rien plutôt que quelque chose ? »



Je ressors songeur de ce livre mélancolique, vous laissant mes impressions à chaud. S'il n'a rien à voir avec « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon » qui lui a valu le Goncourt 2019, ce n'est pas pour autan un livre d'intello. Un peu quand même. Disons d'intello semi-dépressif alors. Mais parfaitement abordable, dès lors qu'on aura compris qu'il s'agit de second degré !



Mais bon, ne boudons pas notre plaisir!

Dubois tisse une oeuvre aussi déroutante que passionnante, en dehors des chemins battus, et bientôt en alerte submersion permanente…



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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Paul Hansen, fils d'un pasteur danois et d'une française gérante d'une salle de cinéma Art et Essai reconvertie dans le porno, est incarcéré au pénitencier de Montréal. IL y partage la cellule de Patrick Horton, un biker déséquilibré...

Paul profite des longues journées d'inactivité et des nuits sans sommeil, où ses morts, son père, sa compagne et son chien, viennent le retrouver, pour essayer de comprendre comment il est arrivé là.



Premier roman de Jean-Paul Dubois que je lis, près de trois ans après que celui-ci ait obtenu le prix Goncourt.

J'ai apprécié la construction du récit, faite d'allers-retours entre le présent de la prison, et le passé du personnage central, qui entretient jusqu'à la fin le suspense sur les causes de son incarcération.

Le personnage de Paul, avec toutes ses interrogations, est attachant. Les personnages secondaires exhibent sans trop de pudeur leur beauté (Winona, le chien, les premiers employeurs) ou leurs failles (le père, le codétenu, le dernier employeur).

L'intrigue n'est pas palpitante ; il y a très peu d'action. Il s'agit là d'un roman de réflexion sur l'évolution d'un homme, et le poids de son environnement dans cette évolution.

J'ai beaucoup aimé la simplicité de l'écriture, directe et sans fioriture inutile. Cela contribue grandement au plaisir de lecture.

Je ne suis pas un grand fan des Goncourt, mais le prix a mis là en valeur un roman de qualité.




Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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