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Critiques de Toni Morrison (1263)
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Beloved

Post guerre de sécession, Sethe vit dans l'Ohio avec sa dernière fille Denver. Mais l'abolition de l'esclavage n'a pas mis fin aux inégalités et à l'injustice.

L'histoire de Sethe et des siens, marquée par l'esclavage, la violence et le désespoir, la conduit à commettre l'irréparable.



"La seule malchance dans ce monde c'est les blancs". Même les abolitionnistes, même s'ils traitent leurs esclaves en "hommes", les blancs peuvent toujours reprendre ce qu'ils ont donné, les gens de couleur dépendent toujours de leur bonne volonté pour vivre, pour aimer...



Le texte de Toni Morrisson est beau sensible et juste. La touche de surnaturel enrichit le vécu des personnages. Elle pose la question de la part d'humanité qui reste après tant de violences et d'humiliations.

Et bien sûr, la question du geste terrible et terrifiant de Sethe, jusqu'où peut on aller pour protéger ceux qu'on aime? Et quelle profondeur de désespoir est nécessaire pour en arriver là...

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Délivrances

Après Beloved, dans Délivrances, Toni Morrisson est tout simplement sublime ! Sous une forme poétique, l'autrice nous immerge encore une fois dans les Etats-Unis d'Amérique. Dans ce roman qui se déroule à l'époque contemporaine, elle interpelle et interroge le lecteur sur les tensions et changements dans ce pays. J'ai relu plusieurs fois ce roman que je garde précieusement dans ma bibliothèque.
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L'oeil le plus bleu

Toni Morrison grande prêtresse la langue au service des brûlures et les petites filles à l'oeil marron d'engranger en chair les corps qui ne devraient pas se construire avec dans le ventre ce qui ne devrait pas et la construction imparable identifiable y revenir et chaque fois le délice au bout des dents autant que l'effroi

Dire dire dire les petites filles percutées la couleur qui trahit les mots festoient et s'accrochent

Toni Morrison prêtresse grande toujours à re découvrir encore pour comprendre plus grand le monde à pleine peau



pour poursuivre autour:

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-avoir-raison-avec-toni-morrison





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Tar Baby

L’intrigue de Tar baby se déroule principalement sur une île des Antilles françaises, l’île des Chevaliers, mais les personnages font quand même quelques voyages aux Etats-Unis. Contrairement à ce que la couverture suggère, nous sommes à la fin du XXème siècle. Un milliardaire, Valérian, dont la famille a fait fortune dans les sucreries règne en maître sur l’immense villa qu’il a fait construire sur l’île. Dans sa maison, vivent aussi sa femme, un couple de serviteurs, et leur nièce, mannequin de profession, qui sert actuellement de dame de compagnie à la maîtresse de maison, Margaret, qui s’ennuie ferme sur l’île. L’apparition d’un étranger, un brin hirsute, caché dans sa penderie, alors qu’on attend des invités pour Noël, va mettre la maison sens dessus dessous. Fils, une fois nettoyé et rassasié, s’avère plus civilisé, jusqu’à mettre Jadine en émoi. Lors d’une scène ubuesque, qui va mettre à jour un terrible secret qui ne les concernent pas, les deux jeunes gens vont s’enfuir ensemble… J’ai pris un grand plaisir à cette lecture, à la fois désuète et moderne. Mettant subtilement le projecteur sur l’histoire d’un couple blanc, héritier d’une tradition coloniale bien ancrée, Toni Morisson nous raconte en fait ici, comment, en cette fin du siècle dernier, il est possible d’être noire et libre, comme Jadine l’est, sans culpabilité. L’écriture est sublime et d’une grande finesse. J’ai fait quelques recherches pour comprendre le titre. « Tar baby » signifie « Bébé goudron ». C’est la deuxième des histoires de l’oncle Remus publiées en 1881. Il s’agit d’une poupée faite de goudron et de térébenthine utilisée par le méchant Br’er Fox pour piéger Br’er Rabbit. Dans l’usage moderne, « Tar baby » fait référence à une situation problématique qui n’est aggravée que par une implication supplémentaire avec elle. 
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L'oeil le plus bleu

J’ai retrouvé des similarités avec Un don (le seul autre roman que j'ai lu de Toni Morrison à ce jour), ressemblances qui traversent peut-être toute l’œuvre de l’autrice : l’entremêlement des personnages, les allers-retours dans le temps, la vie qui blesse et qui malmène, le racisme bien sûr…



J’ai été frappée par le complexe d’infériorité qu’elle raconte, cette vision rabaissée de soi née d’un racisme quotidien, une auto-dévalorisation permanente intégrée par les protagonistes par la violence séculaire qui imbibe leur vie. La « laideur » supposée de Pecola n’est pas seulement dans le regard de personnes blanches, mais également dans celui d’Afro-Américains. Être métis·se est déjà s’élever sur l’échelle sociale de par la dilution du noir de la peau. D’où un rêve permanent de la vie des Blancs, rêve de leurs maisons, des paroles gentilles qu’on leur adresse, des regards appréciateurs, de leurs yeux bleus qui semblent éclairer leur existence. À ces privilèges s’oppose leur existence rude, leur pauvreté extrême, leurs horizons bouchés. Un gouffre bée entre eux, même dans le traitement d’une mère envers sa propre fille et la fillette blanche dont elle s’occupe.

Le récit tourne autour d’événements atroces – trigger warning : viol et inceste – mais conserve une sobriété bienvenue. Nul détail pour faire pleurer dans les chaumières, mais une économie de mots absolument poignante pour raconter comment les défoulements de violences – mépris, coups, abus… – tombent sur les plus faibles pour relâcher la frustration et la colère silencieuse : les hommes sur leurs femmes, les garçons sur les filles plus jeunes…



Claudia, par son regard qui tranche avec celui de la majorité, est la seule à apporter une bouffée d’air frais. Elle refuse ces jouets qui ne lui ressemble pas et qui la place directement dans le clan des « laides » car ne correspondant pas aux standards de beauté et, avec sa sœur, elle regarde Pecola, tente de l’aider, et, même si elle ne comprend pas tout du haut de ses dix ans, souhaite du positif dans la suite de son histoire.



Toni Morrison possède décidément un style déroutant. Elle passe d’une narration interne à la première personne – Claudia souvent, mais aussi la mère de Pecola ou Pecola elle-même à la fin du livre – à une narration à la troisième personne. Encore une fois, le roman est quelque peu décousu, mais reste assez intense et profondément triste. Peu d’espoir se dégage de ce récit, seuls les rêves apportent de temps à autre un répit aux personnages.



J’ai bien du mal à parler de ce livre qui m’a déstabilisée par sa forme autant qu’il m’a touchée. Un roman qui permet de ressentir viscéralement ce racisme – jamais nommé mais omniprésent – qui ne fait pas partie de ma vie, mais qui reste encore et toujours tristement d’actualité. Une plume inhabituelle mais définitivement unique. Un livre à relire peut-être, pour mieux s’en imprégner.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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L'oeil le plus bleu

L’intrigue se déroule sur quatre saisons, mais en même temps, à la "manière Morrison" elle déborde, au gré de flash-backs, s’engouffrant dans des digressions qui finissent par ne plus en être.

La narratrice, Claudia, dix ans, vit à Lorrain, bourgade industrielle de l’Ohio, dans les années 1940.



Elle observe la petite communauté qui l’entoure, restitue les événements en s’efforçant de traduire les images mentales qu’ils suscitent en elle. C’est parfois confus pour le lecteur, mais cela confère au texte une spontanéité et une profondeur hautement crédibles, en même temps qu’est ainsi traduite l’opacité dont les actes et les motivations des adultes peuvent se parer aux yeux d'un enfant.



Le récit de Claudia se focalise sur l’histoire de la famille Breedlove, à l’origine d’un épisode qui l’a durablement marquée. On y compte Mrs Breedlove, qui se considère comme chrétienne intégrée et travaille au service de riches blancs ; son mari Cholly, un buveur et un bon à rien "au-delà de toute rédemption", et enfin leur fille Pecola, gamine assoiffée d’amour et obsédée par le secret d’une laideur qu’elle juge responsable du mépris ou de l’ignorance que lui renvoie le monde et à laquelle elle n’envisage qu’un seul remède : avoir des yeux bleus.



L’incursion dans ce quotidien d’afro-américains modestes, voire miséreux, est triste et brutale. C’est un univers de laideur, non pas intrinsèque, mais parce que la beauté n’y survit jamais longtemps. Les efforts pour soigner son apparence et sa dignité se délitent sous les assauts de la pauvreté et de la violence, font place au laisser-aller. Les enfants, quand ils ne sont pas abandonnés, y sont fréquemment maltraités. Les hommes abrutis par le désespoir et déstabilisés par des responsabilités qu’ils n’ont pas appris à endosser, boivent, font de la prison, épuisent les désirs qui les hantent sans possibilité d’assouvissement dans les dérèglements et la perversion. Quant aux femmes, assujetties dans leur foyer et au travail, elles accueillent la vieillesse avec soulagement, usées mais enfin libérées des efforts pour plaire, du risque d’agression sur les routes, des caprices de leurs employeurs...



Ce sont des vies de renoncements et d’humiliations, marquée par la terreur permanente de finir à la rue.



Mais ce que voit surtout Claudia, du haut de ses dix ans, c’est la cause principale de ces pathétiques conditions d’existence : le mépris dans lequel on tient ceux de sa race, les signes d’une sujétion qui a fini, de manière inconsciente mais puissante, par être assimilée par ceux qui en sont les victimes, qui en ont développé un sentiment d’infériorité. La plupart cultivent ainsi un rejet de leur propre couleur, une haine de soi cultivée à coups de jalousie, d’envie, entretenue par une hiérarchie de la noirceur même, dont le degré détermine votre statut et votre valeur aux yeux du monde. Les métis, par exemple, sont considérés comme propres et calmes, quand leurs frères à la peau plus foncée sont fatalement taxés de fainéantise et de négligence. Cette évocation des impacts psychiques de la ségrégation sur la population afro-américaine m’a par moments fait penser à l’essai de Frantz Fanon, Peaux noires, masques blancs.



La jeune narratrice, intuitivement convaincue de l’injustice et de la bêtise de ces inégalités, est quant à elle prise d’un sentiment de révolte qui l’amène à démembrer avec rage les poupées blanches et blondes -aux yeux bleus- dont les autres fillettes noires font des objets sacrés.



Comme souvent chez Toni Morrison, la lecture peut paraître abrupte, déstabilisante, qu’il s’agisse de la forme -par ses coq-à-l’âne et cette manière de livrer, parfois à l’état brut, les pensées de ses personnages- ou du fond, qui mêle en toute fluidité humour et tragédie -certaines scènes sont quais insoutenables-, vérité et imagination.



Le ton de la narratrice, dénué de tout angélisme, oscille entre naïveté crue et relation presque froide des drames dont elle est témoin. Il s’en dégage aussi, étrangement, une sorte de chaleur, que provoque l’évocation spontanée des aspects organiques, charnels, des intimités familiales.



Tout cela fait de "L’œil le plus bleu" un texte intense et marquant.


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Récitatif

Voici l'histoire de Twyla et Roberta ! Elles se rencontrent à l'âge de 8 ans et sont inséparables... Jusqu'à ce que la vie les sépare. Plus tard, elles se recroiseront, plusieurs fois. Des retrouvailles particulières, malaisantes et troublantes. Oh... Petite précision qui aura son importance sur la lecture du récit : l'une est noire l'autre est blanche mais rien ne mentionne explicitement laquelle est noire blanche et laquelle est noire !



Un court roman américain qui retrace les grands thèmes bien connus de Morrison : la question identitaire, raciale, la violence, la place des femmes, la mémoire.
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Beloved

Cela faisait un moment que Beloved figurait dans ma liste des livres à lire mais je trouvais toujours une bonne raison de ne pas m'y attaquer. L'idée que je m'en faisais probablement influencée par le titre, laissant penser à quelque chose de romantique, ne m'attirait pas plus que ça.

Les vacances d'été donnent du temps libre et je m'y suis mis finalement. Et je dois dire que j'ai été très impressionné par la technique narrative de Toni Morrison. C'est très complexe, le récit n'est pas du tout linéaire et le sens se dévoile peu à peu, après de multiples aller-retours entre passé et présent, entre le Sud et l'Ohio. Beaucoup d'évènements sont suggérés et pas vraiment décrits de manière explicite. Je suis admiratif de la maîtrise dont fait preuve Toni Morrison dans son roman. Car ce gros sac de noeuds fait quand même 380 pages et le lecteur finit par y voir clair.

L'autre chose qui m'a beaucoup marqué, c'est la description de l'esclavage. Je ressors de cette lecture avec une compréhension aiguisée de ce que cela a pu représenter alors que le roman est vraiment très éloigné d'une narration documentaire. Toni Morrison réussit à me faire comprendre les choses presque dans ma chair, de manière très concrète. C'est beaucoup plus efficace que n'importe quel essai ou livre historique consacré à l'esclavage. C'est aussi très éclairant sur la société américaine d'aujourd'hui, qui est l'héritière de la société du XIXème siècle.
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Récitatif

Ce livre ne contient qu'un texte, très court, une nouvelle, la seule écrite par Toni Morrison, prix Nobel peu prolixe. C'est l'histoire de deux fillettes qui sympathisent à l'occasion d'un placement provisoire par les services sociaux dans un orphelinat. Le lecteur comprend assez vite qu'elles n'ont pas la même couleur de peau. Aucun indice ne vient définitivement convaincre le lecteur de la couleur de peau de l'une ou de l'autre. le truc, expliqué dans la postface, repose sur des a priori culturels. L'inconvénient c'est que même si le texte marche aussi pour le lecteur français, il marche un peu moins bien, et ce n'est pas un problème de traduction. Par exemple, l'histoire n'est pas non plus située dans le temps, le lecteur la situe facilement dans la deuxième moitié du XXème siècle mais seul un lecteur baigné de culture américaine peut le situer avec plus de finesse avec les mentions de programmes télé de l'époque (heureusement il y a une note du traducteur). Et ce qui est plus embêtant, car aucune note ne peut y remédier, c'est que le texte repose sur le même principe avec les a priori sur la couleur de peau : prénom, adresse, travail, logement, voiture, vêtement, etc. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'indices mais qu'ils sont contradictoires, pour la bonne raison que leur lien avec la couleur de peau n'est qu'une probabilité statistique et une question de vécu culturel. C'est un texte quasi expérimental conçu comme « l'expérience d'ôter tous les codes raciaux d'un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l'identité raciale est cruciale ». le lecteur est censé être perturbé par une oscillation incessante pour comprendre laquelle des fillettes est blanche et laquelle est noire, et, impossible de passer outre car c'est un élément majeur dans leur vie et dans leur relation puisque l'histoire repose sur leurs retrouvailles intermittentes et leur perception différente d'un événement qu'elles ont vécu ensemble et qui les préoccupe toutes deux. Il semble que "la plupart des lecteurs blancs estiment que Twyla est blanche, tandis que la plupart des lecteurs noirs la voient noire". Une fois n'est pas coutume, je regrette de ne pas avoir lu la postface plutôt avant ! le texte fonctionne quand même en français (ou plutôt devrai-je dire pour un français, car ce n'est pas du tout un problème linguistique) car on se prend à réfléchir à ce que pourrait donner la même histoire, quels indices ambigus marcheraient. Un texte très fort, « petit mais costaud », qui interpelle et amène à s'interroger au-delà de sa lecture sur les préjugés, les codes culturels, les conventions sociales, ...
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Sula

Sula / Toni Morrison/ Prix Nobel 1993

« Nous étions amies »

Medallion, petite ville de l’Ohio état de l’Amérique profonde, est le théâtre de ce roman de Toni Morrison évoquant avec talent la vie d’une communauté Noire dans les années 20, puis 30…jusqu’en 1965. Bien sûr le racisme et la ségrégation sont les thèmes sous-jacents de ce drame social bien que l’esclavage ait été aboli. On fait d’abord connaissance de Shadrack cet homme de couleur fondateur et défenseur de la Journée nationale du Suicide. Il est là en sourdine tout au long du récit, et revient en apothéose à la fin du roman.

Les deux personnages principaux de cette histoire qui débute en 1920 sont deux fillettes, Nel et Sula, qui vont s’inventer une autre vie que celle de misère que la société leur inflige, une vie plus riche, plus drôle et plus libre, avec quelques inévitables débordements.

Nel est la fille unique d’Hélène elle même fille d’une péripatéticienne créole disparue dans la nature après sa naissance. Hélène a été élevée par sa grand mère Cécile. Elle est plutôt rêveuse :

« Elle contemplait les peupliers et glissait bien vite dans une image d’elle-même couchée sur un lit jonché de fleurs, drapée dans sa chevelure et attendant quelque prince audacieux… »

Sula est la fille de Hannah dont le mari Rekus est mort peu après la naissance de Sula. Après la mort d’Hannah, Sula se rapproche de sa grand mère Eva handicapée motrice, personnage aux facettes multiples et parfois inquiétant. Sula elle aussi est fille unique et « passe des heures dans le grenier derrière un rouleau de linoleum à parcourir son propre rêve au galop d’un coursier gris et blanc au goût de sucre et sentant la rose sous les yeux de quelqu’un qui en partageait la douceur et la vitesse. »

La rencontre des deux fillettes « fut une chance pour les deux car elle purent se servir l’une de l’autre pour grandir. Issues de mères lointaines et de pères incompréhensibles, chacune trouva dans les yeux de l’autre l’intimité qu’elle recherchait… Sula était marron foncé avec de grands yeux paisibles, dont l’un s’ornait d’une marque de naissance montant du milieu de la paupière vers le sourcil, et dont la forme évoquait une rose avec sa tige. »

Nel Wright et Sula Peace, minces comme des arêtes et la fesse légère, eurent douze ans en 1920.

« Leur amitié fut aussi intense que soudaine. Chacune se sentait soulagée par la personnalité de l’autre… Réunies dans leur mutuelle admiration, chaque jour était pour elles comme un film inventé pour les distraire. Le nouveau thème qu’elles abordaient, c’était les hommes ! …Ce fut l’été, un été alangui sous le poids des choses épanouies… l’été des si beaux garçons noirs, qu’elles devinrent capricieuses, tout à la fois peureuses et audacieuses. »

Plus tard, Nel la plus sage des deux va vivre une vie de mère et d’épouse, En effet elle épouse Jude Greene, pour le meilleur et pour le pire. Sula, elle, va rester la rebelle et errer dans la grande ville. Jude ne tardera pas à jeter des regards concupiscents vers la belle Sula qui va vite devenir « une paria dans la ville, méprisée pour sa facilité à coucher avec tous les hommes, car c’est au lit seulement qu’elle trouvait ce qu’elle cherchait: la souffrance et la possibilité de ressentir une immense tristesse. »

Des décennies plus tard, elles se revoient dans des conditions particulières, s’adressant des reproches et réglant en quelque sorte leurs comptes, mettant en avant leur vision différente du statut de la femme noire face aux hommes.

Un roman psychologique très dur aux personnages charismatiques au tempérament bien trempé, dont la fin un peu apocalyptique traduit bien l’exaspération et le désespoir des Noirs sans travail et au chômage forcé, souffrant de la faim, du froid et du mépris de la caste blanche, désespoir qui va jusqu’à la révolte. Le talent de Toni Morrison est d’avoir su ne pas sombrer dans le mélodramatique alors que les situations sont dramatiques. Cette distanciation ne laisse aucune place à un commentaire subjectif ou apitoyé.

Une œuvre littéraire majeure et forte.



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Home

Home / Toni Morrison/Prix Nobel 2013

Frank Money, jeune soldat, rentre aux Etats-Unis traumatisé par une guerre de Corée qu’il a vécu dans les pires conditions, seul rescapé d’un groupe de trois amis. Angoissé et sujet à des crises de violence, ne comprenant plus le monde dans lequel il vit, il peine à établir une relation amoureuse normale avec Lily sa fiancée. Un appel au secours de sa sœur Cee malade, qui demeure en Géorgie, son pays natal, lui fait rejoindre Atlanta depuis Seattle où il se trouve. Cette traversée du pays le replonge par épisodes dans le passé. Happé par ses souvenirs il en oublie la réalité quotidienne.

La question « noire » aux Etats-Unis est au cœur de ce roman qui a pour fil conducteur le retour à la maison, le retour aux sources.

La critique littéraire a encensé ce livre mais j’avoue que j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire. Le style elliptique abordant tout sujet par petites touches et la construction un peu déstructurée du récit ne permettent guère de goûter et de se laisser porter par les qualités certaines du roman. L’ennui vient très vite car l’attention se disperse dans des digressions multiples. Par ailleurs, la traduction m’a paru à certains moments un peu lourde et maladroite pour ne pas dire parfois incompréhensible.

Un ouvrage dont à mon sens la lecture n’est pas indispensable.

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Beloved

Toni Morrison, de son vrai nom Chloe Ardelia Wofford, est la première femme afro-américaine à obtenir le Prix Nobel de Littérature en 1993.

J’aime beaucoup les romans qui traitent de l’esclavagisme, des questions raciales, l’Histoire de l’Amérique et notamment des Etats-Unis. Alors depuis longtemps ma maman me disait qu’il faudrait que je découvre absolument Toni Morrison et notamment en commençant par Beloved.

Lors de mon séjour à Brest, elle était de passage et en a profité pour me l’offrir. C’est alors devenu pour moi le moment de me plonger dedans.

Beloved, c’est un roman dense, assez complexe, si riche d’histoire et d’engagement. Nous sommes situés post Guerre de Sécession, dans les années 1870 en Ohio, Etat libre à cette époque. Inspiré d’une histoire vraie, on part à la rencontre de Sethe, jeune et ancienne esclave, et de ses enfants, morts ou vivants.

La narration est à plusieurs voix, avec de nombreuses analepses qui dévoilent petit à petit l’indicible. Les pièces s’ajoutent les unes aux autres, telles un puzzle (ce qui peut rendre le récit un peu complexe et déstabilisant…). De plus, s’ajoute une once de fantastique à ce roman très réaliste et humain, pouvant rendre la lecture déroutante une fois de plus.

Beloved c’est le récit des réalités de l’esclavage aux Etats-Unis, c’est un récit d’amour mais aussi de survie, d’infanticide. Un récit de culpabilité et de rédemption. En bref, lisez-le ! Il bouscule nos émotions, prend aux tripes, nous fait frissonner mais est incontournable quand on s’intéresse au passé américain.

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Un don

Je me faisais une joie de retrouver la plume de cette autrice. Mais, malheureusement, Un don ne va pas figurer dans les romans que j'ai le plus apprécié.



Pourtant, les sujets de l'histoire m'intéressaient terriblement.

La plume de Toni Morrison ne m'était pas étrangère, j'en attendais peut-être trop.



Le livre donne la parole à trois femmes esclaves, trois destins différents.

Aucun ne se ressemble et les histoires sont poignantes.

La plume incisive de l'autrice rend toute la douleur des protagonistes et la violence de leur histoire.

Mais voilà, il faut réussir à démêler les morceaux pour suivre le fil de l'histoire : on doit comprendre qui l'on suit.

Une fois qu'on a réussi, on doit se concentrer pour rattacher les morceaux : les esprits virevoltent parfois entre évènements passés et présents et il est assez difficile de s'y retrouver.



Du fait de son format très court, j'ai passé plus de temps à chercher à comprendre qu'autre chose.

Je pense que plusieurs lectures seront nécessaires si je veux vraiment réussir à l'appréhender !
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Récitatif

Deux fillettes américaines partagent la même chambre dans le foyer où elles sont placées. La narratrice est l’une des deux, on ne sait pas très bien la couleur de chacune mais l’une est noire et l’autre blanche, moi cela ne m’a pas marqué plus que ça mais on est aux Etats-Unis et à l’époque de leur enfance, cela semble encore très important.

Enlevées à (ou abandonnées un temps par ?) leurs mères, elles se comprennent bien mais s’intègrent mal au groupe des autres qui, elles, sont orphelines et les acceptent mal.

Adultes, leurs retrouvailles fortuites seront glacées puis à nouveau chaleureuses…



Tout est subtilement esquissé, cela nous laisse souvent sur notre faim mais nous touche d’autant plus, car elles n’ont plus n’ont pas les réponses. Ancien prof en primaire, cela m’a vraiment rappelé certains élèves placés en foyer, souvent en échec scolaire aussi, malgré ma bonne volonté et mes efforts pour les intéresser. Tâche difficile quand la tête est ailleurs.



La postface de Zadie Smith a le mérite de détailler la démarche de Toni Morrison qui a intentionnellement enlevé tout repère linguistique ou autre permettant d’identifier quelle fillette est noire ou blanche. C’est intéressant un moment et très fouillé. Pour ce qui est du lecteur francophone lisant l’oeuvre traduite, évidemment c’est moins évident même si on veut bien croire qu’aux USA, noirs et blancs n’avaient pas forcément les mêmes expressions et mots favoris. Le travail de Toni Morrison a donc été très original.

Cette postface, plus longue que la nouvelle elle-même, a fini par me lasser : son style est celui d’un extrait de thèse universitaire. Je n’étais pas client ! Alors 4 étoiles en moyenne pour le bouquin : 5 étoiles pour Toni Morrison et 3 avec bienveillance pour Zadie Smith.

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L'oeil le plus bleu

Un livre frappant qui fait prendre conscience du mal être profond de la communauté noire . Deux petites filles déjà conditionnées par ce mal être et des adultes incapables de les protéger,un monde sans espoir où avoir les yeux bleus est l'ultime échappatoire, la clé du bonheur...Une belle oeuvre de Morisson
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Délivrances

Lula Ann est noire, et de ce seul fait rejetée par sa mère, qui peut difficilement la regarder et pas du tout la toucher. Son père les abandonne dès sa naissance. L'éducation va se faire, on l'imagine, à la dure.

N'importe quoi pour se faire aimer par elle. Pour se faire toucher par elle. Même si le contact est une gifle, n'importe quoi, justement.

Lula Ann va participer en tant que témoin à ce procès pour dénoncer l'institutrice pédophile.

Puis elle va grandir, et se révéler, un peu comme le vilain petit canard. bride, comme elle se fait appeler, dirige une branche de l'industrie cosmétique. Elle excelle. Elle rencontre Booker, un sexfriend duquel elle sait peu de choses, elle demande si peu.

Puis Booker la plante là. Elle n'est pas la femme.

Tout son édifice va alors tranquillement vaciller. Elle part à sa recherche, à sa recherche à lui oui mais pas seulement. La quête sera parsemée d'embûches, on va en apprendre aussi plus sur Booker (notamment le meurtre de son grand frère par un autre pédophile, ce thème jalonne le roman de manière tellement "normale", quotidienne, que c'en est effrayant, mais voilà, nous sommes aux US), et également rencontrer Rain.

Comment devenir soi quand le passé nous accable : leçon 1.

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Playing in the dark : Blancheur et imaginat..

Cet essai est court, mais très, très dense. Il rassemble en trois chapitres les cours que Toni Morrison a donnés à Harvard sur la littérature américaine.

Plus précisément, Toni Morrison analyse la représentation du noir dans le roman américain - je ne mets pas de majuscule à noir, parce qu'elle ne se contente pas d'évoquer des personnages noirs, mais aussi le noir en tant que couleur : le sombre, l'obscur, comment le noir est-il utilisé en littérature, quelle est sa valeur ? Et le blanc, par conséquent, que représente-t-il ?

Chacun des thèmes ("Matières noires", "Romantiser l'ombre", "Troublantes infirmières et la bonté des requins") fait d'abord l'objet d'une réflexion qui nécessite sans doute une formation littéraire (que je n'ai pas) pour en saisir tout le sens (J'ai dû à plusieurs reprises revenir en arrière et relire pour en comprendre davantage).

Ensuite, Toni Morrison illustre son propos par l'analyse d'une oeuvre : Cather, Poe, Twain, Hemingway… sont ainsi éclairés par sa profonde intelligence, montrant comment le roman américain a participé à construire une identité noire et une identité blanche - sujet qu'elle explore également dans "L'origine des autres", thème obsédant, oeuvre de sa vie.

Toni Morrison éclaire le noir, et c'est à la fois beau et déchirant.

Traduction de Pierre Alien.

Challenge Nobel
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Home

On plonge dans Home sans trop savoir où on met les pieds. L'ambiance de road trip calme du départ est déroutante.

On rencontre Franck Money, lui qui n'a pas un rond mais qui l'est souvent, à son retour de la guerre (de Corée, pas super connue, on l'aurait presque oubliée celle-là), perclus de traumatismes et de trous de mémoire, écrasé sous le poids d'un secret de guerre. Franck a tant voulu quitter Lotus, sa ville natale, à l'enfance malheureuse, il y reviendra sans amis et avec un unique espoir : sauver sa sœur Cee des pinces du Dr Beauregard, le grand expérimentateur des utérus malades comme sains.

Home c'est le récit d'un retour aux sources, aux fondements du moi, à l'endroit (comme contraire de l'envers) et au refuge.
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L'oeil le plus bleu

Je découvre Toni Morrison par ce roman et je le trouve incroyable.



C'est l'histoire de Pecola, petite fille d'une douzaine d'années qui rêve d'avoir les yeux bleus, ainsi elle sera belle et alors considérée.

Gamine touchante, pas épargnée par la vie, qu'on a envie de dorloter nous même.



A coté de cela, on a un réel tableu de la société des années 40 dans une ville de l'Ohio. On y découvre une misère sociale dans une amérique raciste et comment chaque personnage y trouve ou non sa place.

Un ouvrage poignant.
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Paradis

"Paradis" est un livre au rythme singulier. Il démarre par une plongée dans une brutalité cathartique. Celle-ci aborde un groupe de femmes, sans nom, chassé par un groupe d'hommes armés. Armés matériellement, mais aussi - et n'est-ce pas la pire arme ? - par une haine absolue. La haine dont Toni Morrison va tisser les raisons dans un acte d’écriture magistral.



Mais s’il s’agit d’un roman, clairement la vérité n'est jamais loin. A contrario du machiavélisme, cette invention de l'homme pour racheter ses péchés. Non, dans ce roman, pas de bienveillance gratuite, pas de vision imposée par l'auteure. Toni Morrison est notre accompagnatrice auprès de ces destins, ni juge ni procureure, et j'oserai dire ni avocate.



Autre vertu chez elle, sa prose. Celle-ci est d'une étonnante précision - économie de mots - avec laquelle elle opte pour écrire des scènes dignes de peintres impressionnistes. Certes, cela peut gâcher la lecture s'il vous venait à sauter une phrase, chacune d'elles comportant une information majeure. Autre point de séduction, Toni Morrison écrit avec ses tripes ! Elle est féroce et douce à la fois, toujours en quête de ce qui nourrit l’être humain.



J'ai aimé également sa façon de ne pas en faire trop avec les femmes du couvent au détriment des habitants de Ruby. Il est vrai, cette franchise-là caractérise tellement bien son écriture. Bien sûr, j'aurais apprécié qu'elle étoffe certains rôles, à l'instar de Seneca. De même qu’il m’a manqué un développement concernant la ville. Mais certainement est-ce la preuve que l'auteure a su m'emporter avec elle pour créer cette envie. Un grand auteure, une immense.
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