Trois nouvelles très courtes pour nous parler de la condition féminine, de la liberté des femmes à choisir leur mode de vie, à disposer de leur corps (le couvrir comme elles l'entendent, notamment).
Trois histoires simples et éloquentes :
- une jeune femme en 1920, corsetée au sens propre et au sens figuré (religion catholique, soumission, éducation visant uniquement à devenir bonne épouse/mère...)
- une jeune musulmane prise dans les injonctions de son entourage (voile ou, par contraste, allure délurée comme certaines de ses amies ? quid du respect des hommes ou tout simplement de la tranquillité, dans le deuxième cas)
- une adolescente d'aujourd'hui, qui souffre de voir le corps dénudé de sa mère sur des grandes affiches d'une publicité pour un parfum.
Chacune s'oppose à celle qui transmet les valeurs, dicte les comportements : sa propre mère.
Chacune se rebiffe contre le jugement porté sur les femmes qui essaient de s'affranchir des codes.
Il est question du regard des hommes, qui classe, évalue (vertu & respect vs liberté & mépris).
La lutte de ces trois jeunes se manifeste par le verbe (texte, écrit, silence), de manière très symbolique.
Ce beau recueil sensible prouve qu'on peut exprimer beaucoup avec une histoire de quelques pages, et que les nouvelles sont un genre à part, pas une esquisse ou un concentré de roman pour auteur en mal d'inspiration.
Commenter  J’apprécie         393
Ces trois courtes histoires illustrent les difficultés des femmes dans beaucoup de sociétés pour se faire une place respectueuse des droits humains, et ce dès leur jeune âge.
La religion est souvent un facteur aggravant, parce qu'utilisée comme justification de corsets sociaux. Le voile islamique n'est qu'un bout de tissu (peut être issu d'un arbre) qui cache la forêt ; il est évoqué dans la nouvelle « le Ramadan de la parole » mais les carcans sociaux à l'encontre des femmes prennent d'autres formes ailleurs.
Le tissu contribuait aussi à cet enferment social en Chine lorsque les pieds des petites filles étaient bandés pour ne mesurer que 7.5 cm, d'abord pour faciliter la traditionnelle danse du Lotus, puis pour satisfaire le fétichisme de certains hommes. Le bandage des pieds était une pratique courante à partir du Xe siècle jusqu'à 1912, d'abord dans les classes sociales favorisées, puis dans une plus grande partie de la population.
Et c'est encore du tissu, associé au busc (large lame rigidifiante), à des baleines, et à des oeillets métalliques, qui a longtemps corseté des femmes européennes depuis le XVIe siècle.
Dans ce recueil, la nouvelle « Même les Chinoise n'ont plus les pieds bandés » évoque la place du corset en 1920 en France.
Ce tissu enferme et contribue à façonner l'image de la femme, la ramenant à n'être qu'un objet sexuel.
Le corps féminin reste un objet de fantasme lorsque le tissu disparaît totalement, comme dans la nouvelle « A l'affiche », où une jeune fille a honte de voir sa mère s'exposer nue au regard de tous.
Ces récits sont une belle invitation à poursuivre la réflexion.
Commenter  J’apprécie         170
Trois textes très courts (collection "d'une seule voix" oblige) sur la condition féminine.
Un bon moyen d'initier le débat sur l'égalité et le respect.
Combat pour l'éducation ; combat pour la liberté ; combat pour le respect.
Commenter  J’apprécie         220
Trois narratrices pour trois textes courts et percutants, chacune se révoltant à sa manière contre les carcans que la société réserve aux femmes.
Quel que soit le lieu, quelle que soit l'époque, chacune de ces trois femmes pousse un cri pour se libérer de ce qu'elle ne veut pas être malgré elle.
Ce sont aussi trois filles qui ne veulent plus suivre l'exemple de leur mère et la voie tracée pour elles. Anonymes, elles nous montrent chacune à sa façon à quel point le regard porté sur elles est biaisé, combien il est pesant et difficile de s'en affranchir. Et pourtant, elles ont bien l'intention de s'en libérer. Bravo les filles !
Commenter  J’apprécie         140
[ une jeune fille, dont la mère pose dénudée sur une affiche publicitaire ]
Je voudrais crever les yeux de tous les types qui regardent cette affiche.
Je voudrais crever les yeux de toutes les femmes qui ne voient que le flacon de parfum et oublient le corps de celle qui pose. Toutes celles et tous ceux qui ne veulent pas voir qu'il y a là un corps nu juste pour faire vendre.
Vous m'avez dit : "reste avec tes précieux livres, ma fille, jusqu'à demain, seule dans ta chambre. Quand j'ouvrirai la porte, si tu n'es pas revenue à de meilleurs sentiments, tes livres, tu pourras leur dire adieu. Je ne te laisserai que la sainte Bible offerte par ta grand-mère.
Les livres sont toujours des trésors, où qu'ils soient. Il suffit que quelqu'un les lise, et vous n'y pouvez rien. Rien !
Les livres sont mes bateaux, mon équipage. Ils m'ont appris à être le capitaine de ma vie.
C'est mal d'avoir envie qu'un garçon vous regarde ? C'est mal d'avoir envie qu'il approche sa main de votre main ? Qu'il touche votre peau ?
Je ne veux plus participer à ce langage qui fait de nous des bêtes de crainte. Je me lave de toutes ces insultes qu'on entend, de tous ces gestes obscènes, de tous ces interdits qu'ils jettent sur nous pour se protéger de leurs désirs.
On dit que je suis fière. Qu'il faut que je fasse attention. A quoi ?
Vous me reprochez d'avoir un cerveau et de m'en servir ! Vous dites que je prends de mauvais chemins, que vous craignez que je ne sois pas une bonne chrétienne. Pourtant je suis comme votre dieu m'a faite, et qu'y puis-je s'il a placé sous mes cheveux quelque chose qui vit, qui bat, un esprit qui me dit que la vie est pleine de choses à tenter et qu'il est inutile de porter corset et bas de soie pour être vivante ! (p.9)
Après notre entretien avec Chloé Deschamps, créatrice du compte Instagram @aquoibonlespoetes, nous poursuivons notre exploration de l'univers poétique.
Dans la 2ème partie de cet épisode spécial Poésie, nous sommes en compagnie de Laure, libraire à Dialogues.
Bibliographie :
- le Pas d'Isis, de Jeanne Benameur (éd. Bruno Doucey)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130380-le-pas-d-isis-jeanne-benameur-editions-bruno-doucey
- Made in woman, d'Hélène Dassavray (éd. La Boucherie Littéraire)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/16144462-made-in-woman-helene-dassavray-la-boucherie-litteraire
- Prends ces mots pour tenir, de Julien Bucci (éd. La Boucherie Littéraire)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20480403-prends-ces-mots-pour-tenir-bucci-julien-la-boucherie-litteraire
- Faiseur de miracles, de Fadhil Al-Azzawi (éd. Lisières)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/15531936-faiseur-de-miracles-suad-labiz-ed-lisieres
- Brûler, Brûler, Brûler, de Lisette Lombé (éd. L'Iconoclaste)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378935-bruler-bruler-bruler-lisette-lombe-l-iconoclaste
- Des Frelons dans les coeurs, de Suzanne Rault-Balet (éd. L'Iconoclaste)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378693-des-frelons-dans-le-coeur-suzanne-rault-balet-l-iconoclaste
+ Lire la suite