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EAN : 9782070137343
144 pages
Gallimard (22/03/2012)
3.75/5   10 notes
Résumé :
"Le silence de l'Aimée
Est un meurtre tranquille
Il blesse sans tuer
Il inquiète et fait monter la fièvre
C'est un mur froid qui avance
Broie ce qu'il rencontre
Le tout sans faire de bruit."
Que lire après Que la blessure se fermeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Si l'on devait réduire « Que la blessure se ferme » à un seul terme, ce serait sans doute le mot « lumière » qui nous viendrait spontanément à l'esprit.
La lumière est partout dans ce beau recueil qui entretisse avec beaucoup d'émotion et d'humilité, poésie, prose et réflexions.
Lumière diffuse ou éclatante, lueur trouble ou étincelante, brume effilochée ou éclair foudroyant, éclat lustré ou mordoré, la lumière rayonne et nimbe tout, elle darde ses feux miroitants sur les êtres et les choses, s'attarde en voile chatoyant sur les villes de la Méditerranée, de Fez ou de Naples, façonne les pierres millénaires en miroitements de silice, les lustre d'une patine où s'inscrivent les marques du temps et les fissures de l'Histoire.
Doigt de dieu, elle touche le coeur des hommes de foi en rais éblouissants, elle descend du ciel en ondes caressantes, elle monte de la terre en brasier incandescent, elle se love, paresse, s'exhibe ou se cache, tantôt vive, tantôt sombre, tantôt joyeuse, tantôt terne, elle essaime, radieuse, ses rayons flamboyants dans le coeur plein d'illusions de l'amoureux, ou s'assombrit dans le désamour et s'ombrage en tons orageux dans la colère et le dépit de l'amant déçu.
Lumière blanche de la quête spirituelle, lumière pourpre du sang versé, elle est source de vie, elle est parole, elle est amour, elle est cri, elle est larme ou Vérité, elle est cette clarté qui brille dans le coeur des hommes, le croyant ou l'épris, l'enfant ou le fou, le mendiant ou le saint, le profane ou l'élu…

Il n'est pas étonnant alors que la première et meilleure partie du recueil s'intitule « Lumière sur lumière ».
Tahar Ben Jelloun, au détour de poèmes ardents à l'inspiration envoûtante, y rend hommage au poète et mystique soufi Al-Hallaj, puisant dans le martyr et la spiritualité de ce dernier, le souffle qui alimente sa propre poésie et sa quête intérieure. Des vers brefs et puissants, dépouillés mais plein de ferveurs, des mots comme des soupirs ou des effluves, concis, illuminés, porteurs d'une grande richesse mystique et qui révèlent, à l'instar du célèbre ascète Al-Hallaj, une recherche de l'Absolu et de la pensée divine dans l'expression d'un langage réduit à sa plus simple essence.
Vérité, Parole et Absolu s'embrasent ainsi dans une même fusion, une même communion, une même dissolution pour atteindre au divin :
« On remonte la page/ On suit la phrase/ On est choisi par le mot/ dit à l'infini/ jusqu'à l'apparition du visage de l'Aimé ».

La lumière s'expose aussi dans les autres parties du recueil, celles plus sentimentales où Tahar Ben Jelloun s'exprime, non plus sur l'idée de foi, de la quête spirituelle et du cheminement intérieur, mais sur l'Amour et ses manifestations les plus chagrines, l'absence de sentiments et le désamour. Dépit, déception, amertume, illusions déçues s'inscrivent dans une poésie plus ombrageuse, rembrunie par les sentiments de peine et d'affliction de l'amoureux désenchanté. Cependant, là-aussi, la lumière triomphe, porteuse de désir et d'espérance :
« L'Aimée se tient sur la cime de l'exception/ Il faut lever les yeux pour la voir/ Il faut lever le coeur très haut pour l'atteindre ».

La lumière se répand encore tout entière dans cet « être solaire » que Tahar Ben Jelloun a pour fils, cet enfant trisomique dont le poète nous livre un émouvant témoignage d'affection et d'amour paternels. La tendresse, l'attachement, la compréhension qui émanent des belles lignes que l'auteur dédie à son fils, sont une parenthèse bienfaisante à la violence affichée du monde ; temps suspendu offrant un instant de grâce pure, un moment d'émotion immaculé, le sentiment de l'ingénuité retrouvée, « un amour qui dément la brutalité et la bêtise » :
« Il n'est pas comme les autres/ Il est innocence éparse dans une société qui ment/ Il touche à l'essaim de tant d'étoiles du simple fait de rire aux éclats/ Il est cette liberté dont on n'écrit nulle part le nom ».

La lumière, bien que plus diffuse, s'épanche enfin dans les aphorismes qui parachèvent le recueil comme autant de petits cailloux lumineux jetés sur le cours de la vie en pensées, raisonnements, paradoxes ou évidences.
150 idées et impressions pour parler de tout et de rien, de l'amour, de la mort, de la maladie, de l'amitié, de la poésie, du sens des choses…
150 remarques et observations, sages ou caustiques, drôles ou surprenantes, qui ouvrent l'horizon sur une réflexion positive et offrent un chemin à parcourir, quels que soient les méandres de l'existence, ensoleillés ou ombragés, jusqu'à ce « Que la blessure se ferme ».
Alors, seule une prière sera à rajouter au registre de l'espérance :
« Mon Dieu ! Donnez-nous une passion ! Qu'elle vienne de l'étrange ou de l'inconnu, qu'elle soit forte et belle, qu'elle fabrique du bonheur ou de la folie, mais qu'elle soit là sur notre chemin, tant que nous avons l'énergie de défier les impossibles, d'imaginer le rêve et d'en être jusqu'à la fin. »
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Jusqu'à récemment encore, je ne connaissais pas la poésie de Tahar Ben Jelloun. C'est au hasard de la découverte de son recueil Que la blessure se ferme, publié en 2011 aux éditions Gallimard, que je suis arrivé jusqu'à elle.

Le recueil débute par de beaux poèmes en vers, tous regroupés sous le titre « Lumière sur lumière ». Ces premiers textes rendent hommage à la vie du grand mystique perse Mansûr Al-Hallaj (858-922). Ils sont suivis par plusieurs poèmes évoquant la ville de Fès au Maroc. le portrait du maître soufi et de la cité marocaine ont entre eux une belle unité de style. Ils font apparaître chacun un sentiment de nostalgie, d'inquiétude, de douceur mais aussi une filiation intime à Mansur Al-Hallaj et à la ville de Fès, témoins illustres d'un passé lointain que seuls les mots peuvent encore contenir en soi.

« C'est peut-être dans le sommeil
Que les formes se libèrent

Entre ce qu'on sait et ce qui se cache

Formes toujours inachevées
Entre l'obscure évidence
Et l'espoir d'une issue de lumière »

D'autres textes suivent qui, dans la tonalité, sont plus surprenants. C'est le cas de « Naples ensevelie » ou « le désamour ».
Dans le premier, Tahar Ben Jelloun fait un portrait sans concession de la cité napolitaine, la décrivant croulant sous les ordures et les poubelles. Dans un long texte en prose, il s'emporte, s'acharne: « Dans cette faune de déchets se décomposant à l'infini aucun poète n'a le coeur de chanter les beautés de Naples. L'oiseau n'habite plus dans l'arbre. L'arbre n'a plus sa dignité d'arbre. Les poètes sont endeuillés par tant de laideur organisée. […]. Plus aucune saveur ne se dégage de ce gâchis monumental. »

Même sensation trouble dans « le désamour ». Ici, l'écrivain décrit avec justesse la douleur et la colère qui peuvent entourer la séparation d'un couple. Mais au fil de la lecture, j'ai senti (comme dans « Naples ensevelie ») que la poésie servait de prétexte pour se déverser sur celle qui partagea sa vie. Les mots sont durs, violents, révèlent une tension exacerbée.

« […] Tu m'as donné le frisson
C'était la peur d'avoir peur
L'effroi lu sur ton visage quand il crie vengeance

J'aurais aimé chanter avec Aragon
Et lui dire qu'il a raison
Mais tu m'as tout pris
Ma vie, mes biens, mon sourire
Et mon humour
Si c'est cela l'amour
Alors je n'ai jamais aimé
Je ne t'ai jamais aimée

Le poète a-t-il toujours raison ?
Même quand il souffre
Et détruit l'ancienne oraison ?
La femme n'a pas été mon avenir
[…] »

Les poèmes qui suivent, regroupés sous le titre de « Des Mots d'amour », sont eux chargés de plus de sérénité. Cette partie du recueil s'ouvre sur un magnifique texte dans lequel Tahar Ben Jelloun interroge le sentiment amoureux et le pouvoir des mots pour en rendre compte. Selon lui, les mots sont vains, insuffisants à traduire, à décrire pleinement le sentiment amoureux. Paradoxe de cette croyance, Ben Jelloun écrit un texte remarquable. En amour, la profusion des mots ne suffit pas. Avec peu, on peut dire beaucoup :

« Erreur
Charger les mots de dire l'amour
Tant ils sont boiteux étroits
Pris dans la moisissure de l'habitude
Usés dans la pâleur masquée

L'amour est ou n'est pas

Pas besoin de béquilles
Ni d'échelle pour monter au ciel
Une lumière aveuglante
Dans le sillage du silence élu
Une page blanche où le poème s'imprime
Amour sans annonce
Pudique comme un crime
Évident comme une nuit encombrée d'étoiles
Une belle nuit sans sommeil
Où nous sommes ce que nous sommes
Fragiles et abîmés
Espérant espérés
Vivants »

« Amine, mon fils trisomique » est un poème très personnel dans lequel l'auteur évoque avec une grande pudeur le handicap de son fils Amine. le texte est plein d'amour filial, de ce lien indéfectible qui va d'un père à son enfant. Dans les lignes pourtant apparaît la difficulté à subir les préjugés sur le handicap, les blessures qu'elles peuvent engendrer dans une société qui érige la performance et le bien-être en absolu.

Comme un chapitre, « Paradoxes » vient clore le recueil. C'est une longue suite d'aphorismes qui portent sur des sujets nombreux et variés comme l'amour, l'amitié, la mort, la mémoire, le destin, le temps, les origines,… Pour être sincère, Aussi intéressantes que soient les réflexions de Tahar Ben Jelloun, je n'ai pas saisi leur valeur poétique et ce que leur présence faisait dans un recueil de poésie.

Je ressors de la lecture de Que la blessure se ferme avec une impression mitigée, un peu trouble. La valeur des textes en prose et en vers, si elle est avérée dans plusieurs poèmes, m'a paru assez inégale. J'ai souvent eu l'impression que les convictions de Tahar Ben Jelloun dépassaient le champ poétique, qu'il suffisait d'une belle maîtrise de la langue et de sincérité pour donner sens et faire poésie. C'est évidemment beaucoup mais pas assez.
Que la blessure se ferme reste malgré tout une belle expérience de lecture.

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Que la blessure se ferme est un recueil de poèmes un peu différent, accessible et moderne.
Il peut se diviser en trois parties.
La première regroupe des poèmes en l'hommage de Mansour Al-Hallaj, poète arabe de la période de l'Hégire, adepte du soufisme qui a été condamné à mort en 922 â Bagdad.
Dans ces poèmes, l'auteur évoque la mort, le bourreau, la Vérité. Ce sont des vers sombres qui veulent conclure (que la blessure se ferme) sur ce crime contre un poète qui voulait dire la Vérité.
La seconde partie regroupe des poèmes sur l'amour et sur les sentiments lorsque l'on n'aime plus, la trahison, la haine. le désamour reprend comme en écho la chanson de Ferrat, Que serais-je sans toi?.
J'ai beaucoup aimé aussi le poème sur cet enfant différent ou celui sur Narjis, une jeune indienne qui serait le bébé qui nous a fait passer le cap des sept milliards d'humains sur terre.
Enfin, la dernière partie est une liste de 150 aphorismes, de réflexions sur la vie, des choses drôles ou tendres, des analyses de citations.
C'est un superbe recueil que l'on peut relire souvent car cette poésie nous fait réfléchir sur l'humanité, nous repose des horreurs de la vie réelle. Elle permet de prendre du recul et se réconcilier avec la beauté des choses.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
J'ai longtemps vécu d'espoir
Embarqué par l'illusion
Un doux mensonge à soi
Une promesse et du vent

Sur les lèvres gercées du temps
Sur le corps meurtri par l'attente
Dans la clarté des évidences
J'ai vu l'aimée
Avancer vers l'horizon où j'ai enfoui mon visage

L'ai-je vue ou imaginée
Je sais qu'elle existe
Je sais son sourire qui affole les regards
Je sais les yeux mouillés de brume
Les mains prêtes à recevoir

Je sais qu'elle viendra un jour
Ramasser ce qui subsistera de mes solitudes
Elle m'emmènera là où on dépose
Les âmes et les armes.
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Mon Dieu ! Donnez-nous une passion ! Qu’elle vienne de l’étrange ou de l’inconnu, qu’elle soit forte et belle, qu’elle fabrique du bonheur ou de la folie, mais qu’elle soit là sur notre chemin, tant que nous avons l’énergie de défier les impossibles, d’imaginer le rêve et d’en être jusqu’à la fin.
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Naples reste une énigme, un visage derrière d'autres visages, un esprit où le vice et la vertu se mêlent, s'échangent les rôles et rient de tout. Le citoyen apprend que ce qu'il voit n'est pas ce qui existe ou plutôt ce qui est apparent n'est qu'un voile posé sur d'autres spectacles variant du drame à la fantaisie où la mort danse sur une Vespa en sillonnant les ruelles sombres et labyrinthiques. La mort, une plaisanterie douteuse, une fugue, la preuve d'une saison qui chavire. A présent elle fait son spectacle sur des tas d'ordures qui montent, montent jusqu'au ciel.
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Le silence de l'Aimée
Est un meurtre tranquille
Il blesse sans tuer
Il inquiète et fait monter la fièvre
C'est un mur froid qui avance
Broie ce qu'il rencontre
Le tout sans faire de bruit.
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56. Si X. avait eu ce jour-là une forte migraine, si sa femme avait eu besoin de lui pour l'accompagner à l'hôpital, si le réveil n'avait pas sonné ce matin-là, s'il avait pris la peine de se raser, s'il avait rencontré un copain qui lui avait offert un café, si, si, si... Ismaël n'aurait pas été écrasé à 9h11 minutes par le chauffeur du camion qui passait devant chez lui à toute vitesse.
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