Un livre de Flannery O' Connor, un disque d'Elisabeth Schwartzkopf, la pluie… le récit de «
Blanche étincelle » s'ouvre lentement sur une amitié balbutiante entre deux femmes de génération différente mais que le plaisir du partage, la tendresse affective et la compassion réciproque vont transformer en une relation intense et indéfectible.
Pour Mauricette, la plus âgée, cette amitié nouvelle est même un fil tenu auquel elle se raccroche fermement. Elle allège le poids de la douleur physique et morale, éloigne les morts qui l'accompagne dans sa solitude, apaise sa colère dissimulée face à la fatalité.
Subrepticement,
Lucien Suel laisse éclore une relation presque filiale baignée par une chaleur familiale attendrissante. La vie de la vieille femme s'en trouve bouleversée au point de la libérer des traumatismes qu'elle gardait enfouis depuis soixante ans.
Lire «
Blanche étincelle » c'est s'abandonner à un sentiment de fragilité et de permanence mêlées. La narratrice laisse entendre une voix claire, sensible, pudique et sans détours. Dans ce journal intime, Mauricette commence par consigner son quotidien entre jardinage, cauchemars et lecture avec des mots anodins, des phrases courtes, une voix sèche et réservée. Pas d'exubérance, pas d'épanchement excessif des sentiments, l'écriture est presque fugitive, parfois silencieuse. C'est un condensé de choses essentielles, Mauricette ne s'encombre pas avec la rondeur des mots, peut être parce qu'elle a perdu l'habitude de parler et de parler de soi.
Mais les retrouvailles de plus en plus fréquentes avec la famille de Blanche adoucissent l'écriture : progressivement la phrase prend de l'amplitude, s'épanouissant dans une poésie subtile, la langue se délie et prend de l'assurance. Dans un style qui a abandonné la raideur du début et qui laisse s'épanouir la délicatesse qui la caractérise, Mauricette a besoin de « tout mettre en lumière ».
Même si la parole demeure saccadée pour évoquer les évènements douloureux et tragiques, Mauricette contemple le monde avec un oeil nouveau ; plus sereine, elle prend pleinement conscience de ce qu'est la vie avec ses joies et ses peines.
Parce qu'il raconte un bonheur fragile, simple, émouvant, plein de douceur, ce roman est une belle histoire.