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Critiques de Jean-Paul Dubois (1979)
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Alors qu'on élisait Barak Obama aux Etats Unis, Paul, fils de Johanes le pasteur, est transféré à la prison de Montréal afin d'y purger sa peine. Il partage sa cellule avec Patrick, un Hell Angel un peu particulier .



Avec son perpétuel aller-retour entre sa vie en prison et le récit de son histoire, le roman laisse parfois perplexe, d’autant que les sauts de l’un à l’autre sont parfois brutaux, mais on finit par s'y habituer. L’histoire de Paul, elle, est au moins chronologique et servira de fil conducteur à la (re)visite divers moments historiques. Il faut admettre que tout n’est pas toujours passionnant et que le roman connait un coup de mou au milieu notamment lors de leur arrivée au Canada et la perdition de père dans le l’engrenage du jeu. Mais Jean-Paul Dubois a une qualité inestimable pour un écrivain, il sait conter, et donner vie à ses personnages.

On se laisse vite embarquer dans cette vie qui n’a pourtant pas grand-chose de trépidante, mais qui permet d’aborder différents sujets de société et de pans de l’histoire, jusqu’à nous mener à un final jubilatoire.



De l'humour, beaucoup d'empathie, de tendresse chez cet homme à qui la vie ne fît pourtant pas de cadeaux.



Pas parfait, ce roman m’aura été quand même un agréable moment de lecture avec ce qu’il faut de découverte, de poésie, d’émotion, de petits messages sur le genre humain et sur le fonctionnement de la société.
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Qu’a donné pour moi la lecture du dernier Goncourt au titre aussi poétique qu’interminable ?



Tout d’abord, j’ai ressenti un grand plaisir de lecture grâce aux phrases ciselées, au style profond mais pas lourd, léger mais pas superficiel. Ensuite, m’a plu ce « pur », ce « bon » sentiment à tous les étages à l’égard des êtres simples et sincères, sans pathos pourtant à aucun moment.



Les personnages bien aiguisés et en bonus une rencontre improbable entre un anti-héros-loser et un gentil-taulard – dur-de-dur Hells Angel pathétique qui s’évanouit quand on lui coupe les cheveux se révèlent tous attachants.



Les voyages au Danemark, dans le Toulouse des années 50 jusqu’à Montréal, le Canada algonquin vu du ciel, la prison, en passant par un grand et bel immeuble de standing avec piscine, des petites vieilles (JP Dubois a raconté sur France Culture que ce roman avait été inspiré par une histoire vraie survenue à sa mère âgée), une indienne, des forêts, un chien, etc…et j’en passe… m'ont portée très loin en un si peu de pages.



Bref ! j’ai saisi un peu partout dans le texte de la part des éléments non humains des bribes d’un petit bonheur (nuages canadiens, chien labrador) au goût inoubliable.



Ce texte fait de nostalgie plutôt que de regrets alterne les chapitres de rétrospection familiale et de vécu en prison canadienne se montre, selon moi, comme un véritable antidote à la vie de nos contemporains. On y retrouve les points récurrents dans l’œuvre de JP DUBOIS, Toulouse et L’Amérique du Nord, sans oublier la bêtise humaine (moderne).



Ce roman bien construit fait l’éloge de la bienveillance reçue du père pasteur (perdant peu à peu la foi), de la simplicité du quotidien et du retour à la nature.

Court mais puissant, il résonne comme un plaidoyer pour le retour aux rapports, aux choses simples.



Ce n’est pas la révélation de la raison de l’emprisonnement de Paul qui m’a tenue en haleine, c’est la description psychosociologique d’un monde âpre et incohérent qui nous est donné à lire par LE romancier le plus moraliste qu'il soit, JP DUBOIS.



Alors, oui, à bien y réfléchir, il y a bien longtemps que je n’avais pas apprécié autant un Prix Goncourt ! Je l’ai beaucoup aimé parce qu’il m'a offert un regard tout à la fois empreint d’humour noir (société et « ses » loups) et de tendresse (incohérences sociales grandissantes) dans notre société dite moderne, et ça fait un sacré bien.


Lien : http://justelire.fr/tous-les..
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La succession

Ce n'est vairment pas le genre d'histoire dont j'avais besoin en ce moment... mais l'écriture particulièrement brillante a su m'accrocher.

Une écriture brillante, mais éclatante d'une sombre lumière.



Totalement désabusé, Paul essaie vainement de récupérer quelques vapeurs du bonheur qu'il connut avec la cesta punta.

Plutôt que d'exercer la médecine, il a choisi de jouer à cette pelote basque en tant que professionnel, aux États Unis. Mais la grande époque des Jaï Alaï ¹ n'est plus ce qu'elle était avant les mouvements de grève des joueurs de 1960.

À la mort de son père, sans envie, il revient au pays basque.

Le cabinet médical, héritage de ce père grotesquement suicidé, ne lui procure qu'une tenace mélancolie.

Affronter des malades et parfois "soulager" les mourants ne l'aident pas non plus, et ce ne sont pas les souvenirs de sa parentèle au comportement étrange et plutôt indifférent à son endroit, tous suicidés aussi, qui lui insuffleront l'optimisme nécessaire.

Verra-t-il une fin à cette lutte perpétuelle contre la désespérance ?



Situations grotesques, anecdotes cocasses, sourires doux amers sauvent le lecteur de la déprime totale et nous mènent presque allègrement vers la fin.

Sans hésitation, je reviendrai vers Jean-Paul Dubois... mais en attendant, il me faut une lecture plus optimiste.



1 - Jaï Alaï : Installations où l'on pratique la pelote basque et qui, aux États Unis (qui savent tout "embellir"), sont devenues des sortes de casinos où l'on parie sur les joueurs.
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Les accommodements raisonnables

Raison et sentiments...



J'ai des accointances avec JP Dubois et lire un de ses livres me donne invariablement la banane, même et surtout si le personnage principal se débat dans sa famille dysfonctionnelle et éprouve le besoin irrépressible de changer de vie.



Sur une année,on suit donc Paul Stern,la cinquantaine désabusée, de Toulouse à Hollywood,pour échapper à son épouse dépressive et à son père fantasque.

Là-bas, un autre monde l'attend,celui des apparences,de la décadence et du bling-bling.De l'injustice sociale aussi :



"On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d'entre eux.Pour survivre, payer leur loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d'hommes et de femmes cumulent deux emplois.Le jour ils embauchent dans des supermarchés ou des compagnies de nettoyage et,la nuit,les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans des diners ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La ville,le pays tout entier usent ses vieux jusqu'à la corde,puis les jettent à la rue quand ils n'ont plus les moyens de se payer un logement. "



Miroir de l'époque,l'actualité se fond dans l'histoire. Paul va croiser une galerie de personnages excentriques et excessifs mais aussi émouvants à leur façon.

Il fera aussi un retour vers le futur avec le sosie de sa femme de 20 ans plus jeune...

On rejoue souvent la même partition, même loin de chez soi.Et ,à la fin,on retrouve l'ordre des choses.



L'auteur déploie une nouvelle fois son talent d'observateur du monde avec son style à la fois plein d'esprit et de lucidité.

Pas son meilleur roman,parfois invraisemblable et farfelu, pour aficionados only,quoique on ne s'ennuie pas je trouve et c'est ce qui fait le charme du récit.



"Les accomodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l'abri d'un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous,derrière chaque porte,prêt à resurgir.

Il existait une grande variété de fins du monde.Chez les Stern comme dans toute famille. Et à l'image de Wade,triturant le bord de son chapeau,l'on pouvait passer le restant de sa vie à se demander comment cela avait pu se produire. "







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Vous plaisantez, monsieur Tanner

On sent le vécu de chantier de rénovation !

*

Court roman certainement autobiographique qui s'est lu en une matinée.

Entre rires jaunes, sourires gris et quelques soupirs tristes, les mésaventures de ce propriétaire de maison sont racontées avec verve et causticité.

*

Qui n'a pas eu de déboires avec les ouvriers du bâtiment, levez haut la main!

On reconnaîtra quelques portraits , souvent caricaturés mais si "justes" que nous avons tous rencontrés lors d'une quelconque rénovation/construction.

*

J'ai eu beaucoup d'empathie pour ce propriétaire malchanceux. le pauvre homme qui n'a qu'une peur, que le toit lui tombe sur la tête....et peut-être aussi la banqueroute. Car gare aux extras qui coûtent un bras, les dépassements d'honoraires, les devis simples qui se transforment d'un coup en facture monstrueuse.

L'enfer ce n'est pas seulement chez les autres, hein!

Une écriture légère pour un chantier lourd....en déboires.

*

Lecture divertissante, pince-sans-rire . Evitez tout de même avant un projet de travaux!
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Une année sous silence

Je me suis souvent demandé après une lecture de roman ou après celle de certains billets sur babel, ce qui poussait certains auteurs à écrire. Quelle part font-ils à leur imagination, à leur vécu, à leurs fantasmes, à leurs névroses? Quel plaisir prennent-ils à coucher sur papier des ambiances lourdes, oppressantes, déprimantes. Est-ce une sorte de thérapie? Une façon d’exorciser ses démons?

Je ne parle pas là de bouquins d’horreur même si là aussi je me suis toujours demandé ce qui se passe dans la tête du mec qui se dit je vais pondre une histoire où un expert comptable aigri va découper son entourage avec un couteau à beurre, mais c’est un autre sujet.

Une année sous silence fait partie de ces livres qui me font me poser ce genre de questions.

Chaque lecture a semble-t-il son moment alors avant de donner mon ressenti, j’aimerais dire que si vous êtes en période de déprime, oubliez ce titre. Si votre vie affective est parsemée de cicatrices pas tout à fait refermées, attendez des jours meilleurs avant d’envisager d’intégrer ce bouquin dans votre pile à lire.



Dès les premières pages, une image m’est apparue. Celle de Simone Signoret et Jean Gabin dans Le chat.

Un couple à bout de souffle où l’aigreur est travestie en société et réapparait sous forme de méchanceté gratuite dans le huis clos du tête à tête. Le décor est planté, Anna se suicide, Une année sous silence commence.

Jean-Paul Dubois va nous faire plonger dans les pensées les plus troubles de Paul. Pas toujours facile d’être témoin de la déchéance de quelqu’un, même à travers un livre. Certaines pages peuvent mettre mal à l’aise. Pas par des descriptions scabreuses car on est loin de ce genre de voyeurisme dans ce roman mais par une ambiance qui flirt parfois avec le malsain. On oscille entre une misère sexuelle nouvelle venue et un goût de plus en plus modéré pour le genre humain. On est bousculé par cette relation qui draguait le sado masochisme psychique entre Anna et Paul et cette envie de Paul de rejoindre sa femme dans les flammes (pourtant la flamme s’était éteinte entre eux, elle a pas eu de bol pouf pouf, c’était pour détendre un peu l’atmosphère).

Cette descente dans les abysses de la déprime va conduire Paul à jouer avec le feu. La roulette russe avec un psychiatre en se murant dans le mutisme n’est pas forcément l’idée du siècle pour retrouver goût à la vie.

La fin bien flippante quand on y pense (non il ne trucide personne) serait un excellent début pour un thriller psychologique et amène à se poser des questions. Nous sommes à la merci de n’importe qui et le monde est à notre merci.



Ce n’est pas le genre de livre que j’enchaînerais les uns après les autres mais de temps en temps, ça ne fait pas de mal de changer d’horizons. L’écriture est fluide et malgré l’absence totale de poésie, le sujet ne s’y prêtant pas forcément, j’ai été emporté.

Si tout va bien pour vous, n’hésitez pas, au pire vous vous rassurerez sur votre équilibre psychique.

Merci Louis pour le prêt et pour m’avoir sorti de ma zone de confort.

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Tous les matins je me lève

Premier roman de Jean-Paul Dubois. Ah, ça fait du bien une lecture comme ça.

Rien de bien spectaculaire, non, c’est simplement un écrivain qui raconte son quotidien, sa famille, ses passions (les voitures), ses doutes, ses amis, son éditeur, son banquier……

C’est frais, tranquille, il y a de l’humour, de la sensibilité.

Entre deux lectures plus sombres, c’est vraiment très agréable.

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Une vie française

La terre est belle, le monde est laid. C’est une conclusion un peu rude et bâclée mais plausible à cette vie française, la vie de Paul. Complexe, rarement sereine, souvent chahutée mais toujours passionnante même si parfois ses comportements et ses choix m’ont tenus à distance comme si je n’avais pas réellement envie de m’immiscer dans sa famille préférant la voir évoluer dans cette période de De Gaulle à Chirac qui fut aussi la mienne.



Je voue à J.P.Dubois une considération sans borne, ses phrases ont la faculté de résonner en moi comme des citations. Qu’elles soient drôles : « Il faut toujours se méfier de ces types qui descendent des croisés par les fenêtres. » ou tragiques : « Je menais, pour ma part, une existence de garde-barrière maintenu en poste sur une voie désaffectée. », elles sont toujours parfaitement adaptées et traduisent une lucidité et une acuité hors du commun : « Qu’il s’agisse de ma propre vie ou bien du destin de ce pays, je ne voyais aucune issue, aucune lumière, pas la moindre raison d’espérer une amélioration. »



J’ai dévalé 50 ans d’histoire de la France avec ses crises politiques et économiques, ses combats sociaux, ses guerres coloniales tout en percevant les mélodies de Curtis Mayfield ou de Stevie Wonder en fond sonore.

J’ai dégusté avec attrait le menu déroulant de l’existence de Paul, ce français comme tant d’autres avec sa sexualité balbutiante puis envahissante et enfin vide : « L’idée du désir était encore présente en moi et je concevais toujours l’idée d’être attiré par une femme, mais sans avoir à endurer la torture lancinante du manque ou de la privation. »

J’ai partagé ses bonheurs bien rapidement gommés par les deuils. Je me suis réjoui de ses réussites professionnelles chapardées à sa bonne étoile et attristés de ses infortunes familiales apparues comme les revers d’une médaille qui ne brille qu’un temps.



C’est toujours un plaisir de lire un ouvrage de J.P.Dubois. Pour ma part, il y a une telle qualité dans le style de cet auteur que cela me procure une aisance de lecture incomparable.

« L’aisance, c’est de n’être jamais obligé de se donner à fond. »

C’est l’été, ça m’arrange !



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Une vie française

Lundi 04 novembre 2019... le Goncourt est attribué à...

15 ans plus tôt ce prix était-il déjà en germe ?...



Certains disent que l'on sait si on va aimer Proust en lisant la première page... J'ai aussitôt su que j'allais aimer Jean Paul Dubois.



S'agit-il d'une vie romancée ou d'une autobiographie déguisée ? Évidemment on peut s'interroger, d'autant que certains détails sont communs entre Paul Blick et Jean Paul Dubois : nés à Toulouse, réalisant des études de sociologie, ils ont fait tous deux un livre de photographies consacré aux arbres (les pins Bristlecone dont la longévité peut dépasser 5000 ans pour Dubois). Des thèmes sont répétés dans le Goncourt : les voitures (les Simca pour ce livre), le dentiste, l'accident d'avion.



Son regard porté à la Jean Pierre Bacri est sans concession sur les hommes et leur environnement politique. L'auteur montre ainsi l'évolution des membres de cette famille et de ses fractures avec véracité. La description de l'environnement familial de sa jeunesse est acide, acerbe, à couper au couteau : "surannée, réactionnaire , terriblement triste. En un mot française".



L'écriture est ajustée et appropriée aux propos d'une sociologie romancée à l'humour mélancolique. Elle rend crédible l'histoire du narrateur dans laquelle on s'immerge totalement en parcourant sa vie française. Le tout est scénarisé à point, facilitant le parcours des mandatures de De Gaulle à Chirac, en rendant agréable la lecture.

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La succession

Imaginer que l'on peut changer le cours des choses en s'exilant de l'autre côté de l'Atlantique, c'est ce que notre héros Paul a fait en refusant de rester à Toulouse. Mais peut-on vraiment échapper à son destin ?



La Succession nous donne à voir comment les personnages désabusés se débattent pour quelques moments d'éclaircies. Paul a érigé en véritable art de vivre la pelote basque sous le soleil de Miami, trouvé un amour qui s'est évaporé avant de découvrir la face cachée de cette famille dont il est issu et dont il n'a jamais rien compris.



Jean-Paul Dubois manie tout à la fois la tendresse, l'humour mais surtout beaucoup d'humanité. Un mélange qui m'a une nouvelle fois conquise et profondément touchée.





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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

L’homme que nous découvrons sous la plume de Jean-Paul Dubois s’appelle Paul, ce qui pour les fidèles de l’auteur n’a rien d’original, tous ses héros répondent en effet à cet élégant prénom !

Celui qui nous occupe ici est en prison, au Canada, il partage sa cellule avec Horton, un gros malabar qui ne peut supporter la moindre contrariété sans avoir des envies de meurtre.

A l’opposé Paul est doux comme un agneau, à se demander pourquoi il a atterri entre ces quatre murs. Patience, nous n’aurons la réponse qu’à la fin du roman.

En attendant, Paul évoque cette difficile cohabitation et remonte aux origines du parcours qui l’a mené jusque-là.



Jean-Paul Dubois est un auteur que je connais peu, j’ai eu plaisir à découvrir un conteur, un raconteur d’histoire. J’ai apprécié la facilité avec laquelle il décortique les sentiments humains.

Les personnages secondaires sont complexes, parfois noirs, parfois tendres, mais souvent attachants, j’ai eu envie de les plaindre, et pourtant parfois je les ai détestés, ils ne laissent jamais indifférents. Ils sont décrits avec cynisme et un soupçon de cruauté, mais tellement de réalisme, qu’ils semblent être là, tout près, et nous font réagir en voyeur de leurs tourments ou de leurs turpitudes.



A la fois drôle et triste, ce roman m’a donné envie de faire plus ample connaissance avec l’ auteur.



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La succession

J’avais deux, trois idées en tête sur ce que je voulais voir traiter dans un roman qui s’appelle La succession aussi, quand, dès la première page, Paul m’a emmenée à Miami dans le petit cercle des professionnels de la pelote basque, je me suis dit que j’allais être décontenancée. Ce qui a été le cas.



Le monde des joueurs de cesta punta, le Jaï-alaï donc, type de fronton spécifique à ce sport mais aussi, par métonymie, lieu où il se pratique, incluant parfois un endroit dévolu au public essentiellement des parieurs qui engraissent tout un microcosme un peu louche (je précise pour les comme moi qui n’auraient pas su). En Floride. Tout ceci résonne dans mon entendement à peu près autant que l’industrie des parapluies pour un bulot, le calcul de la courbe retour d’un boomerang pour un panda. Autant dire pas. Pas du tout.



Et j’en ai bouffé de la pelote basque. Le roman est court mais ça occupe tout de même beaucoup de pages (ressenti 300). Mais comme le narrateur précise dès les premiers mots de son récit que cette période de sa vie constitue la meilleure, ces « années merveilleuses. Quatre années prodigieuses durant lesquelles je fus soumis à un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur », j’ai poliment tout lu. Ca m’a rappelé un peu Houellebecq. Une manière d’écrire à la première personne sans y toucher, de parler de sa vie comme on mentionnerait quelque chose de lointain, mais de très précis, sur les effets de quoi on ne se répandra pas même s’il est indéniable qu’il s’agit de quelque chose d’aussi essentiel que radical. Le lecteur comprend bien mais son empathie est priée de rester à distance, faudrait pas que le pathétique devienne mièvre, que la solitude soit autre chose que de l’âcre. On ne compatira donc pas, on rira doucement jaune pour faire chorus.



Mais dans les premières lignes, le narrateur est « un homme profondément heureux, comblé en toutes choses ». Ce bonheur inouï placé en initial est constitutivement construit dans un rapport d’opposition et de distance bienvenue avec ses origines « ce territoire désarticulé que j’avais abandonné, et surtout loin de ceux qui m’avaient mis au monde par des voies naturelles, m’avaient élevé, éduqué, détraqué et sans doute transmis le pire de leurs gènes, la lie de leurs chromosomes. »



Tout un programme cet incipit. Maintenant que j’ai fini le livre, je peux bien le confirmer, tout est là, une vraie scène d’exposition. L’humour, le désespoir qui rode et la succession, aussi.



En attendant : cesta punta. Et Watson. Le chien que le narrateur sauve littéralement des eaux lors d’une sortie en mer sur son petit bateau à moteur. Un amour indéfectible liera à jamais Watson à Paul. Tout en même temps qu’on fait des ronds dans l’eau, qu’on manie le chistera, on en apprend un peu plus sur les ascendants de Paul.



Katrakilis pour le côté paternel dont on retiendra un grand-père Spyridon qui a ramené de sa vie russe une lamelle du cerveau de Staline conservée dans du formol, et un père, médecin ayant la particularité d’exercer en short ou en slip. Du côté maternel, les Gallieni résumés à la mère de Paul et au frère de cette dernière. Entre les deux, des relations fusionnelles au point que lorsqu’il se suicidera, elle le suivra un mois plus tard. Comme le grand-père paternel aura fait de même et que le père de Paul prendra le même chemin, on commence à entrevoir un arbre généalogique vide et pour le moins torturé.



« Notre histoire commençait avec mon grand-père, en URSS, aux alentours des années 40, et il était hors de question d’espérer remonter plus avant dans le temps. Pas un mot sur ma grand-mère, son prénom, la ville où elle habitait, sa vie ou sa mort, comme si Spyridon voulait laisser croire qu’il s’tait reproduit par scissiparité. Pas davantage d’explication sur la consonnance hellène de notre nom, les raisons de notre établissement à Moscou ou sur les circonstances d’éventuelles migrations familiales. Même vide et identique silence en ce qui concerne les Gallieni. (…) Ils travaillaient au magasin. Puis ils étaient morts. Fin de l’histoire. »



Finalement, le soleil de Floride et la cesta punta, c’est pas pire.



Je ne vais pas vous raconter tout le roman même si j’en ai très envie. Sachez seulement que le bonheur n’a qu’un temps. Des circonstances extérieures à la volonté de Paul vont mettre fin à sa carrière de pelotari. Il va devenir serveur dans un restaurant où trône la gorgeous Ingvild Lunde. Norvégienne, élégante, apaisante, « cette Ingvild Lunde incarnait à peu près tout ce à quoi peut rêver un homme depuis son adolescence, à savoir un être symbiotique ayant à la fois la taille de son père et le corps de sa mère. (…) Si les saintes existaient, elles auraient cette carnation. » Amoureux transi, notre Paul. Que la belle ait 26 ans de plus que lui ne change rien à l’affaire, « partout où était cette femme était ma maison ». Venant d’un homme qui n’a jamais entendu « des choses que tous les enfants devraient entendre, des mots qui enlèvent la peur, bouchent les trous de solitude, éloignent la crainte des dieux et vous laissent au monde avec le désir, la force et l’envie d’y vivre », on comprend l’absolue nécessité, l’émerveillement du miraculé que contient cette déclaration.



Comme le récit de Paul n’est pas chronologique, ces événements sont tissés avec d’autres. Là encore, je ne veux pas trop en dévoiler. Peut-être simplement que « Lunde » est le nom du macareux moine, un très bel oiseau. « En mer, lorsqu’il est fatigué, il se laisse flotter, repliant son bec sous son aile. » Alors Paul rêve un instant qu’il aurait pu passer sa vie à Saint-Sébastien, en pays basque, ouvrir un magasin de souvenirs norvégiens avec des petits drakkars et « accrochées partout, des photos d’Ingvild Lunde, la femme que j’aimais, dans sa plus belle et plus noble posture, flottant sur l’eau, la tête repliée sous son aile. »



Et la succession alors ? Très vite le père de Paul meurt. Un suicide, je vous l’ai déjà dit je crois. L’héritage, le retour en France. Plein de choses se passent. Enfin, pas tant que ça, mais tout de même, un chemin, disons. De croix ? Possible. « Ensuite la maison et tout ce qu’elle contenait me tomba dessus. Les plafonds s’écroulèrent, avec ce que l’on avait entassé dans les greniers, les vieilleries et les lunes de de cette famille de cinglés alignés à la morgue, pareils à des cierges à brûler, laissant leurs merdes derrière eux, avec le sang, les viscères, les os brisés, tout ça pour l’héritier, à charge pour lui de tout nettoyer ». Là, on est au cœur du sujet que j’avais en tête et la pelote basque n’aura été qu’un divertissement au sens où l’entend Pascal, pauvre Paul !



Ensuite, ça déroule. Inexorablement.



La dernière ligne lue, dans une stupeur admirative, j’ai compris : la Succession n’est rien d’autre qu’une splendide parce qu’inéluctable tragédie grecque. C’est construit comme cela, pour cela. Une mécanique aux ressorts parfaitement bandés, quoi qu’on y prétende. Contre le destin et les hespérophanes, que peuvent les lunde, hélas ?

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La succession

« Guérir était pourtant un mot merveilleux. Sans doute le plus beau de tous avec cesta punta. »



Jusqu'à pratiquement les trois-quarts du roman, je me suis demandé où l'auteur voulait m'entrainer mais sans jamais m'inquiéter tant Jean-Paul Dubois à la classe. Peu importe la destination, le voyage avec lui est inlassablement captivant et infiniment attachant, toujours parsemé d'anecdotes poignantes et drôles sans cesse pavé d'historiettes souvent instructives.



De Miami ou est sa vie à Toulouse berceau de sa jeunesse en passant par le pays basque sa région de coeur, le parcours de Paul est douloureux. D'abord par sa filiation autant exotique qu'atypique puis par sa profession de médecin qu'il a du mal à accepter et qu'il quittera pour réaliser son rêve, devenir sportif professionnel de pelote basque à la world Jaï-alaï Inc. de la torride Floride où il sera heureux mais exploité.



Finalement ce roman m'a touché plus que je ne l'aurais imaginé. Je me suis naturellement attaché à cet homme qui porte le poids de son ascendance et les défauts de son hérédité sans les considérer tout en souhaitant les fuir.



Dans quasiment chacune des phrases de ce roman l'humour est omniprésent mais dissimule avec une extrême pudeur l'amour sous toutes ses formes : L'amour filial absent et ses effets dévastateurs, l'amour de sa vie qui surgit « kvinnen i mit liv » en norvégien, l'amour sans détour d'un chien, l'amour d'un sport élégant et offensif porté au pinacle.



Cette histoire est attendrissante, cet homme est émouvant, la finale est particulièrement surprenante. Un véritable cocktail de sensibilité baigné d'une couche de sincérité et d'authenticité. de belles tranches de vie avec une portion funèbre.





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13 à table ! 2022

Je ne sais pas à quel tome de 13 à table nous sommes arrivés, mais c'est pour ma part le cinquième que je lis (2018-2022).

Cette année, les auteurs devaient plancher sur le thème des souvenirs de vacances. Et je dois reconnaître que c'est plutôt réussi. Pour moi, sans doute le meilleur recueil de ces cinq dernières années.

Et puis, pour l'achat d'un livre à cinq Euros, vous vous faites plaisir en permettant aux Restaurants de financer quatre repas. Vraiment aucune raison d'hésiter !



- J'ai adoré : "Petite vacance" de François Morel ;

- J'ai beaucoup aimé : "Souvenirs d'enfance", de Marina Carrère d'Encausse ; "L'Ascention", de Karine Giebel ; "L'abat-jour cramoisi du vieux sémaphore", de Alexandra Lapierre ; "Le coup de folie des vacances", de Agnès Martin-Lugand ; "La nuit de juillet", de Étienne de Montety ; "Martine", de Romain Puértolas ;

- J'ai bien aimé : "On ne joue plus", de François d'Epenoux ; "Poulet rôti à l'origan frais et au citron", de Cyril Lignac ; "La chambre verte", de Leïla Slimani ;

- J'ai moins aimé : "Le fugitif", de Tonino Benacquista ; "Un faire valoir", de Françoise Bourdin ; "Dag Hammarskjöld", de Jean-Paul Dubois ; "Les étés", de Marie-Hélène Lafon ; "Génie et Magnificent", de Tatiana de Rosnay.
Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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La succession

Quelques titres de Jean-Paul Dubois : La vie me fait peur • Si ce livre pouvait me rapprocher de toi • Tous les matins je me lève [formulation typique d'un dépressif] • Maria est morte • Les poissons me regardent • Une année sous silence • Prends soin de moi...

Sachant qu'ils annoncent bien les 50 000 nuances de blues du contenu, et que d'autres romans de l'auteur sont tout aussi sombres sans que le titre l'annonce clairement, on se dit que JP Dubois n'est vraiment pas en forme. Ce mal-être affiché à longueur d'ouvrages est-il sincère ? outré ? est-ce une posture ? posture vendeuse, façon O. Adam qui ne change pas sa recette qui gagne ?



Dans 'La succession', on en est déjà à trois suicides (grand-père, oncle, mère) à la troisième page, et c'est pas fini.

Des suicides mis en scène de façon sordide, comme si l'acte ne suffisait pas, et abondamment détaillés par le narrateur/auteur. Un remake dilué de 'Suicide mode d'emploi'.



L'idée de succession évoquée dans le titre est double : hériter des troubles psychiatriques des lignées maternelle et paternelle, mais aussi reprendre le cabinet du père, médecin généraliste à Toulouse.

La première perspective effraie Paul - Delphine de Vigan, Florence Noiville et Marie Sizun l'ont très bien (d)écrit aussi.

Et la deuxième ne l'enchante guère, lui qui gagnait sa vie comme pelotari à Miami depuis quelques années. D'autant que le défi s'avère difficile à relever lorsque Paul s'aperçoit que ce père, qu'il prenait pour un salaud sans coeur, était très apprécié de ses patients, notamment parce qu'il les 'aidait'.



L'auteur écrit très bien, jouant avec les contrastes :

- entre humour et désespoir

- Eros & Thanatos

- personnages sympas au langage fleuri (Epifanio ♥) mis en valeur par le manque de relief d'individus indécis (comme Paul)

- fidélité canine vs abandon brutal des humains

- sport de loisir vs pratique 'utile' de la médecine

- austérité de la vie toulousaine familiale (horlogerie, médecine) vs vacances au pays basque, puis ambiance festive et mafieuse de Miami.



Dubois a également des talents de conteur, c'est indéniable, et certains passages sont réjouissants, notamment les anecdotes historiques façon Pierre Raufast ('La fractale des raviolis', 'La variante chilienne'...). L'accumulation donne quand même l'impression au lecteur d'être sur Wikipédia, à faire lui-même quelques vérifs, et ça finit par sonner faux. On peut aussi trouver ch!ants certains détails - ici sur la pelote basque, à l'instar de John Irving avec la lutte.



Mon avis est donc plus mitigé que ceux de la plupart des lecteurs de Babelio, mais j'ai aimé l'humour, le chien, et la facette paternelle qu'on ne découvre qu'à la fin.

___



Merci à Cécile du far-east pour cette LC.

Petit décalage à déplorer. Mea culpa, j'ai pris des chemins de traverse entre Toulouse, l'Euskal Herria et la Floride : suis passée par la forêt du petit loup en slip, et par la vallée de la Roya avec les fermes accueillantes de Cédric Herrou et d'autres 'justes' aussi formidables que lui.
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La succession

♫ On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille, on choisit pas non plus les trottoirs de Toulouse ♫, voilà ce que pourrait chanter le médecin et joueur de pelote basque, Paul Katrakilis, le rejeton d'une famille de dépressifs qui ont tous choisi de finir brutalement et baroquement leur vie.



De retour dans sa ville natale après la mort de son père, le dernier suicidé de la famille, Paul doit affronter ce qu'il a fui — en renonçant à son métier pour jouer à la pelote basque à Miami — l'héritage d'une ascendance tragique. C'est avec la découverte de deux carnets de son géniteur, froid et excentrique, qu'il va intégrer finalement le sens à donner à ce lourd héritage.



Quand je le regarde avec cet air un peu triste et fatigué, ce regard tourné vers l'intérieur à peine égayé par un sourire fermé, je trouve que ce livre lui va bien. Jean-Paul Dubois y fait ce qu'il sait si bien faire, nous raconter une histoire qui, entre humour et émotion, nous fait passer de la plus franche gaieté à la mélancolie la plus profonde. Un roman un peu désespéré mais vraiment excellent.

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La succession

Un titre sec – La succession – pour une histoire qui en dit plus long sur le sujet que je ne l’aurais pensé. Jean-Paul Dubois réserve des surprises à chaque chapitre de ce récit original, très agréable à lire. Son écriture est au début empreinte d’une touche légère d’humour noir. Sur la fin, elle aura tourné à la noirceur grinçante, sans que je me sois vraiment rendu compte du glissement. Du grand art.



Le narrateur est Paul, bientôt trente ans, originaire de Toulouse, docteur en médecine. Il n’a jamais exercé. Il vit à Miami, une ville gaie, animée, ouverte, baignée par l’océan. Il fait beau toute l’année, ou presque. Paul est pelotari professionnel... Nous sommes dans les années quatre-vingt. La pelote basque est très populaire en Floride. Les matches se déroulent à guichet fermé dans des arènes de quinze mille places. On y croise Frank Sinatra, Paul Newman, John Travolta, entre autres stars... C’est un très gros business. On parie des sommes considérables.



Joueur lambda, Paul gagne tout juste de quoi vivre. Mais il est fou de pelote basque depuis l’enfance. La chistera est à la fois sa passion et son métier. Que demander d’autre ? Il est heureux, pleinement heureux. Ce sont les plus belles années de sa vie.



C’est en tout cas ce qu’il déclare dès les premières pages. Son expression est alors enjouée, pleine d’entrain, même si l’on peut y déceler une fêlure. « What’s wrong with you ? » s’interroge régulièrement sa petite amie en l’observant.



En réalité, la pelote basque est pour Paul un exutoire. Il n’a jamais été heureux. La faute à une famille qu’il ne supporte pas, qu’il n’a jamais supportée. Des originaux, égocentriques, vivant chacun sur leur planète. « Incapables de vivre, de supporter leur propre poids sur cette terre, (ils) m’avaient fait, fabriqué, détraqué. » déplore-t-il. C’est pour oublier cette famille – du moins ce qu’il en reste, comme on va le voir ! – qu’il s’est exilé à Miami.



Dressons l’inventaire. Ils étaient quatre. Dans la famille de Paul, j’ai d’abord demandé le grand père : un hurluberlu facétieux ; d’origine russe, il prétendait avoir été le médecin de Staline et racontait moult fariboles. Puis j’ai demandé la mère : l’oncle s’est présenté en même temps ; ils ont vécu collés l’un à l’autre comme mari et femme, ou plutôt comme des jumeaux siamois ne quittant jamais leur bulle. Sinistre point d’orgue de l’extravagance de ces trois-là : ils ont mis fin à leurs jours sans raison apparente ni signe avant-coureur. Paul en raconte les circonstances sur un ton de détachement amusé. Comme si leurs suicides étaient une sorte de pied-de-nez burlesque.



Reste le père, Adrian. Un médecin de famille à qui il arrive de recevoir ses patients en short, parfois même en slip ! Quand il y pense, cela met Paul hors de lui... Adrian donne l’impression d’être plongé dans des considérations symboliques très personnelles. Père et fils ne se sont jamais compris, ne se sont jamais supportés. Le père n’a pas prononcé les mots qu’aurait attendus son fils. Lui n’a pas compris le sens des messages de son père : « Un jour tu finiras par prendre ma succession ! ».



Ça devait arriver. Un jour, Paul apprend la mort de son père... Oui, lui aussi ; comme les autres. Avec une mise en scène bien dans l’esprit du personnage.



Ça change tout pour Paul ! De fils unique, il devient seul survivant, le dernier des .... Il va falloir devenir adulte et, selon la formule consacrée, liquider la succession… Il ne s’agira pas que de formalités notariales...



Par l’intermédiaire de Paul, l’auteur nous promène agréablement dans les environs de Miami et au Pays Basque. A Toulouse aussi, bien sûr, dans les secrets de la maison familiale et au volant d’une antique Triumph décapotable.



Le fil de l’histoire est entremêlé de digressions étonnantes. Le tranchage du cerveau de Staline lors de son autopsie ; la mort du dernier quagga, une sous-espèce de zèbre éteinte à la fin du XIXème siècle ; les aventures et mésaventures de Georges Labit, un grand voyageur et collectionneur toulousain... Des anecdotes distrayantes, mais toutes morbides. Pas aussi sinistres toutefois que le grincement des mandibules des vers xylophages rongeant le contenu des cerveaux malades...



Une pensée enfin pour une grande et belle Norvégienne, beaucoup plus âgée, solide comme un homme, fine comme une femme. Quand on cherche à la fois un père et une mère !...



Un roman superbement construit et remarquablement écrit que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.
Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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L'Origine des larmes

Il ouvre les yeux en même temps que sa maman les ferme, en même temps que son frère jumeau se détache

"l'air est entré dans ses poumons au moment où leurs coeurs ont cessé de battre".

Une solitude glaciale remplacera la douce chaleur protectrice du ventre de sa mère, aux côtés de son frère.

Deux morts contre une vie : l'origine des larmes.

"L'origine des larmes se trouve là, au fond du ventre de ma mère".

Il sait déjà que la mort sera toujours à ses côtés,

Il ressent l'absence de son frère, la perte d'une mère inconnue

Son père n'est pas là pour l'accueillir

Il n'est pas là pour accompagner sa femme.

Ce père prédateur, toujours en chasse d'une proie, désaxé, dangereux, pervers se nomme Thomas Lanski.

Ce père monstrueux, sadique doublé d'un escroc hantera toute sa vie.

Il va grandir contre lui, apprendre à verrouiller de l'intérieur, ne rien attendre, ne rien espérer.



C'est l'histoire de Paul Sorensen cinquante deux ans.

Depuis le décès de sa mère adoptive Rebacca, il a hérité de l'entreprise Stamentum spécialisée dans la fabrique de housses mortuaires zippées, haut de gamme.

Il tire deux balles dans le crâne de son père déjà mort et allongé dans une chambre funéraire.

Un parricide post-mortem.

Peut-être une manière pour lui de traduire Lanski en justice !

Nous sommes en 2031, la pluie tombe depuis deux ans sur Toulouse: la ville rose se délave.

Le procureur de Toulouse, un homme magnanime et intelligent, le condamne à une détention avec sursis et une obligation de soins de douze mois auprès du Docteur Guzman. Une session par mois. Un sujet par séance.

Paul se conforme à la règle et se demande pourquoi il respecte les règles de ce jeu impudique, ouvrant ainsi tous les placards de sa vie.

"L'obligation de soins veut tout savoir, tout voir et sonder les coeurs et les pantalons"

Alors il va donner à savoir, à voir : se vider.

Sa vie : seul depuis la mort de son chien, pas de relation aux autres, pas de vie amoureuse, interagissant seulement avec une intelligence artificielle pour dialoguer. Une profonde solitude !

Le réconfort viendra de la compagnie d'un chien, un bâtard vagabond : son frère de naufrage.

Sa deuxième mère Rebacca, d'une infinie délicatesse lui donnera de l'amour, lui parlera de sa mère de neuf mois qu'il ne connaît pas, n'a jamais vu son visage sur une photo et n'a pas de sépulture.

Les échanges entre Paul et son psychiatre sont puissants et savoureux. Ce Dr Guzman très sensible, va explorer l'origine des larmes qui l'inondent depuis sa naissance, ce lourd fardeau.

Le comble de l'ironie étant que lui même souffre de conjonctivo-chalasis : l'oeil droit qui pleure sans cesse !

Il est attachant ce psy "la larme à l'oeil".

Il y a beaucoup d'humanité entre ces deux-là, c'en est très touchant.

Le peintre coréen Kim Tschang-yeul apporte la lumière

à ce récit : il a passé sa vie à peindre des gouttes d'eau !

Un écho aux larmes de Paul et Guzman ...



C'est un roman sombre, il touche à la mort, la perte, la violence et l'enfance. C'est aussi un très beau récit, un savant dosage d'ironie macabre et d'humour tendre.

Un roman déchirant ! On n'en ressort pas indemne mais pas désespéré non plus.

Entre tragédie et comédie .





« Au coeur des eaux viendra alors un moment fragile, délicat, décisif, depuis toujours guetté et redouté, où il faudra décider de continuer à vivre. Celui qui, alors, en aura le courage et en éprouvera l'envie ramènera l'autre vers le rivage. »



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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Lu jusqu'au bout parce que.... ma foi je ne sais pas.... J'ai lu tant de critiques élogieuses qui m'ont donné envie.... tant et si bien qu'à la fin je me suis demandée si ce n'était pas moi....

En tout cas c'est sûr c'est un raté. Ce livre et moi. J'en suis déçue. Il me tentait tant.

Mais voilà l'histoire du père pasteur danois, de la mère gérante d'un cinéma porno ne m'a pas intéressée du tout. Vue la place que cette partie prend dans le livre vous comprenez mon ennui !

*

En fait je n'ai été prise par le livre qu'à la fin quand Winona apparaît dans la vie de Paul, quand on voit Paul adulte dans son quotidien. Le problème c'est qu'à ce moment là du livre on est dejà (seulement ?) à la page 175, d'un livre qui en compte 240 !

Un raté pour moi avec une pointe de déception car il a plu à bcp d'autres et j'aurais aimé l'apprécier. Pour moi ça a été d'un ennui ! Un ennui bien écrit, joliment écrit même mais un ennui quand même...

*

Deux livres de suite où je m'ennuie.... Au secours !

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Une vie française

C'est l'excellente et féroce critique de Nastasia B, ici même, qui m'a poussé vers ce livre. Je ne suis pourtant ni masochiste ni vicieux, et je ne me suis dit à aucun moment : tiens ce livre a l'air médiocre, sans doute est-il fait pour moi.

Cela ne s'est pas passé ainsi.

Le billet de Nastasia m'a fait retenir le titre, et puis l'édition poche m'est tombée entre les mains à l'occasion d'un raid chez mon bouquiniste (oui, c'était dans la vie d'avant : quand les bouquinistes avaient des boutiques ouvertes, et qu'on pouvait y entrer sans masque, visière, gel, gants, autorisation, plexiglas, et sans regarder son prochain comme un sac à virus... Un monde perdu dont nous avons déjà la nostalgie alors qu'il n'avait pourtant rien d'un paradis).

Tenant le livre, j'ai ressenti comme une pointe de curiosité, liée sans doute au battage fait autour de l'auteur depuis son Goncourt. Je me suis convaincu que les deux euros de cet achat ne condamneraient pas mes enfants à manger des rutabagas jusqu'à la fin du mois, et je suis donc reparti avec la chose.

C'était mon premier Jean-Paul Dubois.

Jusque là, je ne connaissais de cet auteur que le titre de l'un de ses autres romans (Vous plaisantez, Monsieur Tanner), que ma chérie lisait le soir dans sa nuisette et sous la couette conjugale. Je dois bien dire que j'étais fort perplexe, non devant ma chérie sous la couette, mais face à un titre aussi étrange, une couverture aussi improbable et un résumé vantant la promesse d'un feel-good novel au rayon bricolage. J'avais si peu ressenti d'attrait pour ce livre que je n'ai même pas demandé à l'astre de mes jours et de mes nuits ce qu'elle en avait pensé (il faut en effet savoir conserver des jardins secrets dans un couple). Lorsque je me suis enquis dernièrement de ce qu'était devenu l'ouvrage, j'ai appris qu'il avait terminé chez Emmaüs, ce qui est en définitive une forme de jugement parfaitement limpide.



Après cet interminable prologue, on attend peut-être que je dise quelque chose d'Une vie française. Alors voilà, je vais faire très court parce que Nastasia a déjà tout dit : c'est bien écrit et ça se lit sans effort. Mais c'est fade, ça n'a pas beaucoup d'épaisseur et j'ai peur de l'oublier très vite. J'ai eu du mal à m'intéresser aux heurs, malheurs et considérations philosophiques du héros, tandis que ses turpitudes sexuelles me faisaient plutôt bailler (j'ai bien noté la fixation de l'auteur sur les fessiers féminins, mais tous ses mots sur le sujet, hélas, ne valent pas un seul croquis de Manara). Il y a pourtant de bonnes pages, où l'on sent que Dubois pourrait développer quelque chose d'intéressant, de sincère et personnel, où l'on sent en un mot que son projet aurait pu être d'une tout autre dimension. Mais sitôt engagé dans cette voie plus escarpée, l'auteur se croit très vite obligé de remettre son nez de clown et on dévale à nouveau vers le facile, comme s'il ne fallait surtout pas effaroucher le lecteur avec des exigences déplacées.

Alors je me suis rabattu sur des détails, m'agaçant à l'occasion contre des dissonances historiques inexplicables et sans la moindre importance (qu'est-ce que c'est, par exemple, que cette sécheresse incroyable qui frappe Toulouse en 1974 plutôt qu'en 1976 ? Fichtre, ne s'agirait-il pas d'un indice volontairement abandonné par l'auteur pour laisser croire que son histoire ne se situe pas dans notre monde à nous mais dans une uchronie très subtilement décalée ? Mais si c'est le cas, pourquoi la divergence des faits ne produit-elle donc pas la divergence des deux continuums temporels ? Etc, etc).

En un mot, je me suis occupé comme j'ai pu, en me répétant que le confinement me rendait excessivement irritable et que peut-être il commençait à faire de moi quelqu'un de méchant.



Au bout du compte, j'en retire deux constats : 1) mon envie de découvrir le Goncourt de Dubois s'est passablement émoussée. 2) Au moment de mettre deux étoiles et demi en témoignage de cette morne lecture, j'ai soudain rougi de honte en me souvenant que j'ai chichement accordé trois étoiles à Romain Gary et à son Éducation Européenne, pas plus tard que la semaine dernière.

Une demi-étoile d'écart entre ces deux livres, non mais sérieusement ?
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