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EAN : 9782848052830
358 pages
Sabine Wespieser (05/04/2018)
3.42/5   54 notes
Résumé :
Dans le décor faussement idyllique de la campagne irlandaise, la jeune Mary cache un abominable secret.
Alors qu'autour d'elle, sa mère, une voisine, un professeur se doutent de son calvaire mais préfèrent se taire, l'adolescente plonge dans une non-vie et cherche à mourir. Jusqu'au jour où, le pire s'étant produit, la communauté catholique, la justice, puis l'Irlande tout entière s'emparent de son cas et où, peu à peu, le voile se lève sur l'insoutenable vér... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle critique acerbe de la société irlandaise des années 80-90!
Edna O'Brien, écrivain irlandaise notamment connue et critiquée dans son pays pour ses convictions féministes, dépeint dans ce roman de 1997 le désarroi d'une jeune fille de 14 ans, originaire de l'Irlande rurale, qui se retrouve enceinte, dans ce pays où l'avortement est illégal (la loi a maintenant été "assouplie").
Mary, un jour, est violée par son père; à cet instant-même, elle sait qu'elle a toujours su que ça arriverait, peut-être même est-ce arrivé avant.
Ces viols se font répétitifs, et Mary décide d'aller au couvent, prétexte pour échapper à ses parents. Sa mère meurt peu après, et contre son gré, elle accepte de retourner auprès de son père, jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte.
Mary est ainsi: une jeune fille calme, affectueuse, mais dotée d'une forte volonté. Elle refuse ce bébé, s'enfuit, parvient à aller à Londres pour se faire avorter, mais... je ne dévoilerai pas la suite.
Edna O'Brien y dépeint l'emprise des hommes - hommes de loi, chefs de famille -, mais aussi de la société sur la vie personnelle et sexuelle des femmes. En 1990, Mary, mineure, n'est pas libre de son corps, et se retrouve entre les mains de ces adultes, hommes et femmes, qui sous prétexte de vouloir son bien ou sous couvert de religion, décident de son sort.
Bien sûr, des voix s'élèvent contre la condamnation dont elle est menacée, suite à sa tentative d'avortement, mais se heurtent à ceux, majoritaires, qui ne veulent pas briser l'harmonie de leur village, ni tacher leur pays.
Le roman se découpe en chapitres dont les personnages sont ceux gravitant autour de Mary de près ou de loin. Par ce procédé, la jeune fille semble ne pas être maître de ses choix et de son destin. Certains personnages sont détestables, comme Roisin, impitoyable opposante à l'avortement et chef de troupe; le père quant à lui peut s'avérer autant cruel et grossier que désespéré et même doux, envers ses juments; enfin, Luke, le jeune musicien que Mary rencontre à Galway, est comme elle pur, innocent et victime de cette société bien-pensante que l'auteur critique froidement.
Ce roman est inspiré d'un fait divers datant de 1992; malheureusement, ces dernières années, des scandales ont à nouveau éclaté en Irlande à propos d'avortements refusés à des femmes victimes de viols ou dont la vie était menacée par une grossesse à risque.
Une lecture forte et bouleversante.
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On ne s'imagine pas quand on est une femme française de la chance qu'on a, surtout après la loi de Simone Veil. Mary n'a pas cette chance là. Violée quotidiennement par son père, Mary n'a pas de vie. On ne comprend pas trop le rôle de la mère la dedans, d'ailleurs elle meurt et en lisant le chapitre concernant sa mort je me demandais si ce n'était pas une facilité d'une femme lâche et impuissante devant l'horreur. Mary se retrouve seule à vivre avec son violeur et multiplie les fugues en vain. Jusqu'au jour où elle se retrouve enceinte. Une femme tente de l'aider mais des voisines l'apprennent et les dénoncent elles sont arrêtées toutes les deux alors qu'elles tentaient l'avortement. Nous sommes dans l'Irlande des années 80 où l'église règne en maître et s'oppose à l'avortement quel qu'il soit. Mary est mise sous tutelle et dépossédée de son corps. Il faut que cet enfant naisse à tout prix ! Mary a 14 ans…. Et ne dénoncera jamais son père. Elle préfère les tentatives de suicide dès qu'elle peut échapper à ses geôliers. Des hommes de loi s'intéressent à son cas, devinent le calvaire et vont l'aider. Je n'en raconterai pas plus, l'épilogue est intéressant et surprenant. La féministe et mère que je suis s'est révoltée contre ce fait divers. La lecture de cette histoire est difficile pour bien des raisons y compris le style de l'auteur qui a voulu être impartial.


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Quelle surprise que ce livre soit si peu critiqué et lu.

Une histoire bouleversante inspirée d'un fait divers datant de 1992.
Une dénonciation des moeurs alors en vogue dans l'Irlande rurale des années 80/90.

Mary est une jeune adolescente qui subit les viols répétés de son père souvent alcoolisé.
Pour échapper à ce traumatisme, elle se réfugie dans un couvent.
Mais lors du décès de sa mère, Mary est contrainte de rester vivre avec son père qui reprend ses habitudes, au grand désarroi de Mary.
Suite à ces rapports incestueux, Mary est enceinte. Avec l'aide d'une comtesse, elle se rend en Angleterre afin de se faire avorter. Mais c'était sans compter sur la rumeur qui les a rattrapées.
Sous la menace de mettre au jour de lourds secrets, la comtesse renonce à apporter l'aide nécessaire à Mary. A la veille de l'opération prévue, les deux femmes doivent quitter l'hôpital spécialisé dans les avortements.
Mary rentre au village et devient la risée des habitants. La rumeur s'est répandue et chacun y va de son avis.
Mary n'ayant pas 15 ans, les gendarmes sont impliqués dans l'affaire.
Le religion interdisant l'avortement, tout le monde lui conseille (et par là même, l'oblige) de garder le bébé.
Comme souvent dans ces cas, Mary restera silencieuse et taira le nom de son père. Elle souffrira en silence, jusqu'à vouloir se donner la mort à plusieurs reprises.

Le livre est divisé en courts chapitres, dans un style particulier et parfois déroutant. Une écriture poignante, parfois suggestive, sur un sujet douloureux. Je conseille.
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Je complèterais la présentation de l'éditeur, comme l'ont fait les autres critiques, en précisant que les thématiques principales de cette oeuvre sont l'inceste et le droit à l'avortement, sujets complexes et épineux s'il en est.
L'écriture d'Edna O'Brien, pour beaucoup tout en allusions, fait transpirer le malaise associé à ces thèmes. Les descriptions de paysages ne se contentent pas de planter le décor champêtre irlandais, elles préfigurent ou illustrent les situations et les personnages.
Par exemple la première partie de la première phrase du roman en est en fait un résumé : "Devant eux, la route décrit une longue ondulation entrelacée de boue, de goudron rapetassé et de fjords de verdure, les surfaces herbeuses sont sillonnées d'ornières et piétinées, mais les jeunes pousses pointent vers le soleil". Et voici la première présentation de Mary, la jeune fille de 14 ans victime de son père : "la fille [portait] une boîte en fer blanc pour ramasser les mûres. Il était trop tôt. Les tiges portaient de petites excroissances roses et aigres appelées à s'ouvrir à une douloureuse fructification".
Cette écriture allusive est souvent sèche, faite de phrases souvent courtes, juxtaposant les actions ou réflexions, tirant à traits rapides et efficaces le portrait des personnages entourant Mary à un moment ou à un autre, reflétant l'état d'esprit teinté de catholicisme plus ou moins fervent et obtus des uns, et la bonne volonté des autres empesée voire empêchée par les lois sociales.
Tout cela rend l'atmosphère étouffante et on éprouve la pression écrasante pleine de jugement et de ressentiment que subit cette jeune fille, complètement perdue, dépossédée d'elle-même, incomprise, effroyablement seule.
C'est une lecture assez éprouvante du fait de la violence des faits, actions et réactions, parfaitement et subtilement retranscrite par l'écriture ciselée de l'auteure, mais qui vaut le détour et pour la réflexion sur le sujet, et pour le talent d'écrivain.
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Ce qui m'a immédiatement marquée, c'est le fait que l'écriture soit très visuelle : il y a beaucoup de couleurs, de formes, mais également de poésie : « Ô soleil. Impudent albatros jaune d'oeuf » (1e page). On ne s'y attend pas, au vu du sujet. J'ai très vite adhéré au style.

Bien que l'écriture soit très descriptive, elle n'est pas crue. Les faits sont bien plus choquants que les mots qui les narrent. Rappelons que l'histoire évoque l'inceste et le viol d'une jeune fille, disons plutôt : une enfant, Mary. On aurait pu s'attendre à une description trash de ces scènes, mais ce n'est pas (toujours) le cas. Pas toujours, car l'une des scènes m'a vraiment menée au dégoût, à la nausée, au cruel désespoir d'assister à la souffrance de Mary sans n'y pouvoir rien faire :

Quelle cruauté, vraiment, d'être simple spectatrice, d'être celle qui voudrait crier quand tous les autres se taisent ! Tout est dans le non-dit. Tous comprennent sans que personne ne l'exprime à voix haute – ou peut-être, le sachant depuis le début, étaient-ils juste dans le déni… C'est toute l'ambiguïté qui contribue à l'horreur des événements. Qui savait ?

Je disais que les descriptions n'étaient pas à proprement parler crues ; c'est, sans doute, lié au fait que Mary se détache de son propre corps, de ce qui lui arrive, et cela se ressent dans l'écriture. J'ai trouvé cela très intense. Un mélange d'intime, de beauté et d'horreur viscérale, à l'instar de ce « clair de lune [qui gicle et éclabousse] la table et le sol et [dessine] des zébrures de lumière sur le pelage noir de Shep, de Shep qui était là, à quelques pas d'elle, comme une personne, sentant tout ça, percevant tout ça, préhensile, là pour elle. Là. » (p.149).

On aborde une réalité d'époque et c'est également ce qui m'a plu dans ce roman : dans cette Irlande "rurale et rétrograde", ainsi que le mentionne la 4e de couverture, il est question du poids du regard des autres, de la bien-pensance religieuse, de l'avortement, de la condition féminine.

Seul bémol à signaler pour ma part : la succession des chapitres (et des personnages-narrateurs) n'est pas toujours très claire.

Au sortir de ma lecture, je suis restée songeuse ; silencieuse, j'ai ruminé, en quelque sorte. C'est toujours le signe de quelque chose de fort, d'un bouleversement, chez moi.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
She wears the trousers now and has mastery over the pig of a man to whom she has been married for twenty-five years. Deciding to do catering for the factory and for private parties has brought her independence, that and a stint on saturday morning doing the altar in the chapel. She holds the chequebook, pays the television rent, pays the licence fee and hides that remote so that he can no longer flick the channels. Their battles have ceased.
[...] A sort of truce after many bitter years of rowing, the earlier years when he struck her, the later ones when he raised his fist and longed to strike her, culminating in an atmosphere of glares.
[...] Gone the time when she cowered, dreaded his key in the door, at night, drunk, banging things, threatening to kill her, all that is past now and there is a truce, a hating truce.
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Sa voix fut d’abord faible et tremblante, puis elle s’amplifia et s’affirma, s’éleva et plongea pour s’élever encore, un grand frémissement pourpre et sonore qui montait, montait vers les cieux et alors ils se turent, plongés dans un silence soudain et attendri parce que ce qu’ils entendaient était une réponse aux cris les plus secrets de leurs âmes.
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The nuns sealed inside their garments and their guimps were not women, they were snow creatures and she thought of them as being excavated thousands of years hence, like the ice man in Austria.
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Ils marchent en silence, l'homme à plusieurs lieues devant, avec son chapeau marron clair qui ressemble à un tesson verdâtre sous la lumière éclatante du soleil, un audacieux brigand, à la foulée animée d'une espèce de frénésie joyeuse, la circulation de plus en plus discrète, une rivière cliquetante au-delà et dans les étranges rafales de vent les dessous des mélèzes engrêlés en jupe de bal filées d'argent. La route silencieuse, encore somnolente, avec un discours à elle, qui leur répond à eux, le père et l'enfant ; à travers les pièges du soleil et de la verdure tourmentée, parlant des anciennes mutineries et d'un récent crime de sang. (p.2)
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"I wish I could have done more for you", Betty said quietly. The look she got back she would always remember, not because there was accusation in it, not that, there was only bewilderment and underneath it, this veil of softness, so soft, so trusting, soon to be slashed.
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