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Critiques de Linda Lê (199)
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Par Ailleurs, (Exils)

«Toute littérature porte en elle l’exil, peu importe si l’écrivain a dû prendre le large à vingt ans ou s’il n’a jamais bougé de chez lui.» (Roberto Bolaño)



C’est en lisant le roman de Marie Redonnet, «La femme au colt 45», à paraître en janvier 2016 aux éditions Le Tripode, en résonance avec notre époque hantée par les déplacements massifs de population et les images des réfugiés, que j’ai eu l’envie de me plonger dans ce texte, paru en 2014 aux éditions Christian Bourgois, ma première découverte de Linda Lê.



Se plaçant dans les traces de «L’écriture du désastre» de Maurice Blanchot, cité en exergue, ce recueil de Linda Lê est aussi, par fragments dispersés, en prise avec un présent douloureux, et habité par les brûlures de l’histoire, tourbillonnant autour de ce sentiment des exilés, de l’extérieur ou de l’intérieur, de la coupure d’avec la société dans laquelle ils vivent.



De Joseph Conrad à Albert Cohen, et avec eux les émigrés géographiques rétifs à la domestication, face à ceux qui les relèguent dans une infériorité supposée, aux exilés intérieurs tels Antonin Artaud l’insoumis ou Louis Wolfson, exilé de sa langue maternelle, Linda Lê évoque, à travers ces figures d’écrivains ou de peintres, ce thème de l’exil, fondateur en littérature.



Ces textes, plus ou moins inspirés, atteignent un sommet lorsque Linda Lê rend un hommage, profond et émouvant, à Benjamin Fondane et à la poétesse Marina Tsvétaeva, auquel le récent texte de Zoé Balthus dans "La moitié du fourbi n°2" répond magnifiquement.



«Nous sommes tous des émigrants qui crient dans la nuit, des exilés qui se heurtent au silence du troupeau, des délogés qui se cognent contre les fanatismes, des passagers en transit que guette la folie, des renégats hantés par le souvenir d’un autrefois où ils avaient confiance en l’avenir, des fantômes qui errent, nostalgiques d’un ailleurs babélien où étancher leur soif de l’inouï. Benjamin Fondane est notre contemporain.»



«Marina Tsvetaeva n’est pas seulement un écrivain de l’avenir n’ayant que défiance pour l’ici, elle est la Cassandre forte d’une infaillible science des choses humaines, la sœur de tous les désemparés, le porte-étendard des esseulés qui échappent à toute emprise, l’incarnation même d’une poésie d’«éternelle vaillance», comme elle le dit à propos de Pasternak, une poésie à la fois tragique et lumineuse, sans concession car intrépidement séditieuse, une poésie où tout est porté au paroxysme, où une froide lucidité le dispute à la fougue d’une exilée qui s’est, contre vents et marées, bâti une maison de mots.»



Ces fragment assemblés tels des fils qui se recoupent, questionnant l’errance et la dispersion, la nécessité d’une coupure, de l’intranquillité ou de la perte pour écrire, d’avoir pour seule patrie la langue de l’écriture, forment une méditation sur l’autre et attisent, en rendant hommage à cette inventivité née de l’étrangeté et du déracinement, l’envie de découvrir de très nombreux autres textes.



«Il arrive que l’ailleurs d’un écrivain soit un contre-monde peuplé de revenants qu’il anime à plaisir. Lafcadio Hearn, né dans les îles ioniennes, n’avait pas trouvé au pays de Galles un apaisement d’avoir été très jeune abandonné par son père, un chirurgien irlandais, puis par sa mère, une Grecque qui ne s’était pas adaptée à l’Irlande et n’avait pas tardé à s’enfuir avec un cousin pour regagner son pays natal […] Son univers est celui des prodiges, des miracles, des karmas maléfiques, des sortilèges et des mystères de la divination. On y retrouve des rois dragons, des princesses malades d’amour, d’envoûtantes beautés venant du monde des Esprits, des samouraïs ensorcelés devant se protéger grâce à des talismans et à des textes sacrés, des mortes revenant toutes les nuits torturer leur mari, de magnifiques créatures se révélant des buveuses de sang, des hommes requins dont les larmes de sang se transforment en rubis, ou encore le Bakou japonais, le mangeur de rêves invoqué pour qu’il dissipe les cauchemars et change la terreur en bonne fortune, et aussi des fantômes qui peuvent détacher leur tête de leur corps et aller en quête de nourriture, dévorant des insectes et même des êtres humains.»



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/12/08/note-de-lecture-par-ailleurs-exils-linda-le/



Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :

http://www.charybde.fr/linda-le/par-ailleurs-exils



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Autres jeux avec le feu

Linda Lê, suite, avec ces nouvelles que j'apprécie autant que les autres livres déjà "chroniqués". Bref, il s'agit de quatorze histoires qui partent bien souvent d'un micro-événement (la première part d'une mouche par exemple), voire même d'une pensée (Ultima Thule, fantasme d'une ville) et illustrent nous dit-on les fantaisies du destin. J'ai surtout l'impression, pour la première fois depuis le premier de ses livres que j'ai lus (mais j'ai peut-être tort) que l'auteur s'est, au moins parfois, amusé à écrire.
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Lame de fond

Un très beau roman sur le thème de la vie, de l'identité, de la recherche d'une appartenance, à un pays, à une culture et de l'importance des rencontres qui font que l'on choisit un chemin plus qu'un autre. Van est Vietnamien et quitte son pays en plein bouleversement politique pour gagner la France en laissant derrière lui sa mère et de vagues souvenirs de son père qui les a abandonnés quand il était enfant. Il rencontre Lou, bretonne "pur beurre" de Quimper avec qui il aura une fille Laure, adolescente rebelle et gothique qui trouve ce père franchement rasoir avec son amour de la grammaire et du vocabulaire… Van aurait pu être un brillant universitaire mais il est correcteur pour des éditeurs, il préfère fréquenter les bistrots du quartier, ses copains de comptoir et refaire le monde jusqu'à pas d'heure pour oublier un mariage qui s'étiole, cette distance qui a fini par se creuser entre lui et sa femme qu'il aime encore… ou toujours… Il est en quête de quelque chose, mais de quoi ? C'est un roman à plusieurs voix puisque chaque personnage va nous raconter sa propre histoire à travers les chapitres qui lui sont dédiés et que l'on retrouvera dans les 4 parties du livre. Van, Laure, Lou et… Ulma se croisent tour à tour au fil des pages et se racontent avec leur failles, leurs errances et leurs blessures… Tous les personnages sont attachants, agaçants, en demande d'amour et c'est ce qui les rend si humains et si présents.



Peu, voire pas de dialogues, juste de longues narrations sur les ressentis et les sentiments de chacun et leur façon d'affronter les choses. Pourtant ça n'est jamais ennuyeux ou long car le texte est tellement beau qu'on se laisse complètement bercer par les mots et le style de l'auteur.



J'ai été complètement conquise par ce roman et surtout par l'écriture de l'auteur particulièrement fluide et poétique. Le vocabulaire est riche, chaque mot est à sa place. La langue est parfaitement maîtrisée et on sent immédiatement que l'auteur aime jouer avec toutes ses possibilités. La langue est pour moi un acteur à part entière de son roman avec son propre rôle à jouer à travers les personnages : Van est un puriste, il voyage à travers les mots et les auteurs qu'ils affectionnent et aimerait que sa fille suive ses traces. Tout son vécu est lié à cette langue qui lui a offert les clés d'une autre vie. On ressent tout de suite l'exigence de l'auteur pour cette langue qui peut être tellement cruelle, on peut blesser, tuer et aimer avec les mots et ce roman en est la parfaite illustration. C'est émouvant, amer, déroutant… et j'ai été complètement embarquée par ce roman du début à la fin.

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Toutes les colères du monde

Passionnant périple à travers des références littéraires choisies avec pertinence et sensibilité par celle dont j'ai déjà lu plusieurs livres dont Cronos (où il est d'ailleurs question de « musellement des rébellions »), Le complexe de Caliban et Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau.

Linda Lê souligne, à cette occasion également, le rôle des auteurs qui savent nous déciller les yeux et notamment les poètes qui « voient l'injustice et possèdent un sens profond de la difformité et de la disproportion – leur perception du vrai, de la justice, du beau dépend de cette clairvoyance » (p. 99-100).
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Les Aubes

L’œuvre de Linda Lê a une sorte de chronologie, si l'on peut s'exprimer ainsi. En l’occurrence, "Les Aubes" succède à un plusieurs livres très noirs (au moins depuis 1997), quoique je ne puisse guère être très affirmatif là-dessus, ne les ayant pas lus intégralement. Tout ce prélude un peu (?) pédant pour introduire le roman dont il est question et qui, s'il reste un tantinet austère, est le début d'une ouverture qui pour moi n'a pas cessé de se confirmer depuis. Au chapitre "austère" : un long monologue plus ou moins intérieur que le personnage principal adresse à sa bien-aimée, Vega et dans lequel il dévoile sa biographie. Pour ne rien révéler de l'intrigue, j'indique simplement qu'on y apprend quelques malheurs desquels jaillit, lumineuse, sa vénération pour une femme rencontrée pendant son enfance, Forever et son admiration pour une certaine Sola, dont j'ai su, bien après la lecture, qu'il s'agissait d'Ingeborg Bachmann. En somme, la littérature sauve... et cela ne fait que commencer.
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Solo

Des nouvelles de jeunesse de Linda Lê, qui a demandé plus tard à ce qu'elles soient retirées de sa bibliographie. Le livre ne doit donc pas être facile à se procurer actuellement. Cela me fait penser à Mansfield qui a écrit, jeune, un recueil de nouvelles intitulé "In a German Pension", qui, si je me souviens encore un peu de mes études, embarrasse bien ses critiques, ou peut-être pas, toujours est-il qu'on en parle peu et que ses nouvelles souvent ne figurent pas dans les anthologies. Mansfield elle-même disait que ce n'était pas vraiment ce qu'elle voulait. En les lisant, je les avais trouvées différentes, drôles, satiriques, souvent néanmoins dépourvues de l'empathie dont elle fit preuve bien plus tard (plus de dix ans après). Ici, c'est un peu pareil : on retrouve le côté satirique, voire mordant de Linda Lê, un côté exclu mais quelque peu dépourvu de l'empathie dont elle fait preuve plus tard pour ses personnages. Dans "Solo", on les perçoit plus comme des marionnettes. Ce doit être ce narrateur supérieur ou le motif de sa supériorité qui lui est devenu plus tard insupportable. Car, en soi, le livre reste brillant. Pas assez, sans doute, pas assez...
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Voix

Linda Lê a reconstitué dans ce court roman l'univers mental d'une crise de délire paranoïaque.



Le parallèle est clairement établie avec les climats de terreur instaurés pas les dictatures nazies et communistes : sont en effet évoqués deux suicides "politiques", celui d'un écrivain allemand en septembre 1940, Walter Benjamin, après l'entrée des troupes nazies dans Paris et celui d'une poétesse russe résidente un temps à Meudon et qui se suicida lors de son retour en URSS (Marina Tsvetaïeva en Août 1941).



L'auteure souligne ainsi de façon efficace les relations de la dictature avec la folie : ce qu'imagine le paranoïaque devient réalité à l'occasion de la mise en place de régimes persécuteurs.



Dans les deux cas, seule la mort compatissante peut dispenser le retour à la sérénité.



Ce petit texte est bien écrit, poétique (hard) et évocateur, mais sans véritable originalité. J'ai cependant bien aimé le rapprochement entre un esprit malade qui se pense persécuté et une société malade qui pratique la persécution.



Les deux rouages, individuel et collectif, sont complémentaires et obéissent à des lois mécaniques effroyables qui préexistent au déchaînement des pathologies : il suffit que survienne un évènement qui grippe l'engrenage, et c'est l'autoroute de l'enfer (ou l'Apocalypse, comme le dit Linda Lê).



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Lame de fond

"Je n'ai jamais été bavard de mon vivant."



Première phrase de Lame de fond, bien opposée à ce qu'est l'écriture de ce livre. Entre introspections et réminiscences des personnages, j'ai risqué l'overdose de mots, de formules, de références temporelles et l'abandon n'était pas loin...



Van est mort, écrasé par une voiture, laissant derrière lui une épouse aigrie et trompée, une maitresse pas très équilibrée, et une fille gothique perturbée.

Construit en livre-choral des quatre intervenants, mort ou vivants, on accompagne chaque point de vue pour le décryptage d'une partie de jeu, entre histoire d'amour adultère, couple en berne et éducation. L'écriture est nerveuse, piquante et le propos acéré.



Double culture, déracinement, exil, familles au fonctionnement éducatif discutable, quête des origines, chacun se raconte, cherche à comprendre les fêlures et alléger la culpabilité.



J'ai fini peu à peu par entrer dans l'histoire, et suivre ces destins individuels, façonnés par la géopolitique et la famille, qui se percutent et cohabitent difficilement.

Je reste pourtant un peu déçue par un roman trop touffu en écriture, sans intrigue réelle, aux voix narratives quasi identiques.

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Lame de fond



ça commençait pourtant bien avec cette première phrase:"Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer."....mais, hélas, je me suis un peu ennuyé à la lecture de ce livre de 276 pages trop denses.

Le fait de faire parler tour à tour les différents personnages est intéressant et la construction du récit est assez astucieuse mais tout cela manque un peu d'épaisseur. De nombreuses redites, même bien écrites, gâchent parfois le plaisir de lecture...malgrè des relations interpersonnelles complexes entre mères et filles, entre mari et femme, et le fait que la femme tue son mari qui tombe follement amoureux de sa demi-soeur...il y a peu de suspense dans ce récit finalement assez décevant.Suis un peu étonné que ce livre figure dans la 2éme sélection du Goncourt....
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À l'enfant que je n'aurai pas

Pas aimable Linda Lê : c'est elle-même qui s'évertue à nous le dire. Si peu aimable qu'elle refuse à l'homme qui l'aime de partager avec lui son rêve d'avoir un enfant. Non, elle ne se reproduira pas, elle ne se racontera pas d'histoires sur cet enfant qu'elle pourrait avoir, ce qu'il pourrait devenir, ce qu'il pourrait construire... Non, elle ne se laissera pas emporter par la rêverie de berceaux, de rubans, de vacances à la mer.... Non, elle serait d'ailleurs une bien mauvaise mère, trop "loufdingue", trop déséquilibrée qu'elle est, trop obsédée par sa création littéraire. Ce choix, si difficile aujourd'hui à affirmer pour une femme, elle en fait un texte admirable, une lettre d'amour qu'elle envoie à ce fils qu'elle n'aura jamais mais qui, pour toujours, est là présent en elle, l'accompagne, doué de vie.
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Toutes les colères du monde

Je suis le travail de Linda Lê depuis quelques années. Je suis tombé sur cet ouvrage sans savoir qu'il s'agissait d'un travail de commande sur les 7 péchés capitaux. Un peu déçu au début, car je m'apprêtais à embarquer dans une de ses narrations poétique dont elle a le secret, mais j'ai fini par adhérer au propos. Ces courts textes analytiques et théoriques sont parfaitement maîtrisés et découpent la complexe thématique avec brio. Se livrant à une véritable autopsie de la colère, l'autrice ausculte l'ensemble de nos comportements humains allant des gilets jaune à Sénèque en passant par Molière ou une simple observation du quotidien. La scène politique en prend pour son grade, mais il semblerait qu'elle soit sourde à la colère du peuple, trop occupée à alimenter sa propre colère qui lui permet de gagner des élections. Philosophique, politique et profondément humain, cet ouvrage nous reflète nos contradictions, car toujours l'artiste nous rappelle que nous en faisons partie. Je n'explorerai pas les autres ouvrages de la collection, mais je retrouverais avec joie l'autrice dans un autre récit.
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Toutes les colères du monde

Des sept péchés capitaux, la colère est sans doute le plus terrible, le plus noir. En effet, cette dernière peut se déchaîner à tout moment, elle peut être destructrice, violente, rageuse ou encore mortifère.



Loin de moi l'idée de condamner un colérique, car chacun d'entre nous peut le devenir à n'importe quel moment. Ne vaut-il pas mieux être avare, paresseux, gourmand, orgueilleux, envieux, ou féru de luxure. Chacun d'entre nous trouvera le péché qui lui sied le mieux. Pour ma part, j'avoue être gourmande, parfois paresseuse, souvent orgueilleuse, rarement envieuse.

La colère donc est source de conflit, de peur, de culpabilité aussi mais elle peut être surtout destructrice.



Linda Lé a parfaitement réussi à nous parler de la colère grâce à de nombreuses référence à des écrivains, des auteurs, des militants qu'elle cite dans ses textes.

J'ai pris grand plaisir à lire Linda Lé qui est une écrivaine que j'ai beaucoup aimé dans son roman "Lame de fond".



Merci aux éditions du Cerf qui m'ont envoyée cet ouvrage ainsi qu'à masse critique qui nous permet de découvrir des oeuvres qu'on n'achèterait pas forcément.





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Lame de fond

Linda Lê nous place d'emblée dans une situation atypique puisque l'un des narrateurs, Van, nous parle de sa tombe. Et, encore plus étrange, c'est sa femme, Lou qui a lancé sa voiture sur lui alors qu'il sortait de chez sa maîtresse eurasienne, Ulma.

Tour à tour, chaque personnage (Van, Lou, Ulma et Laure la fille de Van) prend la parole.

" Je laisse derrière moi trois femmes auprès de qui j'ai appris la signification du mot AMOUR, amour conjugal, amour paternel, amour défendu, trois femmes que je n'ai probablement pas su aimer comme il fallait, puisque ce que je prodiguais à l'une, je le retirais à l'autre..."

Du fond de sa tombe, Van explique son lien avec le Vietnam (une enfance un peu similaire à celle de l'auteur). Il a peu connu son père engagé avec les Nord-Vietnamiens, fidèle à Hô Chi Minh, qui mourra au combat d'une rupture d'anévrisme. Sa mère, francophile le pousse vers la culture européenne et lui fera quitter le Vietnam avant la guerre avec le Cambodge.

En France, il épouse Lou, fille d'une bretonne xénophobe. Passionné d'art et de littérature, il travaille comme correcteur pour des maisons d'édition. Depuis la mort de sa mère, plus rien ne le rattache à son pays d'origine. Jusqu'au jour, peut-être où il rencontre Ulma, fruit de la rencontre de Justine, paumée droguée et d'un vietnamien contestataire de passage à Paris.

" Ulma était, comme moi, double, une partie d'elle avait ses amarres, quand l'autre flottait à la dérive, une partie d'elle était à peu près au diapason, quand l'autre ne pouvait s'harmoniser avec rien."

Chaque personnage a ses regrets, ses blessures d'enfance. Laure, adolescente gothique en conflit avec son père, regrette son comportement et se rappelle tout ce que ce père de grande culture lui faisait découvrir. Comme Van ou Ulma, elle cherche à présent ses racines.

Linda Lê allie le côté léger de certaines situations avec la profondeur des personnages partagés entre deux cultures et marqués par des enfances difficiles. Et j'aime lorsqu'un auteur enrichit mon langage (eschatologie, éréthisme, coquecigrues....), ma culture tout en me racontant une histoire.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Oeuvres Vives

Le jeune journaliste, protagoniste de ce très bon roman de Linda Lê - Œuvres vives - à tout pour (me) plaire : il écoute Joy Division dans sa voiture, se rend à des pièces de Beckett avant de s'enticher d'un écrivain torturé du nom de Sorel dont il trouve un livre, par hasard, pour apprendre sa mort par défenestration le lendemain ! C'est donc une enquête littéraire que va mener ce journaliste, pour prouver que la mort n'a pas le dernier mot sur la littérature. Dans la figure de Sorel on retrouve tous les auteurs aimés de Linda Lê : Robert Walser (qui se retira du jeu littéraire), Stig Dagerman (qui se suicida), mon cher Osamu Dazaï (décadent et malade mental), Ladislav Klima (héritier de Zarathoustra), Cioran (le pessimiste généreux), Ghérasim Luca (l'insoumis), et quelques autres grands nihilistes. Un beau roman, hommage à la littérature, celle qui change notre vision du monde :
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Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau



« Ce sont ces alliés substantiels, dont l’absence ferait souffrir, qui viennent ici toquer à la vitre de l’homo lisens afin de l’accompagner le long d’un chemin hérissé d’obstacles, s’il sait, dirait Baudelaire, plonger au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau. » (7)



Moi qui dit toujours que j’aime être dérangée, bousculée par la littérature, moi qui croyait en attendre beaucoup… je suis encore loin de la démarche de Linda Lê qui affronte, se laisse enlacer et regarde en face les auteurs les plus noirs. Elle ne recule devant rien : cruauté, déglingue, démence, et a l’habileté d’en tirer quelque chose. Son carnet de lecture est à l’écrit ce que Tracks est à la télévision. Loin d’un Jérôme Garcin qui m’avait passablement ennuyée dans ses rencontres avec les écrivains, elle m’a fait entrevoir des terrains fascinants. Il faut s’accrocher, s’agripper aux rainures, se couler dans les encoignures, avancer à tâtons. Feuilleté, lu et relu par petits bouts pour finir par oser aborder un chapitre de bout en bout, j’ai goûté la langue, merveilleuse de densité, de sens et de musicalité, les formules puissantes, les phrases qui remuent les tripes, mais il n’aurait pas fallu m’interroger trop avant sur ce que j’en avais retenu. Je suis persuadée que j’ai quelque chose à trouver dans ces pages, ça me travaille, mais n’ai pas tout à fait mis le doigt dessus…



Robert Walser de tous se détache. Ahuri vulnérable « qui se félicitait d’être un propre à rien », membre de la confrérie des rêvasseurs « assez contents de leur dénuement pour ne demander qu’à lézarder », il m’est fort sympathique. Je commencerai par lui dans mes explorations. Louis-René des Forêts, « méditatif, subjugué par les immensités » obtiendra peut-être lui aussi mes faveurs.



« Leur noirceur a des effets toniques, car ils arrachent le voile de Maya et nous renvoient à ce que nous sommes : des instants de chaos. » (20)



Les « explorateurs de confins » à en perdre la raison, les torturés nous exhortant « à scruter les abîmes » par une fission incandescente de la réalité m’effraient quelque peu. J’ai faim de ces plongées hors de tous les carcans, de la vue pénétrante de ces « détracteurs de l’instinct grégaire » qui s’abstraient des « cohortes moutonnières » mais le vide est là, et la noyade possible me laisse un goût nauséeux quand je les aborde. Des arrimages me manquent.



« Inutile de se cramponner à une de ces bouées que dispense la raison raisonnante. » (27)


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Lame de fond

Ce roman polyphonique donne la parole à quatre personnages : Van (qui s'exprime d'outre tombe), sa femme Lou (qui est responsable de sa mort), leur fille Laure (l'ado dans toute sa splendeur) et une certaine Ulma (l'intruse qui va semer la zizanie dans la famille). Avant de découvrir la lame de fond qui brisera la cellule familiale, nous nous approprions peu à peu le passé de chacun des protagonistes ainsi que les liens qu'ils entretenaient entre eux avant le drame.

La nature de la "lame de fond" a été une vraie surprise pour moi, au point que je suis revenue en arrière pour vérifier que je n'avais pas raté un indice. En dehors de cette découverte, il ne faut pas s'attendre à un suspense insoutenable. Nous ne sommes pas dans le registre du thriller. Ce qui fait l'intérêt du roman, c'est la façon dont sont décris les personnages et leur histoire personnelle. Celle de Van est au cœur de l'intrigue (si l'on peut parler d'intrigue). Né d'un père français aux abonnés absents, il a été élevé par sa mère vietnamienne qui l'a poussé à faire ses études en France. Il est question dans ce livre des rapports familiaux, des non-dits et du manque de communication au sein de la cellule familiale.

L'histoire familiale se reconstitue à la manière d'un puzzle. Les non-dits et le manque de communication sont, comme souvent dans les familles, plus destructeurs que les conflits. Ce n'est pas un coup de cœur mais une écoute plaisante.
Lien : http://www.sylire.com/2016/0..
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Par Ailleurs, (Exils)

Linda Lê, romancière et critique littéraire française, nous propose ici un essai sur l’exil dans la littérature mondiale. Par ailleurs (exils) est composé de textes courts, d’une demi-page à quelques pages, chacun consacré à un auteur différent et au lien qu’il entretient avec l’ailleurs, avec autrui au sens large du terme. Ce lien prend des formes multiples : du personnage de roman émigrant de Joseph Conrad à l’exil politique de Marina Tsvetaeva, de l’auteur refusant d’écrire dans sa langue natale à l’exil intérieur d’un Franz Kafka, les exemples sont nombreux – plus d’une cinquantaine je pense, j’ai arrêté de noté après Michael Edwards qui faisait remarquer que jadis étranger se disait aubain, ce qui de fil en aiguille à donner aubaine. Je vous laisse lire le livre pour découvrir son cheminement.



Ma lecture n’a pas été régulière, tout d’abord emportée par cette foultitude d’informations, j’ai commencé à me lasser au milieu de l’essai pour retrouver un regain d’intérêt vers la fin lorsque Linda Lê s’attarde sur les quelques poètes russes dont j’ai connaissance. Cet essai, au style sec et précis, est extrêmement dense et justifie d’une culture littéraire titanesque que j’ai peine à suivre, et c’est là mon plus grand regret. Faute de pouvoir noter tous les auteurs cités – j’ai pensé me créer un challenge personnel à partir de cet ouvrage avant de capituler – j’ai retenu quelques noms que j’aimerais lire : notamment Alejandra Pizarnik, Benjamin Fondane, Thomas Bernhart et Anna Akhmatova qui me nargue depuis la lecture de sa biographie par Nadejda Mandelstam (un petit bijou publié aux éditions Le Bruit du temps).



Un bel essai, à relire certainement dans quelques années, avec d’avantages de plomb dans la tête.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Lame de fond

Un excellent début où la parole est prise par Van qui vient de mourir et s'exprime enfin de façon libre, lui qui a été plutôt mutique tout au long de sa vie interrompue de manière brutale, renversé par la voiture conduite par sa femme Lou.

On imagine bien l'esprit de Van errant au dessus du cercueil et observant son petit monde, bonne position pour s'exprimer enfin sans contrainte ni contradiction et son histoire , fort bien écrite est peu ordinaire racontée avec beaucoup d'humour subtil, elle éveille la curiosité dans ce premier chapitre.

Le roman est divisé en quatre parties en donnant la parole à quatre personnages, Van donc, sa femme Lou sous forme d'une confession, Ulma la demi-sœur de Van, son double et son amante qui parle à un psy imaginaire et Laure la fille de Van et Lou qui écrit son journal.



Chacun raconte avec sa sensibilité propre le vécu récent et si traumatisant: la disparition de Van.



Puis nous entrons peu à peu dans les souvenirs de l'enfance, les blessures avec un père absent pour Van et Ulma, des mères castratrice pour Lou ou irresponsable pour Ulma, la difficulté d'intégrer son métissage et de savoir où se situer entre deux pays la France et le Vietnam...



Passé la découverte du contexte et l'histoire principale des protagonistes, j'ai trouvé que malheureusement les propos tournaient un peu en rond et on perdait beaucoup en intérêt par manque de rebondissement.



Seule Laure tire son épingle du jeu,elle avance vers l'avenir malgré le double drame qu'elle vit.



Dommage , mais sans doute faut-il ne garder que cette première bonne impression , ce qui est déjà bien car loin d'être le cas de nombreux livres !
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Lame de fond

Les chapitres, présentés à tour de rôle dans la bouche de l'un des protagonistes, clairement identifié (ouf), sont regroupés autour du déroulement d'une journée métaphorique (au coeur de la nuit, aube, midi, crépuscule), puisqu'en fait, ils se déroulent sur des mois avec des retours sur des dizaines d'années, et non sur le récit d'une journée. Une langue riche et ciselée, qui me convient beaucoup mieux que l'écriture trop familière de Les affreux de Chloé Schmitt. Le récit est l'occasion d'aborder la question de l'émigration, l'histoire du Vietnam dans les années 1960-1970, de l'intégration dans la société française : la belle-mère bretonne n'a jamais accepté le choix de sa fille de vivre avec un étranger, Van a perdu l'usage de sa langue maternelle et s'est toujours refusé à retourner au Vietnam. Si j'ai apprécié la lecture, c'est aussi parce que ces sujets ne me sont pas totalement étrangers, sinon, il me semble qu'il vaut mieux lire rapidement un livre sur l'histoire du Vietnam avant de se lancer dans ce roman dont la lecture nécessite un certain nombre de pré-requis historiques, mais aussi un bagage lexicologique conséquent.
Lien : http://vdujardin.com/blog/ar..
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À l'enfant que je n'aurai pas

Ce texte de Linda Lê sur le choix de non-maternité est un témoignage émouvant (à destination de son enfant immatériel) qui en quelques soixante pages nous entraine dans une réflexion détonante. Quel est le point de la bonne société sur ces femmes qui ont décidé de ne pas enfanter? Il va de soi qu'elles sont jugées, pointées du doigt et doivent même se justifier car ne pas vouloir avoir de descendance est une décision lourde de conséquences. Linda Lê en fait l'expérience avec son petit ami, S., qui use de tous les arguments pour tenter de la convaincre d'enfin entrer dans le moule. Mais l'auteur a déjà bien réfléchi à la question et trouverait presque contre nature de donner naissance à un être non désiré. Doit-on abdiquer pour sa compagne ou son compagnon? Peut-on espérer un éveil de l'instinct maternel en voyant la "septième merveille du monde" pointer le bout de son nez?

Les mots de Linda Lê sont puissants, brillants et ont résonné en moi extrêmement fort car ils sont criants d'une autre vision de la vie, non moins belle, mais différente de la majorité. Je me suis plus d'une fois remise en question en me disant que foncièrement la femme a, à notre époque, son propre libre-arbitre et peut donc décréter ne pas vouloir être féconde. Est-ce un mal? Peut-on parler d'égoïsme? C'est un vaste débat auquel je ne suis pas sûre d'avoir une opinion très tranchée. Mais le non-désir de maternité m'interpelle car, au contraire de Linda Lê, j'ai un besoin viscéral de me "perpétuer". Je n'en suis pas encore là mais je ne pourrais concevoir un avenir sans enfant. D'un côté comme de l'autre il doit y avoir un certain égotisme, à vouloir avoir toujours une partie de soi et/ou de son nom sur Terre, pour continuer à exister, par prolongement.



Et comment aurais-je subvenu à leurs prodigalités, moi qui suis une cigale, gaspillant mon avoir dans les librairies, moi qui tombe toujours amoureuse d'irresponsables sans fortune, moi qui n'ai pas un métier solide, mais ne suis qu'un écrivain dont les romans ne font pas un tabac? (p. 27)



Sitôt tournée la dernière page, j'ai voulu reprendre certains passages et reparcourir le livre, avec un second plaisir, celui de bien m'imprégner de ces mots, touchants de sensibilité et pourtant très justes et mesurés. Car Linda Lê nous fait part de sa vie, avec S., mais aussi avec des parents (qui n'ont peut-être pas été des exemples de parents), mais aussi avec elle-même et ses démons.

A lire d'une traite et à reprendre à l'occasion pour ne pas garder des œillères sur l'inévitable "fatalité" d'assurer la lignée. D'autres points de vue existent... et c'est tant mieux !
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