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EAN : 9782844182920
101 pages
La Part Commune (16/10/2014)
4/5   2 notes
Résumé :
Voilà un Balzac méconnu. Loin du cliché qui ne montrerait qu'un faiseur de descriptions interminables, cette Physiologie de l'Employé met en lumière un pamphlétaire incisif et virtuose. Les travers de la France administrative du dix-neuvième siècle y sont croqués avec la nervosité du caricaturiste.
Il y a du Daumier dans ce Balzac qui excelle à pénétrer dans son œuvre les secrets des types professionnels : là Grandet le tonnelier, Gobseck l'usurier, Séchard l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cloîtré dans son labeur administratif, l'employé n'inspire qu'une sévère et sèche compassion De Balzac, réduit à :
« Un homme qui pour vivre a besoin de son traitement (salaire) et qui n'est pas libre de quitter sa place, ne sachant faire autre chose que paperasser ! »
Il écrit, assis dans un bureau, voilà tout. A ne pas confondre avec l'homme d'état comme un préfet, ni de ceux ayant une rémunération exorbitante : « être employé, c'est servir le gouvernement. Or, tous ceux qui se servent du gouvernement, comme M. Thiers, par exemple, l'emploient au lieu d'être ses employés. Ces habiles mécaniciens sont des hommes d'Etat »

Est-il, du moins, utile cet employé qui : « ne sait faire autre chose que paperasser » ? Au XIXè siècle, la France, championne de bureaucratie, était déjà : « la plus méticuleuse, la plus écrivassière, paperassière, inventorière, contrôleuse, vérifiante… » Rien n'échappait à la loupe bureaucratique ! : « Il ne se dépense pas, il ne s'encaisse pas un centime en France qui ne soit ordonné par une lettre, demandé par une lettre, prouvée par une pièce, produit et reproduit sur des états de situation, payé sur quittance… »
Bien admirable mais lourde ! : « la bureaucratie a des torts : elle est lente et insolente, elle enserre un peu trop l'action ministérielle, elle étouffe bien des projets, elle arrête le progrès ; mais l'administration française est admirablement utile, elle soutient la papeterie (ironique…) »


Le temps ou être employé ou fonctionnaire était synonyme de : « toucher des émoluments et ne rien faire ou faire peu de chose » est révolu.
La paix durable suivant la période Napoléonienne a favorisé les prétendants au haut fonctionnariat, et il n'y a guère désormais qu'à 50 ans qu'une place à peu près convenable pourrait satisfaire l'ambition du patient et malheureux employé, encore qu'il ait les rares qualités requises : « qu'il soit un Chateaubriand des rapports, le Musset des circulaires, le Lamartine des mémoires… ».

Les risques valent donc mieux qu'un illusoire confort d'employé : soyez épicier, peintre, homme de lettre, prêtre… tout sauf cette sinistre carrière ! Dans l'immense majorité des cas : « les infortunés restent commis dans le même bureau, faisant les mêmes choses pendant un certain nombre d'années. Seulement il est difficile de décider si ces mammifères à plumes se crétinisent à ce métier, ou s'ils ne font pas ce métier parce qu'ils étaient un peu crétins de naissance »
Seul l'employé de province mène une vie décente : « l'employé de province est heureux, il est bien longé, il a un jardin, il est généralement à l'aise dans son bureau. Il boit de l'eau pure, ne mange pas de filet de cheval, trouve des fruits et des légumes à bon marché. Il est heureux, il est considéré, tout le monde le salut quand il passe (…) »

Quelques "météores" font exception à la morne platitude de l'employé parisien : bibliothécaire, fonction symbolique donnant du pain à des poètes ou petits écrivains placés sous la bénédiction d'un ministre ; ou l'architecte d'un ministre : « un être de raison dont la raison d'être n'est connue que du ministre » ; ou bien secrétaire particulier d'un ministre : un pâle miroir du ministre, confident tant des secrets intimes que des secrets politiques, résolument flatteur et approbatif sous tous ses conseils…

Les surnuméraires représentent l'inverse : ce sont de brèves et médiocres poussières d'étoiles filant à toute allure dans la sphère bureaucratique moyenne. Pauvres mais riches d'espérance, leur candeur dure peu : « le jeune homme a bientôt mesuré la distance effroyable qui se trouve entre un sous-chef et lui (…) il entend parler des passe-droits par des employés qui les expliquent, il découvre les intrigues des bureaux… Tel a pour ami intime de sa femme un homme d'Etat : tel est le commanditaire d'un journaliste puissant… »
Cette dure épreuve sélectionne les plus dociles : « les chefs en espérance » mais la majorité démissionne : « il ne reste que les jeunes gens entêtés ou les imbéciles qui se disent : « j'y suis depuis trois ans, je finirai par avoir une place »

Voici le téméraire surnuméraire métamorphosé en un stable commis, qui lui-même se décline en sous-catégories mais dont le point commun est d'avoir une « double existence, de faire deux choses, de se partager entre l'administration et une autre administration, en sorte que les affaires souffrent, vont lentement, et ne peuvent pas aller autrement »
Si à Rothschild les employés voient une récompense proportionnée à leurs efforts et percent les mystères de la flouerie bancaire, ceux de l'administration sont rémunérés une misère, ont « peu d'honneur quoique très honorables » en plus de rien apprendre à l'art de s'enrichir.
Aussi, 100 employés hautement rémunérés feraient mieux et plus promptement que 1000 employés mais… « la machine est ainsi montée »

L'absence de stimulation pousse les employés à nier entièrement ce qu'ils font pour tout autre chose :
Le « cumulard » se trouve à l'Opéra-Comique le soir où il est musicien ; « l'employé homme de lettres » fait des vaudevilles, a une loge à toutes les premières représentations ; « l'employé commerçant » s'engage dans une entreprise parfois lourde qui dévore ses capitaux et produit de ses : « ménages fantastiques où le mari ne se voit jamais que le dimanche ou les jours de fêtes »
Le « pauvre employé » : ingénieux, sans un sou, disposant d'une famille nombreuse, s'efforce d'inventer toutes sortes d'objets de débrouilles puis : « se fait voler par celui qui lui prête des fonds pour le brevet, et retombe dans la misère » ; l'employé « usurier » : prête à usure à toute heure de la journée ; « l'employé bel-homme » : dont toutes les économies sont consacrées à son tailleur. Il espère s'extirper de son travail en misant sur son seul physique « Il joue le jeune homme riche, il en affecte les manières, il espère qu'une jeune anglaise, une veuve, une étrangère, une femme quelconque pourra s'amouracher de lui. le programme de sa vie est de rechercher les occasions, il se montre, il parade, il attend un hasard »
L'employé « collectionneur » compense l'ennui du travail par une collection convulsive : « il entasse chez lui des curiosités qu'on lui donne ou qu'il acquiert les ventes aux enchères, où il ne dépasse jamais cent sous pour tous ses lots. Aussi son logement est-il encombré de pierres à paysages, de modèles en terre cuite… Il a des régiments de petites bouteilles où il met des barytines, des sulfates, des sels. Il dit : je possède des coraux, des papillons, des parasols de Chine, des poissons séchés, des médailles. »

De toute cette masse, Il n'y a tout au plus qu'une poignée d'irréductibles serviables employés complaisants et dévoués :
L'homme « ganache » ou employé-modèle : s'épanouit en n'importe quel milieu où se trouve : « il est fier d'appartenir à l'Administration, se vante de son insouciance en politique. Il est pour le pouvoir quel qu'il soit. Sincèrement zélé, zélé sans arrière-pensée, il reste volontiers une heure de plus pour achever un travail que le chef demande. »
L'employé « piocheur » est l'austère travailleur « C'est, dit-on, un cheval à l'ouvrage ; il emporte du travail chez lui, il furète dans le ministère ; il ne fait pas autre chose de l'administration »

C'est ce dernier, ou l'employé « flatteur » qui parvient le plus facilement au poste de chef de bureau. Mais cette longue victoire ne s'acquiert pas sans une certaine amertume, un écoeurement visible à la physionomie, une : « figure fatiguée, un air assez content de lui-même, il est presque toujours décoré, il a peu de cheveux, il est rarement somptueux ou recherché dans sa mise ; mais il a surtout le dégoût empreint sur la figure : aucun d'eux ne trouve que le jeu vaille la chandelle. Il eût été bien autre chose dans toute autre carrière ! »

Quant au chef de division, grade ultime, homme distingué, politique, n'est réservé qu'aux protégés du Ministère. Rarement de mauvais caractère, il protège ses employés tel un bon père de famille, la gestion ne lui revient pas, sa seule responsabilité étant de rédiger quelques rapports au Ministre dont l'utilité est résumé ainsi : « le rapport est un report, et quelquefois un apport » A quoi bon tant réfléchir ! « Les plus belles choses de la France se sont faites quand il n'existait pas de rapport et que les décisions étaient spontanées » pour exemple : « Un inventeur propose à la marine un moyen de dessaler l'eau de la mer, le ministre demande un rapport. le rapport dit que cela est si difficile, que c'est impossible, la marine depuis cent ans, est ennuyée de propositions de ce genre. Il propose de nommer une commission de savants : l'homme ennuyé va en Angleterre, et vend son procédé. »

Outre l'inutilité du chef du division, cela reste le seul emploi suprême dans l'administration qu'il faut atteindre : « Quand on se destine à l'administration, il faut y entrer par la tête au lieu de se mettre à la queue » le reste n'inspire qu'une grande part de mépris ou de pitié.

Physiologie politique par Balzac, qui, au travers de nombreux exemples dresse de cruelles et sarcastiques généralités dont un bon nombre trouvent encore un écho de nos jours.
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Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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