AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de José Carlos Somoza (421)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Clara et la pénombre

Clara y la penumbra

Traduction : Marianne Millon



Ce gros roman de près de six-cent-cinquante pages est probablement l'une des réflexions les plus intelligentes qu'on ait jamais écrites sur les dérives invraisemblables et plus encore malsaines de l'art contemporain. Mais cette réflexion englobe également une interrogation sur la nature de la Beauté et sur la limitation des droits du créateur sur son oeuvre, si tant est qu'elle puisse exister.



L'auteur imagine, dans un futur très proche, un monde de l'Art dominé par une école dérivée du body-art actuel et dénommée "l'hyperdramatisme." C'est Bruno Van Tysch, personnage hautain, obsessionnel, hanté par son enfance rigide sous la férule d'un père artiste raté, qui a donné à l'hyperdramatisme ses lettres de noblesse. Quand s'ouvre le livre, Van Tysch est devenu, comme aiment à le répéter les critiques, le "Dieu de l'Hyperdramatisme" et nul ne songerait à lui contester son génie.



L'héroïne du livre, Clara, n'a d'ailleurs qu'un rêve : être "peinte" par Van Tysch. La jeune fille a découvert l'hyperdramatisme un jour de son adolescence, devant une oeuvre exposée près d'une piscine, dans la confortable maison des parents d'une camarade, et, depuis lors, elle a tout fait pour devenir modèle hyperdramatique. Entendons-nous : "modèle" n'a pas ici le sens qu'il revêt encore pour nous en peinture. Dans l'hyperdramatisme, le modèle - femme, homme ou enfant - est peint et "mis en place" par l'artiste qui l'expose alors dans une galerie, espérant bien entendu qu'il sera vendu. Lorsque cela arrive, l'"oeuvre" - puisque le modèle est une oeuvre désormais - est transportée et exposée chez l'acheteur le temps que celui-ci désire, ce qui signifie en général tant qu'il ne s'en lasse pas. Bien entendu, les heures d'exposition sont fixées à l'avance et, en dehors de leurs limites, le modèle-oeuvre peut vivre normalement : revêtir des vêtements, se promener, se restaurer aussi, satisfaire aux besoins divers de sa nature, etc, etc ... C'est un métier exigeant mais qui paie bien son homme. Et puis, il y a la gloire de l'artiste rejaillissant sur son modèle-oeuvre ...



Au travers d'un labyrinthe policier assez gore - les oeuvres maîtresses de Van Tysch sont assassinées une à une de manière atroce - Somoza nous révèle les excès de la méthode hyperdramatiste. Tout d'abord, on ne voit que des détails dérangeants, inquiétants : nécessité pour les modèles de prendre certains médicaments afin de calmer leur faim ou leur désir de se rendre aux toilettes pendant les longues heures d'exposition, adoration servile pour "le Maître", orgueil aussi à l'idée de recevoir enfin, tatouée sur leur peau, une signature prestigieuse. Mais peu à peu, nous prenons conscience de tout ce que l'hyperdramatisme - et même certaines manifestations artistiques que nous connaissons - ont en commun avec la vision sadienne de l'univers.



Ainsi, ceux qui ne réussissent pas comme "oeuvres" ont toujours la possibilité de se reconvertir en "meubles" (canapé, table, lampe ...). Et ils servent réellement de canapé, de fauteuil, de tapis ... En fait, ils doivent tenir le rôle pour lequel on les a achetés. Ou bien les modèles qui débutent et qui ne sont pas encore très connus participent souvent - il faut bien alimenter le garde-manger - à des spectacles d'"art taché." Somoza ne s'étend pas outre mesure sur la chose mais on devine que c'est plutôt musclé, bien sanguinolent, plus ou moins sexuel, voire dangereux. Enfin, les modèles-oeuvres sont essentiellement des enfants ou de jeunes femmes et hommes. (A partir de trente ans, il devient difficile d'être une "oeuvre.") Dans le monde que Somoza nous dépeint avec un réalisme soigné, n'importe quel pédophile assez riche pour le faire peut par conséquent s'offrir une "oeuvre" qui n'est, à bien y regarder, qu'un enfant ou un jeune adolescent.



Le style est sans doute moins classique que dans "La Caverne des Idées" mais l'intrigue, menée tambour battant, est si prenante, elle amène tant de réflexions dans la tête du lecteur, tant d'interrogations aussi, qu'on a bien du mal à se libérer de temps à autre de ces (presque) six-cent-cinquante pages pour vaquer à ses occupations personnelles.



Dans l'oeuvre de l'auteur espagnol, "Clara et la Pénombre" reste assurément l'un des ouvrages les plus riches et les plus intéressants - même si les puristes pourront se plaindre d'avoir deviné l'identité de l'assassin aux deux tiers du roman. ;o)
Commenter  J’apprécie          181
Etude en noir

C'est un roman que j'ai lu il y a quelques années en espagnol. Il sort en mai en français c'est roman noir un hommage Conan Doyle. J'ai adoré c'est mon préféré de jose Carlos Somoza. La fin m'a scotché cela se déroule en Angleterre au 19 ième. C'est l'histoire d'une infirmière Anne qui suite à un chagrin d'amour et lassée de vivre à Londres déménage sur la côte et vient travailler dans une étrange clinique psychiatrique et va s'occuper d'un patient appelé Mr X qui a la capacité d'analyser les détails les plus infimes et découvrir les secrets cachés au plus profond de chaque personne.

A ce duo va s'ajouter le Docteur Conan Doyle avec qui Anne va essayer de percer la personnalité énigmatique de Mr X. En parallèle ont lieu d'étranges assassinats.

Dans ce roman riche en suspense , le fantastique et le roman policier de côtoient c'est une œuvre magistrale.
Commenter  J’apprécie          170
La bouche

Une narration froide, sans point, parce que sa vie est un vide ponctué de virgules. Etrange roman surréaliste d'un dentiste adultère, au quotidien rythmé comme une horloge, soudain enfermé dans le néant où les bouches s'ouvrent sur une anti matière vertigineuse. Si sa présence au monde est corporelle, il connaît soudain la révélation du vide : son corps, les corps, simples anatomies, sont dépourvus de sens. Juan Carlos Somoza remet en cause le statut d'être humain, lancé dans un vide intérieur, bouche ouverte sur le silence, une manière insolite et distanciée de retourner nos enveloppes pour nous regarder dans nos tréfonds.
Commenter  J’apprécie          170
La Théorie des cordes

Je commence à penser que Somoza doit être fétichiste: il y a tellement de description de bobettes dans ce livre qu'il mériterait une subvention de Victoria Secrets.

Pourquoi le personnage en première de couverture est recouvert d'une longue cape d'abord?

Ce livre m'ennuie prodigieusement. Je me lasse de me faire dire à la fin de chaque chapitre ou presque, que c'est le dernier moment de bonheur d'Elisa Robledo (la Lara Croft du bouquin en plus déshabillée et moins experte en arts martiaux) avant la catastrophe.

Le style est si lourd qu'il plombe le peu de suspense. Les personnages n'ont pas de profondeurs (2D?) et on a du mal à ne pas rigoler en lisant les dialogues. Dommage ça aurait pu être une bonne histoire. Je vais finir le livre histoire de voir ce que j'aurais manqué si cela avait été un bon livre. Encore 200 pages oh boy!

Ouf! je l'ai fini. Cela ne casse vraiment pas des briques et pourtant c'en est une de 600 pages. Tout cela pour imaginer qu'un écho du passé coincé dans une corde du temps pendant un micronième (c'est français ça?) d'instant de rage peut devenir le mal incarné. Quand on n'a pas d'intérêt pour les jeunes et jolies scientifiques en petites tenues, ce livre ne vaut pas la dépense.

À éviter ...

Commenter  J’apprécie          173
Etude en noir

A première vue, Étude en noir semble ne pas s'inscrire dans l'univers habituel de José Carlos Somoza, à partir du moment où l'action se déroule vers la fin du XIXe siècle, mais il contient suffisamment d'éléments de fantastique, surtout dans ses derniers chapitres, pour ne pas annoncer un verdict aussi définitif. Fascinant, en tous cas, ce nouveau roman de l'écrivain espagnol l'est assurément, avec pour principaux protagonistes une infirmière (et narratrice) et son patient qui ne bouge presque jamais de sa chambre située dans un établissement psychiatrique haut de gamme à Portsmouth. Au moment où ces deux-là se rencontrent, une série de crimes horribles commence, frappant les mendiants de la ville. N'en disons pas plus car les surprises et les retournements de situation dans ce roman presque "à la Dickens", qui s'intéresse beaucoup aux théâtres clandestins dont les spectacles peuvent être qualifiés d'obscènes et de scandaleux (ce dernier terme, en italique, est celui qui revient le plus dans le roman). Ah oui, il y a également un autre protagoniste d'importance à signaler : un médecin nommé Conan Doyle qui griffonne déjà dans son temps libre des aventures mettant en scène un certain Sherlock Holmes. Thriller, roman gothique ou récit d'horreur, Étude en noir se nourrit aussi de surnaturel dans une ambiance délicieusement glauque. Moins vertigineux que la plupart des autres livres de José Carlos Somoza, le présent ouvrage est sans doute, par ricochet, le plus immédiatement accessible. Mais ce n'est pas le moins brillant de tous, certainement pas.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
Commenter  J’apprécie          160
Le mystère Croatoan

Il y a une différence entre la fin du monde et la fin d'un monde, celui que nous connaissons, et c'est toute la subtilité du dernier roman de José Carlos Somoza que de l'illustrer à travers l'intrigue aussi furieuse qu'apocalyptique du Mystère Croatoan. Aux 3/4 du livre, l'auteur délivre toutes ses explications sur le chaos que connait la planète via le personnage d'un savant qui a tout anticipé et qui, bien que décédé, un détail, distille au compte-gouttes ses informations. Il y a de quoi rester perplexe devant ces révélations, et peut-être Somoza aurait-il pu s'en dispenser, car à partir de là, le livre devient un simple suspense dont une grande partie de l'aspect fantastique s'estompe peu à peu. Le mystère Croatoan n'est pas le meilleur cru de l'auteur pour d'autres raisons et notamment une certaine trivialité dans les dialogues de personnages à l'intérêt inégal. Ceux des forces de l'ordre, par exemple, dont on suit alternativement les aventures avec un petit groupe de personnes réunies au laboratoire d'éthologie. On a l'impression de vibre un film de série B (Z ?), une histoire de zombies avec des descriptions hallucinantes et très organiques (pas très ragoutants à vrai dire, ces conglomérats d'humains et d'invertébrés). L'homme est un animal comme les autres, surtout en temps de crise, et se comporte comme tel dans les visions terrifiantes de Somoza. Un livre à faire des cauchemars la nuit qu'on aurait peut-être apprécié davantage en étant plus resserré, moins dense et ... plus mystérieux.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          160
La clé de l'abîme

José Carlos Somoza est considéré comme un des auteurs qui a renouvelé le polar en espagnol, avec des romans qui tendent à faire disparaître les barrières entre les genres. Ainsi ses livres, construits sur des trames policières, touchent également au fantastique, à la terreur ou encore à l'anticipation. C'est le cas avec La Clé de l'abîme qui nous entraine sans protocole futuriste avéré dans une société proche de la notre et dans un univers référentiel qui nous rappelle nos propres problématiques : terrorisme, procréation, religion, fanatisme… Mais cela se complique au fil de la lecture de ce thriller.

Dans ce roman, la clé de lecture est constituée par l'oeuvre de Lovecraft dont Somoza est un fervent admirateur. Cependant l'écrivain américain n'est jamais clairement cité et les références à son univers n'apparaissent en filigrane que pour les initiés ; une note de l'auteur à la fin du roman précise d'ailleurs que La Clé de l'abîme peut « être lu et apprécié par ceux qui n'ont jamais approché Lovecraft ».



Somoza recrée un texte biblique fondateur et revisite les origines d'une humanité post-fin du monde ; le monde tel que nous le connaissons a subi une ère de cataclysmes et a dû se reconstruire. La « Sainte Bible de l'Amour et de l'Art » (Holy Bible of Love Craft) comporte quatorze chapitres, sous forme de fables ou de paraboles, et il y a des croyants différents pour chaque chapitre ; le roman suit cette division et entraine les lecteurs dans une quête au départ d'une Allemagne relativement proche du monde que nous connaissons même si les humains y sont pour la plupart conçus artificiellement. Les êtres de conception sont beaux, résistants, androgynes…

La seconde partie se déroule au Japon, mais ce pays est partiellement enfoui sous les eaux, sous une immense cloche de verre protectrice ; les personnages deviennent plus énigmatiques tant dans leurs postures que dans leurs façons de s'habiller et de se dévêtir. Il y a sans doute une symbolique particulière à déchiffrer tant dans les chorégraphies que dans les descriptions détaillées des vêtements mais elle est complexe et peu évidente.

La montée en puissance s'accentue encore dans la troisième partie du roman, en Nouvelle-Zélande, « hors de toute protection et de tout contrôle ». Personnellement, j'ai été subjuguée par le personnage de la Vérité, omnisciente, « fanatique de la croyance » qui se met toujours au service du plus offrant.



La Clé de l'abîme n'est pas un roman facile à lire, loin de là et je ne conseillerais pas d'aborder l'oeuvre de Somoza par ce titre. En effet, il faut être un peu familiarisé avec son univers pour accepter l'effort que demande cette lecture. Ce n'est pas mon préféré de cet auteur car j'ai dû me faire un peu violence pour en venir à bout… mais, paradoxalement, je ne regrette pas cette lecture laborieuse pour la manière de traiter la peur omniprésente, d'analyser le fonctionnement des croyances, de revisiter le mythe de création du monde et de prendre le contre-pied de la recherche de Dieu puisque celui qui trouve la clé devrait pouvoir le détruire…

Commenter  J’apprécie          160
La Théorie des cordes

Elisa Robledo est physicienne et enseigne dans une université madrilène lorsqu'elle lit un article de journal qui la bouleverse. Plus tard, un coup de fil reçu la met dans tous ses états. Les deux sont en lien avec des évènements survenus 10 ans auparavant sur une île de l'Océan Indien où elle travaillait avec d'autres scientifiques sur un projet archisecret impliquant la théorie des cordes et la possibilité de voir le passé.



La Théorie des Cordes, malgré son titre qui fait peur à ceux qui n'y comprennent rien à la physique, est un roman très prenant. Il est construit comme un thriller, avec un suspens halletant, corde sur laquelle l'auteur a d'ailleurs un peu trop tendance à tirer avec des avertissements "attention, il va se passer un truc" trop fréquents. Par exemple :



Utilisé avec parcimonie, ce procédé permet de faire monter la tension, mais quand il est utilisé fréquemment, cela a tendance à faire retomber le gâteau. Ou à ce que l'on soit pour finir déçu par ce qui se passe finalement. Rien que pour ces fameuses six minutes, le même procédé va être utilisé plusieurs fois (5 minutes, 12 secondes), tout ça pour arriver à la lecture d'un article de journal qui va bouleverser le personnage. Article dont bien sûr on ne connaitra pas le contenu sur le moment : il faut bien entretenir le suspens.



Mis à part ce défaut mineur, ce livre se lit avec une facilité déconcertante, l'écriture est très fluide et c'est bien écrit/traduit. Les explications plus scientifiques ne sont jamais rébarbatives ni incompréhensibles (ce qui constituait ma crainte principale avant de commencer ma lecture). Le récit est très prenant et tient la route du début à la fin, malgré de nombreux flashback. L'angoisse, voire la terreur, est omniprésente dans ce roman et est très bien rendue.



La Théorie des cordes traite avec brio du thème du scientifique qui ouvre la boîte de Pandore, qui se laisse emporter par ses découvertes, puis se rend compte tout d'un coup qu'il y a un problème et se retrouve dans l'incapacité de refermer la boîte après y avoir remis le contenu qui s'en était échappé. Un page-turner intelligent à emmener dans son sac de plage.
Lien : http://ledragongalactique.bl..
Commenter  J’apprécie          160
La Théorie des cordes

Livre en 9 parties. Cette histoire m'a beaucoup fait penser à un film avec Julia Roberts et Kevin Bacon, l'expérience interdite. Sauf un détail, les protagonistes dans ce livre ne joue pas avec la mort (quoique) comme dans le film mais avec le passé... Et de leurs expériences, ils ramènent une espèce d'entité malfaisante qui leur veut du mal. 2005 : un groupe d'élites scientifiques se réunit sur une île afin de tester la théorie du séquoïa. Théorie selon laquelle, en tirant les cordes du temps, il serait possible de retourner dans le passé... 2 périodes les intéressent, la ville de Jérusalem à l'ère du christ et l'ère jurassique. Ils y parviennent mais non sans conséquences, ils appellent ça "l'impact".

2015 : Après les décès survenus de manière brutale et toujours inexpliqués de quelques uns d'entre eux, ils se réunissent de nouveau pour traquer ensemble "l'entité" qu'ils ont ramené de leur expérience 10 ans auparavant. Ils le nomment ZIGZAG.

Bon, mon résumé est extrêmement simplifié mais en gros c'est ça... Cela n'a pas été une lecture facile car moi et la physique c'est un amour non réciproque !! Mais ça reste très abordable ... J'ai aimé cette histoire mais l'auteur a une façon assez spéciale d'instaurer du suspens qui m'a un peu déconcertée ... Il lance l'action sans que nous comprenions quoique ce soit (du coup je me suis perdue à plusieurs reprises) et ce n'est qu'en continuant la lecture qu'il revient en arrière pour nous l'expliquer. (Donc je me retrouve lol) mais sur le moment, on a l'impression d'être un peu largué, d'être passé à côté d'un truc ... mais non c'est sa façon à lui de raconter ! Si vous vous lancez dans cette pavasse, il faut accepter de ne pas tout comprendre et d'être déstabilisé ... mais ne vous inquiétez pas, vous finirez par tout comprendre !

Commenter  J’apprécie          153
Daphné disparue

Premier livre que je lis de cet auteur. A lire les quatrièmes de couverture, je m'étais toujours dit que ses livres paraissaient un peu intellectuels et c'est tout l'inverse. J'ai découvert une histoire passablement tirée par les cheveux et totalement inutile. A mes yeux. Vu les cotes obtenues d'habitude par les livres de cet auteur, c'est peut-être une mauvaise pioche et j'essaierai sans doute un autre un jour, mais celui-ci, franchement, n'en vaut pas la peine. Toujours à mon estime, bien sûr.
Commenter  J’apprécie          150
Tétraméron

Vous avez dit bizarre ? Tous les romans de José Carlos Somoza le sont et Tétraméron ne fait pas exception. Seulement, ici, l'auteur espagnol met sciemment mal à l'aise le lecteur dans une série de contes fantastiques et assez pervers qui se heurtent à la sensibilité d'une très jeune fille. Les histoires racontées par un cénacle de mystérieux personnages n'ont aucun rapport les unes avec les autres si ce n'est une étrangeté et climat malsain plutôt dérangeants. La mise en abyme et la symbolique du passage de l'enfance à l'âge adulte sont la pierre angulaire de ce roman dont certains passages sont relativement ennuyeux et pas seulement pour leur opacité. Le dénouement est lui totalement déplaisant n'expliquant rien et débouchant sur une sorte d'impasse narrative. La seule chose que l'on espère est qu'il n'y aura pas de suite à Tétraméron et que Somoza reviendra à une littérature pas nécessairement plus claire, ce n'est pas son genre, mais loin du mauvais goût qui imprègne ici son livre.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
Commenter  J’apprécie          152
La Dame n°13

Il est rare que je me contente de la quatrième de couverture pour choisir un livre. Généralement, je regarde plusieurs sites et différents avis pour me décider. Celui-ci, je l’ai croisé en librairie et je n’ai pas hésité. Son résumé laisse planer une sorte de mystère qui envoûte et qui donne envie d’en savoir plus. L’histoire de ces sorcières, de ces 13 Dames. Une qui invite, une autre qui empoisonne, une qui devine… et la treizième ne doit pas être nommée “Elles sont toujours treize mais on n’en cite que douze tu vois? Tu ne dois en mentionner que douze. Pauvre de toi si tu mentionnais la numéro treize ! ” Logique non? Le numéro treize est connu pour porter malheur, honneur aux superstitieux. Me voilà donc décidée et partie pour plonger au fin fond des ténèbres.



Ce roman mélange de nombreux genres. Il nous plonge dans un roman noir qui tourne autour du fantastique, de l’horreur mais il passe aussi par une sorte de Thriller. Certains passages peuvent même être vu comme gore. Il met en place aussi la psychologie, notamment avec les rêves mais aussi la poésie. La poésie comme arme destructrice. Une arme contre ceux et celles qui osent défier les “Dames”.



En tant que lecteur, on entre facilement en plein coeur de l’histoire. L’ambiance y est vite sombre et oppressante. Le protagoniste, Salomon Rulfo fait des cauchemars atroces. Il est persuadé qu’on l’appelle à l’aide. Moi qui redoutais la complexité de l’histoire, du style et de l’écriture de l’auteur, je peux vous assurer que c’est passé comme une lettre à la poste. J’ai tout de suite été prise et entraînée avec les trois personnages principaux : Rulfo, le professeur de lettre déprimé par la perte de son grand amour, un médecin dévoué et une hongroise, Raquel.



J’ai trouvé l’histoire plus qu’intéressante : on a envie de savoir si ce qu’ils vivent est bien réel, on se demande la force des mots, la force des vers, on se demande s’ils vont s’en sortir. L’histoire est pleine de rebondissements, de moments chocs qui nous font relever la tête trente secondes pour nous remettre les idées en place. Pour citer un petit point négatif car un livre n’est jamais parfait, je dirai que le roman traîne un peu durant la seconde partie, il s’essouffle… avant de reprendre de manière étonnante.



Pour conclure, je suis séduite par la créativité de l’auteur, son originalité et cette histoire.
Commenter  J’apprécie          152
Clara et la pénombre

J'ai rencontré ce roman lors du passage dans un airbnb charmant, qui regorgeait de romans à tous les étages.

C'est la 4ème de couv m'avait interpelée. Résistant à l'impulsion de l'embarquer dans ma valise (ça ne se fait pas mais c'était tentant), je l'ai acheté quelques semaines plus tard et je viens de le finir.

Et quelle découverte !!!

Un bijou de finesse, de rigueur, d'imagination. La tension ne se relâche pas un instant.

Le plus fascinant, c'est que l'auteur a poussé son idée d'art hyperdramatique jusque au bout. Je vous explique en quelques mots :

les oeuvres d'art sont humaines. Les artistes les peignent et les mettent en scène avec toutes les dérives que cela peut engendrer. Pour le reste, ne comptez pas sur moi pour vous raconter le reste. L'auteur le fait mieux que moi. Il nous présente tous les points de vue des oeuvres d'art, de proches, des artistes, de ceux qui protègent les oeuvres, du public, des anti.

C'est vraiment regarder un diamant sous toutes ses facettes. C'est à croire que l'auteur a côtoyé ce monde pour nous en faire une peinture aussi fidèle, aussi complète.

Il est allé loin le bougre ! Avec une vraie réflexion sur l'art et ses frontières avec l'acceptable, le beau. Ce qui est plus important entre un être humain et une oeuvre d'art, quand c'est l'être humain qui est oeuvre d'art

Car l'intrigue qui sert de toile de fond pour cette histoire débute avec une toile qui a été vandalisé ou une jeune femme assassinée, selon le point de vue que l'on adopte...

Un grand bravo, même si j'avais un peu entrevu la fin...

Alors faut-il le lire ? Un grand oui. Il me tarde de retourner dans une musée, riche de cette histoire pour considérer différemment les oeuvres d'art.

De mon côté, je prévois d'autres lectures de cet auteur.



Commenter  J’apprécie          140
Clara et la pénombre

Dans ce roman publié en 2001, l'auteur nous invite en 2006 dans le monde de l'art. Un monde ou tout a changé. L'art Hyper Dramatique tient le haut du pavé. C'est un art ou les toiles n'existent plus, ou plutôt si , elles existent mais elles sont humaines, vivantes. Ces toiles humaines sont peintes, mises en scène, exposées, vendue comme les anciens tableaux. C'est un commerce juteux qui rapporte aux artistes, mais aussi à ces modèles qui par ce biais engrangent beaucoup d'argent et espèrent passer à la postérité mais à quel prix?







Le marché de l'art Hyper Dramatique est dominé par un peintre hollandais, Bruno Van Tysch. Ce peintre, habile homme d'affaire a aussi créé une fondation pour développer ses revenus et protéger ses oeuvres qui sont accompagnées par des agents de sécurité. Tous les aspirants modèles ne rêvent que d'une chose être peints par lui. C'est le ças de Clara, jeune espagnole qui ne vit que pour être une toile, qui est prête a accepter tous les sacrifices pour être le modèle original d'une de ses oeuvres.





"Être une oeuvre d'art a quelque chose de... d'inhumain. Tu dois être froide, beaucoup plus froide. Imagine un sujet de film de science fiction : l'art est comme un être d'une autre planète et se manifeste à travers nous. Nous pouvons peindre des tableaux et composer des musiques, mais ni le tableau ni la musique ne nous appartiendrons, parce que ce ne sont pas des choses humaines. L'art nous utilise, petite, il nous utilise afin de pouvoir exister, mais c'est comme un alien. Tu dois penser à ça : quand tu es un tableau, tu n'es pas humaine."



Le meurtre du jeune modèle de la toile Défloration, l'un des chefs d'oeuvre de Van Tysch passe d'abord pour le geste d'un détraqué, tant cet assassinat est monstrueux, mais il est suivi de près par celui des deux protagonistes du tableau Monstres, autres oeuvre importante du maître. Toute la fondation est en émoi et son service de sécurité enquête. Est-ce l'oeuvre d'un concurrent, d'un fan dérangé? Toujours est-il que dans le contexte de la mise en place de la nouvelle exposition du maître le pire est à craindre.



Ce roman de José Carlos Somoza est une oeuvre hybride. C'est à la fois un roman d'anticipation, un thriller, mais aussi et je dirais surtout une réflexion sur l'art contemporain, sur ses dérives mercantiles poussées ici à l'extrême avec la vente, l'échange de toiles humaines. Un roman passionnant composé comme un tableau. La première partie tourne autour des couleurs, la deuxième autour des formes, et la troisième autour de l'exposition de l'oeuvre. Une construction originale qui nous plonge dans le milieu de l'art sans jamais nous perdre. Une réussite.
Commenter  J’apprécie          140
La Dame n°13

Encore un roman très réussi de José-Carlos Somoza qui, cette fois, nous emmène dans un univers où la poésie devient, entre les mains de treize sorcières, une arme redoutable capable d'immenses destructions.

Une clandestine hongroise, un professeur de littérature et un médecin affrontent ces sorcières et se trouvent emportés dans un monde où le beau jouxte l'horreur, où les mots les plus beaux ont le pouvoir de faire le mal.

L'auteur excelle dans ce type de récit fantastique où les fils de l'intrigue s'entremêlent jusqu'au dénouement. Il parvient à maintenir le suspense jusqu'au bout et ce roman est une entrée de plus dans l'univers de Somoza.
Commenter  J’apprécie          140
La Dame n°13

On entre immédiatement dans ce roman policier fantastique de Somoza… ou plus exactement dans les cauchemars de Salomón Rulfo, professeur de lettres au chômage passionné de poésie, qui réalise bien vite avec l’aide bienveillante de son médecin, le Dr Ballesteros, que son terrible monde onirique interfère avec la réalité. Et il est dangereux de s’intéresser de trop près aux choses étranges, même pour un poète.

Parmi les autres personnages, nous trouvons une prostituée hongroise, Raquel, et son proxénète, Patricio, un vieux professeur exalté, César Sauceda, et sa jeune compagne Suzana qui fut autrefois la maîtresse de Salomón, des morts qui réapparaissent et treize dames aux terribles pouvoirs surnaturels. Il y a aussi le livre d’un professeur autrichien, Rauschen, qui développe une théorie sur une secte dont le but serait d’inspirer les grands poètes et qui aurait déjà exercé ses talents auprès de Virgile, Pétrarque, Shakespeare, Dante, Milton, Keats, William Blake, Hölderlin, Góngora, Emily Dickinson ou encore Borges… pour n’en citer que quelques uns ; chaque lecteur retrouvera des poètes connus, aimés ou pas et en découvrira aussi. Enfin, je n’oublie pas le phylactère et son contenu, les mystérieux tatouages, les meurtres, les cadavres mutilés, les pressions et chantages, les tortures physiques et psychologiques… tous les ingrédients du thriller sont bien sûr réunis. Mais, avec Somoza, vous vous doutez bien que ce livre n’est pas un bon policier fantastique…



Somoza nous entraine en réalité dans les mystères de l’inspiration et de la création poétique, dans une intrigue où « la véritable poésie est de l’horreur pure » et où les muses ne se contentent pas de donner aux artistes « le halo créatif nécessaire ». L’auteur interroge le « pouvoir occulte du langage », le rapport entre les mots et la réalité et se penche sur l’écriture et l’oralité poétique, moyens de transmissions mystérieux, immémoriaux et secrets.

Somoza a recours à Dante et à L’enfer de La divine Comédie, reprenant à son compte les problématiques du poète médiéval : comment comprendre le mal ? Montrer le supplice ? Dire l’indicible ?... : « laissez toute espérance vous qui entrez / lasciate ogni speranza voi ch’entrate» ; cet avertissement ne s’adresse pas qu’aux personnages ! Lecteurs, vous voilà prévenus... en outre, le roman a pour épigraphe une citation du Chant IX qui évoque la terreur du poète devant les remparts de Dité, la cité dolente, et l’apparition des Furies et qui met le lecteur en garde face aux sens allégoriques et aux interprétations possibles.

Somoza cite aussi le chant V de l’Enfer, où le vent noir châtie les luxurieux ; ce chant évoque aussi les pouvoirs de la littérature et une possible porosité entre la lecture et la vie réelle. La question de la punition ou contrapasso, le rapport entre la peine et le crime, calque ou rapport analogique, est omniprésente dans l’œuvre de Dante qui lui donne un sens de châtiment infernal : Dante a la capacité de nommer le mal et de le punir. Je n’irai pas plus loin dans l’analyse du recours à Dante et à sa Béatrice car il faut que vous lisiez ce roman et y trouviez peut-être encore d’autres clés de lecture…, les votres.

Somoza cite aussi Le Paradis Perdu de Milton, grand poème narratif « poésie étrange qui décrit Satan avec une certaine bienveillance et Dieu comme une créature vengeresse » ; le roman donne, par exemple, une étrange explication de la cécité de Milton.



On ne sort pas tout à fait indemne de ce roman surtout si on est aussi amateur de poésie. Dans La Dame n° 13, la poésie est devenue une forme de torture et une arme de destruction ; à travers la poésie c’est tout le logos que Somoza convoque ici, avec les personnages des dames, c’est-à-dire tous les éléments du discours et de la parole, les mots, les phrases, la syntaxe, la prosodie, la phonétique… etc. : « le logos de l’univers leur donne raison, parce que l’univers, ce sont des paroles. Un long poème ».

Commenter  J’apprécie          130
La clé de l'abîme

Ca faisait une éternité que je n'avais pas mis autant de temps a finir un livre. C'est nul, plat comme un soufflé qui ne monterait jamais, ca hésite entre Jules Verne et Lovecraft et finalement on se retrouve avec marc levy qui se prend pour Conrad ou coehlo pour Ray Bradbury.



Chapeau a l'éditeur qui m'a induit d'erreur en optant pour ce bouquin aussi nécessaire qu'une paire de gants a un manchot.
Commenter  J’apprécie          130
L'origine du mal

José Carlos Somoza n'était pas attendu sur ce terrain-là, celui du roman historique, lui dont l’œuvre s'est principalement construite sur des rivages fantastiques et par le biais d'intrigues ultra sophistiquées. L'origine du mal, avec son héros phalangiste, aurait presque) pu être écrit par Javier Cercas et, c'est forcément subjectif, il y a le sentiment que Somoza est moins à l'aise dans l'univers violent et réaliste de l'Espagne de 36 puis de l'Afrique du Nord, dans l'après-guerre et ses temps troublés, avant l'indépendance du Maroc et de l'Algérie. Le livre vire alors carrément au roman d'espionnage avec la confusion qui va avec. La construction de L'origine du mal obéit un schéma bien usé, celui du manuscrit qui tombe du ciel dans les mains d'un écrivain et qui déclenche une enquête de ce dernier. Somoza n'est pas un manchot quand il s'agit d'installer un suspense prenant mais si l'évocation du paysage éruptif des années 50 dans le Maghreb ne manque pas d'éclat, l'intérêt n'est pas toujours soutenu, à mesure que se met en place une histoire d'amitié et de trahison. La partie contemporaine, qui occupe notamment les dernières pages, multiplie les rebondissements, certains au-delà du crédible, et parvient cependant à susciter un brin d'émotion, contrairement aux pages qui ont précédé. Pour autant, à l'inverse d'un Cercas, encore, très convaincant quand il change de genre, avec le brillant Terra Alta, L'origine du mal laisse un peu perplexe quant à la capacité de Somoza à s'aventurer dans un nouveau genre. Vous voulez parier que son prochain livre marquera un retour à son domaine de prédilection ?
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          122
Clara et la pénombre

Lorsque j'évoque le mot "art", à quoi pensez-vous en premier? Quelle idée ou sensation émerge en vous? L'art est le roi de l'abstrait et de la subjectivité la plus grande. C'est ce que j'ai toujours pensé...En découvrant Clara et la Pénombre, le malaise s'est mélangé à la fascination. Des tableaux remplacés par des humains peints de la tête aux pieds dans un futur proche du notre, qui l'eut crû? Des "tableaux humains" considérés uniquement comme des oeuvres d'arts, est-ce concevable?

Clara Reyes est une jeune femme qui veut devenir une oeuvre d'art. C'est son principal objectif, sa principale obsession. Ayant déjà travaillé pour plusieurs peintres de l'ère hyperdramatique, elle est embauchée par le maître de cet art aussi surprenant que tordu, Bruno van Tysch. En parallèle, des toiles humaines du maître sont "détruites". Par qui? Pourquoi? Comment? Un conseil: lisez ce livre jusqu'à la fin.

Cette histoire d'art HD et de toiles humaines est tout simplement brillante, dérangeante, déroutante et violente à la fois. Quelle est la limite entre l'humain et l'artistique? L'art peut-il uniquement devenir un business? En voyant plusieurs fois cette phrase "l'art c'est de l'argent", on est en droit de se poser la question...

Des termes inédits comme "transgénérisme" semblent faire évoluer l'art voire le redéfinir. Somoza a fait de ce livre un roman chromatique, nimbé de formes géométriques diverses et de lumières en tous genres, rendant l'art plus esthétique qu'il ne l'est déjà mais aussi plus agressif. C'est une très belle découverte littéraire pour moi et j'encourage vivement les non-connaisseurs de l'univers de Somoza à s'y plonger!
Commenter  J’apprécie          123
La Caverne des idées

Etant amateur de littérature de l'antiquité, je n'ai lu ce bouquin que poussé par la curiosité. Eh bien, chers futurs lecteurs qui êtes tentés de vous risquer dans cette caverne, je me dois de vous prévenir que je crains fort que le señor Somoza ne laissera pas un nom indélébile dans l'histoire de la littérature. En effet la recherche de l'originalité à tout prix ne peut guère, à mon sens, être suffisante pour garantir une œuvre de qualité. On connaissait déjà ceux qui s'écoutent parler...Somoza, lui, est un grand innovateur, il se regarde écrire ! en faisant, en bas de page, des commentaires puérils sur ce qu'il vient de rédiger en feignant la surprise. Ça fait penser à ces documentaires où un reporter surexcité n'arrête pas de faire des remarques sur ce qu'il fait découvrir en se retournant vers la caméra. C'est déjà insupportable en vidéo, mais dans ce genre de fiction cela crée, en plus, une distance par rapport au texte qui déflore l'éventuel suspense. Sans parler des incessantes répétitions, surtout des mots "eidétique" et "eidésis", dont le premier n'a d'ailleurs pas le sens que lui impose l'auteur et le second un vulgaire néologisme inventé à cet effet. Dans le genre "enfoncez vous bien ça dans le crâne" je n'ai jamais vu pire. C'est à la fois horripilant et ridicule.

Pour ma part je n'aime pas le mélange des genres. En effet c'est quoi ce salmigondis, pour ne pas dire "amphigouri", que nous sert Somoza ? S'agit-il d'un pastiche, vernissé à l'antique, d'Agatha Christie et de ses personnages caricaturaux ?, d'un psycho-thriller truffé de clins d'œil au lecteur ?, d'une BD style Jacques Martin sans les images ?, je ne saurais dire... en 2000 c'était nouveau, ça venait de sortir, donc ça ne pouvait que plaire aux bobos branchés.

Un internaute fait toutefois judicieusement remarquer que la crédibilité de l'intrigue est pipée dès le début, dans la mesure où la traduction du héros n'a strictement rien à voir avec le style d'un texte antique. OK, on apprendra par la suite que le document d'origine n'était qu'un leurre, mais dans ce cas que dire de la compétence du "traducteur", qui ne se rend compte de rien, tout en moquant l'absence de sagacité de son prédécesseur ?! Mais ces incohérences ne gênent visiblement, ni Somoza ni ses lecteurs. Certains parlent d'érudition à son propos ! Ça fait sourire, tant il est évident que l'auteur fait évoluer ses bouffons dans une Athènes de pacotille, à l'aide d'un plan de la cité antique tiré d'un "Guide Bleu" Michelin. Il injecte, pêle-mêle, dans les premiers chapitres tous les poncifs sur la Grèce antique glanés dans un manuel scolaire, sans oublier, bien sûr, la fameuse statue chryséléphantine. (ça sonne bien !) Puis débarquent sans crier gare les écrivains, (p.134 et suivantes) et enfin les philosophes. (p.173) - Pour les portraits il s'inspire évidemment de la céramique grecque antique et de peintres comme Alma Tadema ou Füssli (p.241) pour les scènes de genre. - Quant aux termes spécialisés dont il abuse prétentieusement, il les extrait tout simplement d'un glossaire. C'est à la portée du premier scribouillard venu...

Voilà ce qu'on peut dire de la forme, examinons maintenant le fond :

Quand on vit de sa plume il faut toucher un large public avec des goûts différents, donc appâter avec ce qui fait recette en commençant par un titre racoleur. On introduit ensuite des éléments qui on fait leurs preuves : mystère, savoirs et rites occultes, sexe, violence etc. Cette technique mélange le réel et l'imaginaire et, au bout du compte, aboutit au but recherché : provoquer le délire du lecteur lambda en le projetant à travers les toboggans de l'espace-temps, dans la griserie fantastique de la fiction, d'où il ne peut retomber qu'abasourdi et conquis.

Certains trouvent l'intrigue de ce roman de gare bien ficelée, admettons, mais ils n'ont pas remarqué que ce n'est que le plagiat du scénario "d'Angel Heart" film sulfureux émaillé de crimes atroces sorti, comme par hasard, sur les écrans 2 ans plus tôt. Harry Angel est, comme "le traducteur", à la recherche de son vrai moi sans en être conscient et le détective Héraclès P. fait aussi des cauchemars de cœur arraché. Etis = Margaret la femme fatale énigmatique, Yasintra = Epiphany, autre hétaïre prêtresse de rites barbares. Somoza se réserve évidemment le rôle du diabolique Luis Cypher qui tire les ficelles. Un outsider atypique tout de même : Crantor + Cerbère = Obélix + Idéfix. (La scène de la p.333 où ce personnage préfère porter secours à son roquet, plutôt que d'achever sa victime, est par contre empruntée au "Silence des agneaux".) Afin de brouiller les pistes (ça il sait très bien faire) Somoza situe son remake de ce scénario au IVème S. av.JC . (Le texte dit X fois "il y a des millénaires", non, ce serait l'Egypte très ancienne, faut pas confondre !)

Nous nous retrouvons donc à l'époque de Platon. Ce choix n'est pas innocent, c'est en effet le seul philosophe dont le nom est connu de presque tout le monde. De plus son idéalisme poussé à l'extrême débouche dans le solipsisme ce qui va fournir à Somoza l'idée d'une action parallèle permettant un dénouement inattendu. Nouveau plagiat ! car ce thème est emprunté à une nouvelle de J.L.Borges : "Les ruines circulaires".

A ce propos on se heurte à une nouvelle incohérence rédhibitoire : Si Philotexte de Chersonèse a créé les personnages du traducteur et de ses proches, comment pouvait-il imaginer, à son époque, un nom moderne comme Montalo, l'existence de l'électricité (p.163), l'aspect de leurs vêtements (p.177), et surtout leurs actions et réflexions qui n'auraient un sens que plus de 2000 ans après sa mort ??? Ah pardon, j'oubliais qu'on nous précise p.191 que Philotexte-Somoza a été investi par Apollon du pouvoir de vaticiner. Et devinez ce que nous prédit (après coup) notre philosophe extralucide ? : La réussite de la secte chrétienne qui mange son dieu torturé, l'accession des femmes aux mêmes emplois que les hommes et l'avortement de la "République Idéale" imaginée par Platon parce que la nature humaine reste inchangée. Ça c'est un scoop...;-)). Sans indiscrétion, señor Somoza, il vous a fallu combien d'années d'études de psycho. pour en arriver à ces conclusions fracassantes ?

- Nonobstant notre psy. poursuit son récit avec la finesse de son Taureau de Crête s'ébrouant dans un magasin de porcelaine. Il ne se relit même pas d'où des perles du genre : "Eumarque fit un geste apotropaïque afin d'éloigner le mauvais sort." (p.80) magnifique exemple de pléonasme !, "...le front dégagé avec de grandes fosses nasales," (p.94), "...sa large dentition blanche embusquée dans le labyrinthe de ses cheveux." (p.100). N'en jetez plus la cour est pleine...

- D'aucuns disent encore qu'on est perpétuellement tenu en haleine par un suspense quasi insoutenable !? J'espère qu'il s'agit d'une boutade car le 2ème meurtre n'intervient qu'à la p.146, le 3ème p.225 et le carnage final p.338. Entre ces péripéties ce n'est que verbiage insipide et indigence des dialogues. ex. p.112 ou 300.

- D'autres prétendent aussi être restés "scotchés" par le dénouement. C'est à se demander s'ils ont lu ce qui précède, car Somoza est tellement fier de sa "trouvaille" qu'il ne peut s'empêcher de nous suggérer plusieurs fois la solution notamment aux p. 102,135,136 et 180. Donc la fin, bien loin d'être une surprise, ne fait que confirmer ce qui était annoncé. C'est la montagne qui accouche d'une souris...

- Enfin des internautes se disent dérangés par la description morbide et complaisante des détails atroces caractérisant les meurtres. Franchement ceci ne m'a pas étonné. N'oublions pas qu'un psy. passe son temps à sonder les cerveaux dérangés de ses patients, ça finit par déteindre...D'ailleurs le carnage final est inspiré par le suicide collectif d'une secte au Guyana en 1978. Ce fait divers avait visiblement fasciné Somoza.

Non, j'ai été beaucoup plus irrité par la description caricaturale de l'Académie de Platon.

Bien que n'étant pas adepte de cette école, j'ai trouvé Somoza d'une suffisance rare lorsqu'il s'autorise à ravaler un philosophe illustre au rang de figurant grotesque de son intrigue à deux balles. Puis de lui lancer un défi par l'intermédiaire de son personnage Philotexte, alors qu'il n'a qu'une idée très vague du système de pensée de Platon. (L'allégorie de la caverne mise à part, les allusions et citations renvoient exclusivement au dialogue intitulé Phèdre.) J'ai toujours été amusé par l'aversion viscérale qu'ont les ilotes envers la culture en général, et tout particulièrement envers la philosophie ;-)

Quelques illuminés se sont encore extasiés sur le thème de l'étrange pouvoir évocateur des mots abordé par Somoza. Sans doute lisent-ils peu ou mal car ce sujet avait déjà été largement traité (entre autres) par Calvino. Encore un plagiat donc...

Conclusion : Prenant le contre courant de ce que j'ai pu lire sur ce point, je dirais que le dernier chapitre est le plus décevant dans la mesure où l'on y voit s'écrouler un château de cartes trop ambitieux. En effet l'auteur, armé d'une plume trempée dans du n'importe quoi, cherche à démontrer (p.342,343) de manière poussive et vaseuse que Philotexte a gagné son pari contre Platon. D'ailleurs il n'y croit même pas lui même puisqu'il fait dire à son héros :" Je souris devant le ridicule de ces propos" (sic.)

Somoza n'aura réussi à me convaincre que d'une chose : Sa "caverne" n'est qu'une grossière fumisterie dans laquelle il serait vain de chercher des "idées" dignes de ce nom. Allons, soyons bon prince, j'accorde une étoile pour l'encre et le papier et une autre pour le temps gaspillé à rédiger.

Quant à vous qui souhaitez vraiment voir revivre le passé (et vous cultiver par la même occasion) lisez plutôt des œuvres de qualité : Salammbô, Les mémoires d'Hadrien, L'œuvre au noir etc. Ou, encore bien mieux, directement les auteurs de l'antiquité : Tite Live, Ovide, Apulée, Suétone, Diogène Laërce, Pétrone, Hérodote, Pline le Jeune etc. Le choix est intarissable...
Commenter  J’apprécie          122




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de José Carlos Somoza Voir plus

Quiz Voir plus

La Mécanique du Coeur

Quand Jack est-il né ?

en 1 873
en 1 891
en 1 874

13 questions
5 lecteurs ont répondu
Thème : La mécanique du coeur de Mathias MalzieuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}