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Critiques de Marquis de Sade (318)
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Les 120 journées de Sodome

Vous voyez Le scandale des prêtres pédophiles, Marc Dutroux, Jeffrey Epstein ? C’est rien à côté de ce bouquin.

Le triptyque : Argent, pouvoir, sexe.



Ce truc est un catalogue de toutes les perversions possibles et imaginables développées jusqu’à l’écœurement. Très rapidement, dès le début en fait, le texte n’a plus rien d’érotique ou de pornographique.



Scatophile au dernier degré, passé le premier dégoût sur la pratique (personne n’est parfait) cela devient extrêmement répétitif, variations sur le même thème jusqu’à l’overdose. Je vous passe, les tortures, mutilations et assassinats qui n’ont rien d’érotiques.





Je connaissais de nom, il me fallait faire ma propre idée. C’est fait. Censuré jusqu’en 1960, il aurait pu rester dans les abîmes de l’oubli des vieux machins moisis.





Parce que c’est un dinosaure qui a écrit le livre, c’est un classique ? C’est un vieux bouquin de merde en fait. Et je pèse mes mots, le terme est parfaitement adapté, de la merde, un énorme étron. Et qu'on ne me parle pas d'écrits libératoires, de psychanalyse avant l'heure ou de désir de choquer une société hypocrite.



Ils en en pourtant fait un film.  Salò ou les 120 Journées de Sodome (En France, il a débarqué en salles en mai 1976). Probablement, un grosse bouse malodorante.
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Justine ou les malheurs de la vertu

J'ai relu Justine, mais c'est pas ma faute, M'dame, c'est la faute à Arte.

Blague dans le coin, Arte diffuse ces temps-ci une série de documentaires remarquables sur les livres et écrivains "chauds", des Liaisons dangereuses à Lolita, les réactions et les incompréhensions qu'ils ont suscitées. Jetez-vous sur les replay tant qu'ils sont disponibles.

Concernant Sade, outre les thuriféraires habituels, Michel Onfray détonne en disant en gros que c'est juste une ordure qui écrit des horreurs. Alors j'ai voulu me rendre compte.



Mais parlons de la forme d'abord : c'est un bonheur. Sade écrit dans un très beau français classique, peuplé de jolies formules délicieusement surannées (par exemple, "ayez pour agréable de me donner votre dernier mot" à quelqu'un dont on attend une réponse, c'est joliment dit, non ?). Avec parfois des phrases un peu longues, que ce soit dans l'exaltation des ébats pornographiques ou celle des débats philosophiques.



L'histoire, racontée par la protagoniste éponyme lors d'une longue nuit à l'auberge, est en fait risible. Pourvu que l'on ne soit pas rebuté par la crudité des descriptions sur les horreurs infligées, c'est même à se tordre. Soit Justine est une gourdasse intégrale, soit elle finit par aimer ça (ce que Sade nous suggère subtilement vers la fin, en fait). Sa constance à se jeter dans les antres les plus infâmes en suivant aveuglement ses tortionnaires nous laisse pantois. L'expérience venant, elle se dit souvent que c'est un peu louche, mais pas certain, alors qu'a-t-elle à y perdre... et pan! ça rate pas, ça recommence. La fin est un grand moment de n'importe quoi, Sade se moque ouvertement du monde, sans parler de la pseudo-justification de l'ouvrage en introduction et conclusion : cette litanie des malheurs de Justine serait écrite pour nous convaincre d'épouser la vertu !



Venons-en au sujet de ma critique : les échanges contradictoires entre Justine (la vertu outragée) et ses tortionnaires (la justification de leurs actes), dans lesquels Sade expose des idées formidables, mais aussi d'autres quand même bien moisies.



La principale défense des libertins, c'est que s'ils aiment violenter, c'est que la Nature (avec sa majuscule systématique) les a faits comme ça. Et ce serait donc vain de lutter. La civilisation ou la religion et les interdits qu'elle génèrent, les bonnes mœurs et les comportements acceptables... ne sont que des erreurs, leur relativité à travers les lieux et les temps en atteste. Il y a dans cette part des dénonciations audacieuses. Il y a une formidable liberté vis à vis des conventions, jusque dans la liberté de ton. Le sort fait à la religion est violent. En gros : vu l'état du monde, soit Dieu n'existe pas, soit c'est une ordure ; le paradis et l'obligation de comportement vertueux qui en découle ne sont donc que des fables pour les faibles.



C'est là que ça devient douteux : le droit inaliénable des forts à exercer leur force sur les faibles est une constante justification. Quand on rapproche cela de la naissance de Sade et de ses agissements, on peut quand même penser que ça craint. Parce que ce n'est pas pour ses idées qu'il a fait de la prison : ses fredaines devenaient plus que gênantes, il était grand temps que sa belle-mère le fasse enfermer. Et sa reprise des idées du siècle des Lumières est très orientée.



Reste que c'est un bouquin formidable, parfois désopilant (la "carrière" de Juliette, celle qui a choisi le vice, brossée en deux-trois pages, est un moment fort), parfois émoustillant, et souvent fascinant. Qui mérite bien de ne pas être jeté en quelque enfer, quoiqu'en pense Onfray.
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La philosophie dans le boudoir

Voici une oeuvre que je considère comme l'une des moins crues du "divin marquis" et donc comme l'une des plus accessibles, s'il en est.



Une fratrie de libertins débauchés et incestueux entreprend de faire, en une journée, l'éducation sexuelle, et par-là même philosophique, d'une jeune ingénue nommée Eugénie qui a jusqu'alors été éduquée dans les principes moraux et sociaux de toute jeune fille de bonne famille au 18ème siècle.



A l'apprentissage du plaisir charnel, les "pédagogues" d'Eugénie vont associer toutes les théories chères à Sade pour faire s'écrouler ses certitudes sur la politique, la morale, la pudeur, la liberté, la religion, le mariage et le respect dû à la famille et aux géniteurs. En synthèse, point de vie possible hors du crime et du péché.



Complaisante et consentante, Eugénie, intérieurement minée par une profonde rancune envers sa mère, va offrir aux uns et aux autres un terrain favorable à l'introduction de leurs idées libertines, comme à celle de leurs organes génitaux puisque chez Sade les unes ne vont pas sans les autres, l'ensemble étant toujours étroitement imbriqué car devant illustrer conjointement la liberté du corps et celle de l'esprit.



Pour moi, le passage le plus difficile et le plus violent se situe dans la dernière partie de l'oeuvre lorsque Eugénie, "éduquée" au sadisme, va s'en prendre à sa mère, brisant le lien le plus sacré qui la lie à l'humanité commune, c'est-à-dire à l'humanité comprise dans son ensemble mais amputée des adeptes de la pensée sadienne.



Une oeuvre intéressante pour pénétrer en profondeur (si je puis me permettre) ladite pensée.
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La philosophie dans le boudoir

Que dire de ce livre si ce n'est que les protagonistes feraient mieux de parler moins et de s'envoyer en l'air plus !



Ben oui, durant les moments de "pause" entre deux sodomies ou autre pénétrations en "al", les protagonistes pérorent sur Dieu, la politique, la morale et autres sujets qui m'ont fait bailler d'ennui tant ces messieurs étaient sûr de détenir la Vérité Absolue. La diatribe sur la non-existence de Dieu est à mourir d'ennui !



Désolée, mais durant les phases réfractaires de chouchou, je n'aurais pas du tout envie de l'entendre me parler de politique ou de religion ! Surtout que Sade y va quand même fort dans sa philosophie qui tient plus de celle "du comptoir" que d'ailleurs.



Oh pardon... Pour ceux qui aurait une cul-ture zéro, " La philosophie dans le boudoir ou Les instituteurs immoraux", c'est l'histoire de la journée d'éducation sexuelle et de débauche de la jeune Eugenie, 15 ans au compteur, que madame de Saint-Ange et son frère incestueux vont initier a toutes les facettes du sexe par tous les orifices.



C'est "la journée de la luxure", le tout aidé d'un sodomite qui cause beaucoup trop : Dolmancé. Plus un syphilitique, mais en fin de roman.



En deux mots : ça éduque la gamine, ça baise tous ensemble ou séparé, ça cause et ensuite, ça refornique par tous les trous qui existent.



Les scènes de sexe ? C'est de la resucée : un "sandwich" entre trois hommes, de l'inceste frère-soeur, de la sodomie en veux-tu-en-voilà, du "décalotage" et suçage en tout genre. Rien de neuf sous le soleil, si ce n'est la perversion de certaines histoires où Dolmancé parle d'un homme qui a des rapports sexuels avec sa fille, lui fait un enfant, le dépucelle aussi, etc... Sade voulait choquer, il l'a fait.



Par contre, peu de descriptions dans les scènes de sexe. Certes, pour l'époque, ça a dû choquer la ménagère de moins de 50 ans, mais maintenant, bof. J'ai lu des fan-fics cochonnes bien plus détaillées dans leur scène hot que celles du roman du Marquis !



Ce que je reproche d'autre au livre ? Les dialogues qui sont souvent à se taper la tête au mur tant ils peuvent être bêtes, parfois.



Pire, lors de la fameuse scène de couture (ceux qui ont lu comprendront, les autres, imaginez), la mère - qui est censée avoir très mal vu l'endroit où on la coud - ne hurle pas très fort sa douleur, c'est limite si on n'a pas l'impression d'une mauvaise actrice qui veut en faire trop : "Tu me déchires, scélérate ! Que je rougis de t'avoir donné l'être !".



Heu, on est en train de lui suturer un certain endroit... Ça ne m'a même pas collé de frissons de dégoût tant cela ne faisait "pas vrai", ses récriminations de douleur.



Sans parler que les dialogues sont présentés comme dans une pièce de théâtre, et là, ça ne passait pas, malgré la vaseline.



De plus, une gamine de 15 ans qui se fait débaucher l'arrière-train sans arrières-pensées, comme si on lui expliquait la cuisine, demandant qu'on la débauche fissa... Là, je tique un peu en raison du fait qu'elle devient une grosse cochonne en deux secondes chrono.



N'ayant jamais vu un vit de sa vie (vit = pénis), elle se fait prendre par derrière comme d'autre vont prendre un verre, criant même qu'on la lui fourre profond. Hop, ça glisse comme chez une vielle péripatéticienne. Pas très réaliste.



Les personnages sont parfois à tuer, surtout Dolmancé, qui, à force de crier "je décharge, je décharge", m'a pompé l'air !



Je termine "No shocking" par le livre, ayant juste ressenti de l'ennui profond, mais très profond !



Marquis, tu aurais pu détailler plus tes scènes au lieu de nous faire toujours le même scénario sexuel !


Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Historiettes, contes et fabliaux

Je vous vois arriver, l'air effrayé, en vous disant que j'ai littéralement craqué en vous présentant un bouquin du "divin Marquis". Je vous rassure de suite, le langage et, surtout, les histoires sont loin, très loin de la Philosophie dans le boudoir ou de Justine ou les malheurs de la vertu. On est dans le "gentillet" ici. Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais mettre ici des horreurs ? C'est un site de bonne tenue, non mais !



Oh, bien sûr, on retrouve les thèmes privilégiés par l'auteur mais il se fait ici conteur et narre l'amour comme on pouvait le faire au Moyen Âge. D'ailleurs les fabliaux sont bien dans cette veine. A ce propos, il va falloir se faire une raison et arrêter de croire que le troubadour (ou le trouvère dans le Nord) ne chantait que des trucs mignons, hein ! Parce que vu le nombre de textes érotiques qui nous sont parvenus, on peut se dire que c'est un cliché que de penser qu'ils étaient purs et vertueux.



Eh bien vous ne me croirez peut-être pas (dans ce cas, allez vérifier), mais les contes et fabliaux de Sade sont beaucoup plus pudiques. Comme quoi, cet écrivain sulfureux savait s'adapter à toutes les situations !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Justine ou les malheurs de la vertu

Justine c'est le roman idéal pour comprendre ce qu'est Sade. Sade proscrit, vitupéré, condamné, emprisonné. Dans "Justine" il y a de la violence, du sang qui coule à gros flots, des pratiques immondes de la part d'êtres monstrueux qui déchainent une cruauté au-delà de tout sur de malheureuses créatures livrées à leur désirs les plus vils. Il y a de pauvres filles maltraitées dans des conditions qui dépassent nos pires cauchemars par des nobles soudards, des chevaliers menteurs, des moines libidineux, des notaires sans scrupules, des brigands sanglants. Il y a des fouets, des crochets, des chaînes. Il y a tout cela et bien pire encore. Pour qu'on n'oublie pas une seconde que c'est un livre du Marquis de Sade qu'on est en train de lire.

Mais il y a surtout un homme libre.

On découvre un homme qui pense, qui s'indigne, qui s'interroge sur son époque et ses excès, sur le système politique dans lequel il vit, sur la condition faite à ses contemporains. Un homme que révoltent l'injustice et les inégalités de la société qu'il a sous les yeux, un homme qui n'accepte pas que certains aient tout quand d'autres croupissent dans la misère, un homme qui crie et continuera de crier tant que tant de ses semblables connaîtront le malheur et la souffrance. Un homme qui rêve de liberté, de justice, de démocratie.

Il y a le fouet, les crochets, les chaînes, etc, certes. Il y a des scènes dont la cruauté inimaginable vous soulève le coeur. Et pourtant, celui qui a décrit ces scènes ignobles est un vrai humaniste, un vrai penseur du siècle des Lumières.

Alors on l'a combattu, emprisonné, enseveli dans les pires bastilles au motif de sa lubricité, en réalité pour le faire taire et l'empêcher de répandre des idées aussi dangereuses et mettant en jeu l'équilibre du monde.

Ma vision d'un marquis de Sade humaniste et victime heurtera certains - alors lisez "Justine", au-delà des fouets et des restes de mauvais romans pornos.
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Justine ou les malheurs de la vertu

Justine est orpheline à 12 ans. Elle fait le choix de la vertu. Sa sœur Juliette, 15 ans, suit la route du vice et ses petits arrangements.



Dans le monde de Justine, les ogres sont bien intégrés. Ils portent des beaux costumes, ils ont une belle situation et beaucoup de relations. Bon, en fait, c'est comme dans la vraie vie...



Sauf que chez Justine, le soleil brille peu sur la vertu : son chemin ne passe qu'au milieu de prêtres ignobles, de bandits sanguinaires , de notables sodomites ou de nobles parricides qui n'ont d'autre but que de jouir des effets de leur cruauté sur notre héroïne et ses sœurs de malheurs.



Sur son chemin de croix, Justine se voit proposer le choix du bien ou du mal. Elle choisit toujours le bien et le respect de l'autre et s'en trouve invariablement punie tandis que le mal prospère.



L'histoire de Justine a accompagné Sade durant toute sa carrière littéraire. Il en délivra trois versions. Celle présentée ici est la seconde. Elle est moins crue que sa troisième édition parce qu'elle bénéficie du vocabulaire châtié de Justine.



Sade n'a pas donné par hasard son nom à plusieurs langues pour décrire cette perversion sexuelle qui pousse quelqu'un à prendre du plaisir dans la souffrance de l'autre : il a lui même pratiqué un peu tout ce qu'il décrit. Notre pardon ne va à lui que grâce au temps, avec lequel on sait maintenant que va, tout s'en va : strangulations, saignées, pédophilie, morsures de chiens, que notre petite Justine subit, de même que tout ce qui a pu germer dans la longue vie du crâne puant du divin marquis.



Les contre-valeurs développées par Sade sont tranchées : égocentrisme et athéisme. Individualisme forcené. Epoque oblige, le parti de l'auteur n'est pas clairement énoncé, et Justine les traite sans cesse en sophismes, visant le bonheur dans un autre monde.



La qualité de l'écriture de Sade réduit à rien les 200 ans qui nous séparent de la conception du roman. Il envoie Bram Stoker et de quelques auteurs du début du 20ème dans des oubliettes poussiéreuses pleines d'un style désuet. Sade écrit bien. Son matérialisme exacerbé est parfaitement présenté et son traitement suscite toujours la controverse (voir critiques des babelionautes).



Justine ou les malheurs de la vertu est donc une très grande oeuvre immorale, d'une lecture très agréable. Quand au marquis, il a sans mérite échappé à la mort et fini chez les fous. Son âme ne connaît pas de paix : on l'a exhumé. Son crâne a illustré des conférences dans plusieurs pays. On lui prête des pouvoirs magiques. Il circule peut être -sûrement- encore quelque part, et il fait toujours l'actualité (Le Dernier Crâne de M. de Sade ; Histoires Chûchotées à Justine, etc)
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Les 120 journées de Sodome

Nausée.
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Ernestine

Ernestine



J’en ai connu des comme toi

Un peu plus fines

Un peu moins sûres de leur loi



Elle est magnifique, sublime même, à faire chavirer les cœurs des plus nobles ou des plus purs. Dans quelle catégorie me trouve-je ? Pas celle des Nobles avec Majuscule, mais mon cœur est pur, tout comme mon âme. Je suis à ses pieds, désire son corps et son cœur. Ernestine…



Mais voilà mon problème : Ernestine n’en pince que pour le malheureux caissier Herman. Ils se sont promis. Et le colonel Sanders approuve cette future liaison. Ernestine, je l’inviterai bien au KFC de la Place Clichy.



Parfum de Chine

Ou bien de n’importe quoi

Et ton Austin

Qui of course ne démarre pas



Ernestine, Ernestine au charme si envoutant, que le comte Oxtiern s’en est amouraché. Fier et riche le noble, elle ne peut résister à sa prestance ou à sa fortune. Il en va de soit. Toute ressemblance avec certains puissants de ce monde actuel ne serait pas fortuite, juste prémonitoire. Impensable qu’elle ne succombe pas. L’amour pur serait-il au-dessus des considérations bourgeoises et des arrangements copulatoires ?



Dors c’est mieux

Ou alors cherche des yeux

Le prochain clown qui te guette



Ernestine, Ernestine. Écrit en 1800 par le marquis de Sade, cette courte nouvelle m’apparut presque contemporaine. Et si je me faisais une autre idée du ‘sadisme’ littéraire, ce premier texte du marquis que j’ai l’honneur de lire m’a séduit. Ce n’est pas une question de libido car le sadisme n’est point ici, tout comme le masochisme. Mais c’est un conte cruel, pour un comte cruel, sur les rapports ‘amoureux’ de cette fin du XVIIè (siècle pas arrondissements, même si avec la Place de Clichy, j’y suis en plein dedans). Un brulot incandescent envers la bourgeoisie de cette époque.



Passe les nuits

Chasse les bruits

Il y en a d’autres qui te suivent.



Ernestine, Ernestine. Une Madame Scholtz perfide en cougar d’un âge avancé, un comte immorale sans vergogne dans les hautes sphères de la Société, un colonel Sanders partagé entre l’amour pour sa fille, et le désir d’approcher, d’accrocher le pouvoir, un jeune homme, Herman, symbole du prolétariat qui se fait démonter par les manigances des Grands de ce monde et Ernestine, Ernestine…



Tu entends des voix, reste digne !



« Ernestine » ou le noir désir de Sade.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Contes licencieux

Les contes licencieux sont de petites nouvelles, des histoires de fesses, mais à mon avis, qui se terminent souvent par une vengeance de conjoint ou de conjointe en proportion du cocuifiage, et il n'y a pas de morts, sauf dans "la châtelaine de Longeville, où Louison meurt noyée.

Celle que je trouve la plus savoureuse est "Le mari prêtre", pleine d'un humour délicieux !

La plus engagée, à mon avis, est "Le président mystifié". C'est aussi la plus longue : quand le frère de la jeune fille, mariée officiellement mais pas encore charnellement, voit le vieux grigou, président du tribunal d'Aix, que son père lui a fait épouser, il imagine, pour chaque nuit des stratagèmes hallucinants pour que ce mariage ne soit pas consommé.

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Le marquis de Sade ( pas Sade Adu que j'adore ) est né en 1740, et il est mort en 1814, à Charenton.

J'avais un à priori contre Sade ( menottes, fouet, bref sado-masochisme ),

mais je trouve cet ensemble de nouvelles à peine plus "dur" que les comédies de Molière.

Je ne suis sûrement pas tombé, dans cette brocante, sur le plus provocateur des écrits du marquis de Sade, mais j'avoue qu'à part le style ampoulé des trois premières petites nouvelles, je trouve la forme agréable, fine et même philosophique, proche même de celle, ironique De Voltaire dans Candide.

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Pourquoi Sade, cet homme non-violent, dit-on, a t-il passé 27 ans en prison, alors que Louis XV faisait plein de conquêtes féminines, que Louis XVI était tolérant, et que cet imbécile de Bonaparte, qui avait un érotisme puissant, l'a, lui aussi envoyé en prison, puis chez les fous ?

Sans doute à cause de ses scandales qu'il ne cachait pas, mais surtout à cause de ses écrits, ou il désacralise les professions dites nobles : prêtres, magistrats, premier consul, pour qui l'hypocrisie est de mise.

Pour le XXè siècle, il a brisé des tabous, et plusieurs personnes dont les surréalistes et Albert Demazière disent qu'il a été un précurseur de la psychanalyse.



Il est né trop tôt. Peut être que Bukowski ou un autre auraient été interdits dans ce temps là ?

Encore un qui n'était pas adapté à la société dans laquelle il vivait : Socrate a été obligé de s'empoisonner, Thomas More est mort sur le billot, Rabelais a été obligé de feinter avec le comique pour écrire Gargantua, Voltaire est parti en Suisse pour échapper à la prison, Nietzsche a terminé fou, Zweig s'est suicidé : tous étaient de grands humanistes qui n'étaient pas d'accord avec le monde tel qu'il est !

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"Le premier qui dit se trouve toujours sacrifié

D'abord on le tue

Puis on s'habitue

On lui coupe la langue on le dit fou à lier

Après sans problèmes

Parle le deuxième

Le premier qui dit la vérité

Il doit être exécuté." ( Guy Béart. )

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Les 120 journées de Sodome

La lecture des 120 journées de Sodome est sans conteste extrêmement éprouvante et provoquera le plus souvent colère et indignation. Mais à quoi donc avons-nous affaire ici ? Sade était-il un dément en s'appliquant ainsi à faire un catalogue quasiment exhaustif des perversions les plus inimaginables que puisse envisager l'esprit humain. Avant de se précipiter vers cette hypothèse commode et quelque peu hypocrite, il est préférable d'aller à la rencontre de cette personnalité tout à fait hors du commun.

Sade fut embastillé sans jugement (par décret royal) et pour une sorte d'éternité jusqu'à ce que la Révolution Française le fasse libérer opportunément.

Cet emprisonnement ne fut consécutif à aucun crime grave mais provoqué par ce que la Bonne Société de l'époque considérait comme un comportement scandaleux; non pas pour son libertinage mais par le fait que notre Marquis s'obstinait à ne pas vouloir le dissimuler et s'affichait ostensiblement.

Voilà ce qui décidément n'était pas pardonnable pour l'hypocrisie bourgeoise montante. Sa mise à l'écart fut donc décidée et sans qu'aucune limite ne soit fixée à sa peine.

Sade était de ce genre d'êtres qui portent la liberté en eux-mêmes comme une brûlure. Sans aucune issue vers l'extérieur, il ne lui resta plus qu'a plonger en lui-même, au plus profond, pour pouvoir la retrouver.

Et alors, à sa manière, Sade inventa la psychanalyse, plus d'une centaine d'années avant Freud ...

Se prenant lui-même comme unique objet de son analyse, ( et pour cause), il plongea dans les recoins les plus obscures de son inconscient, ne reculant devant rien et motivé par la rage inextinguible qu'il ressentait du fait de sa situation, il produisit cet ouvrage sidérant.

Ce livre est donc un acte de libération; le seul qui était alors à sa portée.

Il faut le comprendre comme une exploration radicale de l'inconscient, dans ce contexte très particulier ou se trouvait alors le divin marquis.

Sortant donc de sa prison avec la révolution, nous le retrouvons membre actif de la Section révolutionnaire des Piques et en appelant à la démocratie directe; seuls, ceux qui n'auront pas compris sa manière toute particulière d'envisager l'aristocratie s'étonneront de le trouver là, jusqu'à ce que le tyran Bonaparte le fasse à nouveau enfermer.

En vieux français, le mot "sade" signifiait: doux, gentil, charmant ...

Vérifiez !
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Trois histoire érotiques

Ce petit folio offert lors d’une opération en librairie dormait dans ma PAL depuis quelques années. Je me suis enfin décidée à l’en sortir. S’il n’est pas inintéressant, ce recueil me laisse toutefois mitigée.



Le premier texte du recueil est une nouvelle de Sade publiée, comme d’autres contes libertins de l’auteur, à titre bien longtemps après sa mort. «Augustine de Villeblanche ou le stratagème de l’amour» est un texte bien éloigné des récits les plus violents de Sade comme «les 120 jours de Sodome» ou «les prospérités du vice». «Le stratagème de l’amour» ne porte pas non plus les réflexions philosophiques qu’on peut rencontrer chez l’auteur. Il n’y a pas ici de peinture sous forme de dénonciation de la société. Il s’agit ici d’un conte libertin léger qui joue avec gourmandise sur la confusion des sexes. En effet, dans cette histoire un homme se déguise pour séduire une femme lesbienne qui s’est déguisée en homme. Ce conte dénué de la cruauté habituelle de Sade s’avère très plaisant, audacieux et, bien entendu, servi par la délicieuse écriture du divin marquis.



Le 2ème récit intitulé «la nuit merveilleuse ou le nec plus ultra du plaisir» est une réécriture du conte «Point de lendemain» de Vivant Denon paru quelques années après le texte originel. On ne sait pas si ce conte est de la main même de Denon ou d’un autre auteur. Ce conte est un agréable badinage amoureux, gentiment érotique. L’écriture est plutôt belle. Ce texte se lit sans déplaisir mais reste très anecdotique et sera vite oublié.



Enfin, le dernier texte de ce recueil est le «Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation» de Pierre Louÿs. Cela faisait longtemps que je voulais lire cette œuvre dont j’avais pas mal entendu parler en termes dithyrambiques, certains criant au génie. Avec ce texte, Louÿs propose un pastiche des manuels de savoir-vivre destinés aux jeunes filles qui étaient largement répandus au début du 20ème siècle. J’avais déjà lu du Louÿs, je savais donc qu’il écrit bien. Mais ici, on ne peut guère savourer l’écriture de l’auteur en raison de la forme même du texte. En effet, il s’agit, comme dans les manuels de savoir-vivre, d’une suite de conseils donnés aux jeunes filles, faites ceci, ne faites pas cela… L’auteur fait preuve d’un sens de la formule et d’une outrance qui ne sont pas à prendre au 1er degré mais qui sont bien amusants. En tout cas au début. Si j’ai trouvé ces conseils trash plutôt drôles au début de ma lecture, le procédé est très répétitif, je me suis vite lassée jusqu’à sombrer dans un ennui abyssal. Tant et si bien que je ne suis pas allée au bout et n’ai pas fini ce dernier texte.



Ce livre est un petit recueil relativement plaisant mais tout à fait dispensable. Le conte de Sade est très bon mais se trouve dans le recueil « Historiettes, contes et fabliaux » (que j’ai bien envie de me procurer). «La nuit merveilleuse » est une lecture agréable mais qui ne restera pas dans les mémoires. Quant au «manuel de civilité… » de Louÿs, je pense que lire les citations postées par les babeliotes est amplement suffisant et permet de voir le ton de l’ouvrage.



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Justine ou les malheurs de la vertu

Un livre que je n'aurais pas ouvert si je n'avais pas relevé un défi littéraire foireux.

C'est l'histoire de deux soeurs orphelines, qui choisissent deux destins différents : Juliette joue de ses charmes criminels pour trouver le bonheur, tandis que Justine ne rencontre que le malheur en restant sur le droit chemin. Le roman est le récit que Justine fait de la dizaine d'années au cours desquelles elle n'a croisé que des individus (majoritairement masculins) qui lui faisaient subir les pires outrages pour la pousser à renier ses principes vertueux.

Je n'ai rien trouvé de sulfureux dans ce texte ; c'est au contraire l'un des plus désespérants que j'aie lus. Partant du postulat qu'il vaut mieux céder au vice puisque la vertu n'est jamais récompensée en ce bas monde, Sade pulvérise à coeur de joie tous les interdits de la société, en ne renonçant à aucune ignominie. Si encore il ne s'agissait que de provocation, ou d'une forme de délire obscène d'un pauvre type lubrique et frustré -mais l'auteur justifie ces perversions par des considérations pseudo-philosophiques ou scientifiques, porté par un athéisme haineux. Dans ce conte pour adulte, peuplé d'ogres, de satyres et de monstres, il offre finalement une vision sinistre de l'humanité régie par le cynisme, l'égoïsme, et la cruauté. Car ce roman est hyper-violent : femmes et enfants y sont chosifiés, violés, torturés, tués, au nom de la liberté des hommes à jouir selon leurs désirs. Tout ce qu'il y a de beau et bon dans la nature humaine est systématiquement souillé, dénigré et ridiculisé avec moult détails ; d'ailleurs, Justine, malgré toutes ses qualités, n'en demeure pas moins une cruche.

Je ne comprends pas le culte que certains intellectuels vouent à Sade et à son libertinage qui n'a rien de raffiné. Certes, ce roman est bien écrit et se lit facilement, et on pourrait le considérer comme un voyage onirique et invraisemblable dans l'imagination d'un misogyne dépravé. Mais ça manque d'âme, de vie (mais pas de vits, ha ha !), et cet acharnement à combler en vain la satisfaction comme le vide de cette histoire finit par faire pitié et lasser.
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Trois histoire érotiques

Ces trois nouvelles disparates de style de Sade, Vivant Denon et Pierre Louÿs, sans lien, composent ce livre érotique offert.

La note que j’attribue au recueil est la moyenne pour des textes diversement appréciés.



Le “Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation” de Pierre Louÿs publié de façon posthume en 1926 joue sur la provocation lourde, à tel point que j’ai dû chercher pour proposer un conseil qui ne heurte pas vos oreilles : “Ne mouillez pas votre pouce dans votre bouche ou votre con pour tourner les pages.”



La nouvelle grivoise de Vivant Denon est une version révisée érotiquement du conte “Point de lendemain” que vous pourrez trouver en deux versions “soft” : celle de 1777 et celle de 1812 dans le Folio classique n°: 2739.

Elle a inspiré à Louis Malle le scénario du film ”Les amants” de 1958.

Durant cette “nuit merveilleuse”, l’auteur nous propose une charmante et licencieuse mignardise où l’amour est porté aux nues avec une élégance mutine.



Lisez ce voyage de la version libertine de cette carte du tendre à haute voix ou à bas bruit à votre aimé(e) : « Nos soupirs nous tinrent lieu de langage : plus tendres, plus multipliés, plus ardents, ils étaient les interprètes de nos sensations, ils en marquaient les degrés, et le dernier de tous, longtemps suspendu, nous avertit que nous devions rendre grâces à l’Amour.»

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Dialogue entre un prêtre et un moribond

Un prêtre se rend au chevet d'un mourant pour tenter, dans les derniers instants de sa vie, de lui faire regretter ses mauvaises actions. Et le mourant est en effet plein de regrets, mais pour avoir bridé ses désirs au nom d'une morale absurde. S'engage un dialogue entre les deux hommes, chacun voulant convaincre l'autre de la justesse de ses positions.



J'avais découvert Sade avec « Les 120 journées de Sodome », qui ne m'avait pas laissé un souvenir éblouissant. Le ton ici est sur un tout autre registre, provoquant, mais très argumenté et posé. Le texte s'achève sur une morale difficilement contestable : « rendre les autres aussi heureux que l'on désire de l'être soi-même et ne leur jamais faire plus de mal que nous n'en voudrions recevoir », mais qui est surprenant de la part d'un auteur qui a célébré la violence, le viol et le sadisme dans ses textes. Il est possible aussi que j'ai commencé par le mauvais livre. En tout cas, il me paraît maintenant plus profond et plus intéressant à découvrir qu'à première vue.
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Dialogue entre un prêtre et un moribond

Dans le "Dialogue entre un prêtre et un moribond", il est assez inutile de recherche les passages à caractère explicite, qui ont fait, entre autres, la célébrité, du divin marquis ; ils sont relégués, à une place secondaire.

Il s'agit ici, pour le célèbre auteur de "La philosophie dans le boudoir", de faire profession de foi, d'athéisme ! Et, le célèbre écrivain et philosophe français, le fait parfaitement, argumentant sa profession de foi, avec beaucoup de logique, de bon sens, d'intelligence et de finesse !

Pensant vraiment par lui-même, il laisse, avec ce dialogue, où la pensée est simple, mais pleine de bon sens, et efficace, un vrai modèle d'argumentation intelligente, suivant l'injonction, qui est, selon Kant, "la devise des Lumières" : "Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !"

Bref, ce petit dialogue est un petit bijou, pour tous ceux qui s'intéressent à la philosophie des Lumières !
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La philosophie dans le boudoir

Par analogie à celle de comptoir, je dirais que cet ouvrage n'est pas "La philosophie dans le boudoir" mais "La philosophie de boudoir" . Les uns axant leur vision du monde autour de leur verre et les autres autour de leur trou du cul.

Pas de quoi se prendre pour des génies, si ce n'est de la provocation pour les seconds. Juste des oisifs, omnipotents, qui ne se sont donnés que la peine de naître et qui s'emmerdent au sens large du terme. Alors, entre deux sodomies, ils pérorent, persuadés de détenir la vérité absolue.

Si je m'étais laissée guidée par mon ressenti je n'aurais mis qu'une étoile à ce livre et pourtant je ne peux nier qu'il m'a sidérée autant qu'il m'a captivée.

En effet, après réflexion, il m'est apparu que le XVIIIe siècle c'était "aussi" SADE et l'on ne peut prétendre à un minimum d'honnêteté intellectuelle si l'on n'entend pas tous les discours. Même ceux qui nous déplaisent.

Enfin... je ne suis pas convaincue que dans ce siècle des lumières celle de SADE ait "positivement" éclairé l'Humanité.

Quoiqu'il en soit, il est indéniable que le Divin Marquis fût un être "hors du commun" et, personnellement', j'ai l'irrespect de m'en réjouir. Un seul cas d'espèce est bien suffisant.

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Les 120 journées de Sodome

Difficile de résumer en quelques mots l'étendue et l'ampleur de ce que peut être ce livre autrement que par "Voici le livre le plus horrifiant qui ait jamais été écrit".

Imaginez les fantasmes d'un pervers sexuel notoire, décuplés par un enfermement à la Bastille. Multipliez le résultat par cent, et vous obtiendrez une once de ce que vous pourrez lire ici.

Rien de ce que la pornographie moderne peut offrir, même la plus underground, la plus illégale, ne se trouve pas ici. De la simple transgression homosexuelle (qui pour l'époque était déjà excessivement scandaleuse) aux tréfonds de l'imaginaire sexuel le plus noir, les 120 journées enfoncent peu à peu le lecteur dans l'horreur, comme si le simple curieux ayant acquis ce livre était puni de la façon la plus abjecte qui soit. Rien chez Sade, pas même dans Juliette ou les Prospérités du Vice, ne préfigure les atrocités commises ici au nom du plaisir sexuel.

Sur les 120 journées du titre, seules 30 ont été rédigées par Sade avant qu'il ne perde son manuscrit. Les 90 restantes, auxquelles s'y ajoutent quelques autres, ne sont qu'à l'état de prises de notes, parfois grossières au point de n'être qu'une idée, un fantasme, et l'on se prend à remercier le cours de l'Histoire de nous avoir épargné la rédaction de ces journées.

Manies sexuelles, prostitution volontaire ou forcée, enlèvements, viols, pédophilie, scatophagie, tortures, mutilations, exécution ne sont que le sommet de l'iceberg.

Il n'y a ici aucun intérêt littéraire, aucun intérêt érotique, aucune satisfaction de lecture: le lecteur lui-même, s'il n'est pas prévenu, est soumis à la torture de ces pages, et ressent physiquement la nausée monter en sa gorge et la douleur psychologique s'insinuer en son esprit.
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Les 120 journées de Sodome

Alors, évidemment, si l’on considère que la lecture doit être un plaisir, en lisant Sade on risque de se retrouver dans une situation très embarrassante. Par contre, si l’on estime que la littérature ne doit pas seulement nous divertir mais également nous révéler quelque chose de l’Homme, Sade devient quasiment une lecture par laquelle il faut passer tant bien que mal. De nombreux écrivains au cours du vingtième siècle se sont penchés sur l’œuvre de Sade, et ces analyses sont souvent passionnantes, que ce soit du côté de la morale, de la philosophie, de la politique ou de la psychologie. Ces nombreux points de vue prouvent au moins que le cas de Sade pose des questions essentielles.

Il faut d’abord prendre en compte que cette œuvre n’aurait jamais vu le jour sans l’emprisonnement de son auteur. « Les 120 journées de Sodome » est son premier livre et il a été clairement écrit en réaction contre son enfermement. La société croit le punir en l’enfermant, mais Sade rétorque qu’au contraire elle augmente sa jouissance, que la débauche ne peut se faire que cachée ; ainsi les quatre libertins dont il est question dans ce livre commencent par s’emmurer eux-mêmes dans un château. Interdire Sade, le cacher, c’est aller dans son sens.

« Justine », que Sade écrivit plus tard, est un livre assez différent, plus intéressant d’une certaine manière. Les justifications philosophiques sont plus abondantes et brisent la lassitude qu’on peut ressentir à la lecture des 120 journées. Malgré tout, une chose apparait peut-être plus évidente dans « Les 120 journées de Sodome », c’est l’influence qu’a eu la philosophie des Lumières sur Sade. En particulier, on s’aperçoit que la pensée de Sade est née de sa lecture des écrits de Rousseau et qu’elle s’est développée contre lui.

De ces 120 journées - qui finalement n’en contiennent que 30, puisque suite aux vicissitudes de l’Histoire, Sade n’a pu en rédiger les autres - il ressort une profonde monotonie. Chaque journée se ressemble, se passe de la même façon, elles sont toutes construites sur le même schéma, encastrées dans la même structure rigide, aucune place n’est laissée aux digressions, tout est extrêmement réglementé. Toute évolution y est bannie, aussi bien des personnages que de l’histoire, le seul intérêt qu’a voulu donner Sade à son texte est l’augmentation progressive des horreurs. Mais quel ennui au bout du compte ! Dans quelle mesure Sade en avait-il conscience ? Son but était-il vraiment d’exciter son lecteur ou même de le dégoûter ? Car il est évident que cette accumulation d’infamies a quelque chose qui va à l’encontre des textes purement érotiques ; au bout d’un moment, aussi porté sur la bizarrerie qu’on puisse l’être, on ne peut ressentir que de la lassitude et, ainsi, tout ce qu’écrit Sade a paradoxalement l’effet contraire de ce qu’il affirme. Mais doit-on interroger Sade en termes moraux ? Doit-on en faire le plus grand athée qui n’ait jamais existé ou, au contraire, voir dans ses excès extrêmes un profond besoin de Dieu ? Au passage, s’interroger sur sa haine de l’Homme, de Dieu ou de la Nature, revient au même. Ces questions sont bien sûr intéressantes, mais elles resteront à jamais en suspend et c’est à chacun de se débrouiller avec.

Cependant, je ne crois pas qu’il faut remettre en question l’athéisme de Sade, ni son rejet de tout ce qui n’est pas l’affirmation de soi. Sade est très contradictoire, il affirme que le vice fait partie de la nature, qu’il adore le vice, et pourtant il haït la nature et son rêve ultime serait de la détruire ; il est incompréhensible, comme tous les hommes, sauf qu’il l’est excessivement. Au-delà de tout ça, peut-être que le but secret de Sade était de rendre son lecteur aussi blasé que les libertins de son livre, de lui faire ressentir l’insensibilité et ce besoin de toujours aller plus loin. D’ailleurs, les passages où Sade aborde le masochisme (sans le nommer, bien évidemment) sont très intéressants. Certains psychologues ont mis l’accent sur les différences qui existaient entre le sadisme et le masochisme et que les réunir sous un même concept était une absurdité. Sade en parle un peu dans « les 120 journées de Sodome » et prétend que ce qu’on appelle aujourd’hui le sadisme est en quelque sorte la même passion que le masochisme et qu’il en est même issu. Tous deux sont une jouissance du remords, même si l’un s’y complait et que l’autre va au-delà. La seule différence réside dans le fait que le sadisme est une révolte contre le sentiment et en particulier le sentiment de honte.

D’un point de vue strictement littéraire, Sade n’écrit pas mal (il ne faut pas oublier que ce texte est une ébauche, qu'il contient des approximations et qu'il n'aurait jamais dû être publié dans cet état), il emploie quelques jolies formules et il a un certain sens de l’humour, même si cet humour est extrêmement grinçant et que le terme de « jolie » ne convient pas tout à fait à son style. Mais, encore une fois, sa passion des chiffres, de la structure ordonnée, symétrique, rend les 120 journées de Sodome très monotones, très pénibles à lire, bien plus que l’accumulation des horreurs extrêmes qui, au final, sont plus surréalistes qu’autre chose.
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Les 120 journées de Sodome

Dégoûtant. Répugnant. Choquant. Extrême. Personne ne peut mélanger l'érotique et l'horreur comme Sade, et c'est ici, dans ces 120 Journées éprouvantes, qu'il est à son meilleur. Il y a tant de sexualité dans ces pages, bien entendu, que je suis tout à la fois surpris qu'on ne parle plus souvent des horreurs qui - je crois - surpassent en tout, en nombre comme en imagination, ce qui tient à la pornographie. Oui, l'horreur, l'immonde, l'atroce sont bien là : et, franchement, à part peut-être le 300 MILLIONS de BLAKE BUTLER, je ne connais aucune autre œuvre capable de s'approcher de près (ni même de loin) du contenu de celle-ci ; et encore 300 MILLIONS étant un must du genre, les 120 Journées restent littéralement indépassable.



Certainement pas pour les faibles de cœur.



Et tellement épouvantable qu'on ne peut pas le lâcher.
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