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1. Pourquoi tous les prophètes viennent-ils de l'Arabie ? Pourquoi n'y a-t-il pas de prophètes noirs ?
Cette très importante question mérite une explication préliminaire. Il s'agit de comprendre le sens du mot « Prophète » tel qu'il est entendu dans les religions révélées, et notamment en Islam.
Il y a, selon l'enseignement islamique résultant du contenu du Coran et des paroles du prophète Mohammad, trois catégories d'hommes de Dieu :
Au sommet, les Rassouls, littéralement: les « Messagers » de Dieu, ou Grands Envoyés.
Le Rassoul est choisi par Dieu, par un acte de Sa Grâce, pour être l'instrument d'une Révélation majeure de la part de Dieu, destinée soit à un très grand peuple, soit à l'humanité tout entière.
Dieu révèle à Son Envoyé Sa Parole, qui devient un Livre Sacré pour les hommes, contenant les commandements de Dieu, une sainte Loi pour le comportement extérieur et intérieur, et le moyen de revenir au Seigneur.
Ces Grands Envoyés sont très rares. Leur apparition marque une étape nouvelle de la Révélation et, par conséquent, de l'évolution humaine. Chaque nouvelle « descente » de la Révélation divine à travers eux vient à la fois confirmer les révélations précédentes et les compléter, les parfaire sur certains points, et les adapter aux nouvelles conditions du temps.
La tradition islamique compte six Grands Envoyés : Adam, qui descendit sur terre « avec les Paroles de Son Seigneur », Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet (« Mohammad » en arabe). On les appelle parfois « Envoyés législateurs » parce que chacun d'eux reçut une Loi nouvelle, adaptée aux nécessités du temps. On les appelle aussi « Prophètes ».
En général, avec chacun de ces Grands Envoyés apparut une religion nouvelle, bien qu'en réalité ils aient toujours prêché une seule et éternelle religion, celle du Dieu Un et Eternel. De chacun d'eux est sortie une Communauté.
Il y a ensuite les Nabis, littéralement les « Prophètes ».
Il s'agit d'hommes saints ayant également reçu une révélation divine dont ils se font les humbles serviteurs mais, à la différence des Rassouls, leur message n'est destiné en général qu'à un petit groupe d'hommes, et parfois même ils doivent le tenir presque secret. Ils peuvent être Nabis manifestés ou non manifestés extérieurement, à la différence du Rassoul qui est toujours manifesté.
Le Nabi, quelle que soit la révélation qu'il est chargé de transmettre, demeure placé sous la Loi du grand Rassoul qui l'a précédé. Il n'apporte jamais une « Loi » nouvelle pour l'humanité.
Tel est le cas des Prophètes de la Bible, qui exhortaient le peuple juif à revenir à la pure Loi de Moïse.
La tradition islamique dit qu'il y eut 124 000 Nabis.
Puis viennent les Waly, que l'on appelle couramment les « Saints de Dieu ». En réalité, le mot Waly signifie « celui qui est proche » de Dieu, en union avec Lui, et vivant dans son Amour. On n'en connaît pas le nombre, ils sont de tous les temps et de toutes les races.
Maa-Ngala (ou Dieu-Maître) s'autocréa. Puis il créa 20 êtres, qui constituèrent l'ensemble de l'univers. Mais il s'aperçut que, parmi ces 20 premières créatures, aucune n'était apte à devenir son kumanyon, c'est-à-dire son interlocuteur. Alors, il préleva un brin sur chacune des 20 créatures existantes. Il mélangea le tout et s'en servit pour créer un 21e être hybride, l'homme, auquel il donna le nom de Maa, c'est-à-dire le premier mot composant son propre nom divin.
Pour contenir Maa, l'être tout-en-un, Maa-Ngala conçut un corps spécial, vertical et symétrique, capable de contenir à la fois un brin de tous les êtres existants. Ce corps, appelé Fari, symbolise un sanctuaire où tous les êtres se trouvent en circumduction. C'est pourquoi la tradition considère le corps de l'homme comme le monde en miniature, selon l'expression « Maa ye dinye merenin de ye », c'est-à dire : « L'homme, c'est l'univers en miniature. »
Le corps tout entier correspond à un symbolisme bien précis. La tête, par exemple, représente l'étage supérieur de l'être, percé de sept grandes ouvertures. Chacune d'elle est la porte d'entrée d'un état d'être, ou monde, et est gardée par une divinité. Chaque porte donne accès à une nouvelle porte intérieure, et cela à l'infini. Le visage est considéré comme la façade principale de l'habitat des personnes profondes de Maa, et des signes extérieurs permettent de déchiffrer les caractéristiques de ces personnes. « Montre-moi ton visage, et je te dirai la manière d'être de tes personnes intérieures », dit l'adage. Chaque être intérieur correspond à un monde qui tourne autour d'un axe ou point central.
Pour les traditions peule et bambara (les seules auxquelles je ferai référence, parce que je crois les connaître), deux termes servent à désigner la personne. Pour les Peuls, ce sont Neɗɗo et neɗɗaaku ; pour les Bambaras, ce sont Maa et Maaya. Le premier mot signifie « la Personne » et le second : « les personnes de la personne ».
La tradition enseigne en effet qu'il y a d'abord Maa, la Personne-réceptacle, puis Maaya, c'est-à-dire les divers aspects de Maa contenus dans le Maa-réceptacle. Comme le dit l'expression bambara « Maa ka Maaya ka sa a yere kono » : « Les personnes de la personne sont multiples dans la personne. » On retrouve exactement la même notion chez les Peuls.
Les hommes peuvent atteindre un but commun sans emprunter les mêmes voies.
Amadou HAMPÂTÉ BÂ – La tradition orale africaine (DOCUMENTAIRE, 1969)
Un documentaire d’Ange Casta diffusé sur la 1ère chaîne, le 7 septembre 1969, dans l’émission « Un certain regard ».