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EAN : 9782330005696
96 pages
Actes Sud (11/04/2012)
3.67/5   26 notes
Résumé :
Au moment où j'ai écrit Temps du rêve, je n'entendais plus parler d'Inngué.
Elle était semble-t-il demeurée aussi vive, turbulente, et très belle. Elle s'est mariée et est morte jeune d'un accident de voiture. Elle demeure en moi comme le premier amour impossible, celui entre enfants dans de grandes familles.
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Ce bref récit a été publié pour la première fois en 1936 sous un pseudonyme. C'était la première oeuvre, de jeunesse, d'Henri Bauchau. Quelques mois avant sa mort en 2012, Actes sud l'a republié. A cette occasion, Bauchau préface le texte, qui évoque ses premiers émois amoureux. Il avait onze ans, elle sept...Il fut marqué à jamais par le souvenir de ce temps de l'innocence, où les sentiments naissants sont un peu honteux, les adultes ne doivent surtout rien remarquer !

Dans ce récit à la première personne, Billy (alias Bauchau) au cours d'une belle journée d'été, vient jouer avec ses cousins dans une grande maison familiale. Il y rencontre la petite Inngué. Ces deux-là deviennent vite très complices, se coursent et jouent, s'échappent, se cachent, s'aventurent en balade. Mais le temps passe, il faut se séparer...Billy reverra quelques fois Inngué, ou peut-être est-ce en rêve, rêve éveillé, sieste, sommeil, on ne sait plus très bien, mais toujours Bauchau nous met des images dans la tête...Des images d'enfants qui jouent dans l'herbe fraîche d'un jardin semi-ombragé, de petites robes blanches et légères qui virevoltent au gré des courses, des joues qui rosissent sous l'effort de la course, des jeux de balançoires, des rires et peut-être même de petits bisous mi-ami, mi-amoureux. Partout, le soleil est présent, tantôt filtré par les feuilles des arbres qui s'agitent dans l'air sain de la campagne, tantôt plus franc, mais doux, juste pour clore vos yeux et entamer ce voyage vers le rêve et l'inconscient...

C'est une histoire toute simple, une histoire qui n'en est pas vraiment une, sans fin, que Bauchau nous fait vivre. Une expérience, plutôt. Une expérience du rêve, de la sensualité innocente, de l'abandon à l'instant présent, à la nature. Une expérience universelle, celle de notre premier secret d'amour timide, qui nous enchante et nous fait, déjà, souffrir, pour un temps seulement, lorsque très vite et contre toute attente, on comprend que l'amour est un éternel recommencement. Bauchau sonde avec une intuition confondante la psychologie de l'enfance, les premiers apprentissages de la vie, avec ces emballements spontanés, ces espoirs illusoires, ces hontes sous le regard moqueur des autres, ces sentiments de solitude et d'abandon, comme si l'on était mal-aimé de tous...

La langue, l'écriture est magnifique, à la fois simple et distinguée, élégante.

Bauchau désormais dans ses ultimes jours, revisite ses souvenirs, nous confiant dans sa préface que cette rencontre aux allures d'amour impossible, en raison de l'âge et des familles devant s'éloigner, l'a marqué durant des années. Il apprendra plus tard que la belle Inngué s'est mariée, mais est décédée jeune dans un accident de la route.




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"Que le rêve est une réalité aussi importante que la vie". Ainsi parlait Tagore, repris par un jeune homme de vingt ans, Jean Remoire, qui deviendrait un enchanteur des Lettres connu sous son véritable patronyme: Henry Bauchau.
Que l'enfance est sérieuse! Sous les jeux, la solennité. Derrière les cabrioles, la puissance des sentiments. Sous la docilité impuissante, le tumulte.

Lorsque le jeune Billy de 11 ans rencontre la vivante Inngué, vif-argent de sept printemps, c'est l'émoi amoureux qui vibrionne dans la chaleur estivale. Sous l'oeil admiratif et bleuté de cette dulcinée inattendue, le garçon s'apprend autre: "Je suis heureux, oui, j'appartiens à une race d'enfants hardis et brusques et fiers; les livres sont loin,très loin et les rêves trop compliqués que personne ne comprend."
Mais cette fulgurance n'aura pas de suite. Pour une rougeole crainte. Un départ à la mer. Des adultes décideurs et moqueurs. La disqualification de l'amour en béguin noie la parole, fabrique la honte. de ce jour baigné de lumière n'en naitra aucun autre. le tourbillon mortel d'eau grise et de vase jaune pourrissante que Billy et Inngué contemplaient dans les éclats solaires n'était que l'écho des abysses qui s'ouvriraient au soir. L'histoire de Billy et d'Inngué s'achève déjà.

Billy se recroqueville. Billy rêve. Billy devient ce "petit malade, petit liseur, blotti dans un coin sombre en marge de la vie".

C'est le temps du rêve, le rêve qui prolonge le réel et… le temps du deuil. "Bientôt Inngué ne fut plus dans mon souvenir qu'une étoile brillante, très douce, lointaine… " de ce récit de jeunesse qui rappelle combien l'enfance plante profondément ses racines dans l'âme et le coeur, émerge déjà le si lumineux Henry Bauchau.
Jamais écrivain ne sut éclairer si joliment la joyeuse gravité enfantine cachée dans les plis de l'adulte raisonneur. Livre après livre, jamais écrivain ne m'a ravie ainsi.
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Un bref ouvrage sur les amours impossibles entre un jeune garçon, Billy âgé de onze ans, qui est aussi le narrateur, et Inngué, une fillette, elle, âgée de huit ans. Ils vont se connaître le temps d'un été pendant de brèves séances de jeux dans lesquelles ils deviendront les complices et Inngué, par la suite, continuera à hanter les rêves du jeune Billy. Il n'est jamais trop tôt pour tomber amoureux et jamais trop tôt non plus pour avoir son premier chagrin d'amour. C'est ce qui arrive au jeune Billy qui apprendra donc très vite les souffrances d'un amour refoulé, sans qu'il en ait réellement compris les raisons.

Texte écrit durant le service militaire de l'auteur, en 1933, et réédite plus de soixante-dix ans plus tard, à son grand étonnement. Un texte qui se lit très rapidement et qui est très léger, frais mais parfois un peu confus en raison de l'écriture de l'auteur qui mêle la poésie à sa prose. Un mélange un peu déconcertant il est vrai mais qui comporte néanmoins son lot de charme et de pureté. A découvrir !
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Merveilleux Henri Bauchau : ce livre est un petit bijou, un joyau littéraire dans un écrin de souvenirs. Bien sûr le thème des amours enfantines a été plus que traité, par Pagnol, France, Proust et bien d'autres. C'est d'ailleurs à Proust que ce livre m'a fait le plus pensé à cause des liens subtils de la mémoire entre images, sensations et souvenirs, dans une écriture poétique et profonde qui relie le coeur au monde qui l'entoure. Mais quelle maîtrise, déjà à vingt ans dans ce texte court ! Je pense que je lirai et relirai souvent ce texte, qui m'a touchée par sa véracité et sa gravité, ainsi que par sa légèreté et sa simplicité.
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Rarement on est emporté vers l'enfance comme avec ce court texte de jeunesse d'Henry Bauchau. Une petite merveille qui tient autant du poème en prose que du récit. Tandis que l'été s'étire, le jeune Billy passe ses journées à jouer avec ses cousins dans la maison familiale et les alentours. Ils explorent la campagne, construisent des cabanes qui seront autant de refuges durant les parties de cow-boys et d'indiens. Tous connaissent des cachettes qu'ils ne partagent pas avec les autres, refuges fragiles pour ne pas être vu quand on joue à cache-cache. Parfois les cousins connaissent l'ennui, quand ils ont épuisé tous les jeux possibles. Billy, lui, s'évade dans une rêverie où de grands fauves sont aussi impressionnants qu'imaginaires. Un jour, les enfants sont invités à jouer avec ceux de voisins venus pour l'été. Billy fait la connaissance d'Inngué, qui l'émeut tellement. Avec elle, les jeux sont différents, les cachettes deviennent les abris de ce bonheur partagé. le lac si menaçant, interdit aux enfants parce qu'un homme s'y est noyé, devient aux côtés d'Inngué un lieu romanesque. La journée s'achève, les enfants sont trop tôt séparés sous les rires des adultes qui ont vite perçu le béguin de Billy. Soudain, ce dernier n'a plus goût aux passe-temps qu'il partageait avec ses cousins, il s'enferme dans un songe où seule Inngué a droit de cité. Ils doivent se rencontrer de nouveau mais hormis un bref instant où ils se croisent à la messe, ils ne se reverront finalement pas. Billy, transformé par cette rencontre, devient un enfant pensif, occupé qu'il est à magnifier le souvenir d'Inngué. C'est un très beau récit que celui de Bauchau, qui sait saisir comme personne le regard aussi amusé que décalé des adultes sur l'enfance et qui, surtout, peint magnifiquement toute la palette des émotions enfantines.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Quelle peine en mon coeur. Je voudrais pleurer mais pourquoi ? J'aime Inngué, j'en ai honte, les autres ne sont pas comme cela et puis, pourquoi pleurer ?
Ah, que le ciel est creux, tout dilaté de soleil. Quelle peine s'agite ainsi obscurément en moi. Inngué, Inngué qui se suspendait rieuse à mon bras : "Billy, Billy, viens au trapèze, tu verras comme on va s'amuser." Sa voix câline, puis garçonnière, son rire d'azur fin, ses brusques bonds de cabri tout enivré de lumière.
Ah, cette lourde mélancolie des feuillages que ne remue aucun souffle, cette tiède nostalgie qui pourrit secrètement en moi, qui parfois s'allume, me tord de tristesse comme de douleurs soudaines.
Ô tourments, ô peine, et ce sombre étincellement du jour où ma douleur tournoie vient se heurter comme aux parois polies d'une prison d'acier.
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Tout a changé de réalité depuis. Les années qui ont suivi cet amour m'ont fait devenir un grand lecteur et j'ai compris vite, trop vite peut-être, la vérité d'une parole de Tagore : "que le rêve est une réalité aussi importante que la vie."

Extrait de la préface de l'auteur
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Le beau temps continuait, de toutes choses émanait une chaleur onduleuse, chaque souffle sur mes lèvres me paraissait comme chargé d'enveloppante tendresse, sonore d'une molle et voluptueuse incantation qui me remuait tout entier.
Je n'osais, je ne pouvais m'avouer que j'aimais Inngué.
Me préférait-elle, j'en étais sûr et pourtant me torturais délicieusement de doute. La vision de ce moment où, sous la tonnelle, elle mordait avec Marc à même une grosse brioche me devenait alors intolérable.
Ce gros rire gras que j'abominais, se mêlant aux perles d'argent liquide du sien, je n'en pouvais plus supporter le son.
Ne pouvoir tout le temps répéter son nom, ne pouvoir parler d'elle me mettait au supplice.
Je l'avais trop fait le premier soir. Le lendemain au dîner, tous se moquaient de moi, rappelant que j'étais resté avec elle, que je ne la quittais pas. Tante Nell appuya avec son large rire : "Inngué est maintenant ton grand béguin."
Je rougis violemment, parmi les rires. Rarement j'ai été aussi confus, aussi lourdement blessé. Et cependant, une joie secrète était en moi, de nous voir ainsi liés devant tous.
Mais que pouvaient-ils comprendre à mon coeur, et aux jeux de mon amie bondissante et secrète, avec leur cruelle curiosité d'enfants, leur lourde assurance de grandes personnes.
Ne pouvant plus parler d'Inngué, je vaguais dans le parc en pensant à elle. Le sable, avec la balançoire, le saule aux branches ployantes, le parfum des tilleuls, me la rappelaient étrangement.
Tout me semblait y crier son nom et moi-même je l'y murmurais sans crainte d'être entendu.
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Maman entre sans bruit pour me border, elle s’éloigne sur la pointe des pieds.
Du fond de mon sommeil j'entends son pas qui résonne, décroît, comme les notes d'argent d'une musique très précieuse, très ancienne... Je suis un enfant.
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Après l'incandescence, la fureur dévastatrice du jour, le crépuscule glisse infiniment calme. Le ciel est encore d'une eau très pure, translucide, un peu blonde Mais l'ombre rampe déjà sourdement dans les fourrés.
O molle chaleur -souffles légers parmi les branches -senteur des arbres et des prés soudain si profonde.
Heure accordée entre toutes à un certain alanguissement du coeur, torturante par touches légères, où la jeunesse, l'enfance même sent comme fondre sa force en une incompréhensible douceur...
Un pincement, une flamme chahutante me brûle au coeur.
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