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EAN : 9782234048508
90 pages
Stock (29/10/1997)
4.45/5   11 notes
Résumé :
Les Chambres, poème du temps qui ne passe pas a été publié en 1969. Aragon, qui en avait commencé l'écriture en 1968, l'a, dans une courte postface, "explicitement dédié" à Elsa - qui devait mourir moins d'un an après sa parution - "parce que tout passe, mais non le temps d'avoir aimé, d'aimer encore, jusqu'à ce souffle dernier, bientôt, ce dernier mot proche et terrible."
Evoquant ce recueil, Aragon disait : "C'est le dernier cadeau que j'ai fait à Elsa, his... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un recueil magnifique, que j'adore, pas le plus connu d'Aragon, c'est le moins qu'on puisse dire - paru paraît-il dans l'indifférence générale en 1969, un an avant la mort d'Elsa.
Un chant angoissé, douloureux, où le poète évoque
« Ce jour que je t'avais perdue

Ce jour-là ce jour-là
Je n'étais plus qu'un homme de poubelle
Un être jeté comme une boîte ouverte un
Débris d'écorce
Écoeurante d'un melon et même les bruits
M'étaient silence »

Aragon donne à son «poème du temps qui ne passe pas» un rythme profondément prenant. Il y a un souffle émotionnel, une intensité impressionnante dans ces vers libres sans ponctuation, au nombre de syllabes très divers, où les enjambements et rejets bousculent souvent l'équilibre attendu.
Il y parle d'amour mais aussi d'écriture, d'expression, de vieillesse, de vie et de mort.
« Plus l'homme est vieux plus il est nu plus ce qu'il dit le quitte à regret de cette façon de quelqu'un qu'il le veuille ou non qui avoue
Un secret Quel secret devant la mort est encore un secret le voici
Pareil à lui-même enfin malgré tant d'années
Que ces murmures l'habitent
Tant d'années »

Un grand mystère pour moi qu'un texte aussi beau, aussi fort, soit à ce point méconnu.
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Un an avant la mort d'Elsa Triolet, à l'époque très malade, Louis Aragon publie en 1969, Les Chambres, oeuvre sous titrée Poème du temps qui ne passe pas.
Le poète évoque, dans une touchante méditation, sa compagne de toujours, les années passées où ils se sont aimés, celles où ils ont traversé des épreuves, celles de leurs engagements, celles des lieux, des chambres qu'ils ont habitées à divers endroits du monde.

Qu'est-ce que l'amour de toute une vie quand il est amené à disparaître ? Qu'est-ce que le temps quand il ne fait plus rien espérer, ce sentiment avec lui d'une inéluctable fin que plus rien ne peut contenir ?
La nostalgie, la tristesse, l'amertume, la colère aussi émaillent tous les poèmes de ce recueil. Celle d'un homme touché par la vieillesse, par ses failles, par la peur qu'il eue et qu'il a encore de perdre celle qui fut l'amour de sa vie. Cette peur qui fut sa part d'ombre, celle qui lui offrit la lumière et lui fit écrire quelques-uns des plus beaux poèmes d'amour qui soit.

« Femme je te donne aujourd'hui ton plus beau nom de femme
Ici ma merveille à ce moment de nous je t'appelle
D'un nom d'Espagne âpre et doux comme un fruit des collines
Un fruit de soleil et de silence
Je te donne le nom du vent tombé le nom
D'être nu d'ouvrir l'épaule à l'odeur du café
Et tout n'est que semblant de lire dans les pièces
Où chaque chose à sa place attend le passage de tes mains
Mon amour je te donne aujourd'hui le nom de Solitude »

Les nuits sans sommeil, les lits de l'amour, l'indicible rencontre de deux êtres, leurs liens comme leurs errements, voilà que le temps les efface, les détruit, ne les fait plus apparaître comme un lointain songe, devenu inutile.

Dans ce troublant recueil, l'écriture d'Aragon est pleine d'un rythme particulier, laissant apparaître l'esprit du poète éperdu, troublé, comme livré à lui-même. La ponctuation y est absente, la métrique déconstruite mais chaque mot, chaque vers recèle en lui un sens, une puissante évocation.

« Toutes les chambres de la vie au bout du compte sont
Des tiroirs renversés
Toutes les Chambres de la vie et celles dont
Je ne dis rien toutes les chambres maintenant
Muettes et pourtant
Murmurantes tous les murs sans mots les fenêtres
Mortes

Même où j'écris ceci dans l'aube très longtemps
Après
Dans le silence plein d'oiseaux

Les chambres lettres déchirées
Il en reste des cris éteints le désordre d'avoir
Été le désordre toujours d'être À partir d'un
Certain jour vivre n'est plus jamais que survivre
Plus jamais que ce désordre appelé dérisoirement mémoire

Personne ici ne remettra plus les objets
À leur place plus jamais Tout
Aura perdu le sens qu'il avait pour moi seul
Le temps disperse tout jusqu'au fond des miroirs
Rien désormais ne signifiera plus rien Tant pis
Pour nous qui fûmes Les enfants
De l'avenir vont parler d'autre chose avec leurs bouches fraîches »

Les Chambres, est un long poème, celui d'un temps qui ne veut pas finir mais qui peu à peu pourtant s'efface. Elsa, Les yeux d'Elsa, le Fou d'Elsa, toute la poésie de Louis Aragon semble avoir trouver ici son épilogue, son point ultime. Recueil étrangement méconnu mais qui possède en lui une troublante intemporalité, une poésie qui porte loin le regard et puis qui le dépasse.
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Magnifique recueil où je retrouve cette époustouflante beauté aragonienne! Que dire? « Sauras-tu jamais ce qui me bouleverse ... » écrivait -il dans le poème :Donne-moi tes mains. Impossible de traduire ce que j'éprouve en lisant Aragon sauf ceci: Lisez sa poésie. Laissez-vous pénétrer par la beauté. Pour conclure, Voici ce qu'il écrivait dans son roman La Mise à mort:
« Tout n'est, que j'écris, qu'une lettre, une lettre sans fin vers toi. Une longue, une interminable lettre d'amour... "
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...]
Ces femmes qu'un seul trait retrace à la renverse
Comme si j'avais rejeté les vieux vêtements du langage
Et que tu me sois revenue au-delà des idées
Soudain nue
Ou le drap lentement tiré d'une mémoire
Sur toi seule ó grand désordre de ma vie
Ô merveilleux merveilleux désordre de ma vie
Le drap géant de la parole rejeté de toi pour tout à coup

Rouvrir les yeux sur toi telle au fond de la vue
Fermés que tu demeures
Une chose de scandale au cœur des siècles gravée au fond d'un tombeau
Revoir non rêver
L'inscription tremblante sur ta lèvre
Le discours infini dont m'entourent tes bras
Le long cérémonial oblique d'aimer
[...]

(extrait de "... Chambres").
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Fantastiquement vide on ne sait pas comme une ville peut
Être vide
Et sans paroles Je n’aurais
Jamais cru Paris capable de cela
Capable de ce jour

Ce jour que je t’avais perdue
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Quelle est cette côte perdue où bleuit le chardon dans le brouillard des sables
Étrange étendue où s’agite un adieu d’herbe au front des dunes
Sous ce citron ce limon doux on ne sait trop soleil ou lune
Et le pied se posait dans un poudroiement d’astres
Un mica de désastres
Une vaisselle d’anciens vaisseaux naufragés
Falun des grands fonds foin d’ossements tapis neigé
Poussière de défuntes civilisations marines
Lièges rongés fruits minéraux refus des marées
Reflets roux constellations australes désamarrées
Boues à globigérines
Un goût de sel était entré de force dans mon pharynx et mes narines
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