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EAN : 9782267016239
191 pages
Christian Bourgois Editeur (08/04/2002)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Formidablement subtil,étrange et inclassable. Tel est le dernier recueil de Linda Lê, qui ne finit pas d'étonner, de déconcerter son lecteur. Dans ses précédentesœuvres, l'auteur réglait ses comptes tragiques avec un père absent et raté, livrait la difficulté des rapports humains. Ce dernier bel ouvrage, finement ciselé, s'inscrit dans la continuité et la rupture. La continuité avec des nouvelles au ton très intimiste, où l'on retrouve la douleur d'un père abse... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est, je crois, avant tout la curiosité entourant cette auteure discrète et néanmoins présente depuis longtemps dans le paysage littéraire français, qui m'aura dans un premier temps poussé à aller à sa rencontre alors que je promenais mon regard distrait sur les rayonnages de la bibliothèque municipale.
Linda Lê, dont j'avais déjà entendu parler à plusieurs reprises (la plupart du temps, d'ailleurs, plutôt «en bien»), née en 1963 au Vietnam et arrivée en France en 1977, a publié son premier roman en 1986, à seulement 23 ans. Très réservée («un ours qui se terre», selon ses propres mots), on ne l'entend guère parler de son oeuvre dans les médias. Malgré une carrière de romancière et de nouvelliste confirmée et ayant bénéficié d'une reconnaissance incontestable et largement majoritaire de la part de la critique littéraire, mis à part le prix Renaudot «Livre de Poche» en 2011 («À l'enfant que je n'aurai pas»), à ce jour Linda Lê ne s'est jamais vu cependant décerner de prix littéraire majeur et médiatisé (Goncourt, Médicis, Femina..) et resterait relativement peu connue du grand public.
«AUTRES JEUX AVEC LE FEU». Pourquoi «autres» ? S'agirait-il peut-être d'une suite à un recueil précédent de nouvelles qui se serait intitulé «JEUX AVEC LE FEU» ? Renseignements pris, non... Quels seraient donc ces «autres» jeux avec le feu, me demandai-je alors ? En principe, ne vaudrait-il mieux au départ ne pas jouer du tout avec le feu ? Il en est d'ailleurs parmi nous qui le savent très bien et, pour avoir manqué cruellement de prudence, en ont fait hélas l'expérience à leurs frais, à commencer par ce très vieux et cher Prométhée du feu des dieux...
D'autre part, il n'y a pas beaucoup mots de la langue aussi petits et monosyllabiques que celui-ci se prêtant aussi facilement à des jeux de sens et à de métaphores diverses et variées. Il y en a certainement très peu, il me semble, qui pourraient se vanter d'avoir une aussi large et riche gamme polysémique. Feu = chaleur, lumière, désir, défunt, brûlure, colère, explosion, flambeau, aigreur, combat, inspiration...et j'en passe !
Il n'en reste pas moins qu'on ne joue pas impunément avec le feu. On ne devrait pas ouvrir sa fenêtre innocemment pour sauver une mouche, et l'accueillir ensuite définitivement chez soi, même si on se sent seul et isolé. On ne saurait pas soumettre inconsidérément et sans risquer de provoquer des conséquences très fâcheuses, la nécrologie qu'on aurait rédigée à l'avance à l'appréciation du futur défunt lui-même. On aurait peut-être pu éviter de devenir prisonnier de son passé, si on n'avait pas délibérément frappé à la porte de sa maison d'enfance, celle-là même où l'on avait abandonné sans façons son jumeau avant de s'exiler soi-même. Un écrivain devrait pouvoir envoyer tout de suite son manuscrit achevé à son éditeur, au lieu de le garder, inconscient, des nuits entières sous son oreiller, ouvrant ainsi un espace à des visions nocturnes venues d'un passé qu'on avait voulu pourtant exclure totalement de sa vie et de son oeuvre...
Dans quasiment toutes les quatorze nouvelles qui composent ce recueil, le récit est construit à partir d'un point de vue subjectif, d'une voix intérieure, à la première personne, d'un «je» qui à la fois subit et narre. Des personnages qui se retrouvent systématiquement aux prises avec un événement étrange faisant irruption dans leur vie. Dans cette nouvelle réalité transfigurée, les limites qu'ils avaient établies entre le réel et l'imaginaire, l'extérieur et l'intérieur, le passé et le présent deviennent poreuses et finissent la plupart du temps par être définitivement abolies, les précipitant dans l'irrémédiable, le désespoir, la mort ou la folie.
Dans une de ses rares interviews (France Culture, 2020), Linda Lê avait déclaré : «le monde de la folie m'a toujours fasciné, pas la folie qu'on enferme, mais la folie douce, celle qui fait que les personnages sont presque à la recherche de la vraie vie». Dans «AUTRES JEUX AVEC LE FEU», j'ai eu le sentiment que l'auteure aussi se prêtait, par l'intermédiaire de ses fictions, à ces mêmes jeux subjectifs avec le feu. Parmi ses personnages, certains sont, à son image, écrivains (dont un qui, ayant été mordu littéralement au cou par un mot, se transformera finalement lui-même en Livre !), d'autres ont connu comme elle l'exil et/ou sont d'origine vietnamienne, d'autres encore semblent avoir été marqués par des séparations précoces difficiles, ou bien par des ruptures radicales afin de pouvoir exister autrement, autonomes et ailleurs. Cependant ici, l'exil, qu'il soit extérieur ou intérieur, l'isolement ou la quête de réparation vis-à-vis du passé, semblent constituer un mirage cruel et inatteignable auquel on s'attache parfois en vain et dans lequel on finit souvent par se perdre, les non-dits prennent ici volontiers la forme de revenants qui viennent vous hanter, et les images qu'on avait essayé de refouler, ou les sentiments qu'on avait scrupuleusement cachés risquent tous, à un moment donné, de se transformer en chimères affamées réclamant cruellement leurs dus. «Quand on se réfugie dans le désespoir, ce qui paralyse n'est pas l'indifférence absolue à son sort, mais au contraire un grand souci de soi qui, faute de pouvoir s'exprimer, trouve dans le désir de mort un accomplissement de sa volonté de puissance», résume un de ses personnages par rapport à ce qui insiste malgré tout à brûler à l'intérieur de soi-même et dont parfois, complices, on ne peut faire autrement que de se laisser progressivement consumer.
Selon le très grand Fernando Pessoa, la seule patrie qui compterait au fond, c'est la langue : «Ma patrie, c'est la langue portugaise !», avait-il clamé par le biais de l'un de ses hétéronymes. Est-ce possible d'imaginer qu'on puisse s'en exiler définitivement ? En adoptant une langue étrangère, serions-nous capables de faire taire celle qui s'était inscrite en nous à partir des mouvements et des sensations les plus archaïques vécues par notre corps ? Quoi qu'il en soit, ici, dans une langue d'adoption que j'ai trouvée pleine de nuances, élégante et raffinée, à la fois originale et intemporelle, Linda Lê semble avoir trouvé, sinon une «nouvelle patrie», du moins un refuge suffisamment solide et rassurant lui permettant de jouer librement à ces autres jeux avec le feu qui, d'après l'auteure, et citant un mot du poète breton Armand Robin, conduiraient certains d'entre nous à se découvrir être «en toute terre, un étrange étranger».
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Pour envelopper ses brûlants « je », Linda Lê choisit le détail central du « Jardin des délices » de Hieronimus Boch qui pour certains est « à la fois le plus rieur des peintres de l'obscurité et le plus triste des peintres de la lumière ». Symbole de tristesse et mélancolie, le hibou, celui qui n'affronte pas la lumière du jour exprime selon des croyances et mythologies diverses le froid, la nuit, la mort, mais aussi la sagesse. Dans le texte « L'araignée » le narrateur, un enfant mal aimé assassine sa propre mère et on ne peut que faire le rapprochement avec la croyance en Chine antique que le hibou était un animal terrible censé dévorer sa mère. Les 14 récits semblent tous plaider pour le sauvetage par le feu : « j'ai entendu Jean Seberg lire cette phrase de Faulkner, Entre le néant et le chagrin je choisis le chagrin. » L'éloge au cinéma avec « Voix off », à la littérature (« L'encrier », « Le visiteur », « Mise en demeure ») avec lucidité et amour, pour leur vraie capacité à produire plus que de la « délectation savante » : à bouleverser une vie, à vous rendre à « vous-même ». Contre la mièvrerie : « L'œil de Brion » qui souffre d'un mal terrible (« Je vois la vie en rose ») et qui n'échappe pas à la malédiction de l'accouplement avec Nola, une semblable. L'ironie cruelle du sort fait rire dans « L'échafaudage », tout comme dans « Le cheveu » : comment prémédite-t-on une mort accidentelle ?
Une préférence assez inexplicable pour ce récit placé (hasard ou choix éditorial ?) au centre de l'œuvre (comme le hibou dans le tableau de Boch) : « Le jour où Bonel rencontra l'auteur de sa nécrologie ».
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Linda Lê, suite, avec ces nouvelles que j'apprécie autant que les autres livres déjà "chroniqués". Bref, il s'agit de quatorze histoires qui partent bien souvent d'un micro-événement (la première part d'une mouche par exemple), voire même d'une pensée (Ultima Thule, fantasme d'une ville) et illustrent nous dit-on les fantaisies du destin. J'ai surtout l'impression, pour la première fois depuis le premier de ses livres que j'ai lus (mais j'ai peut-être tort) que l'auteur s'est, au moins parfois, amusé à écrire.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Dès qu'une personnalité atteint un certain âge ou que la rumeur la dit malade, un spécialiste doit rédiger sa nécro car, le jour dit, tout doit être fait très vite et si, par malheur, le spécialiste est en vacances, injoignable, on ne peut improviser, surtout en ce qui concerne les écrivains. Il faut quand même avoir lu quelques-uns de leurs livres.
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Si seulement je n'avais pas déchiré celle qu'avait laissée Lebon ! Mais mort ne peut pas parler d'un mort ! Il aurait fallu trouver un prête-nom. Je ne me serais pas fait prier. Tandis que là, il faut que d'ici deux heures j'aie enterré Bonel en grandes pompes. Et je n'ai pas lu une ligne de lui !
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On est ainsi fait qu'une habitude, qui vous mine mais vous procure la fausse sécurité d'un ancrage, vous est plus précieuse qu'une évidence qui vous met face à face avec vous-même. On vit dans le piège qu'on a disposé pour se défendre contre une réalité crue sauvage et redoutable, sans s'apercevoir qu'on s'est enfermé avec les démons, les siens -qu'on a engraissés-, et ceux des proches -qu'on a réveillés.
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« Cervantes, Panizza, Sôseki, Hoffmann ont fait parler des chiens et des chats, pourquoi ne ferais-je pas d’une mouche ma muse ? Et la mienne est si belle, avec ses ailes bleues, ses yeux apeurés, ses petites pattes si fragiles et si gracieuses qu’à les voir on en veut au commun d’appeler pattes de mouche l’écriture de vieux myopes. »
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Moi non plus je ne l'avais pas lu, mais j'étais content de savoir que Zeami peut être un sésame qui nous ouvre le cœur des étudiantes japonaises…
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