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EAN : 9782296996700
182 pages
Editions L'Harmattan (19/07/2012)
4/5   1 notes
Résumé :
Ce roman nous fait partager la quête d’une femme qui se retrouve jetée en pâture à des prédateurs sans foi ni loi qui règnent sur le monde de la finance et investissent l'espace public avec des règles qui leur sont propres et qui font fi des autres autant que de la Justice.

Entrainée bien malgré elle dans la tourmente d’une spirale bancaire pavée de malveillance et de coups tordus, elle doit se lancer dans un âpre combat qui durera des années pour fa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
"Années volées" ou "La Salamandre" - Abdeljlil LAHJOMRI :

Conclusion : "Lisez « Années volées », j'allais écrire « La salamandre ». Vous comprendrez pourquoi, Aïcha Belarbi, sociologue et aussi écrivain, a affirmé lors d'une rencontre « le Maroc est riche de ses femmes »."
 
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 Il est dit dans le dictionnaire que « la salamandre » est un animal qui symbolise la foi qui ne peut être détruite.  C'est le titre qu'Anissa Bellefqih aurait pu choisir pour son roman qu'elle a préféré intituler « Années volées ».
 
Elle justifie ce choix par les années perdues à lutter contre les financiers de la place de Casablanca qui ne sont pas arrivés à la dépouiller de ses biens.  Mais c'est plutôt « salamandre » qui aurait le mieux symbolisé sa résistance acharnée contre l'enfer des officines du mal prédateur.  Elle use pourtant de ce mot, dans le cours de son récit.
 
Anissa Bellefqih construit patiemment son oeuvre littéraire sur le « Je » et si Yasmina, son héroïne est le produit d'un « Je » multiple, celui utilisé dans « Années volées » est le « Je » offensif, militant : « j'émis le voeu que ce combat que j'ai mené serve la cause des femmes » écrit-elle.
 
De quoi s'agit-il ? de nombreuses années consacrées par une veuve à lutter contre les loups de la finance qui dans une « spirale bancaire » trafiquèrent une « succession », qu'ils s'ingénièrent à rendre opaque à une femme éplorée.  C'est surtout la surprenante métamorphose d'une femme, ignorante des méandres de la vie bancaire, apeurée par les couloirs sombres des tribunaux et qui va se muer en une « spécialiste » redoutable du droit des affaires et des subtilités juridiques.
 
Elle arrivera, en s'opposant aux notaires, avocats, experts, à enrayer une machine qui risquait de la broyer.  Elle ne s'en sortira pas indemne.  Et même si la machine continue son chemin, aveugle aux souffrances des individus, elle aura démontré qu'un seul être peut par sa ténacité, sa foi en freiner l'aveuglement.  Elle découvrira que l'amitié n'est plus là où elle la croyait être, que ce n'est pas seulement contre le monde de la finance qu'elle luttait mais contre l'enfer qu'est le monde.  Contre l'enfer « des autres ».
 
C'est la première fois que le « Je » littéraire féminin allait parler du « Je » dans l'actualité du monde présent, non dans les souvenirs et la mémoire des « temps perdus ».   L'auteur camoufle les personnages et les institutions sous des noms d'emprunt, mais son récit n'est pas un roman à clés.  Les personnages sont facilement identifiables alors que l'on aurait aimé des portraits plus denses comme ceux que M. Proust avait croqués de ses contemporains.  Cette audace qui « nomme » est plus caractéristique du genre « mémoires » que de celui du roman.  La lecture sera ardue pour le lecteur non familier du vocabulaire judiciaire.  Mais cette rudesse sera pour le critique à la dimension de l'âpreté de la lutte de cette femme qui pour pénétrer le monde effrayant des conflits bancaires, devrait en maîtriser les codes et la rugueuse sémantique.  Elle allait faire face à un paradoxe déroutant : celui de la précision tranchante des termes spécialisés et de la multiplicité complexe des procédures et des manipulations qu'inventent des âmes sulfureuses pour en brouiller la compréhension.
Elle puisera son courage dans la certitude qu'elle triomphera de cet obstacle parce que les biens qu'elle risquait de perdre, importaient peu.  Importait surtout l'honneur posthume du défunt mari, aimé passionnément.
 
Dans ce récit, un « fragment » se lit comme une pause, ou comme un « reposoir » d'une descente aux enfers.  C'est le moment où, amoureuse, elle mettra entre parenthèse, cette passion dévorante pour son défunt mari, et se laissera entrainer dans « un divertissement sentimental » qui comme le divertissement pascalien, lui fera oublier l'oppression de la vie quotidienne.  Son amour pour un jeune journaliste la mènera loin.  Jusqu'à oublier ce combat qu'elle dit mener pour la cause des femmes. Elle était prête à accepter pour être heureuse le statut de « deuxième épouse » ! Etonnante, et admirable démission, pour une combattante dont les péripéties de lutte excluaient toute démission. Ce « fragment », toutefois, dit la fragilité de la femme, et le recours inattendu et risqué à la thérapie, jubilatoire du « carpe diem », qui parfois égare.
Elle a mis en application la phrase de Simone de Beauvoir « Exister, c'est aussi se jeter dans le monde » qu'elle avait choisie en exergue à son premier chapitre.
Elle a osé, et senti enfin qu'elle existait. Puis elle est revenue, débarrassée de ce nouvel amour qui l'entrainait dans un avenir confus, plus forte que jamais pour triompher de l'obscurité de l'âme humaine.
 
C'est le pouvoir tout court qui fera plier le pouvoir bancaire et qui parachèvera son triomphe.  Sans cette intervention bienveillante, son combat contre les forces du mal financier et, du mal judiciaire aurait été vain.
 
Les récits de ce genre, qui privilégient une intrique dans un milieu aussi fermé que celui des affaires, et des banques dans une société qui entre, brouillonne, dans la modernité, sont rares, voire absents du paysage littéraire.  Anissa Bellefqih, en écrivain téméraire, n'a pas hésité à choisir ce milieu, comme personnage central de son roman. La BCG (banque de Commerce et de Gestion), est autant un personnage agissant que son directeur.  La description de l'immeuble B.C.G., en début du roman témoigne de cette volonté de l'écrivain de faire de cette institution une masse mouvante et effrayante.
 
La morale de l'histoire est que, cette masse en avançant, se nourrit, inexorable et impitoyable, des naufrages des individus et des entreprises.  La morale de l'histoire c'est que peu d'individus et d'entreprises bénéficient de la bienveillance du pouvoir pour triompher du pouvoir de l'argent.
 
Les épisodes sont parfois longs, parfois courts.  le critique aurait aimé un suspens plus haletant, à partir d'un déroulement de situations plus dense.  Mais l'auteur a choisi de dire hâtivement les mots qui la libèreraient enfin de tant d'années de souffrance. Ce « Je », c'est Yasmina, Yasmina c'est Anissa Bellefqih, et Anissa – Yasmina, ne laissera plus quiconque lui voler les années à venir.
 
Lisez « Années volées », j'allais écrire « La salamandre ». Vous comprendrez pourquoi, Aïcha Belarbi, sociologue et aussi écrivain, a affirmé lors d'une rencontre « Le Maroc est riche de ses femmes ».  
 
 Abdeljlil Lahjomri
L'Obersvateur, 28 déc-10 janvier 2013
 
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* - EXTRAIT SUR LA SALAMANDRE :
Une image s'imposa à moi. Celle de la salamandre. Je pensai à la devise de François 1er qui avait choisi de mettre dans ses armoiries cet animal au milieu du feu et qui avait adopté cette devise : « J'y vis et je l'éteins. » 
[ Note : La salamandre : Amphibien qui était supposé par les Anciens capable de vivre dans le feu sans y être consumé. À l'inverse, on lui attribuait aussi le pouvoir d'éteindre le feu. Dans l'iconographie médiévale, elle représente le Juste qui ne perd point la paix de son âme et la confiance en Dieu au milieu des tribulations. ] p. 168
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