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Christine Le Boeuf (Traducteur)
EAN : 9782742755400
Actes Sud (04/05/2005)
4.05/5   1087 notes
Résumé :

LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS

Au milieu des années 1970, à New York, deux couples d’artistes ont partagé les rêves de liberté de l’époque, ils ont fait de l’art et de la création le ciment d’une amitié qu’ils voulaient éternelle et, quand ils ont fondé leur famille, se sont installés dans des appartements voisins. Rien n’a pu les préparer aux coups du destin qui vont les frapper et infléchir radicalement le cours de leurs vies… Siri Hustvedt co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (99) Voir plus Ajouter une critique
4,05

sur 1087 notes
Deux couples, Léo (le narrateur) et Erica d'un côté, Bill et Violet de l'autre vivent une amitié sans nuages, mais plusieurs évènements dramatiques viennent bouleverser leurs existences.
Siri Hustvedt nous offre une plongée dans le New York artistique et intellectuel dans les années soixante dix.
L'amitié, le désir, le deuil, le mensonge, la maladie, l'addiction mais aussi l'art contemporain et ces dérives. Il faut accepter de se perdre dans cette histoire tant l'écriture est dense, exigeante. D‘une grande sensibilité aussi.
Mais « Tout ce que j'aimais » est aussi un roman extrêmement pessimiste. Siri Hustvedt offre une réflexion sur le temps qui passe inévitablement douloureux. Elle le fait avec un talent et une finesse psychologique remarquables. Une belle découverte même si son livre m'a donné le blues. Préparez vos mouchoirs.

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"Étrange, la façon dont la vie fonctionne, dont elle change de forme et de cap, dont une chose en devient une autre "
Cette citation extraite du roman de Siri Hustvedt : Tout ce que j'aimais est la phrase qui me paraît contenir le plus précisément l'essence de ce récit.Elle aborde ce qui a été, ce qui fut d'une manière on ne peut plus juste, à mon sens.
Je n'avais jamais lu de romans de Siri Hustvedt, je savais juste qu'elle était la deuxième femme de Paul Auster et qu'elle écrivait aussi.
J'ai trouvé une résonnance extraordinaire , un lien indéfectible entre ces deux écrivains. Leur écriture se complète, une interférence choisie, des mots qui portent une nostalgie, une intelligence sensible qui me les rend encore plus cher à lire.
Siri Hustvedt aborde dans ce roman, de nombreux thèmes passionnants à travers la filiation, l'amour, l'art , la folie, la duplicité qui nous font parcourir ces quelques cinq cent pages comme une météorite.Son écriture empreinte de douceur, de nostalgie à travers le personnage central: Léo, l'historien d'art, celui qui nous raconte, celui qui nous délivre l'histoire de ces deux couples et celle d'une femme: Lucile.
J'ai été captivée de bout en bout par l'évocation de ce New York du milieu des années 70, bouleversée par le drame total et effroyable de la perte d'un enfant et la vie brisée de ces deux parents.
L'incommunicabilité, le désarroi de parents face à un enfant : Mark dont personne n'arrive à comprendre cette personnalité qui se dédouble et meurtri son entourage.
L'écriture de ce récit prend parfois la tournure d'un bon polar et permet d'insuffler un nouveau souffle au récit.

J'ai été littéralement fascinée par ce récit, par ces échos qui résonnent forcément un peu en chacun de nous, par cette écriture teintée de mélancolie amoureuse, d'amour filial intense.


Si vous ne connaissez pas Siri Hustvedt, alors, il est temps de sauter le pas avec cet excellent : Tout ce que j'aimais.
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— de ce qu'on aime, faire le plein —

Je ne sais pas bien que penser de ce roman qui ne me laisse pourtant pas indifférent. Au contraire — et peut-être aussi pour cette indécision — il m'a beaucoup plu et me restera. J'y repenserai, et c'est ce que j'attends d'une lecture : qu'elle continue de m'accompagner.

Pourtant ce n'était pas gagné. Ça commence plaisamment, en terrain connu, trop connu, avec deux couples d'intellos new-yorkais et l'arrière-plan familial de la Shoah. Bill est plasticien, Leo historien de l'art, Erica universitaire et Lucille poète. Ça vole haut. Dans le métro, Leo réfléchit à L'histoire naturelle de Pline. Lecteur, je me sens plutôt appartenir aux silhouettes des autres usagers : « … leurs corps serrés contre le mien, leur tabac, leur sueur et leurs parfums écoeurants. »

Pénétrerai-je cet univers fictionnel ? Y-ai-je ma place ? En ai-je envie ?
Cette impression de déjà-lu, ces figures admirables inscrites dans une temporalité de faible importance (les années 70 à 90)…
Il y a bien quelque chose a priori nouveau : une voix féminine. Cependant l'auteure s'est choisie un personnage et une voix masculine (Leo) pour narrateur. Ceci-dit, l'ami Bill est un peintre dont l'autoportrait représente une femme. Et sa Némésis (Giles) est un drôle d'oiseau aux multiples personnages et incarnations. Il y a aussi les amis imaginaires de Matt, etc.

Bref, pas si simple.

La lecture est facile. Siri Hustvedt déroule son intrigue réaliste dans un style sobre, sans esbroufe. Les pages s'enchaînent avec une plaisante efficacité, avant que deux coups d'éclat modifient radicalement le cours et les équilibres du récit. le premier lance réellement le roman, feuilleton psychologique dérangé par l'incompréhensible avec lequel la vie doit pourtant s'arranger.

Le terme feuilleton peut sembler péjoratif, mais il y a pourtant de ça : on est pris. le terme est en revanche limitatif. Beaucoup de signaux s'allument pour m'alerter de significations cachées. Des thèmes en rapport avec le corps, l'identité : hystérie, troubles alimentaires, troubles de la relation, psychopathie...
C'est un suspens particulier : où l'auteure veut-elle me mener? (question sans fin, en l'occurrence, puisque le livre que j'apprécie continue à me travailler.)

L'axe est donné par le personnage de Bill, mais qui est finalement en retrait ou carrément absent… C'est une histoire à deux qui doit être une histoire à trois commande aussi le fantasme de Leo. Quelque chose circulerait entre les corps, prétend Violet (une identité dans le mélange), mais rien du roman n'étaie cette idée, au contraire.

« J'ai décidé que mélange est un mot clé […] Il explique ce dont on parle rarement, parce que nous nous définissons comme des corps isolés. »

Des personnages qui, hormis le narrateur (et encore), restent dans le roman des esquisses, comme impossibles à réellement approcher, par une sorte d'imperméabilité des uns aux autres, toute représentation demeurant une question de point de vue.

« Lorsque nous regardons des gens et des objets, nous sommes absents de notre tableau. […] Et pourtant, le recul non plus ne garantit pas l'exactitude, même s'il la favorise parfois. Avec le temps, Bill était devenu pour moi une référence mouvante, quelqu'un que je n'avais jamais perdu de vue. En même temps, il m'avait souvent échappé. Parce que je savais tant de choses sur lui, parce que j'avais été si proche de lui, je ne parvenais pas à rassembler les différents fragments de mon expérience avec lui en une seule image cohérente. »

De quoi sont faits nos liens ? Supercherie, mensonges d'un côté. de l'autre, un tiers en commun, une histoire, la présence de l'absence, l'idée de disparition...

« … l'oeuvre de Bill en particulier constituait une enquête sur l'insuffisance des surfaces symboliques — les formules explicatives qui restent en deçà de la réalité. »

Cet insaisissable, indiscernable, est paradoxalement (en apparence) le propre de l'humain, au contraire des façades destinées à complaire qui n'ont pas d'intérieur et se soustraient au pouvoir empathique de la narration. Une anti-relation symbolisée par une certaine forme d'art contemporain que stipendie le narrateur dont le regard éduqué par le classicisme est à la recherche d'un rapport « authentique » (les guillemets sont de moi.

« C'est le frisson qui compte — pas l'objet. C'est sans fin. Si vous voulez un nouveau frisson, vous allez le chercher. Vous amenez vos dollars et vous achetez de nouveau. » (Giles)

La matérialité de Bill s'oppose à ce frisson cynique de l'art contemporain :

« Cet homme était lourd de vie. Si souvent, c'est la légèreté que nous admirons. Ces gens qui paraissent sans poids, sans fardeau, qui voltigent au lieu de marcher, nous attirent comme un défi à la gravité ordinaire. Leur insouciance singe le bonheur, mais il n'y avait rien de tel chez Bill. »

L'authenticité est toutefois elle-même une vue de l'esprit.

« … je regardai les arbres couverts de feuilles de l'autre côté de la rue, et j'éprouvai une sensation d'ineffable étrangeté. Être vivant est inexplicable, pensai-je. La conscience elle-même est inexplicable. Il n'y a rien d'ordinaire en ce monde. »

Une vue de l'esprit, peut-être un leurre, et tout simplement une hypothèse. La réalité tient à des élaborations posées par nous, entre nous, comme des hypothèses ouvertes à interprétations : des relations incertaines, des oeuvres à déchiffrer, des narrations dont on tire le fil à partir d'un point de vue (Dédale ou Icare par exemple). Dans tous les cas : des histoires à partager.

« L'écriture est un moyen de remonter la piste de ma faim, et la faim n'est pas autre chose qu'un vide. »

Des histoires qui peuvent tenir, en morceaux dans un tiroir, à quelques objets et deux ou trois photos et dessins, que Leo apparie, assemble, sème comme des miettes de pain sur la piste pour retrouver un chemin que les oiseaux voraces auront peut-être effacé au matin...

« De la fiction et rien d'autre. Mais c'est là que nous vivons tous, pensai-je, dans les récits imaginaires que nous nous faisons de nos vies. »
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Au soir de sa vie, Leo Hertzberg égrène ses souvenirs. Toutes les choses, toutes les personnes qu'il aimait, ont peu à peu disparu au fil des années. Les yeux de Leo sont fatigués, sa vision se réduit de plus en plus. Ultime vacherie de la vie, pour lui qui était professeur d'histoire de l'art.
Bien des années plus tôt, Leo et Erica se sont liés d'amitié avec un autre jeune couple, Bill et Lucille. Bill est peintre et plasticien, artiste encore inconnu. Les deux couples évoluent en parallèle, au point qu'Erica et Lucille accouchent presque en même temps. Les deux petits garçons, Matt et Mark, grandiront ensemble. L'harmonie entre les deux familles est parfaite, jusqu'au jour où Matt meurt accidentellement. Les coeurs se brisent, les couples se délitent, le comportement de Mark devient étrange.
Raconté comme ça, on pourrait croire que ce roman est une énième chronique nombriliste de la vie brisée de deux couples issus du milieu intello-artistico-bohème new-yorkais. C'est bien plus que cela. C'est peut-être même beaucoup trop pour 450 pages denses, tellement bien écrites, mais parfois étouffantes. Descriptions détaillées d'oeuvres d'art, réflexions sur le sens de l'art contemporain, recherches sur l'hystérie clinique des femmes au 19ème siècle, études de cas de désordres alimentaires, considérations sur l'identité, l'amour, la filiation, le temps qui passe, analyses en profondeur de la psychologie des personnages, avec, pour créer un peu de suspense et réveiller le lecteur, une enquête autour de Mark, menteur pathologique et psychopathe, aux faits et gestes plus que louches…
Malgré quelques pages magnifiques sur la douleur de la perte, et malgré une écriture intelligente et irréprochable, j'ai dû m'accrocher pour arriver au bout du livre. J'ai souvent eu l'impression d'avoir dans les mains plusieurs petits essais reliés entre eux par l'intrigue autour de Mark, plutôt qu'un roman. A vouloir embrasser trop de thèmes, « Tout ce que j'aimais » m'a mal étreinte. Dommage pour moi…
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Tout ce que j'aimais aura une place à part dans mon chemin de lectrice, celle que prennent ces livres qui ne vous quittent jamais vraiment. Merci à Quarto et à sa critique de m'avoir donné l'envie de le découvrir.

On rentre dans ce roman comme dans un rêve. Pas de ceux qui vous bercent de jolies histoires mais des rêves dont la logique vous astreint à évoluer selon une distorsion assez légère pour paraître anodine et tellement profonde qu'elle change tous vos liens à la réalité.

Je présente dès à présent mes excuses à ceux qui n'auront pas lu Tout ce que j'aimais car j'ai moins l'intention de les inciter à découvrir ce roman – ce qu'ils devraient faire, indéniablement, pourtant - que de réfléchir aux lieux nouveaux et pourtant familiers qu'il m'a fait arpenter.

Les fondements romanesques sont on ne peut plus conventionnels : dans les années 70, le narrateur Léo, professeur et critique d'art, récemment en couple avec Erica, découvre un jeune artiste, Billy, qu'il contribue à faire connaître un peu et qui devient, avec sa première (Lucille) puis sa seconde épouse (Violet), un ami très cher. La côte de l'artiste croit à mesure que les années passent. Quatre personnes, cinq avec l'ex-épouse, deux garçons (Matt et Mark) nés à quelques semaines d'intervalle. Deux appartements à deux étages d'un même immeuble dans un New-York bruissant de talents et d'argent. Des parents juifs, rescapés avant l'heure de la Shoa, au contraire de tout le reste de la famille, pour Léo, comme pour parfaire le pedigree impeccable d'une telle histoire. En terrain connu, j'énumère le contenu de ma boîte à outils personnelle et m'apprête à arpenter des chemins déjà parcourus dans bien d'autres livres. le plaisir nostalgique de ce qu'on n'a pas vécu mais qui nous est devenu familier.

Que l'autrice soit une femme et le narrateur un homme m'a interrogée sur le plan théorique au début. Moins ensuite. Et puis tout de même. J'y ai cru tout le temps, que c'était la voix d'un homme. J'ai aimé y croire. D'autant que ce narrateur a pour ami un peintre, Billy donc, dont les premières toiles qui auront rencontré le succès peignent Violet tour à tour grasse et maladivement maigre (avec une toute petite voiture entre ses mains) pour intituler ces toiles « autoportraits ». Juste une ombre, que le spectateur peut prendre pour la sienne jusqu'à ce qu'il voie qu'elle appartient au tableau, pose la question de celui qui regarde, du caractère réfléchissant peut-être de la toile. A moins qu'anima soit une femme, y compris pour les beaux peintres virils qui se nomment Billy et à qui cela ne semble pas faire peur. Ah, pénétrer dans le rassurant d'un inattendu qui parle tant et permettra d'appréhender de nouvelles définitions de soi, de l'altérité !

Léo raconte son histoire alors qu'elle a quasi tout du révolu. Les années ont passé, mille et une choses sont advenues que je ne vous raconterai pas. C'est un vieillard atteint de dégénérescence maculaire qui écrit. Qui en a trop vu. C'est facile et c'est indubitable. Un critique d'art qui ne voit plus.

Il y a plusieurs choses qui m'ont frappée. La première est que l'on se trouve au coeur du roman à quelque moment qu'on soit. A ses débuts, dans la construction amoureuse de chacun des deux couples, l'édification amicale de chacune des combinaisons qui peut associer deux hommes et trois femmes. On y est, juste là. Les vacances à la campagne, les enfants encore petits, leurs mots ou gestes qui semblent contenir tout ce qu'ils sont, l'absolu des préoccupations de leurs parents respectifs. A ce moment là de notre lecture, l'essentiel est sous nos yeux.

Et pourtant, il reste trois cents pages. Et ce qui se passe ensuite semble encore majeur. A chaque fois. Parce que ça l'est. Ce n'est pas un roman dont chaque mot est destiné à vous emmener quelque part sans qu'il ait compté auparavant pour ce qu'il est.

Il n'y a que trois parties dans Tout ce que j'aimais. Les limites qui caractérisent leur seuil sont indéniables. On ne s'y attend pas. Et c'est là. La définition des personnages qui semblaient donnée d'emblée se reconfigure à chaque fois. Et pourtant, ce sont toujours exactement eux, tels qu'ils étaient et tellement autres en même temps.

Ce que je veux dire, c'est que la narration ne conduit pas à une notion d'évolution vers une forme de vérité. Pourtant Léo, qui nous raconte l'histoire, la connait et sait ce qui va advenir. Il aura fait quelques annonces anticipatrices évidemment obscures au moment où on les aura lues. Mais rien de ce qui adviendra n'invalidera l'énergie à être ce qui aura précédé.

A chaque instant de cette histoire, les personnages m'auront fait l'effet d'une densité pleine, d'une résolution à être eux-mêmes qui ne participaient même pas d'une volonté. Il n'y a pas de place aux doutes, aux atermoiements métaphysiques ou aux tergiversations sentimentales : Violet, Lucille, Léo, Billy, Erica, Matt sont tous ce qu'ils sont. Des bosseurs convaincus du sens de ce qu'ils produisent. Des aimants à leur affaire. Pour Mark, évidemment, c'est beaucoup moins évident et ce sera la question de toute une partie du roman. Mais pour les autres, le problème n'est pas l'actualisation problématique d'une volonté à être dans le cours de l'existence. Pas plus que la définition de leur identité ou de leur place sur terre. Ils savent être ce qu'ils sont.

Les problèmes vont venir d'ailleurs. de l'extérieur pourrait-on dire. Sauf que, bien sûr, ce n'est pas réductible qu'à cela. Mark en sera la preuve réitérée même si c'est cruellement lui retirer le droit à être ce qu'il est que d'en faire un seul symptôme illustratif. Rétrospectivement, on se dira que quelque chose du passé aura joué. Dans une combinaison qui cherche pourtant à être rationnelle, au moins intelligente et sensée, mais peut-on tout réduire à la raison ? Lorsque Léo agence les petits objets qu'il collectionne dans un tiroir, souvenirs allégoriques des personnes et des événements chers à son existence, à son passé, il ne se risque pas en dehors des liens rationnels, à peu près logiques. Agenceur au bord du gouffre, le péril d'un imaginaire débordant guette sa raison. Mais qui raconterait quoi alors ?

Il s'agit de dénuement. de ce qu'il reste quand tout vous a été pris. Si tant est que vous ayez eu quelque chose. Si tant est que quoi que ce soit vous ait défini en dehors de l'histoire dont vous venez et du sort qui s'abat. Et, pour cet aspect des choses, c'est Léo le coeur du roman. Qui restera néanmoins égal à lui-même, quoi qu'il arrive. Coûte que coûte. Emacié mais constant.

Pour le reste, il s'agira d'une réflexion appliquée sur le manque, ce que c'est que d'être aimé, l'attachement, l'isolement dans lequel on se trouve quand le reste de votre monde tourne visiblement sans vous. Sur ce que c'est que le vrai, bien sûr. La représentation picturale et interpersonnelle, les attentes des autres et ce qu'ils font de vous. La manière dont on fait trace, empreinte, dont les sentiments existent indépendamment de ce que l'on en veut. Dont leur enracinement peut s'expliquer, dans un après-coup qui ne résout rien, tant dans l'histoire que dans une théorisation psychosociale. Les personnages de Tout ce que j'aimais sont des chercheurs, des théoriciens, plasticiens ou intello. Il ne s'agit pas d'être traversé sans chercher à exprimer ou élucider. Ca n'explique rien mais peut-être que ça cadre. Et quand il ne reste que cela, n'est-ce pas déjà beaucoup, ne serait-ce que pour ne pas déborder ?

C'est un roman qui ne se réduit pas. J'en parle parque cela me plait de l'évoquer, de rester avec lui encore un peu. Mais je n'ai pas l'impression qu'on puisse en faire le tour, qu'il puisse être craqué de quelques clés.

« Talismans, icônes, incantations, ces fragments sont mes frêles boucliers de sens. le jeu doit rester rationnel. Je m'oblige à concevoir un argument cohérent pour chaque association mais, fondamentalement, le jeu est magique. J'en suis le nécromancien qui appelle les esprits des morts, les disparus et l'imaginaire. »
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Citations et extraits (108) Voir plus Ajouter une citation
Une histoire que nous racontons sur nous-mêmes ne peut-être que racontée au passé.Elle se déroule à l'envers à partir du lieu où nous nous trouvons, non plus acteurs mais spectateurs qui ont choisi de parler .Notre trace est parfois marquée de cailloux, comme ceux que Hansel et Gretel avaient d'abord semés derrière ce eux.D'autres fois, la piste a disparu car les oiseaux sont venus manger toutes les miettes au lever du soleil...
L'écriture est un moyen de remonter la piste de ma faim, et la faim n'est pas autre chose qu'un vide
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Nous fabriquons des histoires, après tout, à partir des matériaux sensoriels fugaces qui nous bombardent à chaque instant, suite fragmentée d'images, de conversations, d'odeurs et le contact des objets et des gens. Nous en effaçons la plus grande partie afin de vivre dans un semblant d'ordre et ce remaniement de la mémoire se poursuit jusqu'à notre mort.
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Dans une autre salle de travail, une femme hurlait et gémissait à pleins poumons, ne s'arrêtant que pour jurer en espagnol et en anglais. Elle devait avoir, elle aussi, son "entraîneur" à ses côtés car, après quelques secondes d'un silence surprenant, nous l'entendîmes crier : "Va te faire foutre, Johnny ! Va te faire foutre avec tes putains de respirations ! Tu respires, toi, merde ! Moi je crève !"
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Nous étions tous deux, Erica et moi, les enfants d'exilés venus d'un monde disparu.Nos parents étaient des bourgeois juifs assimilés pour qui le judaïsme était une religion qu'avaient pratiquée leurs grands- parents. Avant 1933, ils s'étaient considérés comme des " Allemands juifs ", expression qui n'existe plus dans aucune langue.
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Quand je me détournai de la fenêtre pour regarder Violet, elle était si pâle que sa peau paraissait transparente, et je remarquai une rougeur sur son cou. Sous ses yeux baissés, il y avait de vagues ombres mauves. Je savais ce que je voyais : un chagrin sec, un chagrin devenu ancien et familier. Il pénètre les os et c'est là qu'il vit, car il n'a pas besoin de chair, et au bout de quelque temps on a l'impression de n'être plus que des os, durs et desséchés, tel un squelette dans une salle de classe.
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Dans ce nouvel épisode des Éclaireurs de Dialogues, nous vous proposons une plongée dans l'univers de Diglee.
"Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme. Elles ont été seulement vécues." Cette phrase d'Annie Ernaux, présentée en exergue de son livre le Jeune Homme, résonne pour notre invitée, qui pratique elle aussi une écriture de l'intime.
Artiste aux multiples talents, Diglee s'exprime par le dessin et les mots, par l'humour et le sérieux, et ne cesse de nous surprendre de livre en livre. Elle est aussi une autrice engagée et une passeuse de livres. Au fil de la conversation, il est question notamment de l'importance des traces, de harcèlement de rue, de poétesses oubliées et d'une retraite en Bretagne. Et trois libraires de Dialogues, Nolwenn, Laure et Marine, présentent chacune un livre de Diglee qui les a marquées.
Bibliographie :
- Atteindre l'aube, de Diglee (éd. La ville brûle) https://www.librairiedialogues.fr/livre/22262120-atteindre-l-aube-diglee-la-ville-brule
- Ressac, de Diglee (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20654146-ressac-diglee-points
- Je serai le feu, de Diglee (éd. La ville brûle) https://www.librairiedialogues.fr/livre/19776423-je-serai-le-feu-diglee-la-ville-brule
- Libres ! Manifeste pour s'affranchir des diktats sexuels, d'Ovidie et Diglee (éd. Delcourt) https://www.librairiedialogues.fr/livre/11420971-libres-manifeste-pour-s-affranchir-des-dikt--diglee-delcourt
- le Jeune Homme, d'Annie Ernaux (éd. Gallimard) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20614397-le-jeune-homme-annie-ernaux-gallimard
- Se perdre, d'Annie Ernaux (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/586873-se-perdre-annie-ernaux-folio
- L'occupation, d'Annie Ernaux (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/161352-l-occupation-annie-ernaux-folio
- La Force des choses, de Simone de Beauvoir (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16283-la-force-des-choses-simone-de-beauvoir-folio
- Les Grands Cerfs, de Claudie Hunzinger (éd. J'ai lu) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16878883-les-grands-cerfs-roman-claudie-hunzinger-j-ai-lu
- Mon corps de ferme, d'Aurélie Olivier (éd. du commun) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21689916-mon-corps-de-ferme-aurelie-olivier-ed-du-commun-rennes
- Ligne de fuite, de Sarah Baume (éd. Notabilia) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21661963-ligne-de-fuite-sara-baume-les-editions-noir-sur-blanc
Au cours de la conversation sont aussi citées plusieurs autres autrices : Virginia Woolf, Siri Hustvedt, Marie Darrieussecq, Édith Boissonnas, Benoîte Groult.
Et l'émission que Diglee écoute tous les soirs depuis ses 13 ans est Parlons-nous, de Caroline Dublanche, sur RTL !
+ Lire la suite
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