Ces Propos impertinents sont un recueil d'articles d'humeur parus dans La Dépêche de Rouen et de Normandie, et ils appartiennent à un genre très prisé d'Alain : le Propos qui « permet le développement de la pensée avec des contraintes bien précises et de concision, de liaison au quotidien et d'accessibilité à un très large public », comme l'explique en postface Alain Zalmanski.
On y retrouve le laïcisme d'Alain – la loi de 1905 est encore tout fraîche – ; la crainte d'un péril guerrier à venir ; la défense des humbles contre les puissants, etc., quitte à parfois forcer le trait pour étayer ses idées, lorsqu'il s'agit notamment de fustiger certaines institutions : « Je hais les musées. le beau me paraît quelque chose qu'il faut voir, mais non pas regarder, quelque chose qui accroche un instant les yeux pendant que l'on travaille ou que l'on va à ses affaires. »
Plus loin, en manière de slogan, il affirme avec entrain : « La morale, c'est bon pour les riches ! » Même si, je le sais, il faut replacer tout ça dans le contexte d'avant la Première Guerre mondiale. Mais Alain prêche ici pour sa chapelle radicale et, trempe aisément sa plume acérée dans l'encre polémiste.
Quelquefois, il y a des travers atemporels auxquels s'attache Alain et qui résonnent très familièrement à notre époque. Par exemple : « Nos faméliques auteurs, ils n'ont pas le temps de chercher ce qui est vrai ; ils sont à l'affût de ce qui pourrait plaire ; ils surveillent l'argent et les oeuvres qui attirent l'argent, et ils s'appliquent à copier ceux qui ont réussi. » Que dirait Alain de l'actuelle indigence littéraire française ?...
Mais quoi que l'on pense de l'auteur, on ne peut lui nier un goût sincère pour les démunis, opposés à une élite qu'il n'hésite pas à écorner : « Partout et toujours je vois que l'élite a manqué de dignité, de fidélité, de conscience enfin, si ce n'est dans les discours qu'elle adressait aux pauvres gens. » Alain défend aussi, bien avant l'heure, la cause des femmes, pour qui il réclame et le droit de vote et l'égalité. Plus généralement, il traque l'injustice.
« Quels projets de justice pourrait-on bien suivre ou seulement concevoir lorsque la Force montre sa tête de Méduse ? » dit-il encore au sujet de la guerre, lui qui s'y engagea, pourtant libéré de ses obligations militaires. Alain, paradoxal ? Oui, et c'est peut-être là la meilleure preuve qu'il fut humain…
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"Alain et le bonheur" par André Maurois. Première diffusion le 13/09/1954 sur la Chaîne Nationale. La mauvaise humeur est une maladie, il ne faut jamais parler de ses malheurs, de ses malaises moraux, il ne faut jamais se plaindre…et, certes, il y a un héroïsme à bâtir son bonheur ! André Maurois parlait en 1954 de celui qui avait été son professeur de khâgne au lycée Henri IV, à Paris : le philosophe Alain.
Source : France Culture