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Critiques de W. G. Sebald (109)
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Austerlitz

J'ai lu cet ouvrage éponyme après avoir vu le spectacle "Austerlitz" de Gaëlle Bourges. Je savais qu'elle n'en avait pas fait une adaptation, mais repris une certaine forme, un parcours oblique, un puzzle étrange, des associations obscures. On trouve dans ce livre une écriture très belle, de magnifiques passages, mais aussi un ensemble difficile à appréhender dans un premier temps. La lecture est hypnotique, erratique.
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Les Émigrants

The Emigrants est un recueil de quatre nouvelles écrites par l'écrivain et académicien W.G. Sebald, qui a écrit le livre à l'origine en allemand. Comme son titre l'indique, il raconte l'histoire de quatre émigrants, tous juifs, qui ont fui l'Allemagne pour éviter les poursuites judiciaires et vivre dans leur nouveaux pays.



La première histoire est celle d'un médecin vivant dans la campagne anglaise, le Dr Henry Selwyn, la deuxième est celle d'un professeur, Paul Bereyter, qui vit maintenant en Suisse, la troisième est celle d'Amboros, qui vit aux États-Unis avec ses riches parents - avec lesquels il voyage dans des endroits coûteux du monde entier, et le dernier personnage est Max Ferber, qui est un jeune peintre de Manchester, que l'auteur rencontre.



Le roman traite de différents aspects de la vie, en particulier celle des émigrants, où l'on ressent toujours un désir d'appartenance à son nouveau lieu de vie, ainsi que la nostalgie de l'endroit que l'on a quitté, mais où l'on a ses propres raisons pour lesquelles il n'est pas plausible de revenir à l'endroit précédent. C'est ce que montre le mieux l'histoire de Paul, qui a eu du mal à s'intégrer dans son nouveau lieu de vie, même s'il était très respecté et qu'il a toujours eu la nostalgie des montagnes bavaroises.



L'auteur a bien décrit le cadre dans chacune des histoires, qu'il s'agisse de la campagne dans l'histoire du Dr Selwyn ou des différentes villes de Suisse. La meilleure utilisation d'une ville a été la description de Manchester dans l'histoire de Max, où j'ai eu l'impression que l'auteur avait bien utilisé la ville. L'auteur a également un style unique qui consiste à ajouter des images sans aucune légende, ce qui m'a permis de visualiser un grand nombre de scènes décrites par l'auteur.



L'histoire que j'ai le moins aimée est celle d'Amboros, où il y a trop de personnages pour que l'on se perde dans la mer d'informations et où ils continuent à voyager autour du monde, allant d'un endroit à l'autre. On a plus l'impression de lire un carnet de voyage qu'un roman. A moins que ces personnages ne soient entièrement basés sur des personnes réelles, j'ai eu l'impression que les histoires étaient inutilement tristes, même des histoires qui, selon moi, n'avaient pas besoin d'un tel niveau de tristesse pour émouvoir le lecteur (comme l'histoire de Paul), et au bout d'un moment, cela devient prévisible, j'ai eu le choc en lisant l'histoire du Dr Selwyn, mais finalement, j'ai commencé à m'attendre à de tels événements.



Dans l'ensemble, je dirais qu'il s'agit d'une bonne lecture, qui n'est pas la plus facile, mais qui contient tout de même quelques histoires intéressantes. J'attribue à ce livre une note de trois sur cinq, et je suis certainement intéressé à essayer les autres romans de l'auteur.
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Austerlitz

J'ai fait la connaissance de cet auteur avec Les Émigrants qui ne m'avait pas enthousiasmée mais cependant intriguée suffisamment pour que je revienne à cet auteur. C'est chose faite avec Austerlitz qui aborde le même thème, à savoir le déracinement que les juifs ont dû choisir pour échapper à leur assassinat orchestré par le Troisième Reich. Il s'agit ici non pas de nouvelles mais bien d'un roman qui s'attache d'ailleurs essentiellement à un seul personnage: Jacques Austerlitz. Arrivé en Grande-Bretagne au cours de l'été 1939 à l'âge de 4 ans, en provenance de Tchécoslovaquie, et adopté par un vieux prédicateur non-conformiste gallois et sa femme, il se voit contraint de s'adapter à une nouvelle vie une, nouvelle langue, une nouvelle culture et même un nouveau nom. le roman retrace, à travers le récit qu'il en fait à l'auteur, son parcours pour renouer avec sa véritable identité. C'est proche du récit d'une psychanalyse et c'est ce qui m'a fait penser que ce récit était autobiographique mais il n'en est rien : Austerlitz est d'origine tchèque, Sebald est allemand. Austerlitz est juif, Sebald ne l'est pas (son père était dans la Wehrmacht)…. Comme dans Les Émigrants, le récit est émaillé de descriptions précises de lieux et agrémenté de photographies qui lui donnent un aspect documentaire et contribue à la fascination qu'il a exercé sur moi. L'écriture est un peu surannée, rappelant les grands auteurs du XIXe siècle et la double indirestion du style contribue à nous distancier du vécu d'Austerlitz.

Bien que relativement peu connu dans le monde francophone, je me suis rendu compte que Sebald avait été pressenti pour le prix Nobel. Il est malheureusement mort prématurément à l'âge de 57 ans. Comme Austerlitz, Sebald est retourné dans le néant de l'oubli…

Ce roman m'a permis de mieux apprivoiser le style original de Sebald. Je l'ai trouvé beaucoup plus abouti que les nouvelles des Émigrants et je me promets de poursuivre l'exploration de cet auteur. À ceux qui ne le connaissent pas, je recommande d'en faire la découverte.
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Les Émigrants

Il s’agit de quatre nouvelles dont on comprend bien ce qui en fait l’unité sur le fond (en quelques mots: le destin tragique des rescapés de l’entreprise d’extermination systématique des Juifs par l’Allemagne nazie) mais qui m’ont paru inégales dans leur forme. Alors que la première m’a laissé une forte impression par sa concision et ses sous-entendus et allusions indirectes, les dernières nous font revivre le quotidien d’avant la Shoah. Bien que je comprenne l’intention qui est celle de nous rapprocher de la vie ordinaire de Juifs européens dans les années qui ont précédé « la solution finale », j’ai fini par éprouver de l’ennui, en particulier à la lecture d’un journal intime de la toute dernière nouvelle (est-ce une allusion à celui d’Anne Franck?), et avoir le goût de passer par dessus des descriptions qui m’ont paru autant de longueurs inutiles… J’ai eu cette curieuse impression que jamais je n’arriverai au bout tout de cette lecture en ayant hâte d’en finir et de passer à autre chose.

Ce recueil m’a donc laissé un sentiment assez mitigé; mais j’ai admiré le procédé qui tient à la fois de la fiction et du documentaire et l’écriture émouvante de cet auteur auquel je reviendrai volontiers pour me faire une opinion plus approfondie.
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Nul encore n'a dit

En face des « regards » gravés par Jan Peter Tripp peintre, graveur et ami d’enfance, trente-trois poèmes de Sebald que l’écrivain allemand a laissés, après sa disparition accidentelle.



Leur vie cessa

Leur vie cessera

Les images nous parlent-elles de la mort avec une tendresse que les mots n’atteindront jamais ?

Images et mots entrelacés, chacun ayant sa vie (voie) propre et qui nous disent les mystères devant les yeux.

Images et mots entrelacés qui nous disent les mystères, très loin, derrière les yeux

Images et mots entrelacés qui nous disent le mystère au profond des yeux.

Énigmes et mystères qu’il convient de sauvegarder.

Alors, pourquoi, devant les yeux de Maurice, le chien ; ai-je pensé : il regarde son maitre et le mystère, un instant, s’est effacé.



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Austerlitz

L'histoire de cet homme, Austerlitz, qui après des années de recherches, apprend qu'il a été, enfant, évacué avec des centaines d'autres, vers l'Angleterre pour fuir guerre et persécutions.

Juxtaposant un style romanesque avec des documents photographiques, l'auteur livre ici la vie romancée d'un émigrant déraciné, Jacques Austerlitz, qui n'a connu son vrai nom que lorsqu'il fut adolescent.

Cela avec le récit de déambulations à travers l'Europe, des réflexions sur l'architecture, une belle écriture, lecture un peu ambitieuse.
Lien : https://collectifpolar.blog/
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Les Anneaux de Saturne

« J'ai passé mon enfance et ma jeunesse dans une contrée des Alpes

septentrionales en grande partie épargnée par les effets immédiats de ce

que l'on nomme hostilités. À la fin de la guerre, j'avais tout juste un an et

je ne saurais avoir gardé de cette époque de la destruction des impressions

fondées sur des événements réels. Et pourtant, aujourd’hui encore, quand

je regarde des photographies ou des films documentaires datant de la

guerre, il me semble que c'est de là que je viens, pour ainsi dire, et que

tombe sur moi, venue de là-bas, venue de cette ère d'atrocités que je n'ai

pas vécue, une ombre à laquelle je n'arriverai jamais à me soustraire tout à fait » écrivait W.G Sebald dans « De la destruction comme élément de l’histoire naturelle » regard perdu de l’émigré qui a quitté l’Allemagne pour l’Angleterre en 1966.

Est-ce là la source de la mélancolie qui règne dans les textes de Sebald et donc probablement, dans son esprit ?

Au départ, une simple randonnée à pied dans le comté de Suffolk. W.G.Sebald vagabonde à travers les cotes désertes, petites villes et villages. Il se perd dans le labyrinthe de jardins abandonnés. Il vagabonde également au travers certains souvenirs de sa propre vie. L’occasion de retracer la mémoire de ces lieux de la côte est de l’Angleterre mais aussi d’autres contrées du Monde à travers l’épaisseur du temps.

Avec un art de la transition stupéfiant, on passe de la Chine du XIXe siècle, dans le palais de l’impératrice Cixi, la révolte des Taiping, le flop économique que constitua l'introduction de la culture de « l’oiseau » à soie en Europe, la phosphorescence post mortem du hareng. On entend les canons des navires hollandais détruire la flotte anglaise à la bataille de Sole Baye, les forteresses volantes gronder dans le ciel du soir pour aller bombarder les villes allemandes, les amours avortées de Chateaubriand en Grande-Bretagne, la Leçon d'anatomie de Rembrandt. Le hasard d'une émission de la BBC enclenche le souvenir de l'irlandais Roger Casement, critique virulent des intérêts du roi Léopold au Congo, et finalement exécuté comme dangereux terroriste irlandais et d’autres personnages moins connus, émigrés ballottés au gré du monde. A la fin de son périple, l’auteur va rendre visite à un ami qui, depuis des années, construit une immense maquette du temple de Jérusalem.

Sensible aux couleurs et aux mouvements, Sebald déroule ses phrases avec simplicité. Comme la méditation d’un « promeneur solitaire », il y a là une magie qui nous fait traverser les endroits que l’on a plutôt l’habitude de longer.

Dessins, documents, cartes et photos parsèment ce livre qui, ramenant vers ce qui est plus réel, évitent la pure rêverie. Comme un balancement entre rêverie et réflexions.

Mais tout cela n’est pas qu’érudition retracée avec lyrisme.

Car peu à peu, dans une impossible simultanéité nous avons devant nous la vision d’un monde d’une beauté triste: un monde de ruines, d’éternelle destruction où le souvenir est important car il permet de survivre.

Mais c’est une mélancolie sans pleurs ni larmes, car la nature aussi détruit

Il ne faut pas y chercher une quelconque condamnation de notre existence ou un plaidoyer écologiste: la destruction faisant partie « d’un état naturel »

Vous avez compris que ce livre est vraiment éblouissant et d’une richesse indescriptible.

Je suis de ceux qui croient que seule la poésie permet d’exprimer notre « vision » de la vie, aussi je m’en vais, de ce pas, chercher et lire l’unique livre de Sebald qu’il présente comme poésie : « D’après nature, poème élémentaire »





Ps factuel : ce livre a été écrit en allemand, les phrases écrites en anglais n’ont pas été traduites en français





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Austerlitz

Je viens de finir ce livre extraordinaire qui rentre dans mon panthéon de la littérature moderne. Ce livre est un bijoux de subtilité et amène à des réflexions sur le temps, la mort et l’histoire d’une profondeur rarissime.



Les 50 premières pages sont difficiles car Austerlitz et le narrateur y discutent principalement d’architecture, mais comme Austerlitz a pris le temps de connaître notre narrateur avant de lui confier sa vie, il faut faire confiance à Sebald et continuer la lecture pour découvrir la quête des origines à laquelle Austerlitz a voué une partie de sa vie. Au final on suit Austerlitz à travers l’Europe, Londres, Paris, Prague, Nuremberg à la recherche des traces d’une enfance ensevelie sous le poids terrible de l’histoire, cette quête est aussi douloureuse qu’elle est envoûtante et on ne décrochera ensuite plus jusqu’à la dernière ligne.



Ce roman est merveilleux de justesse et m’a procuré la sensation étrange de toucher quelques idées sublimes. Je m’en vais sur le champ de ouvrir toutes les autres œuvres de Sebald.
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Les Anneaux de Saturne

J’aime ces auteurs comme W.G. Sebald, Jean Rolin, Patrick Deville, … qui nous font voyager en dehors des sentiers battus. Je ne me souviens à la suite de quelle lecture, j’ai noté la référence de ce livre de W.G. Sebald mais cela devait sans doute être celle d’un de ces auteurs qui me font rêver !

J’ai aimé partir à la découverte du Suffolk sur les traces de l’auteur et de ces paysages qui semblent bien loin des clichés touristiques. Il m’a bien perdu à plusieurs reprises avec ses longues digressions qui font que l’on ne sait même plus quel en est le lien avec le récit. A noter aussi une erreur à la page 307, lorsqu’il parle de la chaumière de Châteaubriand à la Vallée aux loups, qui pour l’avoir visitée, n’a rien d’une chaumière mais plutôt d’une belle demeure bourgeoise. A moins que cela soit une erreur de traduction.

Quoiqu’il en soit, malgré ces points, je reste satisfait de cette lecture et vais continuer de découvrir l’œuvre de W.G. Sebald afin qu’il continu de me faire voyager.

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Les Anneaux de Saturne

W. G. Sebald, né Winfried Georg Maximilian (1944-2001) est un écrivain et essayiste allemand. Parallèlement à sa carrière universitaire, il a entamé, à partir de la fin des années 1980, une œuvre littéraire qui a suscité une grande attention avant tout en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis (où Susan Sontag s'est beaucoup engagée en sa faveur) et en France. Sebald a même été pressenti comme candidat sérieux au prix Nobel de littérature.

Si Les Anneaux de Saturne, roman datant de 1995, porte un titre sciencefictionnesque, il n’en est absolument rien et si je m’y suis intéressé c’est parce qu’il y est fait référence plusieurs fois dans une de mes lectures récentes, chez John le Carré (L’Espion qui aimait les livres). J’ai donc ouvert le livre avec un entrain favorable…

Le narrateur, jamais nommé mais certainement l’écrivain, visite à pied le Suffolk, sur la côte est de l’Angleterre. Ce pourrait être un récit de voyage, ce n’en est rien là encore et la suite du roman le démontrera car il mêle différents genres littéraires, les voyages, les biographies, l’exploration de la mémoire etc. Notons aussi, ce qui est une caractéristique de l’auteur dans tous ses livres, l’abondance de photos en noir et blanc. Ce mélange hétérogène ne peut donner qu’un ouvrage un peu étrange, assez fascinant car sans qu’on sache très bien comment, Sebald parvient à enchainer des faits sans rapports les uns avec les autres grâce à une écriture très plaisante à lire.

Si vous vous lancez dans cette aventure, vous irez du Suffolk en Allemagne, des Pays-Bas à l’Afrique et à l’Asie, vous y croiserez Thomas Browne (1605-1682), un écrivain anglican anglais dont les œuvres couvrent une large palette de domaines incluant la médecine, la religion, la science, la sociologie et l'ésotérisme, ou bien Swinburne (1837-1909) poète britannique qui a contribué à l'édition de l’Encyclopedia Britannica, Chateaubriand ou Joseph Conrad et je ne vous parle là que des personnages les plus connus ! Il est aussi question des harengs dont vous saurez tout, de la guerre de l’opium en Chine et ce ne sont que quelques exemples de l’éclectisme des digressions extrêmement documentées constituant le corps de ce livre.

Un roman copieux, très cultivé donc très instructif et pas désagréable à lire, pourtant bien vite je me suis demandé ce que voulait me dire l’écrivain, quelle était la portée de cet ouvrage car moi, je ne l’ai pas compris. Je me suis donc tourné vers ceux qui savent et pour commencer, John le Carré et son bouquin où il fait dire à l’un de ses personnages « c’est un tour de force littéraire, un voyage spirituel qui débute dans les marches du Suffolk et embrasse tout l’héritage culturel européen jusqu’à sa destruction. »

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Austerlitz

Le génie de W. G. Sebald, déjà salué de son vivant, se retrouve dans l’un de ses derniers romans : Austerlitz. Les thématiques du voyage et de la crise identitaire - chères à l’auteur - s’y retrouvent. Le narrateur - dont la ressemblance avec l’auteur est frappante - se fait le dépositaire de l’histoire d’Austerlitz, un émigré Juif à la recherche de ses origines. La force de ce roman réside dans le style alternant écriture de fiction et écriture scientifique, historienne. De fait, la quête dans le passé d’Austerlitz n’est pas seulement documentée et rattachée à l’Histoire, c’est aussi un témoignage de ses souffrances et de ses états d’âme. A la recherche de ses origines et du mot juste, Austerlitz est l’incarnation de l’écrivain-artisan sensible à la langue mais dont sa propre plume lui est devenue étrangère. Bien que la structure soit très travaillée avec des récits enchâssés, l’absence de découpage en chapitres oblige une lecture assidue de la part du lecteur, entraîné à son tour dans la quête d’Austerlitz. Dans une harmonie imitative, les phrases s'enchaînent d’une manière si fluide qu’elles épousent parfaitement le mouvement des pensées des personnages, leurs nombreux déplacements ainsi que le flot continu des paroles d’Austerlitz. Voyage dans le temps, l’espace et l’esprit, Austerlitz est un récit bouleversant au nom des âmes déracinées, prises de vertiges face à la réminiscence de leur passé. Dès lors, il ne s’agit plus de connaître l’Histoire, mais son histoire.
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Austerlitz

Comment chroniquer ce beau roman sans divulgâcher?



Et pourtant ce n'est ni un policier, ni un thriller. Au contraire, c'est un livre qui flâne entre gares et bibliothèques, aux promenades rêveuses dans des manoirs abandonnés et parfois fantastiques entre coupoles byzantines, escaliers et lianes, portes ouvertes vers le passé qui ressurgit par surprise. Ecriture vagabonde qui emmène le lecteur à Londres, Anvers, Prague et Paris, qui traverse cinq décennies. Vous le suivrez aussi à  Marienbad  et à Theresienstadt, de bien triste mémoire...  Ecriture circulaire - l'expression est de D Mendelsohn qui m'a fait connaître Sebald. 



Ce n'est qu'au mitant du livre que j'ai compris ce titre d'Austerlitz, pour moi une gare ou une victoire napoléonienne, mais pour un enfant Gallois?



A vous de vous perdre dans les méandres des déambulations, de découvrir les belles photographies, cela en vaut la peine.
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Vertiges

« Vertiges » de W.G. Sebald raconte en deux longs chapitres, « All estero » et « Il ritorno in patria », les voyages de l'auteur en Autriche, Italie et Allemagne. Lecteurs, nous pouvons aisément vérifier la réalité des lieux obsessionnellement inventoriés – Vienne, Vérone, Venise, Innsbruck. Nous pouvons également vérifier l'existence des personnes auxquelles l'auteur nous dit avoir rendu visite en chemin – le poète Ernst Herbecck, le journaliste Salvatore Altamura. D'avantage, nous pouvons voir tout cela, le récit étant illustré par nombreuses photos dont la présence est toujours destinée à garantir la réalité de ce qui a été vécu par l'auteur. Mais cette maniaque précision et cette obsessionnelle vérité sont surtout l'occasion de faire de troublants parallèles avec d'autres voyages – ceux De Stendhal et Kafka – tout aussi attestés et détaillés dans deux courts épisodes du livre, « Beyle où le singulier phénomène de l'amour » et « le docteur K va prendre les bains à Riva ». le livre semble pourtant opérer une série d'écarts qui font système et ne construisent pas un impeccable compte-rendu mais bien une fiction d'un nouveau genre.





La narration de « Vertiges » multiplie les digressions, se fige dans la précision fascinée de détails sans signification ou se dissipe dans des recherches qui traversent sans règle apparente les espaces et les temps. A Vienne, W.G. Sebald tourne en rond, il a des hallucinations, croit apercevoir Dante et autres personnes, craint un début de paralysie ou une maladie cérébrale, ne voit rien, ne parle à personne, clochardise, refait enfin surface en entendant des enfants juifs chanter. le trajet de Vienne à Venise ne laisse aucune trace hormis les paysages qu'il associe aux tremblement de terre du Frioul et à « La peste » de Tiepolo. A Venise, W.G. Sebald est alternativement troublé et terrorisé dans les rues où des gens apparaissent aussi vite qu'ils disparaissent, il reconnait immédiatement Louis II de Bavière sur un vaporetto, étudie la « Gazzettino », prend des notes pour un essai sur le roi Louis à Venise, feuillette « le journal du voyage en Italie » de Grillparzer, s'intéresse à l'emprisonnement de Casanova au palais des Doges, regrette de ne pas être resté à la maison à consulter cartes et itinéraires, se promène sur la lagune en compagnie d'un astrophysicien, s'inquiète au réveil d'un silence de fin du monde, ne quitte plus sa chambre gelée, se sent mourir, revient à lui la troisième nuit, fait son bagage, se sent enfin sur le départ observé au buffet de la Ferrovia par deux jeunes gens. A Vérone, W.G. Sebald s'allonge sur un banc au Giardino Giusti, il est pris de panique lorsqu'il aperçoit aux arènes les deux personnes de la gare de Venise, décampe craignant pour sa vie, effectue des recherches sur Pisanello, détaille les fresques de la chapelle Pellegrini, dine dans une sinistre pizzeria, s'enfuie enfin en courant après la lecture d'un fait-divers sur fond de conversation téléphonique. le trajet jusqu'à Innsbruck ne lui laisse aucun répit.





C'est avec une date que débutent les comptes rendus de voyage : « Octobre 1980 ». C'est avec une date qu'ils se poursuivent : « Sept ans après ». Une date est toujours un indicateur de réalité, reste à savoir de quelle réalité il est question. le réel qu'il s'agit de marquer ici est celui d'une fiction où la rationalité habituelle qui préside au déroulement des évènements de la vie ordinaire s'est perdue. le temps dans « Vertiges » n'est pas en effet structuré par l'enchainement des causes et des effets, il procède de l'auteur lui-même. Après sa fuite, il refait donc le voyage de Vienne à Vérone pour raviver les souvenir de cette période périlleuse. A Venise, W.G. Sebald prend des notes à la Fondamenta Santa Lucia, il décide de ne pas rester dans la cité des Doges à la vue d'un gros rat. A Padoue, W.G. Sebald visite la chapelle d'Enrico Scrovegni décorée par Giotto, il est frappé par la plainte qu'élèvent depuis plus de sept cents ans les anges, il rejoint la gare avec ces mots en tête : « Les anges visitent les lieux du malheur ». A Vérone, W.G. Sebald escompte obtenir quelques éclaircissements aussi bien sur son séjour brusquement interrompu que sur le sinistre après-midi que Kafka avait passé dans cette ville sur le chemin du lac de Garde, il est, ébahi et paralysé, incapable de descendre du train. Sur le chemin du lac de Garde, W.G. Sebald est mis en présence de deux jeunes garçons ressemblant de manière inquiétante au portrait de Kafka à l'âge scolaire, il fait part de cette découverte espérant obtenir une photo des jumeaux, il est en proie alors à une confusion extrême et à une rage impuissante à l'idée de ne pouvoir présenter aucune preuve tangible de cette rencontre, quitte précipitamment le bus. A Limone, W.G. Sebald se promène la nuit tombante sur le lac, il est empêché de dormir par les vociférations imbéciles de jeunes gens de son propre coin de terre, écrit tentant de relier des évènements fort éloignés mais relevant d'un même ordre d'idée, lit et annote des journaux en trois langues, décide de retourner enfin, sans son passeport perdu, à Vérone. A Milan, W.G. Sebald est agressé à la gare, il récupère au consulat des papiers, déambule dans des rues qui ne mènent à rien qu'à d'incessantes vexations, perd la mémoire dans la cathédrale. de nouveau à Vérone, W.G. Sebald, bien accueilli à l'hôtel, garde le souvenir d'une dignité retrouvée, il s'intéresse, à la Biblioteca civica, aux publicités médicales charlatanesques et aux faits-divers de l'année 1913, trouve, examine une carte postale du cimitero di Staglieno de Gênes, retrouve et fait photographier par un passant la pizzeria qui l'a fait fuir sept ans auparavant, interroge un journaliste sur une affaire de meurtres ayant quelque improbable rapport avec les rencontres des deux jeunes gens de Venise et de Vérone, l'écoute parler d'un livre de Sciascia sur les années ayant immédiatement précédé la Première guerre mondiale et de sa nostalgie pour l'opéra de la même époque, pense à la visite Franz Werfel avec un exemplaire de son roman opéra dédicacé à son ami Kafka mourant, émerge enfin, sans savoir le pourquoi et le comment, d'un sommeil profond aux premières heures du matin.





Les évènements n'obéissent plus ici à l'enchainement ordinaire de causes et d'effets dotés d'une nécessité supérieure à leur déroulement. L'auteur qui se rend en Italie met certes ses pas dans ceux du jeune Henri Beyle franchissant les Alpes avec les troupes napoléoniennes, découvrant les affres de l'amour, passant au grade de sous-lieutenant, souffrant d'un sentiment d'infériorité, tombant malade, faisant halte dans le vaste champ de bataille de Marengo et, bien des années après, voyageant sur les bords du lac de Garde. Il empreinte certainement des chemins voisins de ceux de Kafka se rendant à un congrès à Vienne, fuyant pour Trieste, restant enfermé dans sa chambre à Venise, se sentant oppressé à Vérone et passant trois semaines dans un établissement thermal sur les rives du lac de Garde. « Vertiges » est un récit de voyages décousus, l'ordre des nécessités y est sans cesse brouillé par les manifestations de troubles nerveux qui semblent en résulter. de saisissants parallèles avec les pérégrinations tourmentées De Stendhal et Kafka semblent ici s'imposer au corps défendant de W.G. Sebald et ajouter à son angoisse. Les différents récits se déroulent comme une série de digressions qui nous mène d'un fait-divers à un menu détail de la vie ordinaire, de la peinture italienne à la lecture du journal, etc. La narration ne cesse ainsi de nous éloigner de la relation de voyage cultivée habituelle. Ce désordre des faits définit n'en doutons pas une autre manière de lier déplacement et savoir. Pour W.G. Sebald nous vivons sur la « ligne de fracture entre le monde et la nature (…) et cet autre monde généré par nos cellules nerveuses ».





Le déracinement est indissociable de l'oeuvre de W.G. Sebald et évidemment du régime nazi qui est le secret silencieux enfouit sous le paysage idyllique des Alpes bavaroises, un silence que l'écrivain a voulu fuir et qu'il retrouve au dernier chapitre de « Vertiges », « Il ritorno in patria ». Aussi, cette ultime recension de souvenirs d'enfance est plein de nauséeux non-dits : « en avril 1945 (…) [ils] sont tombés pour la patrie » (p.164), « il nous fallait passer à côté des « romanichels » et à chaque fois ma mère me prenait dans ses bras » (p.165), « l'album photo que mon père avait rapporté en cadeau à ma mère (…) on voit des zingari internés dans un camp » (p.166), « [mon père], sous-officier du train, avait son avenir assuré dans le nouveau Reich et même, en un certain sens, y était devenu quelqu'un (…) représentatif de la nouvelle société sans classe en voie de formation (…) il existait somme toute une justice sur terre » (p.173), « La Seelos Lena a un jour accouché d'un enfant d'Ekrem, qui heureusement, comme je l'ai entendu dire, n'a pas vécu plus d'une semaine. » (p.179), « Même après-guerre, lorsque ses oeuvres monumentales (Hengge), pour diverses raisons, n'avaient plus grande cote, il na pas changé de manière. » (p.185), « La morosité de son visage [Dr Rambousek] aux traits comme venus d'ailleurs et que, les paupières recouvrant à demi ses grands yeux sombres, on ne saurait mieux qualifier de levantins, sa façon d'être, pour ainsi dire toujours en retrait, ne laissaient guère de doute sur le fait qu'il appartenait à la race des inconsolables. » (p.204), « On disait qu'il était venu d'ailleurs [le chasseur Hans Schlag] » (p.211), etc. « Plus je rassemblais les images d'autrefois, dit-il, et plus il devenait invraisemblable que le passé se soit présenté sous cette forme, car rien ne pouvait y être qualifié de normal ; au contraire, la majeure partie de ce qui était arrivé était ridicule, et quand ce n'était pas ridicule, c'était à frémir d'effroi. » Il n'est fait état dans cette dernière partie du livre « in patria » d'aucune manifestation de troubles nerveux de W.G. Sebald.





« Vertiges » est sans doute un livre inclassable, un livre qui ne fabrique pas d'intrigues mais un lien entre ce qui se passe à tel moment, en tel lieu avec le narrateur et ce qui se passe à un autre moment en ce même lieu avec quelques autres (de Stendhal et Kafka). Babelio ne classe-t-il pas l'oeuvre littéraire de W.G. Sebald en essais ? Une certaine fiction moderne peut probablement se définir comme le récit d'un moment quelconque qui ne construit, ne détruit rien, qui ne se tend vers aucune fin mais qui se dilate incluant d'autres temps. La pensée mobile de l'auteur mélange dans « Vertiges » les préoccupations et transforme le récit de voyage en rêveries, hallucinations, lectures, souvenirs … afin de sauver tout ce qu'elle peut d'une expérience douloureuse d'un déracinement et d'un mal être.

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Austerlitz

Je suis tombé sur les écrits de WG Sebald pour la première fois par accident. J'étais dans ma bibliothèque habituelle lorsque je suis tombé sur un livre, Les Anneaux de Saturne, dont la typographie et la qualité de production m'ont tellement intrigué que, même s'il ne pouvait en aucun cas être décrit comme un guide conventionnel, je l'ai emporté avec moi.

J'ai été immédiatement hypnotisé par le curieux style de prose, si plat et ostensiblement sans conséquence, qui décrit une sorte de monologue intérieur méditatif, pas du tout le monde tel qu'il est vu et décrit par une personne ordinaire, mais une vision du monde vue à travers un verre sombre et réfracté à travers l'imagination étrange et parfois inconfortable d'un professeur de littérature allemande dyspeptique et exceptionnellement bien informé, d'âge moyen, dont on présume qu'il n'a jamais été marié et qui décide de faire une longue promenade sans but sur les rives d'une rivière du Norfolk méditant sur des aspects de son histoire et sur ce qu'il voit en chemin.

Austerlitz est, à bien des égards, un autre tour de force littéraire, utilisant le même langage de mélancolie prolongée et ostensiblement sans conséquence pour décrire la vie de quelqu'un qu'il rencontre pour la première fois à la gare d'Anvers en étudiant l'architecture de sa salle d'attente.

Il est impossible de dire dans quelle mesure ce récit, le cas échéant, est vrai, bien qu'il soit illustré avec des photographies floues et grises de personnes et de lieux, ce qui lui confère de la véracité, surtout l'image du narrateur lui-même, avec ses cheveux ondulés distinctifs, regardant curieusement le photographe et habillé comme pour une soirée déguisée à Prague juste avant la guerre.

Le récit, s'il est vrai, est remarquable. Le héros du livre, ou plus exactement l'anti-héros puisqu'il ne fait essentiellement rien de particulièrement utile de sa vie, est né à Prague, fils d'un chanteur d'opéra au succès modéré et directeur d'une petite usine de fabrication de pantoufles qui était également actif dans la politique de gauche.

La montée du parti nazi en Allemagne et l'invasion allemande de la Tchécoslovaquie qui a suivi ont obligé son père à fuir à Paris, pour ne plus jamais être revu ni entendu, ses lettres à sa famille étant confisquées par les autorités allemandes. Sa mère a réussi à faire en sorte que son fils soit envoyé à Londres. Il a été adopté par un prédicateur non-conformiste et sa femme, près de Bala dans le nord du Pays de Galles.

Le garçon, intelligent, est allé dans une petite école publique qu'il n'aimait pas du tout, et a été encouragé par son professeur d'histoire à aller à Oxford. Après avoir étudié la classification de l'architecture officielle du XIXe siècle à l'Institut Courtauld, il obtient un poste d'enseignant dans un établissement dont le nom n'est jamais tout à fait clair, tout en vivant dans une petite maison mitoyenne dans l'East End de Londres.

La base de la fiction, s'il s'agit d'une fiction, est que l'auteur et le narrateur se rencontrent périodiquement, non seulement à Anvers, mais aussi au bar de l'ancien Great Eastern Hotel à Liverpool Street Station, à Londres, et dans un café à Paris. .

Par de longs récits sombres et délabrés de sa vie qui ont parfois le caractère d'histoires de chiens hirsutes, le narrateur construit un sens de sa personnalité qui est essentiellement profondément mélancolique, dépourvu de toute amitié, sauf celle d'une fille de la bibliothèque qui l'a pris en pitié et part en vacances avec lui à Marienbad.

Qu'allons-nous faire de cela ? À certains égards, le récit est emblématique de nombreuses vies ostensiblement inefficaces, d'une intelligence académique gaspillée dans un projet intellectuel grandiose qui nécessite des années de prise de notes mais ne débouche jamais sur le grand livre qui aurait dû en résulter, jusqu'à ce que le narrateur décide de brûler toute l'accumulation de matériel dans un petit feu de joie dans le jardin de sa maison mitoyenne. Mais, en même temps et d'une manière très particulière, le livre donne un sens étrangement transcendant et hypnotique de la puissance de l'histoire et de la relation entre un individu et les accidents de sa vie.

Je n'ai jamais lu un livre qui offre un récit aussi puissant de la dévastation provoquée par la dispersion des Juifs de Prague et de leur traitement par les nazis. Austerlitz ne parvient pas à donner un sens à sa jeune vie brutalisée alors qu'il erre dans le camp de concentration de Terezen, où sa mère était enfermée, ce qui le fait s'effondrer lorsqu'il se souvient plus tard de ce qui s'est passé.

Et j'ai lu peu de livres qui offrent un sens aussi intense du lieu et de la relation des bâtiments à leur histoire, y compris, par exemple, une description hypnotique de la façon dont Austerlitz découvre les rues où il est né, ainsi que des lieux particuliers, de Gare d'Anvers jusqu'au cimetière d'un quartier de Londres.

Sebald décrit un univers particulier mais reconnaissable, la façon dont l'expérience du monde peut être façonnée par une intelligence fortement académique et historique.

Son style de prose est distinctif dans la longueur de ses phrases et le léger archaïsme de la manière, la monotonie de ses cadences . Mais je recommanderais fortement à quiconque n'a pas expérimenté son écriture de le faire, car il réussit à communiquer des questions d'une grande importance concernant le temps, la mémoire et l'expérience humaine.

L'inhumanité ne cesse pas.

Ce que Sebald écrit est-il vrai ?

Ce n'est pas important.

C'est la fiction qui est la puissance.


Lien : http://holophernes.over-blog..
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De la destruction comme élément de l'histoire..

DE LA DESTRUCTION comme élément de l’histoire naturelle de W G SEBALD

J’avais noté le nom de cet auteur suite à un retour qui m’avait intrigué et j’ai choisi cet essai car le sujet est très peu abordé, voire évité sciemment et on comprend vite pourquoi. Vers la fin de la seconde guerre mondiale les alliés vont faire des raids en Allemagne détruisant plus d’une centaine de villes et tuant plusieurs centaines de milliers de civils. Sebald s’interroge et récuse le sentiment de culpabilité des intellectuels allemands pour lesquels le sujet est absolument tabou.

Dans cet essai, il y a la reproduction d’une conférence que Sebald a donné en 1997 ainsi qu’un texte assassin sur Andersch, père fondateur de la nouvelle littérature allemande après guerre et que Sebald accuse de lâcheté.

Depuis cet épisode il y a eu l’Irak et la Yougoslavie entre autres qui ont subi le même sort sur leur population civile et les questions que pose Sebald me semblent aujourd’hui encore très pertinentes.

Bien que je sois très loin de mes lectures habituelles, ce court essai m’a passionné.
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Austerlitz

Une oeuvre de grande qualité. Remarquable.



Le narrateur relate ses rencontres curieuses et récurrentes avec un certain M. Austerlitz, qui constituera le personnage principal du roman et qui, au travers du récit par le narrateur, va expliquer son cheminement très long, complexe et approfondi pour retrouver son passé, comprendre ses origines et retracer sa vie.



La lecture est parfois laborieuse, requiert un effort d'attention soutenue, mais quelle merveille d'expression et de langage! Les phrases peuvent être longues, les digressions sinueuses, pour autant la profondeur de ce chemin personnel vers le passé, de ce dialogue avec les origines, avec les morts, est d'une intensité forte et empreinte d'une émotion subtile, prégnante. On est baigné dans cette recherche touchante, bouleversante. On chemine avec Austerlitz dans sa quête, avec une implication presque personnelle.



Ce livre est une ode au souvenir, au dialogue avec le passé, au travail de mémoire, mais en filigrane également infuse tout au long du récit, une humanité pleine de pudeur ou, plutôt, une pudeur pleine d'humanité.

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Austerlitz

De Sebald, j’avais déjà lu Les Anneaux de saturne, et je me suis replongée avec plaisir dans ce style si particulier, aux phrases étirées sur des dizaines de lignes, parfois sur des pages entières, sans que le propos perde sa limpidité.

Les thèmes abordés dans ce roman sont le temps (et la proposition d’une conception non linéaire de celui-ci), la Shoah, la mémoire traumatique ou encore la quête des origines.

Au fil du récit enchâssé de Jacques Austerlitz qui raconte à un narrateur anonyme son histoire et sa quête, les souvenirs des personnages s’accumulent jusqu’à former des strates très denses et enchevêtrées. La chronologie des événements se trouve brouillée, le passé s’immisce dans le présent et le lecteur est aspiré dans le vertige du temps éclaté et déréglé propre au traumatisme.

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Austerlitz

« L’une des personnes qui attendaient dans la salle des pas perdus était Austerlitz, à l’époque en 1967, encore presque jeune d’allure avec ses cheveux blonds étrangement frisés, seulement comparables à ceux du héros allemand Siegfried dans les Nibelungen de Fritz-Lang ».



Une beauté et une souffrance, voilà ce qui me vient à l’esprit pour qualifier ce récit. Une beauté tant l’écriture exigeante de Sebald est hypnotique, fascinante, des phrases longues qui défilent sous les yeux, des détails qui suintent la mélancolie, poésie qui envoûte, une lenteur qui nous oblige à nous poser, à ne rien négliger mais une lenteur qui absorbe jusqu’à notre moi intime, jusqu’à notre inconscient qui finit par s’identifier à Jacques Austerlitz pour devenir une douleur. Eprouvantes aussi, ces lignes magnétiques, ces pages qui se tournent sans chapitre, tout est écrit comme dans l’urgence, pour ne pas oublier, on suffoque entre la fascination de l’écriture et le malaise qui s’en dégage, il faut faire une pause malgré l’envie de continuer.



De cette rencontre entre notre narrateur – Sebald ? – avec Jacques Austerlitz, dans la Gare d’Anvers, va naître une intimité qui de rencontre en rencontre, de confidence en confidence, durera trente ans.



Est-ce de chez Austerlitz qu’exhale, enfoui au plus profond de lui-même, une douleur, comme un sentiment obscur d’incomplétude, une personnalité tronquée, ou bien est ce de la plume de l’auteur, de ses mots que s’exprime cette souffrance. Lui, dont le père fut sous-officier dans la Wehrmacht, lui dont les prénoms Winfried Georg Maximilian ne sont plus que des initiales, lui qui se disait un « produit du fascisme ».



En chroniqueur de la mémoire, l’auteur s’efface devant cet ami, parti de Prague en 1939 à destination d’Angleterre, à l’âge de quatre ans. Adopté par un pasteur sectaire, névrosé, dont il ne comprend pas la langue, élevé dans le silence, sous le regard d’un Dieu qui châtie, sans plus aucune marque d’affection tant de l’épouse que du pasteur, comment ne pas ressentir comme une béance affective, un vide profond traversé par des angoisses, une instabilité émotionnelle. Austerlitz ne découvrira sa véritable identité qu’à l’âge de quinze ans.



Véritable quête identitaire, Austerlitz se doit de rassembler les morceaux du puzzle pour tenter, peut-être, d’apaiser cette sensation terrible du manque, ne plus vivre la superposition du passé et du présent, cette construction qui rend votre relation au monde totalement flou. Un rien : une couleur, un lieu, un mot en relation avec le traumatisme ravive le choc, la blessure et vous envoie valser avec la détresse. Austerlitz devra parcourir un long chemin sur des lieux semés d’ombre qui se réactiveront au fur et à mesure de ses découvertes. Aidé par sa nourrice qu’il retrouvera, ses pas l’emporteront vers des lieux emblématiques comme Terezin et Gurs à la recherche de ses parents. L’émotion surprend à toutes les pages. Austerlitz en perpétuelle recherche, perpétuelle incomplétude, se questionne et questionne le monde autour de lui et nous entraîne à sa suite, épousant ses vagues émotionnelles.



Que de silence, que de douleurs, éprouvant ce sentiment de ne jamais être à la bonne place, de ne pas avoir sa propre existence, d’être à côté de la réalité « qui je suis, d’où je viens, où vais-je ».



Faisant preuve d’une grande érudition, Austerlitz est chargé de cours dans un institut d’histoire de l’art londonien, ses recherches l’ont mené à l’élaboration d’une thèse monumentale sur l’architecture, tout particulièrement sur les réseaux, tels les chemins de fer. Il ne pouvait expliquer cette fascination qui lui permettait, surtout, ne pas parler de lui, de se réfugier derrière son intellect pour ne pas affronter cette béance, un abri en quelque sorte bien dissimulé derrière la reconnaissance intellectuelle.



La rencontre entre le narrateur et Austerlitz se fait dans la gare d’Anvers, salle des pas perdus. Austerlitz observe la gare, la coupole, et couche sur le papier toutes ses réflexions, ses observations. C’est le prétexte que choisi le narrateur pour aborder Jacques Austerlitz. Ces premiers entretiens se limiteront très longtemps à l’histoire de l’architecture dont les connaissances d’Austerlitz forcent l’admiration jusqu’au jour où, la confiance aidant, une once d’estime naissante, Austerlitz s’abandonnera aux confidences.



Quatrième de couverture : « Par ce portrait saisissant d’un émigrant déraciné, fragile, érudit et digne, l’auteur élève une sorte d’anti-monument pour tous ceux qui, au cours de l’Histoire, se retrouvent pourchassés, déplacés, coupés de leurs racines – sans jamais en comprendre la raison ni le sens ».



C’est un livre sublime, sensible, à l’évocation puissante que je relirai, c’est évident ! Merci à Eduardo et à Dan pour ce conseil de lecture mais j’ai beaucoup moins souffert avec « Séfarade ».



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Les Émigrants

À l’automne 1899, la famille du Dr Henry Selwyn quitta son petit village de Grodno, en Lituanie, et s’embarqua pour «l’Amerikum», mais après une semaine en mer, l’exode se termina pour eux à Londres où ils furent contraints d’émigrer.



Paul Bereyter, instituteur allemand «trois-quarts aryen», empêché par les nouvelles dispositions raciales d’exercer son métier d’enseignant, s’en alla de l’Allemagne une première fois, y revint en 1939, fut mobilisé au début de la guerre, puis émigra définitivement en France dans les années 1970.



Au début du XXe siècle, Ambrose Adelwarth rompait tous liens l’assujétissant à son milieu social d’origine, quittait l’Allemagne à 14 ans, partant à la conquête du monde : après avoir vécu plusieurs vies en une seule, de la Suisse à l’Amérique du Nord , en passant par le Japon ou le Moyen-Orient, ses souvenirs finiraient par s’égarer dans les couloirs de sa mémoire de nomade encombrée.



Max Ferber, artiste peintre envoyé en Angleterre en 1939 et dont les parents, déportés quelque temps après ne pourraient hélas l’y rejoindre comme prévu, n’a plus jamais voulu remettre ses pieds en Allemagne et n’a plus prononcé un seul mot en allemand depuis les adieux faits à sa famille sur l’aéroport munichois d’Oberwiensenfeld, à l’âge de 15 ans.



Quatre vies racontées, quatre destinées d’émigrants. Pourquoi celles-ci précisément, parmi tant d’autres? Quel lien réunit ces sujets-ci, au-delà de leur statut commun d’émigrés ? La réponse est toute simple : l’auteur lui-même. Paul Bereyter fut son premier instituteur, Ambros Adelwarth son grand-oncle. Quant à Henry Selwyn et Max Ferber, Sebald les avait croisés et côtoyés un temps en Angleterre où lui-même s’était expatrié à partir des années 1970.



Plutôt qu’historien, au travers de ces quatre récits l'auteur pratiquerait une sorte "d’archéologie mémoriale", fouillant systématiquement dans les débris laissés par la mémoire du XXe siècle en Europe, et plus particulièrement dans celle de son pays d’origine, l’Allemagne, ébranlée par l’irruption inconcevable de la barbarie nazie, ensevelie en grande partie sous la douleur et la destruction léguées par la Seconde Guerre Mondiale.

C’est ainsi que, pour lui, aller sur le terrain, organiser des «fouilles sur site» (dont une escapade, très édifiante sur le passage cruel du temps, à Deauville, où l’auteur était descendu au Normandy aux fins de son enquête autour d’Ambros Adelwart), extraire, ordonner et assembler les vestiges personnels que le temps et l’anonymat de ses sujets de choix auront brisés, mélangés, éparpillés, recouverts de cette poussière sépia que dépose l’oubli - photos et cartes postales, vieux albums de familles, feuillets épars, cartes de visites, carnets de voyages… - , constituent les moyens privilégiés par sa démarche, primant systématiquement sur toute tentative de conceptualisation ou de généralisation, sur toute visée analytique ou critique de l’histoire du XXe siècle.

Il ne cherchera pas à rattacher leurs choix, motivations et agissements personnels à un référentiel plus général ou à une grille particulière de lecture : chaque individualité restera chez Sebald invariablement contemplée dans son irréductibilité, rendue à son ipséité et, in fine, aussi à sa propre part de mystère.

L'auteur se cantonne en quelque sorte à essayer d’exhumer de l’incommensurable fosse commune où gisent les âmes mortes n’ayant laissé aucun registre historique de leur passage dans le monde, quelques individualités, d’en répertorier quelques-unes de leurs traces encore tangibles ou dont certains vivants pourraient encore témoigner. Afin de restituer leur parcours terrestre, tout en évitant précautionneusement de les épingler comme étant exemplaires ou emblématiques de quoi que ce soit. Au lecteur d’en tirer ses propres conclusions. Sebald, plutôt qu’interpréter, collige.



Enrichi de supports visuels (photos, dessins, feuillets, manuscrits…), d’images qui parlent quelquefois mieux que toute autre forme de discours, son récit se construit essentiellement à partir de témoignages et d’archives.

Iconographique, son travail documentaire n’exclut pas, en revanche, ni l’empathie, ni l’émotion :



«Si les inscriptions gravées n’étaient pas toutes déchiffrables, les noms encore lisibles – Hambruger, Kissinger, Wertheimer, Friedländer, Arnsberg, Frank, Auerbach, Grunwald, Leuthold, Seeligmann, Hertz, Goldstaud, Baumblatt et Blumenthal – m’inclinèrent à penser que les Allemands n’avaient peut-être rien tant envié aux Juifs que leurs beaux noms, si liés au pays et à la langue dans lesquels ils vivaient. Un frisson me parcourut devant une tombe où reposait Meier Stern, décédé le jour de ma naissance, et de même le symbole de la plume d’oie sur la stèle de Friederike Haldleib, morte le 28 mars 1912, provoqua en moi un trouble dont je dus m’avouer que je ne parviendrais jamais à percer complètement les raisons. Je me l’imaginais écrivain, penchée solitaire et le souffle court sur son travail, et à présent que j’écris ces lignes, il me semble que c’est moi qui l’ai perdue et que la douleur de sa perte reste entière malgré le long temps écoulé depuis sa disparition."



La subjectivité de l’auteur constitue ainsi, une partie essentielle du dispositif et de l’approche du chroniqueur, le tout résultant en un procédé d’autant plus percutant et riche qu’il se fait à contre-courant de la démarche d’investigation consacrée en Histoire : le général et supra-individuel passant ici avant tout par le particulier et l'infra-historique, la valeur du matériel documentaire par la puissance d’évocation émotionnelle que ce dernier recèle.



La démonstration en est d’autant plus pertinente et réussie, ou en tout cas son impact sur le lecteur sera particulièrement saisissant et convaincant de vérité.



Quoiqu’on ait pu prétendre que W. G. («Winfried Georg» – Sebald n’ayant jamais voulu signer in extenso son prénom, considéré par lui comme trop connoté à un univers symbolique nazi..), n'aurait pas été de son vivant spécialement «tendre» envers son pays d’origine, je n'ai, pour ce qui me concerne, jamais retrouvé dans ses livres -tout au moins dans ceux que j’ai eu l’occasion de lire jusqu’à présent-, aucune mise en accusation directe formulée à l’encontre du peuple allemand. Sebald, me semble-t-il, s’en réserve formellement, alors même que son expérience et son parcours personnels auront été marqués, façonnés par le souvenir funeste des crimes commis par le régime nazi, par le panurgisme ou l'indifférence manifestés par ses compatriotes, par les séquelles douloureuses, enfin, qu'aura laissé la destruction morale et matérielle de la nation allemande, reléguant à la fin de la guerre une partie considérable de la mémoire collective au silence et à l’oubli.



Qu’en est-il aujourd’hui ? Y-a-t-il une prescription aux nouvelles générations par rapport à l’effroi provoqué par l’horreur absolue perpétrée dans un passé relativement récent? Combien de temps faudra-t-il, en définitif, aux allemands avant d’avoir terminé d’ouvrir la totalité des archives de guerre, à la fois publiques et collectives, personnelles et généalogiques, et pouvoir envisager enfin, avec une certaine distance et sérénité, leur propre passé ? Cinquante ans ? Un siècle ? Qui dirait mieux ?



L’essentiel de la production littéraire qui fera la renommée de la courte carrière d’écrivain de Sebald, disparu à 57 ans dans un accident de voiture en 2001, avait commencé à prendre corps vers la fin de années 1980, moins de cinquante ans donc après la «destruction». C’est notamment grâce à une reconnaissance internationale que la critique littéraire allemande s'intéressera progressivement à son œuvre à partir du milieu des années 1990..



Comment les nouvelles générations d’allemands feuillètent aujourd’hui d’anciens albums de famille (si tant est qu’il en reste encore beaucoup qui n’aient point été détruits ou expurgés…) ? Et nous-même, partant du principe d’une certaine capacité d'identification à autrui, proprement humaine, pouvons-nous l’espace d’un instant essayer de nous mettre à leur place?



Un humanisme teinté d’empathie et de générosité, son érudition immense et en même temps humble, sa sensibilité délicate, intériorisée et réservée, l’exercice littéraire original et subtil auquel il se livre (qu’il refusait lui-même à considérer comme «romancé», y compris pour ce qui est de son chef-d’œuvre incontestable, «Austerlitz», qui ressemble cependant drôlement à un roman !) : voilà en somme ce qui me touche particulièrement chez lui.

Sebald est devenu avec le temps un de mes auteurs «compagnons-de-route», vers lequel j’éprouve le besoin de revenir régulièrement afin de réentendre une voix qui m’est devenue familière et, malgré la mélancolie susceptible de s’en dégager, qui réconforte.

Voix incitant à pratiquer une sorte de «roman de la mémoire» comme une moyen possible d’apaisement face aux souvenirs douloureux, au temps qui passe indifférent, au caractère instable et éphémère de nos existences.

Un peu comme cette vision insolite qui revient curieusement à différents passages de son livre: celle d'un inconnu qui fait subitement irruption dans le récit, en pleine lumière, image non pas d'un ange qui passe, mais d'un «butterfly man» muni d’un filet à papillons…

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De la destruction comme élément de l'histoire..

Un livre éprouvant mais magistral, important, sur la destruction et la reconstruction de l’Allemagne à la fin la guerre : villes entières bombardées, rasées, vies anéanties, misère, lambeaux de rues et d’hommes…



Sebald se questionne sur l’absence totale de cette destruction dans la littérature allemande : il y a le tabou du « monstre allemand » qui ne peut se constituer comme victime, parce que le sommet de l’Histoire à ce moment-là était la Shoah, et aussi bien sûr la difficulté de prendre la parole pour décrire le traumatisme absolu. Mais surtout l’Allemagne a dû se reconstruire : pour se reconstruire il a fallu refouler cette destruction, de la même manière qu’il a « fallu » « oublier » la Shoah.



Ainsi les écrivains allemands n’ont pas su s’emparer de leur « propre » destruction, ou alors dans une langue convenue, qui ne faisait que masquer l’anéantissement. C’est donc à une réflexion sur la langue, sur la littérature, et sur l’Histoire et ses processus de déconstruction et de reconstruction que nous convie Sebald dans ce grand livre.

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