AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Pascal Bruckner (335)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les voleurs de beauté

Ce livre est riche car il verse à la fois dans le conte philosophique, le thriller, le roman fantastique. Bruckner est allé puiser son inspiration dans tous ces domaines. On suit goulûment l'histoire de Benjamin et de Hélène, qui est elle-même imbriquée dans celle de Mathilde Ayachi, médecin psychiatre aux urgences, qui reçoit un soir d'été la confession troublante d'un homme étrange, à la rue, qui cache son visage, Benjamin Tholon.

Ce dernier raconte comment il s'est retrouvé prisonnier de la neige dans le Jura, avec sa compagne, et comment un couple inquiétant les a recueillis et leur a proposé de les aider jusqu'à leur retour sur Paris. Ce n'est que le début des ennuis pour les deux jeunes tourtereaux qui se retrouvent en réalité prisonniers de la perversion de geôliers pour qui la jeunesse et la beauté sont des insultes inqualifiables qu'il s'agit de punir par l'enfermement. Arriveront-ils à se sortir des griffes de ces êtres malades, aigris et pervers?



Ce n'est pas le livre de Bruckner que je préfère mais je dois dire qu'il est efficace. On veut connaître ce qui est arrivé à Benjamin, pourquoi se cache-t-il le visage, quelle horrible traumatisme le hante. Ce livre n'est pas qu'un thriller. Il en a certains aspects: la montée en puissance du suspens et du danger une fois dans la maison des Steiner, la découverte des cellules, etc, mais il est plus que cela, il y a aussi toute une analyse de l'importance de l'apparence de nos jours, et de la lutte incessante que l'on cherche à porter contre la fuite du temps. Ce livre nous renvoie notre propre perception de la fuite du temps, notre propre peur des rides et autres indices du temps qui s'écoule, notre lutte futile contre l'irrémédiable. Bruckner utilise ses personnages pour illustrer ce que deviennent les gens après avoir trop cogité sur la fuite du temps, et les danger de ne pas accepter la possibilité de sa propre mort.



J'aime aussi le jeux de miroir entre bourreaux et victimes, qui changent sans cesse de visages dans le livre. Le geôlier ne croit pas toujours être celui qu'il est en réalité, et de même pour la victime. Jeu de miroir incessant, syndrôme de Stockholm, pour un livre qui s'intéresse à l'apparence, à la vie et à la mort.



Une note: 7/10

Je conseille, mais je trouve qu'il y a quand même quelques longueurs et l'aspect moraliste est parfois un peu pesant. Je ne crois pas autant au personnage de Mathilde qu'à ceux de Benjamin et Hélène, peut-être parce qu'elle ne sert que de réceptacle aux propos de Benjamin.
Commenter  J’apprécie          150
Un bon fils

Pascal BRUCKNER. Un bon fils.



La couverture de cet ouvrage nous présente une photo intime : un père, allongé dans l’herbe, à ses côtés, son petit garçon, vêtu d’un bloomer et un petit bouquet de marguerites à la main : image de bonheur, de sérénité.



Ce récit autobiographique de Pascal BRUCKNER, est bien éloigné de l’illustration bucolique, ce père, souriant qui nous regarde effrontément et l’enfant, qui en signe d’obéissance baisse la tête. Nous découvrons avec stupéfaction que ce père n’a pas été, ni un bon père, ni un bon époux. Pendant toute son existence, d’homme marié, de père de famille, il n’a cessé de battre, d’insulter femme et enfant. Ces querelles atteignent un tel paroxysme que dès l’âge de dix ans, le petit garçon, tout en priant, implore Dieu de le venger, de tuer son géniteur.



Il nous décrit sa petite enfance, marqué dès ses premières années par la maladie qui l’a tenue, éloigné de sa famille ; dès ses trois quatre ans, il a vécu en sanatorium, en Suisse, en Autriche, en Allemagne. Enfin guéri, il rejoint ses parents. Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Son père est un homme violent, manipulateur, colérique, anti-juif, pro-nazi. Tous les jours, cet homme humilie son épouse, la rabaisse, la dénigre, la violente. Cette femme demeure entièrement soumise à son prédateur. Cependant ils ne se sépareront pas, ne divorceront pas et l’enfant assistera à de terribles scènes de violence… Comment parviendra-t-il à échapper à la dictature imposé par le despote ?



Il se met à nu et nous évoque son parcours intellectuel, pour sortir du marasme familial. Il nous narre tout le chemin qu’il a du faire afin de ne pas tomber dans la souricière tendue par son père. Il n’a cependant jamais lâcher la main de ce père, il l’a accompagné jusqu’au bout ; Oui c’est vraiment un bon fils. Grâce à son éducation, ses rencontres avec son frère de cœur, d’adoption, Alain FINKIELKRAUT, il a gagné la bataille livrée par ce père tyrannique. Sans pathos, il nous livre son combat de tous les jours, sa liberté gagnée, son autonomie, sa volonté de vivre envers et contre tout. Une fort belle leçon de vie, et une belle confession. Fils légitime , il a trouvé un père intellectuel : Roland BARTHES, le philosophe, directeur de sa thèse. . N’ayant pas de véritable père, sauf à l’état-civil, il a cherché un père d’adoption, un remplaçant au sien. Merci Pascal pour ses douloureux aveux. Je recommande la lecture de ce roman autobiographique.

( 02/03/2023).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
Commenter  J’apprécie          141
Le sacre des pantoufles : Du renoncement au..

Pascal BRUCKNER. Le sacre des pantoufles.



Cet essai reflète la vie que nous avons connue et menée au cours de la pandémie du COVID. Avec beaucoup de sérieux, Pascal BRUCKNER a cerné notre façon de vivre, plus exactement notre façon de survivre, face à toutes les interdictions, les recommandations, les difficultés qui ont jalonnées cette longue période. Tous, nous avons été contraints de prendre nos quartiers dans notre demeure, notre maison notre appartement. Et inévitablement, ne devant plus sortir, plus fréquenter personne, nous nous sommes repliés sur nous-mêmes. Plus de souci de lever aux aurores : télétravail…. Plus de souci vestimentaire : nous avons opté, à l’unanimité au confort des vêtements de sport et enfilé nos « charentaises ». Quelle élégance ! Et aujourd’hui, nous pleurons sur la disparition de nos industries, de nos commerces de proximité…. C’est trop tard. Internet est là et nous relie au monde 24 h sur 24 h ; jour et nuit, oui en continu, il suffit de cliquer !



Plus de sorties nocturnes, plus de bavardage près de la machine à café, plus de petit noir pris sur le zinc du bistrot du coin. Chacun chez soi. Nous devons appliquer les nouvelles consignes. Nous oublions tout. Nous commandons même nos courses, nos repas et nous sommes directement livrés à domicile…. Quelle tristesse ! Condamnés à vivre, non seulement cloîtrés mais couchés en permanence. Nous n’avons plus de contacts avec personne. Comment peut-on vivre ainsi en autarcie !



Avec humour, Pascal BRUCKER dresse un portrait satirique de notre société. Il inclut dans ce virulent pamphlet le héros russe Oblomov du roman de Ivan GONTCHAROV ( merci Wikipédia) qui a passé toute sa vie au lit ! Au cours de cette terrible pandémie, nous sommes devenus de véritables Oblomov, des moutons de Panurge, suivant à la lettre tous les préceptes imposés par les gouvernants, tous plus zélés les uns que les autres, même à travers le monde. Personne n'était d'accord sur les conditions sanitaires à appliquer ! ! ! Plus de migrations saisonnières, plus de sport, plus de voyages, rien, le vide sidéral. Inutile de fermer les frontières, nos maisons, résidences étaient déjà closes. Pour aller chercher son pain quotidien il fallait imprimer, dater, signer une autorisation de sortie ! ! !



Je vous conseille la lecture de cet essai, narrant la tyrannie que nous avons tous subi, à plus ou moindre échelle selon notre implantation, en ville ou à la campagne… Ce document nous force à réfléchir sur notre avenir. L’importance prise par internet nous abruti fortement et il nous faut user de stratagèmes pour ne pas être complètement happés par les réseaux sociaux et ne plus dépendre de cette toile infernale ! ! ! Pourquoi avons-nous abandonné le dehors et favorisé le dedans ? Le déclin de la société est en marche. Mais nous pouvons encore réagir, il faut sortir des sentiers balisés et vivre dehors et non plus confinés...

(16/02/2023)


Lien : https://lucette.dutour@orang..
Commenter  J’apprécie          140
Trois jours et trois nuits

« Alors l’évidence me terrasse : ici, dans cette pièce où nous partageons ce repas muet, se tiennent les derniers des héros. Les seuls braves d’une civilisation mourante, empoisonnée par l’égo et l’hédonisme marchand. »

Le grand voyage de trois jours et trois nuits de 14 écrivains en l’abbaye de Lagrasse en vivant selon la règle augustinienne en clôture avec les chanoines. Quatorze regards, quatorze sensibilités, quatorze plumes offrant au lecteur une unique opportunité d’enrichissement spirituel au moment où le monde gouverné par les chiffres s’enferme dans le bruit et les divertissements. Cet ouvrage dans un monde sombre apparaît comme un signe d’espérance.


Lien : https://www.quidhodieagisti...
Commenter  J’apprécie          140
Un an et un jour

Un roman décevant malgré une excellente idée de départ….

Une montre qui arrête le temps ; la fille de l'inventeur promet à son père de l'apporter à son confrère au Canada ; après un incident, Jézabel doit s'abriter dans un hôtel où elle dort un an et un jour…. Elle doit travailler pour cet établissement afin de rembourser cette dette et y rencontre des personnages atypiques.

Trop de descriptions de certains personnages (comme cette jeune femme nourrice….) alors que l'intrigue est dévoilée en deux paragraphes.

Dommage….

Commenter  J’apprécie          140
Un bon fils

Un Bon Fils de Pascal Bruckner. J'avais entendu parler de cet écrivain-intellectuel, mais jamais lu un de ses livres. En tant que lectrice lambda, il me semblait que ce serait trop difficile. Pas du tout, j'ai apprécié la clarté de l'écriture, l'intelligence brillante des idées exposées. Ce livre-portrait de son père, tyran domestique, antisémite, pro-nazzi,dépassant parfois certains propos de Céline sur sa haine des Juifs, fait froid dans le dos. Cet homme pourtant d'une grande culture a martyrisé sa femme (on pense aux femmes battues) a presque réussi à gâcher la vie de son fils si ce dernier n'avait pas eu la chance de rencontrer des maîtres "à penser" au cours de ses brillantes études.

J'ai lu en trois soirées ce portrait d'un père, homme extra-ordinaire, lucide jusqu'à ses derniers jours empoisonnant encore son entourage avec délectation

Je ferai une petite réserve cependant pour la description d'une bande de gamins épouvantables dans leur cruauté pratiquée envers les faibles et les animaux : page 35 à 38. J'ai failli laisser tomber.. P. Bruckner raconte

ces méfaits auxquels il a participé comme les copains de son âge. J'ai néanmoins persisté dans ma lecture et ne le regrette pas.

J'attire l'attention du lecteur potentiel sur l'épilogue : surtout, surtout ne le lisez qu'à la fin comme il se doit,. Cela m'a fait rire et grand plaisir. En bref, un excellent livre-portrait : frisson, émotion, colère, indignation mais

humour aussi.
Commenter  J’apprécie          144
Un bon fils

On connaissait Pascal Bruckner l'écrivain, romancier et essayiste, talentueux, volontiers provocateur et cynique. On connait désormais l'homme, à travers Un bon fils, récit de ses relations complexes avec son géniteur, mais aussi histoire d'une vie, tant littéraire que personnelle, construite comme en réaction à cette figure écrasante et honnie du père. Le livre commence par la prière d'un garçon de 10 ans, l'auteur lui-même : "Mon Dieu, je vous laisse le choix de l'accident, faites que mon père se tue." Parce cet homme est un ogre, un tyran domestique qui fait vivre à son fils et à sa mère (surtout) un enfer quasi permanent, avec quelques rémissions, spécialisé dans l'humiliation et la violence. Le portrait à charge est terrible. La haine de Bruckner s'est pourtant transformé en une sorte d'acceptation obligée de ce caractère odieux sans aller jusqu'au pardon. Impossible. Un bon fils ne ressemble pas aux livres écrits sur le même sujet. L'écrivain a rangé la colère maintenant que ce père n'est plus de ce monde. Il dresse un constat, énumère des faits, rappelle l'antisémitisme primaire et atroce de ce nostalgique de Pétain. Mais derrière la figure de monstre, Pascal Bruckner évoque sa propre identité, comment il a pu vivre dans et malgré cette ombre et se forger des armes pour devenir ce qu'il est, soit une antithèse quasi parfaite. Ce n'est pas la partie la moins passionnante du livre que cette recherche de l'équilibre, à travers ses livres, ses amitiés et ses amours. Avec cet effroi parfois de retrouver en lui, dans son comportement, comme des traces de ce père. Mais c'est à ce dernier, l'écrivain le sait bien, qu'il doit d'être devenu ce qu'il est et a été. Avec clarté, dans une écriture sobre et limpide, Un bon fils raconte et témoigne. Et c'est aussi douloureux que souvent poignant.
Commenter  J’apprécie          140
Les voleurs de beauté

Etrange est le mot qui vient tout de suite à l'esprit quand je pense à ce roman, à la fois fantastique, à suspens, parfois presque philosophique. Benjamin et sa fiancée sont pris dans une tempête de neige sur une petite route du Jura et se réfugie vers une maison isolée où habitent un couple et leur serviteur. Ils sont reçus avec entrain et douceur, mais ils se sentent peu à peu prisonniers...

Angoissant...

Commenter  J’apprécie          140
Trois jours et trois nuits

"Un monastère est comme un livre", écrit Xavier Darcos à la fin de sa contribution à cet ouvrage, "il existe une parenté invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture... [La] porte d'entrée pivote sur ses gonds, et nous passons d'un monde à l'autre, comme la couverture d'un livre se plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives." (p. 331) Quatorze écrivains français, les uns connus, les autres intéressants, parfois les deux, ont fait un séjour de trois jours et trois nuits à l'abbaye de Lagrasse, près de Narbonne, et ont contribué par leur témoignage à cet ouvrage collectif.

*

Ce livre sera profitable pour des raisons culturelles, puisqu'on connaîtra des auteurs contemporains d'intérêt inégal, en de courts textes qui permettent au lecteur de satisfaire rapidement sa curiosité. Trois au moins de ces textes, dont celui de Xavier Darcos, retracent la longue histoire de la tradition latine et romaine dont procède Lagrasse, édifiée au temps de Charlemagne pour opposer à l'invasion islamique une "muraille de prières", prières selon la règle monastique de Saint Augustin et du Bréviaire latin. De façon générale, les réflexions sur la culture et sur ses liens avec le christianisme sont profondes et éclairantes.

*

Puisqu'il s'agit de vie monastique, l'ouvrage a une portée spirituelle : on y insiste beaucoup sur la vie quotidienne des moines, sur le sens spirituel de leur traversée du temps et de l'histoire, ainsi que sur leurs parcours personnels en quête de Dieu. Enfin, le séjour de ces écrivains à l'abbaye leur est souvent l'occasion de faire le point sur l'état de leur âme et de leur vie, de leurs certitudes ou de leurs doutes. Devant pareil exercice introspectif, le lecteur en fera autant, au contact de la tradition chrétienne ancienne, généreuse et profonde d'examen de soi, dont témoignent les Confessions de Saint Augustin.

*

Ce livre collectif paraît dans une France où des églises sont brûlées, des prêtres et des fidèles tués en raison de leur foi, dans l'indifférence et l'inertie des autorités, le silence des "grandes consciences" pharisaïques des médias. Il nous offre l'occasion de réfléchir à ce que deviennent historiquement notre nation, notre culture, et nous-mêmes, entre les mains de mauvais pasteurs. La chronique de Camille Pascal, troisième texte du volume, nous y invite aussi, en racontant la fondation de Lagrasse par Charlemagne de retour d'Espagne, en 778. En 2022, le produit de la vente de ce volume servira à la restauration du transept roman de l'église abbatiale, ravagée en 1792. A méditer entre ces dates, on prend conscience que la France n'est pas née en 1789 et que son message ne se réduit pas aux creuses "valeurs de la république".
Commenter  J’apprécie          130
Les voleurs de beauté

Bouh ! Comme c'est dommage ! Encore une dizaine de pages avant la fin j'administrais 4 voire 5 étoiles et puis pouf ! la fin m'a laissée sur ma faim ...

L'intrigue est bonne, le développent plein de surprises, on a envie de connaitre le dénouement, j'ai été totalement charmée, j'ai dévoré ce livre. Et puis paf : la fin n'est pas à la hauteur de l'histoire développée... Dommage....
Commenter  J’apprécie          130
Indispensables frontières

Sur les plateaux de Canal Plus et de France 2, dans les colonnes du Figaro (où Eric Zemmour lui consacre une recension élogieuse), de L’Express (où son interview est toutefois précédé d’un avertissement précisant que sa voix est « contraire à la ligne éditoriale de L’Express ») ou du Point, on fait grand cas du livre de Thierry Baudet. Néerlandais (comme son nom ne l’indique pas), professeur de droit public à l’université de Leyde, il est l’auteur d’un ouvrage roboratif de près de 600 pages qui constitue une impressionnante démonstration en faveur du souverainisme, qui nourrit – même si l’auteur professe une neutralité prudente – la droite nationaliste, à rebours du discours dominant humaniste et internationaliste.

Il ne s’agit pas d’un pamphlet populiste mais d’une rigoureuse démonstration juridique. Avec une belle audace, ce jeune professeur de 32 ans à peine entend se placer sur le même terrain que les grands penseurs de l’État de droit dont il critique systématiquement les constructions : le contrat social de Rousseau, l’universalisme de Sieyès, la théorie de la justice de Rawls, le patriotisme constitutionnel de Habermas …

L’État-nation est au centre de sa démonstration et à la base de sa philosophie. Il s’est forgé aux XVIème et XVIIème siècles contre l’universalisme impérial et chrétien en bornant ses frontières et en imposant sa loi sur son territoire. Il constitue, selon Baudet, le lieu où s’exprime la souveraineté et où se forge l’identité. La première est menacée par le supranationalisme, la seconde par le multiculturalisme. Indispensables frontières est moins un procès en réhabilitation des frontières – qu’instruisait avec plus d’efficacité Régis Debray – qu’une charge argumentée contre ces deux phénomènes qui, le premier par le haut, le second par le bas, mettrait l’État nation en péril.



Thierry Baudet fait remonter l’origine du supranationalisme à la pensée des Lumières. Cousin de l’universalisme, il se nourrit de la croyance d’un humain transcendant les particularismes que Thierry Baudet récuse. Avec Joseph de Maistre et avec les philosophes anti-Lumières, l’auteur estime en effet que « il n’y a point d’Homme dans le monde » (p. 112). Reprenant à son compte la distinction ami/ennemi qui structure la pensée de Carl Schmitt, il professe la nécessaire séparation entre « nous » et « eux ». Il présente trois cours supranationales (la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour internationale de justice) et trois organisations supranationales (l’Organisation mondiale du commerce, le Conseil de sécurité des Nations unies et l’Union européenne) en leur reprochant d’imposer aux États leur autorité sans être elles-mêmes soumises à aucun contre-pouvoir. Il prône un « cosmopolitisme souverain » c’est-à-dire le retour à une coopération inter-gouvernementale sans transfert de souveraineté.

Après le supranationalisme, le multiculturalisme est la seconde menace existentielle qui pèse sur l’État-nation. Il a pourtant des origines philosophiques radicalement divergentes : il provient du romantisme allemand et d’une réaction à l’universalisme des Lumières. Il professe le respect des cultures et véhiculerait l’illusion que leur coexistence pacifique serait possible. Thierry Baudet n’est pas cet avis. Il considère que nos loyautés ne sauraient être plurielles. Dans les frontières d’un Etat, la loi doit s’imposer à tous et ne pas varier en fonction des cultures et des croyances de chacun. Thierry Baudet n’ose pas aller jusqu’à recommander l’éradication des cultures minoritaires (il prône assez confusément l’avènement d’un « nationalisme multiculturel ») mais estime que, parmi les différentes cultures existantes au sein d’un État, existe une culture dominante (Leitkultur) dont les valeurs fondamentales doivent primer lorsqu’elles rentrent en conflit avec celles de cultures minoritaires.



La charge menée contre le supranationalisme vise souvent juste. La Cour européenne des droits de l’homme donne parfois l’impression de défendre une culture droits-de-lhommiste désincarnée ignorante des réalités locales. Les mêmes reproches sont régulièrement adressés aux « technocrates bruxellois » de la Commission européenne. Mais ces deux institutions n’usurpent pas leur mandat qu’elles tiennent du transfert librement consenti par les États-membres d’une part de leur souveraineté. Surtout, ces procès en usurpation oublient les réalités d’organisations qui sont conscientes de devoir défendre leur légitimité. L’Union européenne tente, sans toujours y parvenir, de lutter contre son « déficit démocratique » en renforçant les pouvoirs du Parlement européen ou en encourageant la subsidiarité par exemple. La Cour européenne des droits de l’homme laissent aux États-membres une large « marge d’appréciation » dans la mise en œuvre des valeurs qu’elle défend : l’Italie a le droit d’accrocher des crucifix dans ses salles de classe (affaire Lautsi c./ Italie), la France a le droit de prohiber le port du voile intégral dans l’espace public (affaire SAS c./ France)

La récusation du multiculturalisme est une réponse simpliste à une réalité autrement complexe. Le cosmopolitisme de nos sociétés est un fait acquis, héritage de notre histoire, qu’il faut accommoder plutôt que nier. Il n’est pas certain que les recettes du melting pot américain fonctionnent encore. La devise américaine (« E pluribus unum ») est belle ; mais elle participe peut-être d’un volontarisme hors d’âge. La devise européenne (« Unis dans la diversité ») est sans doute moins ambitieuse ; elle n’est pas moins belle ni moins réaliste.
Commenter  J’apprécie          135
Un bon fils

Pourquoi un homme que l'on comprend intelligent, cultivé, s'est-il construit dans un monde d'idées aussi lâches et viles?

Pourquoi en arrive-t-il à cette haine? (son propre père n'était pas non plus un modèle...)

Pourquoi ce sadisme envers son épouse et envers son garçon?

Violence, mots orduriers, antisémitisme, manipulation sont les maîtres mots de l'ambiance familiale.

Comment parvint-il à échapper au jugement en fin de guerre?

Qui fut-il vraiment?

Tellement de question. Réponses difficilement formulables.

"Un bon fils", certes Pascal Bruckner le fut : il accompagna jusqu'à la fin de sa vie, cet homme, ce "mauvais" père.

Le témoignage biographique qu'il nous transmet apporte son lot de malaises.

Une époque trouble, des prises de position abjectes, la couardise, une épouse malmenée dont certains traits (la jalousie, la surveillance maladive du fils) dérangent, un jeune enfant et sa construction à cause et malgré cela.

Et c'est ce "malgré" qui contient tout un espoir dans cette lecture.

La lucidité de Pascal Bruckner sur l'impact de ses géniteurs est remarquable.

Contre et Avec.

Nul n'échappe totalement à ses origines. Le récit nous le montre (ex; les colères de l'auteur...); l'analyse et la réflexion démontrent que penser par soi-même amène le dépassement de la répétition des idées, rompant ainsi la chaîne mortifère.

En cela, le livre apporte un témoignage intellectuel et la nécessité de ne pas juger "en rapport avec". Foin des a priori.

Il fallait probablement que Pascal Bruckner écrive pour apaiser les démons de toute une vie puisque Dieu (l'enfant qu'il fut fréquenta le divin) n'exauça pas sa prière de "reprendre" le père honni.

Au contraire, il le lui laissa très longtemps, sans un seul espoir de repentir chez le vieil homme.

Tuer le père, il le faut pour vivre. Tout cela est symbolique mais lorsque la mort est réellement souhaitée, la tragédie est là, continue, au centre de la vie.

Espérons pour Pascal Bruckner que les mots écrits et transmis aux lecteurs atténueront la violence de cette relation.

Oui, il fut "un bon fils" et cette "croyance" en l'homme, cet optimisme dont il se revendique est une force malgré la laideur.

Ce bonheur d'être se lit dans les descriptions de la philosophie, les rencontres avec les "maîtres", pères de substitution et d'autres pages.

Non, ce livre n'est pas que noir.

Entre les lignes, la vie bouillonne.

Commenter  J’apprécie          120
Lunes de fiel

Âmes sensibles s’abstenir. Un des premiers romans qui m’a réellement angoissée à la lecture. Et dérangée aussi. Lu vers 12-13 ans. Je pensais que c’était une histoire d’amour. Certes, c’en est une. Mais avec du recul, certainement pas une histoire que j’aurais dû lire à 12 ans… Je l’ai relu plus tard, vers 25 ans car il m’a vraiment marquée. Pascal Bruckner sert avec « Lunes de fiel » une réflexion sur le thème de l’amour, du désir, de la fidélité, des mœurs, des relations amoureuses (ou non). Ou plus exactement des relations étranges, atypiques, voire malsaines.



Ce que dit la 4e de couverture : « peut-on échapper à la monotonie du couple ? Esquiver l'ennui par l'adoration, la lassitude par l'érotisme ? Telle est la question implicite que se posent les personnages de ce roman à bord du paquebot qui, dans les derniers jours de l'année 1979, les mène de Marseille à Istanbul. Le récit que l'un d'entre eux, Franz, fait à un autre voyageur, Didier, de ses amours avec une certaine Rebecca, également présente, sert de fil conducteur à leurs interrogations. Récit dont l'enjeu caché ne manquera pas d'infléchir à son tour les relations du voyageur et de sa compagne, Béatrice, avec laquelle il part en Inde où ils n'arriveront, bien sûr, ni les uns ni les autres. » Ces confessions intimes de Franz à Didier plongent ce dernier dans l’odieuse intimité du couple, entre désir forcené et fascination perverse.



L’écriture de l’auteur est magnifique, ciselée et d’une très grande portée évocatrice. Mais ce n’est pas tout, ce roman est avant tout un roman de la cruauté. J’ai éprouvé tour à tour des sentiments de dégoût, de pitié, de fascination, de répugnance même. L’atmosphère est très pesante et de plus en plus à mesure que ça avance. J’ai eu l’impression de faire du voyeurisme, d’une certaine façon, d’être piégée, impuissante et condamnée à regarder ces personnages descendre en enfer.







Commenter  J’apprécie          120
Le sacre des pantoufles : Du renoncement au..

Pascal Bruckner s'inquiète dans cet essai du repli sur soi dans ses pénates bien confortables avec toute les nouvelles technologies qui n'obligent plus à sortir pour nous nourrir, nous distraire, rencontrer les autres. Depuis le confinement, nos contemporains ont pris de nouvelles habitudes de renoncement au monde extérieur, devenu moins attractif et plein de dangers à éviter. Son regard plonge dans le passé pour saisir les évolutions qui ont opéré ces transformations et montrent un humain mou et lâche qui se vautre sur son canapé sans plus s'intéresser à bâtir un monde meilleur, un citoyen acquis au bien commun. Il analyse notre façon de penser les lieux de vie , caverne, cellule, chambre et nos comportements qui reposent sur de nouvelles philosophies à l'œuvre surtout chez les jeunes générations.

On reconnait bien dans ce tableau pessimiste ce qui advient de notre vieux monde occidental tourné surtout vers l'épanouissement personnel et déniant tout ce qui fait peur pour penser un avenir possible. Un miroir tendu pour réfléchir et agir qui ne plaira pas à tout le monde.





Commenter  J’apprécie          110
Un bon fils

Dans son nouveau livre très personnel, Pascal Bruckner rompt le silence et dévoile son enfance à l'ombre d'un père antisémite, nazi et violent. Un récit cru et difficile pour celui qui estime que la Seconde Guerre mondiale est le «grand roman familial français».
Lien : http://rss.lapresse.ca/c/336..
Commenter  J’apprécie          110
La maison des anges

Ce qui m'a touché dans la découverte de cet auteur, c'est le contraste saisissant entre une écriture recherchée, riche et presque élitiste et l'univers exploré.



C'est assez surprenant de trouver des descriptions extrêmement élaborées à côté des phrases qu'on dirait sorties d'un manuel de philosophie.

Tout cela rajoute un charme à l'intrigue et donne envie d'en savoir plus.



Jolie découverte!!



Commenter  J’apprécie          111
Lunes de fiel

J'ai d'abord vu le film et j'ai voulu voir si le roman était aussi sombre. J'ai en effet, peut-être plus, retrouvé cette athmosphère glauque, cette déscente aux enfers du personnage principal à qui tout échappe peu à peu dans ce voyage en bateau. Le texte de Bruckner est moderne, au style rapide et incisif, sans longues descriptions. L'ambince est très pesante, peut-être un peu trop pour tout lecteur.
Commenter  J’apprécie          111
Un coupable presque parfait

L'auteur dénonce les nombreux procès faits notamment aux mâles hétérosexuels blancs, que ce soit par des antiracistes identitaires ou des néoféministes. Aux USA notamment, on atteint des sommets de rejet de l'autre, mépris de l'autre, et de repli "communautaire" au sens large du terme. Mais l'Europe commence elle aussi à être gagnée par ce phénomène. Rancœur, désirs de vengeance contre les anciens méfaits racistes, machistes, colonialistes, à une époque où jamais ces "valeurs" n'ont autant été rejetées par l'ensemble de la société. Cette mise en garde me semble indispensable, voir par exemple même en Belgique, pays moins touché jusque-là par ces dérives, le premier événement interdit aux blancs à ma connaissance: https://www.lalibre.be/regions/bruxelles/saint-gilles-un-evenement-interdit-aux-blancs-choque-5fd1f60cd8ad5844d19163b7, soit un "Safe-space en non-mixité sans hommes cisgenre-hetero (oui aux mecs queer, oui aux personnes non-binaires) et sans personnes blanches". Alors oui, ce livre de Pascal Bruckner va déranger, car il rame à contre-courant, mais puisse-t-il susciter une réflexion et nous inciter à défendre les principes d'égalité de tous les êtres humains, sans distinction de race, de sexe, d'orientation sexuelle, et à combattre tout repli identitaire qui ne peut que nuire gravement au vivre-ensemble.
Commenter  J’apprécie          101
La tentation de l'innocence

Infantilisation et Victimisation



Infantilisation et Victimisation, le prisme de lecture du monde en 1995

C’est un essai de 1995, ce qui veut dire écrit entre 1993 et 1994. Maturée peut-être pendant les décennies 80 et 90.

Je ne vais pas résumer, je vais seulement poser la question de la pérennité d’un essai.

Il y a dans cet essai de très bon aphorisme :

« La consommation est une religion dégradée, la croyance dans la résurrection infinie des choses dont le supermarché forme l’Église et la publicité les Évangiles. Tout passe sauf le passage qui lui ne cesse jamais. Et c’est bien la fonction de la mode que de parodier la modernité : rupture et innovation. Mais la rupture est douce et l’innovation minuscule : C’est presque la même chose qui revient sous des masques divers. Il nous faut du neuf qui ressemble à l’ancien et nous étonne sans nous surprendre. »



Mais il y a aussi beaucoup de bavardage. Et ce bavardage m’a alors évoqué l’époque. De cette époque où nait le narcissisme et l’hyper narcissisme avant même le smartphone et le selfie. Les Beigbeder, les Auster et autre super-narcisses exhibitionniste qui sont dans le culte de soi. Et cela n’est pas forcement preuve d’une créativité au service de tous. Tous les écrivains ne peuvent pas écrire, « la recherche du temps perdu » ou « Mort à crédit ».

J’ai les souvenir de ces écrivaillons des année 90 qui pullulaient dans leur exhibition de leur soi le plus triviaux. Je finissais par trouver plus d’inventivité et de réflexion sur l’humanité et la personne humaine dans la SF et dans le polar (pas le thriller).

Cet essai s’inscrit donc dans cette époque et me l’évoque. En fait je ressens que les personnes humaines ayant perdu tout sens du sacrée veulent se déifier eux-mêmes. Je travaillais dans les salles de marché à cette époque ne tant qu’informaticien, et je voyais la démesure totale chez les traders, des demi-dieux auto-proclamés pour qui rien n’existait autre que leur égo surdimensionné à satisfaire. L’athéisme nihiliste et persiffleur était la posture pour sembler appartenir à la classe supérieure des élus de l’intelligence détaché de tout.

Rire en meute des effets en Afrique francophone de la dévaluation brutale du franc CFA dans ces années. Là.

En fait la lecture de cet essai m’a rappelé tout ce qui m’a fait souffrir au plus profond de moi, mon désir de Sacré et de vraie bienveillance, d’amour agape. Éros et thanatos été les deux seules forces agissantes là ou il y avait quête sans frein d’argent et de pouvoir. Ils avaient réussi à croire qu’il n’y avait que le sexe dans l’amour et le meurtre dans la mort. L’expression « Tue-le » se disait sans précaution pour dire « vainc-le ! ».



Est-ce que cet essai possède une valeur philosophique ?

Je ne le ressens pas, cependant il a eu une valeur historique dans sa capacité à évoquer l’époque. Il est donc à lire avec ce regard.

Il y a sur le site des croquis note qui me sont venu en lisant et quelque citations rassemblées.
Lien : https://tsuvadra.blog/2018/1..
Commenter  J’apprécie          100
Un racisme imaginaire

Un racisme imaginaire

Pascal Bruckner (2017)



PB s’interroge sur l’accusation d’islamophobie qui traverse notre époque et muselle tout discours critique à l’égard de l’Islam en particulier dans les rangs de l’extrême gauche française. Tout se passe comme si la gauche, dépossédée de la lutte des classes et des grands combats qu’elle a menés au cours du XXème siècle, considérait désormais que les Musulmans étaient aujourd’hui devenus l’incarnation du Peuple opprimé. Cette religion s’est substituée, pour toute la gauche, au marxisme et au tiers-mondisme qui ont disparu. Pour Emmanuel Todd elle est « la religion des opprimés » ce qui est d’autant plus absurde que certaines nations musulmanes sont les plus riches du monde. Pascal Bruckner nous rappelle qu’au XXème siècle, une large partie de l’intelligentsia française a pactisé avec le totalitarisme stalinien : dans les années 50 à 70, il n’était pas possible de critiquer la Russie. Plus tard, on a remplacé l’admiration béate et sans recul pour le communisme de Staline par une adoration sans esprit critique pour le maoïsme. Aujourd’hui les intellectuels de gauche pratiquent la même fascination et le même déni pour l’islamisme, absous d’entrée de jeu. Il existe un point de convergence entre l’extrême gauche (voire même certains bobos) et l’islamisme radical : la volonté de détruire la société dans laquelle ils vivent.

Le politique a été remplacé par l’ethnique. L’antiracisme fonctionne comme un marché en pleine expansion dans lequel chaque groupe veut exister en référence à une blessure initiale qui le singulariserait. L’antiracisme aujourd’hui est poussé jusqu’au sacrifice de soi.

Toutefois, la célébration de la diversité est inapte à constituer un socle commun sur lequel bâtir une nation cohérente et la louange sans réserve des particularités culturelles cache, au fond, un paternalisme bien proche du paternalisme colonial. La culture de l’excuse est omniprésente et permanente (Voir les élucubrations de Geoffroy de Lagasnerie au sujet des tueurs de terrasses le 13 novembre 2015). Pourtant, l’ami des « opprimés » fait preuve à leur égard d’un paternalisme condescendant : il leur interdit l’autonomie en les privant de la responsabilité de leurs actes.

A contrario tout s’articule autour d’un remords collectif postcolonial assaisonné d’un goût immodéré pour l’exotisme.

Curieusement, à notre époque, la religion s’est transformée en « race ». « Parler d’islamophobie c’est entretenir la confusion entre un système de croyances et les fidèles qui y adhèrent ». Alors que, contester une religion, ses dogmes et ses rites est indissociable de la vie intellectuelle. On se prive de cette pensée critique dès qu’il s’agit de l’Islam que d’aucuns voudraient sanctuariser. Or, si l’on ne devait jamais critiquer une religion pour ne pas froisser ses adeptes, l’humanité n’aurait pas évolué.

Le mécanisme qui préside à la bataille des antiracistes est un mécanisme d’inversion et de transformation en équivalences. Ainsi on compare le niqab à la minijupe, on absout les agressions sexuelles à Cologne au nom du viol supposé des femmes Allemandes par les soldats russes à la Libération. Et les mêmes qui se plaignent de la restriction des libertés en Occident se réjouissent de phénomènes inverses lorsqu’ils viennent des musulmans.

On assiste aussi à ce que l’on pourrait qualifier de « concurrence victimaire ». Il s’agit de remplacer l’antisémitisme par l’islamophobie. Absurdement, la Shoah est devenue un objet de convoitise et de nombreuses nations cherchent à se construire à partir d’une catastrophe fondatrice (génocide de 1945 pour les Arméniens, Grande famine de 1845 à 1852 pour les Irlandais, Nakba pour les Palestiniens, extermination des Tutsis pour le Rwanda….etc.)

L’affliction donne des sortes de « droits » ainsi qu’une posture morale inattaquable. La victimisation devient ainsi « la version doloriste du privilège ». Cette concurrence entre les victimes se heurte à l’histoire et les victimes ont tendance à considérer qu’ « on en fait beaucoup trop » autour des juifs. Il faut alors montrer comme le fait Dieudonné par exemple, que l’esclavage est un crime bien supérieur à l’holocauste. Cette concurrence jugée déloyale entre les juifs et les autres victimes suscite de la haine, qui pour échapper à l’accusation d’antisémitisme, va s’incarner en antisionisme virulent.

En fait, il pourrait sembler tout à fait légitime de craindre la radicalisation islamiste dans un pays qui vient de subir plusieurs attaques mortelles. Mais dire cette crainte devient impossible sans être traité de fasciste. La peur de la condamnation morale, par un système d’autocensure des médias et des intellectuels finit par rendre ces derniers complices des exactions. L’intégrisme a d’ailleurs bien compris le processus : il s’appuie sur la culpabilité des occidentaux pour imposer son pouvoir naissant.

Or, le raisonnement qui associe les attentats à des sociétés occidentales qui seraient allergiques à l’altérité ne tient pas debout puisque les attentats sont beaucoup plus nombreux et meurtriers dans les pays musulmans. Tout ce qui était remarquable dans la civilisation islamique classique est sauvagement anéanti par les troupes de l’Etat islamique.

Préserver des enclaves communautaires en France, c’est dénier aux membres des minorités le droit d’être débarrassés des pressions exercées sur eux par les communautés elles-mêmes. « Le multiculturalisme est ainsi revenu à gauche : voilà chaque être humain prisonnier de ses conditions de naissance, ligoté dans sa religion devenue, comme la couleur de la peau, une barrière infranchissable ».



Par ailleurs, on assiste à une fascination d’une partie de la jeunesse pour le fanatisme, la violence, la mort et le crime. Comme si, l’aspiration à la liberté totale recherchée par les soixante-huitards, avait mené à l’adoration d’une autorité absolue. Cependant, chez les jeunes, la tentation de l’islam radical n’est pas forcément liée à la spiritualité mais plutôt à un besoin de reconnaissance et d’appartenance. « Contradiction des modernes : ils souhaitent à la fois la liberté de penser par eux-mêmes et le viatique d’un catéchisme qui les en délivre en leur imposant des commandements. L’observance maniaque des rites, les cinq prières, le jeûne n’atteste pas toujours d’une véritable implication spirituelle. Elle relève souvent de la chaleur utérine de la communauté, d’un conformisme de masse, pas d’une profondeur mystique. »

PB préconise de revenir au bon sens : la démocratie présente des qualités qui n’existent dans aucune autre forme de gouvernance : on ne tue pas, on ne met pas en prison des adversaires idéologiques. Les sociétés occidentales, au fond, sont taraudées par les scrupules, les remords, les doutes. Cela les mène à la haine d’elles-mêmes. Elles en oublient leur grandeur et les vertus de leur civilisation.



Commenter  J’apprécie          101




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Pascal Bruckner (2352)Voir plus

Quiz Voir plus

Philip Roth ou Paul Auster

La tache ?

Philip Roth
Paul Auster

10 questions
12 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}