Fragments d’un discours douloureux !
Je lis les mots de Barthes par bribes, la charge émotionnelle qui s y dégage est si forte, que je ne peux le lire d'une traite.
Je ne peux pas, ne veux pas !
Comme le mentionne l'auteur, suite au décès de sa mère, Mam à laquelle il était furieusement attaché, seul le chagrin demeure.
Il est question d'une succession de notes, de pensées, parfois sans lien précis, noircies ici & là, la douleur qui teinte chacune de ces pages est limite palpable.
Le texte est parfois difficile à lire, mais il est d’une rare beauté, à travers toute cette peine qui transparait ici, c’est une magnifique déclaration d’amour que Barthes adresse à sa mère.
Ces fragments, par leur forme déjà, expriment particulièrement bien le caractère discontinu de l’endeuillement, cette discontinuité qui pèse !
Barthes essaie de manière sensé de comprendre ce processus. Il pratique aussi par ce biais une auto analyse qui peut tout aussi bien servir au lecteur.
Récit du manque, de la souffrance & de l'énergie vitale, sans pour autant, tomber, ni dans le mélodrame ni dans le pathos !
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Alors c'est à la fois un éloge de l'amour en même temps qu'un écrit scientifique.
Un peu à se mettre dedans au début en raison du style d'écriture (le phrasé est académique) mais une fois dedans, les images sont plaisantes.
L'amour selon l'auteur - mais surtout d'après ce que j'en retiens, est pathétique et accaparant. Ca donne envie et ça désespère en même temps.
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Après la mort de mam : de justes remarques sur la distinction entre le deuil, psychanalytique, et le chagrin qui ne se dialectise pas avec le temps.
Sur le fait que ce chagrin est inexprimable mais tout de même dicible.
Sur le besoin de solitude de qui a connu l'irrémédiable, sur l'acédie (la sécheresse de cœur) si contraire aux valeurs de mam, sur la dépression, sur la peur de ce qui a eu lieu ("La crainte de l'effondrement", Winnicott).
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Il me reste peu de souvenirs d'une première lecture il y a maintenant plusieurs décennies. Après plusieurs voyages au Japon et un peu plus de recul sur le pays, ce livre me semble à la fois pertinent pour le choix des « signifiés/symboles » choisis, mais également légèrement daté. Tant 50 ans après la rédaction de cet essai, les deux cultures, nippone et occidentale se sont interpénétrées et ne présentent peut-être plus autant de différences.
De plus l'écriture de Barthes n'est pas franchement simple. J'ai du m'y reprendre à plusieurs reprises pour comprendre certains passages. Par exemple, p 34, l'histoire des interstices dans la cuisson de la friture des tempura me paraît être un peu tirée par les cheveux.
Il me reste de ce livre un regard très détaché, dont les propos sont à compléter par d'autres ouvrages plus simples mais tout aussi instructifs.
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Une lecture qui poignarde le cœur.
Beaucoup de vide, peu de mots mais, bordel, qu’ils sont dévastateurs.
Sans jamais tomber dans le pathos, R. Barthes décrit ici ses nuances de chagrin. C’est infiniment triste et extrêmement bouleversant. J’en sors déchiré et assommé.
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Mythologies est un sermon de pasteur protestant déguisé en manifeste marxiste. D'après Barthes les publicités et les produits de la consommation de masse nous communiquent les messages qui font de la propagande du consumérisme. De cette façon Barthes semble être a sans percent d'accord avec nos pasteurs qui nous assurent que c'est le diable qui nous parle a travers la publicité et les objets de consommation. Se peut-il que et Barthes et les pasteurs ont tort?
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Un essai que j'ai dû lire dans le cadre de mon cours de littérature française qui s'attarde notamment sur les théoricien·ne·s de la lecture. Ne connaissant pas Barthes avant cela et ne l'ayant pas étudié pour le moment, mon avis sera probablement plus simpliste qu'il pourrait l'être une fois que l'auteur aura été étudié en cours.
Je n'avais aucun à-priori sur Roland Barthes et je dois bien avouer que j'ai trouvé cet essai relativement complexe dans l'ensemble, n'en retenant que peu de choses. L'auteur distingue deux plaisirs dans le texte : le texte de plaisir - direct et attendu - et le texte de jouissance - celui qui nous rebute d'un premier abord.
Globalement, je n'ai pas compris l'enchaînement des idées. Aussi, les références à la psychanalyse m'ont dérangée (étant donné qu'il ne s'agit pas d'une science et que de nombreuses théories ont été invalidées).
Mais surtout, j'ai eu l'impression que le sémiologue étalait sur 100 pages ce qui aurait pu être écrit de manière plus concise... Ceci dit, puisque j'ai trouvé le texte complexe, il y a un certain nombre de choses qui ont dû m'échapper !
Malgré une idée intéressante, je n'ai pas accroché à cet essai qui ne m'a pas plu, principalement à cause de la difficulté que j'ai éprouvée lors de ma lecture (et Barthes ne parlerait-il pas, dans ce cas, de texte de jouissance ?).
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Comme beaucoup ,le Japon et sa culture me fascinent et je cherche des guides pour mediriger dans sa découverte . Quand j'ai ouvert , dans les années 80 ce livre de Barthes , je crus avoir trouvé le Graal doublement ébloui par le brillant de l'expression (un peu maniérée tout de même) et l'aura de l'auteur . Depuis j'ai ,grâce à d'autres lectures , pris mes distances avec l'ouvrage ,curieux hybride de récit de voyage et d'essai de sémiologie , dont les assertions sont sérieusement mis en cause (voir Simon Leys et le colloque de lINALCO en 2016) .Mais il reste agréable à lire.
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L'ouvrage se lit comme un dictionnaire et chaque thème est abordé en quelques paragraphes dans l'ordre alphabétique.
La lecture en mode linéaire peut donc paraître rébarbative.
J'en retiens simplement, quelques perles, passages, comme des pépites excavées après avoir pioché dans la glyphe de cet ouvrage, un peu à l'instar de "l'art d'aimer" d'Ovide.
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Ceci est l'intégral de l'état amoureux !
Arrivez-vous à superposer exactement les mots sur vos sentiments, vous ?
Ou encore cerner ceux de l'autre ?!
Moi, par moment, j'ai l'impression de forcer des triangles dans des trous carrés !
À mon sens, analyser son état amoureux, (alors celui de l'autre..) c'est comme réaliser une autopsie: on n'en ressort pas vivant, pas plus que mort.
Barthes lui, il le dissèque magistralement dans ses "Fragments d'un discours amoureux"
Que l'on aime comme au cinéma, que l'on aime modérément, secrètement outrageusement, ou pas tout à fait, on est tous égaux dans l'attente, l'absence, l'angoisse, le comblement ou encore la dépendance. Etc
Ce livre est une bible.
Ce livre me sert de boussole.
Ce livre est à lire au gré des envies.
Ce livre se butine, se picore & ses passages me (nous) révèle.
Est-ce que je gère pour autant ?! Non.
Je garde en mémoire que là où il y a du feu, il en restera des braises.
Bref, on les reconnaît facilement ces livres qui nous élèvent, ce sont ceux qu’on a tellement de mal à refermer. Je recommande.
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Du vrai plaisir et du vrai texte. L'union du lecteur à l'auteur, les différentes façons d'aborder un texte, qu'il s'agisse de légers écrits ou de grandes œuvres... Barthes, avec sa maîtrise linguistique, nous présente sa manière de lecteur, dans un court récit mais qui ne manque de rien. Quel plaisir un texte peut produire ? Et quels genres de plaisir ?
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Ma pensée en terminant le livre :
"J'ai envie de lire..."
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Bonne lecture... 🌻
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Il est rare d'assister à un décryptage des scènes du quotidien concernant tout ce qu'il y a autour du sentiment amoureux et dans une justesse aussi précise. Notamment dans la mise en scène de l'attente avec le délaissé comme personnage principal et unique, "et pour cause". Un bijou du sémiologue...
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Ma pensée en terminant le livre :
"Il faut le relire..."
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Bonne lecture... 🌻
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Sous forme de dictionnaire, magnifique ouvrage réflexif sur l'état amoureux, ses souffrances, ses élans, ses joies, et les façons de le dire. De "S'abîmer" à " Vouloir-saisir" en passant par "jalousie" et "tendresse"... Érudit et sensible, il est devenu un classique.
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Beau livre, tapisserie éclatante où les signes touchent tous les sens, le sixième en particulier, il en est exalté, silencieusement et très profondément.
Roland Barthes va à la rencontre de l'altérité et le bonheur qu'elle lui fait vivre par interstices, rythmes, parfums, silences, mouvements, le bruissement de la langue. Un livre-poème est né de cette expérience édénique avec le Japon. Un livre-objet, périple entre le texte manuscrit et le texte imprimé, le dessin la photo la couleur le noir et blanc.
Roland Barthes est à l'Extrême Orient, un Orient indifférent, inconnu, surprenant au plus fort, Différent (avec majuscule) qui "l'a étoilé d'éclairs multiples" pour parler à ce sixième sens comme à une intelligence effleurant l'inconscient.
L'ouï ne comprend rien, l'oeil regarde et le corps est touché par quelque chose d'indéfinissable, étranger, une alchimie s'opère, et l'indéfinissable devient sensuel. le Japon ne peut être photographié, mais curieusement, il a mis Roland Barthes en situation d'écriture, comme un miroir, découverte de soi depuis ailleurs, "une secousse du sens". Pays de signes, "réserve de traits... entièrement dépris du nôtre."
Des traits, il y en a à profusion, dans la langue, la poésie, la politesse, le graphisme, la nourriture, l'agencement des villes, le théâtre, les usages, les caractéristiques et l'expression des visages, le zen... Là-bas, l'esprit occidental devient ignorant et le corps surpris se laisse impressionner. Sans essayer la connaissance, Barthes restitue des impressions savoureuses sur les choses, sur le vide nourrissant.
Le Japon, empire des signes, des signifiants, espace et emprise, ivresse dont Barthes est l'objet et ne sait à quelle vérité correspondent les signes ; une apparence est dépassée et une autre s'ouvre, le sens se dérobe, il devient utopie, et les sens s'en réjouissent.
Roland Barthes est occidental mais se distingue de l'occidentalisme, il refuse de refabriquer l'Orient, et c'est justement par cet anti occidentalisme qu'il veut rester occidental au Japon, il s'en tient à une phénoménologie du Japon, il n'a pas le revers, ne décrit que la surface. Par respect de l'autre il le restitue tel qu'il est. Ses sens reçoivent, son corps savoure. Le vide dans la compréhension, le plein dans les sens. Le haïku suspend le langage, il ne le provoque pas, il est présent sans commentaires. "Tout en étant intelligible, le haïku ne veut rien dire, et c'est par cette double condition qu'il semble offert au sens." "Le haïku a la pureté, la sphéricité et le vide même d'une note de musique ; c'est peut-être pour cela qu'il se dit deux fois, en écho ; ne dire qu'une fois... ce serait attacher un sens à la surprise ; le dire plusieurs fois, ce serait postuler que le sens est à découvrir...".
1970, L'empire des signes sort de l'imprimerie, voit le jour, texte riche, livre silencieux, les sens frémissent devant une sensualité venue de très loin.
L'expérience japonaise, Roland Barthes l'a accueillie, l'a recueillie, s'y est recueilli, le vide lui a montré le plein.
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« L'Empire des signes » est paru en 1970. Les nombreuses études sur Roland Barthes considèrent souvent cet ouvrage comme un de ses chefs d'oeuvre, un tournant décisif dans son itinéraire. Il s'inscrit dans une tradition où les auteurs ont en commun d'avoir dépeint l'orient avec des mots ou des couleurs influencés par leurs regards occidentaux. L'approche de Roland Barthes se veut novatrice tant dans la forme que du point de vue du contenu.
C'est le livre d'une époque, celle d'un état singulier des relations internationales, de la France, du Japon, alors que le monde, à peine sorti de l'après-guerre, finit de se décoloniser. « L'Empire des signes » ne prétend « en rien représenter ou analyser la moindre réalité », mais « prélever quelque part dans le monde un certain nombre de traits ». Que penser de ces éléments ainsi saisis ? de leur vraisemblance ?
Le Japon est le « pays des signes » de toutes sortes où l'étranger se trouve sans cesse dépaysé, souvent désemparé. Ce pays atteint un haut niveau de raffinement dans de nombreux domaines que Roland Barthes explore avec élégance et finesse. le livre est enrichi de nombreuses illustrations. A travers les attitudes, la nourriture, la photographie, le haïku, l'écriture, Roland Barthes échappe aux comparaisons caricaturalement binaires habituelles des auteurs occidentaux, opposant sans cesse un « chez nous » à un « là-bas » mais flatte sans réserve certains stéréotypes de l'empire du soleil levant.
Selon Maurice Pinguet, alors directeur de l'Institut franco-japonais à Tokyo : « le Japon, ce Japon, son Japon, — ce fut pour Roland Barthes l'utopie du désirable ».
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Comment critiquer ce texte référence? Pour ma part, cela reviendrait à photographier une toile dans un musée : vain et dérangeant.
Alors, en un fragment, essayons (il s'agit bien d'un essai?)
Ce fut une immersion totale dans les méandres du questionnement amoureux avec ces satellites philosophiques qui gravitent autour du texte de Roland Barthes et cela, sans le perturber, le déranger mais plutôt pour le nourrir.
Accessible. Passionnant. Nécessaire.
Je range mon appareil photo.
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La métaphore implicite, filée tout du long, se situe entre le texte et le sexe. Elle s’explicite page 30 : « Le texte a une forme humaine, c’est une figure, un anagramme du corps ? Oui, mais de notre corps érotique » (sic).
Il en résulte une tentative de définition et de distinction entre plaisir et jouissance. Ce sont selon Roland Barthes des « forces parallèles » dont l’incommunicabilité se joue entre « contentement » et « évanouissement » (p 33), entre « précarité » et « précocité » (p 83), entre « culturel » et « inculturel » (sic, p 99)…
Plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2021/02/24/roland-barthes-le-plaisir-du-texte/
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Le point de départ est très stimulant, et passionnant : prendre des éléments de la vie quotidienne, dans le domaine des loisirs, de la culture, des publicités, de la nourriture... et étudier la fonction symbolique que leur octroie le discours, et donc la langue, qui les érige donc en mythes contemporains. Oui, cela fait réfléchir différemment sur le Tour de France, l'astrologie, les frites... Cependant, on peut regretter la forme, courte, qui empêche d'approfondir sur les thèmes, et donc le traitement reste survolé et non approfondi.
Mais autant cette première partie est intéressante, amusante parfois, accessible aussi, autant la dernière partie qui est purement théorique m'a perdue. Je n'ai ni le vocabulaire, ni la formation, pour comprendre la sémiologie.
Et surtout, Barthes le dit lui-même, le mythe est historique, inscrit dans un contexte. Et ici, le contexte d'écriture du texte est très particulier. Barthes écrit dans la France des Trente Glorieuses, le pays s'enrichit et se modernise. Lorsqu'il critique à longueur de texte les "petits-bourgeois", c'est parce que sociologiquement, de plus en plus de Français accèdent à la classe moyenne, et ont donc le temps et l'argent pour des loisirs (lire des magasines féminins, faire du tourisme...) et pour consommer (publicité pour la lessive, invasion du plastique...). C'est le début de la consommation de masse, ce qui, avec un regard actuel, peut sembler en décalage avec le mythe actuel de la décroissance, ou, sans aller jusqu'au mot mythe, la condamnation du plastique - les bobos actuels, vus par certains comme des Amish, seraient-ils les petits bourgeois des années 50 ? Le contexte est aussi celui de la France comme puissance, coloniale, on ne parle encore que "d'événements" en Algérie, sans que cela semble faire réfléchir l'auteur. Enfin, en ce qui concerne la place des femmes dans la société, il ne s'interroge pas sur leurs progrès - il décrit les femmes comme des secrétaires gloussant devant la rubrique astrologie de leur magasine...
Ce contexte est donc particulier, intéressant à prendre en compte. Mais du coup, en lisant le texte aujourd'hui, il me manque des références : j'ai dû chercher le nom de certains coureurs du Tour de France qu'il évoque, des photos de la Citroën 15...
Finalement, ce que ce texte donne envie de faire, c'est de le réécrire actuellement, pour étudier nos mythes - notamment sur le rôle des médias, qu'il semble pressentir, même si pour lui il s'agit exclusivement de la presse écrite.
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