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Le Livre de Dina tome 0 sur 4

Luce Hinsch (Traducteur)
EAN : 9782910030049
555 pages
Gaïa (20/03/2003)
4.07/5   175 notes
Résumé :
La saga en trois volets du Livre de Dina s'ouvre sur Les Limons vides – suivi de Les vivants aussi et Mon bien-aimé est à moi –, un tableau brossé au vitriol : le destin tragique de Dina. Dina, femme-enfant, enfant sauvage, mi-femme, mi-démon, créature imprévisible et insatiable qui aura fait de sa vie un conte cruel. La mort accidentelle de sa mère, en livrant l'enfant à elle-même et aux plus noirs versa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
4,07

sur 175 notes
L'histoire :
(résumé librement adapté de la quatrième de couverture)

Une région isolée du Nordland, au milieu du dix-neuvième siècle.
Enfant délaissée et mal-aimée, durablement marquée par le décès précoce de sa mère Hjertrud, Dina grandit sur le domaine de Reinsnes, comptoir norvégien qui vit du commerce maritime. Initiée à l'art du violoncelle par son précepteur, M.Lorch, elle devient une jeune femme révoltée et passionnée, nourrie de fantasmes frisant parfois la folie. Mariée toute jeune à Jacob Grønelv, un ami de son père, Dina mène sa vie en toute indépendance et consume son entourage, du personnel de maison aux valets de ferme, des membres de la famille aux voyageurs de passage.


L'opinion de Miss Léo :

J'ai été sélectionnée par Babelio lors de la précédente édition de Masse Critique pour recevoir la nouvelle édition intégrale du roman d'Herbjørg Wassmo, dont les trois parties sont ici regroupés dans un seul et même volume (on se demande d'ailleurs pourquoi celles-ci furent initialement publiées séparément, tant elles forment un ensemble homogène et cohérent). On peut dire que j'ai eu le nez creux en choisissant cet ouvrage, puisque j'ai été totalement enthousiasmée par la lecture de ce pavé envoûtant, que j'ai refermé à regret après quelques heures d'une expérience inoubliable. L'auteur norvégien signe une ample et dépaysante fresque nordique, portée par un personnage principal complexe et attachant.


Dina : un personnage étonnant !

L'originalité de ce roman réside avant tout dans le caractère atypique de la jeune Dina. On est tout de suite ému et intrigué par cette grande femme farouche et indomptable, garçon manqué ébouriffé préférant de loin la compagnie de son violoncelle ou de son Lucifer de cheval noir à celle de ses semblables. La mort accidentelle de sa mère, disparue dans d'atroces souffrances, scelle le destin de la jeune femme, délaissée par son père et mariée très jeune à un ami de ce dernier (le "vieux" Jacob n'est cependant pas un personnage antipathique, et il se montre très respectueux vis à vis de sa jeune épouse). Dina prend son destin en main après la mort salutaire de son conjoint, et mène sa vie comme elle l'entend, au mépris des convenances et des sentiments d'autrui. Elle fume la pipe, s'habille comme un homme, monte à califourchon, délaisse les tâches ménagères, excite le désir des hommes de son entourage, le tout avec un naturel confondant, et sans afficher la moindre trace de regret ou de culpabilité. Son comportement s'apparente dans un premier temps à celui d'un petit animal sauvage, rendu totalement inapte à la vie en société par une éducation trop fragmentaire. L'humanité de Dina transparaît cependant dans son rapport à la musique, que lui a enseignée son ancien précepteur. Violoncelliste et pianiste de talent, la jeune femme trouve refuge dans la pratique de son art, et fait corps avec son instrument, qu'elle considère comme un individu à part entière. C'est selon moi l'un des aspects les plus séduisants de ce personnage plein de contradictions, pouvant tour à tour se montrer attendrissant, ou au contraire franchement repoussant.

"C'est là que les doigts impitoyables de Dina prenaient la relève. La musique était là. Comme une libération. Une fièvre ! Envahissait toute la ferme, jusqu'aux champs. Jusqu'à la grève. Atteignait Tomas sur sa couche dure dans les communs. Apportant joie ou tristesse. Selon l'humeur de l'auditoire." (page 223)

Devenue veuve à dix-huit ans, Dina Grønelv prend en charge les affaires du domaine familial, et gère efficacement la boutique de son défunt mari. A-t-on jamais vu une femme se montrer aussi à l'aise avec les chiffres ?? Son sens du commerce et son obstination, combinés à une intelligence redoutable, ainsi qu'à l'indéniable pouvoir de séduction qu'elle exerce sur la gente masculine, en font une sorte de Scarlett O'Hara norvégienne, les manières sucrées et le côté précieux en moins. Dina mène son petit monde à la baguette, et n'a aucun respect pour les faibles, qu'elle tente toujours de punir à sa manière. Elle se montre cependant capable de sympathie et de bienveillance envers autrui, et parvient même à établir une certaine complicité avec d'autres protagonistes du roman, à condition que ceux-ci fassent preuve d'honnêteté, et (tant qu'à faire) d'une bonne dose de sens pratique. Ses relations avec les hommes sont la plupart du temps teintées de sensualité et d'érotisme exacerbés : Dina joue constamment de son sex-appeal, et provoque désir, jalousie et rancoeur dans le corps coeur des mâles qu'elle côtoie. Autant dire que l'ambiance est parfois explosive dans le domaine de Reinsnes ! La jeune veuve n'est cependant qu'une pauvre fille en manque d'amour, qui masque sa frustration sentimentale par des attitudes parfois volontairement provocatrices. Son mal-être transparaît à chaque page du roman, et l'on ne peut qu'être touché par sa fragilité.

La mort est quant à elle omniprésente dans la vie de la jeune norvégienne, qui doit par ailleurs composer avec quelques fantômes envahissants, reliques d'un passé semé de drames et de tragédies. Dina est un personnage tourmenté, en proie à de nombreux fantasmes et autres hallucinations. Comme disait le mioche dans le film (très surévalué) de M. Night Shyamalan : "I see dead people". On est parfois à la limite du fantastique, Dina ressentant constamment la présence encombrante de sa mère Hjertrud et de son mari Jacob, tout deux décédés, et pourtant prompts à juger le moindre de ses actes. La folie n'est pas loin, et la jeune femme rongée par la culpabilité trouve refuge dans la religion (la Bible est son livre de chevet).

"Il arrivait que Hjertrud apparaisse à l'orée du bois et lui fasse un signe en levant le bras quand elle sortait de l'eau.

Alors Dina s'arrêtait, à moitié enveloppée de sa chemise ou de sa serviette. Elle restait debout. Jusqu'à ce que Hjertrud lui parle, ou bien disparaisse." (page 211)

Un très beau personnage, donc, complexe et attachant, autour duquel s'organise la vie de cette petite communauté du Nordland. Les personnages secondaires sont tout aussi intéressants, bien que moins présents dans le roman. Mention spéciale à ces deux femmes de caractère que sont Stine la Lapone et Mère Karen, toutes deux indispensables au bon fonctionnement du domaine.


Une ambiance nordique comme je les aime !

Les personnages du Livre de Dina évoluent dans un environnement dépaysant à souhait, que l'on prend plaisir à découvrir tout au long des six-cents pages de l'oeuvre. le roman se déroule dans une zone rurale isolée du nord de la Norvège, sur une terre hostile dont les habitants vivent au gré du défilement des saisons, lesquelles vont et viennent avec une déprimante régularité. J'aime beaucoup cette ambiance "soleil de minuit et grands froids lugubres", parfaitement restituée par une Herbjørg Wassmo accordant une large place à la description des paysages. La nature règne en maître, et l'Homme doit s'adapter pour subsister au coeur de ces vastes étendues peuplées de forêts, de cascades et de plaines arides.

On en apprend beaucoup sur les moeurs et le mode de vie des norvégiens au milieu du XIXème siècle. Il est d'ailleurs particulièrement intéressant de découvrir un roman ne se déroulant ni dans l'Angleterre victorienne, ni en France sous le Second Empire, ni dans le Sud des Etats-Unis esclavagistes. Ce changement de point de vue fut pour moi totalement rafraîchissant, et j'ai apprécié tous ces petits détails savamment distillés par l'auteur chapitre après chapitre, qui nous donnent finalement un assez bon aperçu de ce que pouvait être la vie d'une famille d'armateurs norvégiens en 1850.

Les habitants du Norland survivent grâce à la pêche et au commerce. Ils font le plein de poisson (stockfish, morue) et de ressources locales (duvet d'eider, peaux et viande de renne, mûres jaunes), puis embarquent les marchandises à bord de leurs bateaux pour les vendre dans le sud du pays, où ils s'approvisionnent en denrées de base. Les caboteurs ne peuvent circuler qu'en été, et doivent impérativement être rentrés avant que l'hiver ne glace les fjörds, rendant ainsi impossible toute navigation. Herbjørg Wassmo passe en revue différents aspects de la vie locale : habillement, logement (selon la classe sociale), alimentation, chauffage, lessive, loisirs, occupations et éducation des enfants... Nous visitons également quelques grandes villes norvégiennes, lors d'un voyage de Dina à Bergen et Trondheim. La description de la puanteur et de la cohue qui y règnent tranche avec l'isolement de Reinsnes !


"Des odeurs étranges chatouillaient le nez. Même la mer avait une autre odeur ici. Mêlée à la pestilence des pourritures et des caniveaux, à l'odeur de goudron des bateaux et du poisson. Tout ceci composait cette indéfinissable puanteur de la ville." (page 460)

L'aspect historique n'est pas non plus dénué d'intérêt. Une partie du roman se déroule pendant la guerre de Crimée, qui se propage jusque dans la mer Baltique (ce que j'ignorais totalement). le conflit provoque une pénurie de certaines marchandises, et les norvégiens se voient contraints de semer davantage de blé, pour ne plus avoir à compter sur la farine russe.


Et un auteur talentueux en prime !

Le récit, d'abord intimiste et feutré, prend donc de l'ampleur avec le voyage de Dina, et s'ouvre à d'autres aspects de la société norvégienne. L'intrigue reste centrée sur le destin de la jeune femme, mais l'arrière-plan très travaillé offre une indéniable plus-value à un roman dont on ne peut nier la grande qualité littéraire. J'ai aimé le style de l'auteur, très agréable, qui propose une alternance de descriptions terre-à-terre et d'envolées lyriques puissamment évocatrices. Les phrases sont plutôt brèves, et le récit à la troisième personne est entrecoupé de courtes et obnubilantes interventions de Dina. Ces dernières se répètent régulièrement, tel un refrain lancinant, évoquant les hallucinations et les obsessions de la jeune femme le récit est par ailleurs saupoudré de références bibliques, et chaque chapitre s'ouvre sur une citation (j'avoue que je suis un peu larguée dans ce domaine).

J'ai découvert qu'Herbjørg Wassmo avait écrit une suite à son roman (Le Fils de la Providence), centrée sur le personnage de Benjamin, fils unique de Dina. J'espère avoir l'occasion de la lire dans dans un futur proche, et je n'hésiterai pas un instant à me replonger dans cet univers !


Une épopée romanesque flamboyante et dépaysante, portée par un superbe personnage atypique. Coup de coeur !



Merci à Masse critique et aux éditions Gaïa pour l'envoi de cet ouvrage.
Lien : http://leslecturesdeleo.blog..
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Après l’accident qui a causé la mort de sa mère quand elle n’avait que cinq ans, la petite Dina est délaissée par son père et devient un véritable « oiseau sauvage », sans éducation. En grandissant, rien ni personne ne peut lui dicter sa conduite : elle fait ce qu’elle veut quand elle veut. Mais elle a beau être un véritable garçon manqué, elle marque les hommes par sa sensualité, et elle est loin d’être aussi insensible qu’elle le paraît.

C’est une histoire qui, malgré le fait qu’elle soit chronologique, est assez décousue. L’auteure s’attarde très longtemps sur des éléments du quotidien, puis fait des ellipses de plusieurs mois, ne faisant durer les saisons que le temps d’une phrase. Et parfois, elle donne la parole à son protagoniste dans quelques paragraphes en italique. Ce sont les passages les plus étranges et les plus touchants du livre. Dina ne s’exprime que de manière abstraite et imagée, elle est donc assez difficile à comprendre. Pour vous donner une idée, elle parle régulièrement de ses pieds qui s’enracinent dans la terre, de la lourdeur des âmes qu’elle porte, d’un poisson qui nage dans son ventre. Quand on ne connaît pas un peu le personnage, ça ne veut rien dire.
Elle vit dans un monde surnaturel, et c’est la preuve de sa sensibilité, car elle a une âme poétique. Mais elle est aussi un peu morbide, car elle est hantée par les fantômes de « ses » morts .
Je me suis donc longtemps demandée si Dina Grønelv était folle. Je pense qu’elle l’est – dans le sens où elle est atypique et où personne ne peut vraiment la comprendre. Peut-être qu’elle fantasme ces fantômes, qu’ils ne seraient que des projections de son esprit – des hallucinations. Mais un passage dans la première partie me fait douter.

Par moment, le roman lui-même rejoint le point de vue de son héroïne et glisse vers le surnaturel. Pour exemple, cette scène romantique où Dina croise, lors d’un dîner, un jeune homme qui lui plaît. Les deux se font la cour : « Elle rassembla ses deux iris sur sa fourchette et les mit dans sa bouche. Passa sa langue dessus. Doucement. Ils avaient un goût salé. Il ne fallait ni les avaler ni les mâcher. Elle les laissa tranquillement rouler sous son palais avant de les caresser du bout de la langue. Puis elle les rassembla dans un coin de sa bouche, ouvrit les lèvres et les relâcha.
Il mâchait tranquillement et avec un visible plaisir quand ses yeux reprirent leur place. Son visage était haut en couleur. Comme si leur plaisir commun se reflétait sur sa peau. Ses yeux reprenaient leur place. Et clignaient vers elle ! »
J’ai lu ce passage trois fois, chaque fois toujours plus stupéfaite. Normal, hein, moi aussi je bouffe les yeux des jeunes hommes qui me draguent… (À bon entendeur.)
Bon, évidemment, c’est un passage entièrement allégorique. Mais il est coincé entre deux scènes réalistes et nous prend par surprise.

Ce n’est pas pour l’aventure et les rebondissements que vous devez ouvrir ce livre, car l’auteure détaille surtout le quotidien des personnages. Cela aurait pu être très ennuyeux si elle ne se servait pas des événements pour dévoiler une partie de la personnalité de Dina – en particulier quand elle est jeune et que rien ne peut lui faire obstacle. Car petite Dina ne connaît aucune convenance sociale. Le regard des autres l’indiffère au plus haut point, elle est habituée à faire ce qu’elle veut. Elle est même capable des pires extrémités.
Quand elle grandit, c’est différent. C’est au moment de devenir la maîtresse de Reinsnes qu’elle change : elle a des responsabilités, des devoirs, c’est tout un petit monde qui dépend d’elle et de ses décisions. Ça la fait murir, et même si elle continue à fumer la pipe et à monter à cheval en pantalon, elle apprend à vivre en société. Malheureusement.

Les deux premiers livres étaient passionnants et choquants. Le dernier s’enlise. Dina, devenue presque « normale » a perdu de son pétillant et ne m’a plus surprise. Ce n’est que mon avis, évidemment, mais j’ai nettement préféré Les Limons vides, où on apprend dès le début que Dina va tuer son mari, et où le lecteur « mène l’enquête » pour savoir comment, et surtout pourquoi. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la jeune fille est attachée à ce mari plus vieux d’une trentaine d’années. Les Vivants aussi était intéressant car il apporte encore du nouveau, notamment au niveau des personnages.
En revanche, je me suis forcée pour terminer Mon bien-aimé est à moi. Il ne s’y passe rien (comme dans les deux autres, certes, mais ceux-là ont le mérite de nous faire découvrir le personnage principal). J’ai été déçue de voir que l’héroïne s’est « domestiquée ».
Cependant, elle garde toujours un fond assez égoïste. Elle piétine les sentiments de Tomas, un garçon d'écurie qui l’aime depuis l’enfance, se sert de lui pour prendre du plaisir de temps en temps, mais le rabaisse dès qu’il lui en laisse l'occasion. Encore une fois, fait-elle exprès pour l’asservir à sa volonté, ou est-ce son habitude de faire ce qu’elle veut ?
Question sans réponse.
Mais finalement, même l'auteure a un point de vue ironique et presque cruel sur lui, et le décrit comme étant « un chien bien dressé ». Et en effet, il subit les caprices de sa maîtresse sans une plainte, se tuant à la tâche dans l'espoir d'avoir un mot, un geste de remerciement. Un sourire, pourquoi pas. Si Tomas avait été un animal, il aurait effectivement été un chien. Le comportement de Dina envers lui me faisait d'autant plus serrer les dents.

La façon de parler des personnages est… presque désagréable. La traduction a fait le choix de leur faire avaler les voyelles, et on a l’impression que ce sont des paysans qui parlent. Pour Dina, je peux le comprendre (n’ayant pas reçu d’éducation), mais certains autres sont supposés être de la bonne société, et je n’ai pas compris ce choix.

Si j’ai mis seulement trois étoiles à ce livre, c’est uniquement à cause de la fin.
En relisant le passage plusieurs fois, je crois avoir une explication.
Le plus drôle, c’est que cette Dina est une fervente croyante – héritage de sa mère, qui ne lui a laissé qu’une Bible en mourant. À tel point que tous les chapitres commencent avec une citation biblique. C’est totalement contradictoire avec tout ce qui la constitue : les fantômes ne sont pas censés revenir sur Terre, ils vont au Ciel ou en Enfer ; on se doit d’être charitable envers les autres et ne pas les utiliser à ses propres fins ; on doit bien s’occuper de ses enfants et les élever dans la foi catholique, etc., etc.

Inclassable est ce roman. Ce n’est pas une fresque familiale, car on suit un seul personnage tout au long de sa vie. Ce n’est pas un roman d’amour, malgré les nombreuses aventures de la jeune femme. Ce n’est pas non plus un roman fantastique, bien qu’il y ait beaucoup d’événements étranges. Ce n’est toujours pas un roman sur la mort, malgré l’apparition récurrente des fantômes.
C’est le livre de Dina, un point c’est tout.
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La Dina, elle en a des fantômes dans sa vie.
Pays des lutins et des gnomes, le nord de la Norvège au XIXe siècle est mis à l'honneur dans cette magnifique fresque romanesque et féministe de Herbjørg Wassmo.

Très tôt Dina est confrontée avec la mort de sa mère Hjertrud et sa révolte sera telle que son père, le commissaire, devra tenter de la dompter. Comme on dompte un cheval bien sûr. le cheval plie ou il sera vendu. Dina ne cède pas et son père la donnera en mariage à son meilleur ami Jacob. Elle est jeune et lui a l'âge de son père. Elle déménage de Fagernesset vers Reinsnes. Une montagne sépare le père et la fille, ou un si long rivage…

Dina devint « une bonne femme mariée qui grimpait aux arbres, qui se promenait en sous-vêtements à son propre mariage, qui n'avait pas su lire avant l'âge de douze ans et encore rien d'autre que la Bible, et qui montait à cheval à califourchon et sans selle, devait nécessairement porter les fautes des générations antérieures. »

Dina, qui rêve d'indépendance et de liberté, saura bien se tirer d'affaire dans cette société puritaine qui carbure au travail, à la pêche et au changement de saisons. La vie est dure au Nord de Bergen et les femmes sont reléguées aux tâches secondaires. Dina a la chance d'avoir une position enviable qu'elle partage avec les femmes autour d'elle.
À la mort de son mari, la Dina explose!

Elle installe le violoncelle de Lorch entre ses cuisses, elle joue des polonaises et le monde change de couleur continuellement.
Elle cherche l'amour.

« L'amour est une vague faite seulement pour la plage qu'elle rencontre. »

Se présente un russe qui arrive du Nord.

« Ses cheveux sont comme l'eau d'un glacier transformée en fils de soie dans sa route vers la mer. Ils éclaboussent mes yeux. »

Ce livre est plein de poésie malgré la noirceur de cette vie rude et dure. La guerre fait son nid, et la Dina protège les membres de sa famille. Elle ouvre sa maison aux voyageurs de passage et fait commerce. Elle a une alliée laponne, Stine, qui a des rites saisonniers.
« La vannerie, le tissage, le ramassage des plantes médicinales et la teinture des laines. Dans sa chambre, cela sentait l'osier, la laine et une fraîche odeur d'enfant. »
Un sacrée bonne femme cette Dina qui vit pleinement et sans détour. Sa folie n'est jamais loin ce qui me l'a rendue encore plus humaine malgré son imposante stature. J'ai adoré le côté grandiose de cette Norvège que j'ai bien hâte de visiter et le lyrisme de l'écriture. Un immense coup de coeur!

« Le chagrin, c'est les images qu'on ne peut pas voir, mais qu'il faut porter quand même. »
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C'est dans les années 1830, à Reinsnes, ville du cercle polaire norvégien, que vit Dina. Sans le vouloir, quand elle n'avait que cinq ans, elle a tué sa mère. Depuis, enfermée dans le silence, elle porte en elle ce fantôme. Elle grandit presque comme une enfant sauvage, dure et têtue envers tout ceux qui voudraient l'approcher. « Aucune limite n'existait pour Dina. [...] Elle ne craignait le jugement de personne. [...] En un éclair, elle saisissait une situation et agissait en conséquence ! Et [...] elle avait un talent inné pour retourner sur les autres ce qui la frappait elle-même. » Quand elle épouse Jacob Gronelv, tout le monde pense que Dina va enfin s'assagir et devenir plus fréquentable. Mais Dina n'en fait jamais qu'à sa tête. « Il était inconvenant qu'une si jeune femme ne fasse pas ce que l'on attendait d'elle. » Quand elle devient veuve, meurtrière, mère et de nouveau muette, tout ça en presque une seule nuit, il est désormais évident que Dina restera indomptable et indépendante. Avec son cortège de fantômes et son violoncelle dont la musique fait presque trembler les murs de Reisnes, elle est maîtresse de son destin et ne se cache pas d'aimer qui elle veut. Son aura immense fait oublier ses excentricités. « Ce qu'on avait à faire, on le faisait. Sans demander de conseil à personne, tant qu'on pouvait se débrouiller seule. » Partout, on s'étonne que Dina Gronelv vive avec le fils de son mari décédé et ses enfants adoptifs. On ne comprend pas qu'elle ait embauché une Lapone comme nourrice pour son fils. Pourtant, on respecte son sens des affaires, son intelligence des chiffres et sa rigueur. Dina n'est pas une mère conventionnelle pour Benjamin, petit garçon qui grandit dans la soif constante d'un geste de tendresse. L'arrivée de Léo Zjukovskij, beau Russe aux activités obscures, contrebandier autant que poète, ébranle la puissante Dina : peut-elle accepter de laisser son coeur la guider ?

J'ai relu cette trilogie pour découvrir ses suites (Fils de la providence et L'héritage de Karna) et je n'ai pas boudé mon plaisir. J'avais le souvenir d'une héroïne aussi attachante que terrifiante et c'est bien elle que j'ai retrouvée. Dina est un personnage remarquablement construit. Pour parler rapidement, je pourrais dire qu'elle est une femme forte, mais elle est plus complexe que cela. Son sens aigu de la justice n'appartient qu'à elle, mais ses règles font loi dans son univers. « C'était toujours comme ça avec Dina. Elle fonçait comme un requin et frappait par tous les moyens là où l'on s'y attendait le moins. » Dina est capable de l'érotisme le plus sauvage et le plus bouleversant : c'est la preuve de sa sensualité affirmée et sans honte, mais aussi sa façon de lutter contre sa terreur d'être abandonnée. Dina, ceux qu'elle aime, elle les veut auprès d'elle pour toujours.

Je me lance sans attendre dans la duologie consacrée à Benjamin !
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Dans le prologue, le livre s'ouvre sur la mort, apparemment accidentelle, de Jacob Gronlev sur une route d'hiver verglacée. le traineau conduit par sa jeune épouse est tombé dans un ravin alors qu'ils étaient en route pour consulter un médecin. L'action se déroule au milieu du XIXème siècle dans le Nord de la Norvège. D'emblée, le lecteur est plongé au coeur d'un environnement rude et d'une atmosphère étrange qui se confirme bientôt par le comportement de la jeune femme lors des obsèques de son mari.
Dans l'épilogue, la même femme, Dina Gronlev, désormais veuve, est à nouveau seule dans une nature austère avec son amant, un homme venu de Russie qui passe par là de temps en temps. Elle est armée car ils partent chasser un ours repéré dans la région. Ils sont suivis par un jeune garçon, le fils de Dina, qui les observe furtivement et qui soudain pousse un cri aigu. le lecteur comprend alors qu'il s'est passé quelque chose d'anormal.
Le roman proprement-dit se déroule entre ces deux moments séparés entre eux par une dizaine d'années. La talentueuse Herbjorg Wassmo dresse ici le portrait contrasté de Dina, la propriétaire du domaine de Reinsnes, un comptoir commercial florissant situé sur les côtes septentrionales de la Norvège. Une femme marquée dès l'enfance par la mort accidentelle de sa mère et habitée par son fantôme. Une femme fantasque, effrontée, obstinée, provoquante, sensuelle, imprévisible, redoutable en affaires, mais qui sait aussi accueillir l'étranger dans son foyer cossu, et qui sait jouer merveilleusement bien du violoncelle. Une femme qui maintient difficilement un équilibre intérieur instable entre les forces du bien et celles du mal. C'est peut-être pour cela qu'elle est attachante, malgré tout.
Autour de cette héroïne, gravite un panel foisonnant de personnages que l'écriture charnue de l'auteure restitue avec un sens aigu du détail. Elle captive aussi le lecteur par la précision du connaisseur lorsqu'elle décrit les paysages maritimes tourmentés du Nord de la Scandinavie, un environnement qui résonne étrangement avec l'histoire elle-même racontée dans ce roman.
Un beau livre, qui donne envie de lire la suite du "cycle de Dina".
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
C’était au milieu de la journée. Le cheval et la femme, après avoir descendu le flanc raide de la montagne, étaient arrivés à une grande ferme. Une large allée de sorbiers allait de la grande maison de maître blanche jusqu’aux hangars peints en rouge. Deux de chaque côté jusqu’au débarcadère empierré.

Les arbres étaient déjà nus, portant des baies rouge sang. Les champs étaient jaunes, parsemés de flaques de neige et de glace. Le ciel se découvrit tout à coup. Mais il n’y avait toujours pas de soleil.

Celui qu’on appelait Thomas sortit de l’écurie au moment où le cheval et sa cavalière faisaient leur entrée dans la cour. Il resta planté comme un piquet à la vue des limons vides et de la femme échevelée aux vêtements ensanglantés.
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À Reinsnes, les femmes étaient semblables aux bateaux. Amarrées au même rivage. Mais suivant d’autres destinations quand le vent soufflait. Avec des chargements différents. Tenant la mer d’une autre manière.
Mais tandis que les bateaux avaient un capitaine, les femmes hissaient elles-mêmes la voile selon le vent. Apparemment n’en faisant qu’à leur tête et jouissant chacune d’une autorité particulière.
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Ils devaient dormir dans la salle dans le grand lit à baldaquin. Tout était prêt et coquettement arrangé. Les draps à entre-deux avaient été blanchis sur la neige en avril. Lessivés, rincés et étendus sur les fils en mai. Repassés et pliés avec des sachets de pétales de roses, et rangés dans la grande armoire à linge sur le palier du grenier en attendant la mariée.
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« Savoir jouer les notes ne veut pas dire qu’on a le pouvoir d’émouvoir. La musique a une âme, comme les gens. Il faut aussi la faire entendre… »
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Il aimait à dire qu’il fallait aller au devant des gens dans le Norland comme on allait au-devant des saisons. Si on ne les supportait pas, mieux valait ne pas sortir un bout de temps, et rassembler ses forces.
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Vidéo de Herbjørg Wassmo

MP 2014-09-16-824-003048BDD2D9.mp4
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