Un recueil de nouvelles assez inégales à mon goût.
L'écriture de Bradbury demeure cependant d'une poésie à couper le souffle, rien que pour cela, il est à connaître absolument... (C'est fort bien traduit, d'ailleurs, coup de chapeau à C. Andronikov et B. Mariot.)
L'ensemble reste donc d'un bon niveau, le bilan sur l'ensemble plus que positif, je vais essayer de détailler mes avis pour chaque nouvelle.
Le prologue, où nous faisons connaissance avec l'Homme Illustré, ce n'est que du bonheur ! Je ne vais pas déflorer l'histoire, c'est ultra-poétique et ultra-gore en même temps.
La Brousse : Une excellente nouvelle sur le progrès technique et notamment les "jeux virtuels", vraiment bien vue, bien racontée, parfaite.
Kaléidoscope : Excellente également. Pensées et réactions d'hommes en train de dériver dans l'espace, c'est profond, très humain, et magnifique.
Comme on se retrouve : ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. C'est plein de bons sentiments et ça dégouline un peu la leçon de morale, les personnages sont superficiels, c'est dommage car le fond était excellent.
La grand route : Une nouvelle toute courte et super efficace, ou comment l'homme de la terre est à des millions de kms des "news" et des réalités du monde.
L'Homme : J'ai beaucoup aimé, je l'ai trouvé très ironique et d'un humour cinglant, formidable.
La pluie : Une nouvelle vraiment bien brossée, ces hommes "perdus" sur Vénus qui subissent une pluie continuelle et ravageuse qui les rend fous, superbe.
L'homme de l'Espace : celle-ci est moyenne à mon goût. L'attrait de l'Espace qui attire irrémédiablement ce père de famille est plutôt légère et peu approfondie, de fait on est surtout avec la mère et le fils, mère que cela finit par rendre folle...
La dernière nuit du Monde : Une nouvelle courte et étrange, assez poétique. Empreinte de sérénité, curieusement.
Les Bannis : Excellentissime nouvelle que celle-ci ! J'ai adoré ! L'idée est géniale, même si affreusement triste finalement.
Ni un soir ni un matin : Ah je l'ai beaucoup aimé celle-ci, même si elle est tordue. Les remarques de Hitchcock m'ont beaucoup parlé, bon, oui, j'admets, j'ai l'esprit un peu tordu ! Lol !
Le renard et la forêt : celle que j'ai le moins apprécié. Son intérêt m'a complètement échappé, sans doute. Je l'ai trouvée creuse, et j'ai trouvé sa fin complètement à côté de la plaque. mais bon ce n'est que mon avis.
Le visiteur : Ah oui, elle est déjantée celle-là ! Ces hommes malades et mourants de toute façon, bannis sur Mars, qui ne pensent qu'à s'entretuer pour récupérer un type susceptible de les sortir de leur ennui incommensurable en attendant la mort... Une histoire de fous, quoi !
La bétonneuse : Ettil ou l'histoire du martien qui ne voulait pas envahir la Terre... J'ai bien aimé le début, mais c'est une histoire bizarre, que je n'ai sans doute pas appréciée à sa juste valeur, à cause de sa chute, que je n'ai pas comprise et qui m'a donc laissée de marbre. Si quelqu'un peut m'expliquer...
Automates Société Anonyme : celle-ci je la connaissais déjà, j'ai du la lire sans doute dans une anthologie sur les robots, et je l'ai tout autant appréciée que la première fois (je m'en souvenais parfaitement), elle est fort amusante !
La Ville : Fabuleuse nouvelle pour moi celle-là. A la fois poétique et supra-gore, elle est géniale, même si archi-courte.
L'heure H : Ou la révolte des enfants. Tic tac tic tac, riez, parents inconscients, tant que vous le pouvez encore, mouahahahaaaaaa !
La fusée : une sorte de redescente sur Terre après ce périple "ailleurs", toute pétrie de tendresse et d'amour paternel.
L'homme illustré et l'épilogue : et pour boucler la boucle, nous avons le mot de la fin, l'histoire tant attendue de l'Homme Illustré éternellement renouvelé. Et assez banale, finalement, un peu décevante à mon goût...
Mais dans l'ensemble, c'est quand même un très bon bouquin !
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Ettil saisit le poignet de Van Plank.
- Il y a juste une question que je voudrais vous poser.
- Allez-y, Joe.
- Pourquoi êtes-vous si gentils avec nous ? Nous envahissons votre planète et vous nous accueillez à bras ouvert, comme des enfants prodigues ? Pourquoi ?
- Ils ne sont pas très forts sur Mars, hein ? Vous êtes un type dans le genre naïf, je le vois d'ici. Réfléchissez un peu, Mac ! Nous sommes tous des Petites Gens, pas vrai ? Il fit un geste avec une main garnie d'émeraude.
«On est tous des vulgaires, hein ? Et bien, ici, sur Terre, on en est fier. C'est le siècle de l'Homme de la Rue, et nous sommes fiers d'être petits, Bill. Vous voyez une planète pleine de copains, oui mon vieux, une grande et grasse famille de copains, et tout le monde s'aime. Nous comprenons les martiens, Joe, et nous savons pourquoi vous avez envahi la Terre. Nous savons combien vous vous sentiez seuls sur cette vieille petite planète Mars, combien vous enviiez nos villes...»
- Notre civilisation est bien plus vieille que la vôtre...
- Écoutez, Joe, vous me contrariez quand vous m'interrompez. Laissez-moi finir ma petite théorie et puis vous parlerez tant que vous voudrez. Je disais donc, vous vous sentiez seuls, là-bas, et vous êtes arrivés pour voir nos villes et nos femmes et tout le bazar, et nous vous avons souhaité la bienvenue parce que vous êtes nos frères, des hommes comme tout le monde.
«Et puis en annexe, Roscoe, il y a un petit profit que l'on peut tirer de cette invasion. Je veux dire par exemple ce film que le veux faire et qui nous rapportera bien un milliard de dollars net. La semaine prochaine, nous mettons en fabrication une poupée martienne spéciale à trente dollars. Pensez un peu aux millions qu'il y a là-dedans. J'ai aussi un contrat pour faire un jeu martien qui se vendra bien pour cinq dollars. Il y a tant de possibilités.»
- Je vois, dit Ettil, en se reculant sur son siège.
- Et puis, bien entendu, il y a tout ce nouveau marché. Vous voyez tous les dépilatoires, les glaces et les cires à chaussures que nous allons pouvoir vous vendre, à vous Martiens.
"La bétonneuse".
La ville attendait depuis vingt mille ans.
La planète suivait sa course dans l'espace, les fleurs des champs croissaient, se fanaient, et la ville attendait toujours. Les rivières enflaient, s'asséchaient, se réduisaient en poussière. Et la ville attendait toujours. Les vents, jadis jeunes et impétueux, étaient devenus vieux et sereins ; les nuages, qu'ils avaient déchiquetés et déchirés dans le ciel, flottaient désormais en une lactescence nonchalante. Et la ville attendait toujours.
(Dans "la ville").
En 1900, dans le Wisconsin, un homme s'est fait entièrement tatouer, mais quoi d'étonnant, il travaillait dans un cirque.
Cependant, ce n'est pas l'incroyable beauté des images, leur nombre, leur richesse qui fascinent, mais leur propriété de prédire l'avenir.
Pendant cinquante ans, la vie de cet homme a été empoisonnée par ces illustrations, et il a vainement recherché la tatoueuse pour la tuer.
Un soir de septembre, l'homme illustré rencontre le narrateur, ébloui par les dix-huit scènes mouvantes.
Mais il y a une place vide sur l'omoplate droite de l'homme illustré, une place où précisément, le destin du narrateur est en jeu.
De l'une des scènes de l'homme illustré, Bradbury a tiré une adaptation théâtrale, "La savane", jouée avec succès à Paris et en Amérique.
(Quatrième de couverture de l'édition parue à "Présence du futur" en 1981)
Cet homme était un musée de merveilles vivant. Ce n'était pas l'oeuvre trichrome d'un tatoueur de foire à l'haleine avinée; c'était le chef-d'oeuvre vibrant, limpide et incomparable d'un génie.
- Oh oui, dit l'Homme Illustré. Je suis si fier de mes Illustrations que j'aimerais les effacer en les brûlant. J'ai essayé le papier de verre, l'acide, le couteau...
- Capitaine, quand vous l'aurez trouvé... Si vous le trouvez, que lui demanderez-vous ? (Martin)
- Eh bien... Le Capitaine hésita, et ouvrit les yeux. Ses doigts se crispaient et se relâchaient. Il eut enfin un sourire bizarre. Eh bien, je lui demanderai un peu... de paix et de calme. Il caressa la fusée. ça fait longtemps que je ne me suis pas reposé.
- Avez-vous jamais essayé, tout simplement, capitaine ?
- Je ne comprends pas, dit Hart.
- ça ne fait rien. Au revoir, capitaine.
(Dans "L'homme")
Chronique de Nyx Pathfinder consacrée à "L'arbre d'Halloween" de Ray Bradbury