Loin de la rentrée littéraire 2020, et un peu par hasard – merci aux bibliothèques, des trésors de bonnes surprises – j'ai découvert l'univers de
Stefano Benni, auteur italien né à Bologne en 1947, grâce à ce recueil de
nouvelles « La Grammaire de Dieu ».
Je l'ai choisi à la fois pour son titre – original – et à son éditeur -
Actes Sud – un cocktail qui me garantissait un plaisir de lecture qui ne s'est pas démenti.
Avec une palette de sujets très large, l'auteur détaille les travers de nos vies contemporaines, avec un regard à la fois amusé – un brin moqueur – bienveillant et y ajoutant souvent une forme d'emphase, propre à son style, comme si il observait celles-ci à l'aide d'un miroir grossissant.
J'aimerais citer tous les titres de ce recueil, pour vous donner l'envie de pousser la porte un peu plus loin, mais je vais me concentrer sur quelques unes.
Celle qui m'a fait le plus rire s'intitule « Plus jamais seul » : un homme qui n'a ni femme, ni amis ni même un « demi-ami » se désole. Magasinier dans un dépôt de médicaments, il va chez trois coiffeurs différents pour tuer le temps. Iris, la barmaid du Mocabar, son bar préféré, ne lui sourit jamais.
Mais sa vie va basculer lors qu'il tombe sur une publicité : « avec soleil, plus jamais seul ».
Soleil est une marque de portable, et l'on voit une fille bronzée téléphonant à tout un tas d'amis. Notre héros a donc la solution : il lui suffit de pousser la porte de la boutique de téléphonie et la vie va lui sourire. A partir de là, Iris la barmaid l'interroge sur le modèle choisi. Son chef le considère enfin, et lui envoie des SMS supposés être très drôles. Et même si personne ne l'appelle il marche jusqu'à tard dans la rue, son téléphone à la main, jetant quelques phrases de ci-de là comme un homme moderne. Et parce que son téléphone ne sonne jamais, il trouve une parade : il s'achète un second portable, avec lequel il peut s'appeler très régulièrement …
On pense à l'humour génial de «
La vie très privée de Mr Sim » de
Jonathan Coe, avec un grand soulagement, au retour d'un voyage, qu'il a une centaine de messages dans sa boite mel … soulagement tout relatif quand il repère que ces nombreux messages sont surtout des propositions publicitaires pour de l'achat de viagra en ligne.
Il faudrait encore citer le savant, recherchant partout l'homme « le plus seul du monde » mais qui aura de nombreuses déconvenues en découvrant que les hommes qui paraissent tout à fait seuls étaient souvent d'excellents business men qui savent très bien communiquer sur leur pseudo solitude.
Certaines
nouvelles sont cruelles, comme celle de l'ogre fournisseur d'enfants pauvres à des individus sans morale, d'autres sont poétiques, comme celle qui parles des formes qui incarnent les « rêves négligés, jamais cultivés avec soin, jamais poursuivis avec passion. »
Enfin ne manquez pas de lire « Une solution civile » : des politiques s'unissent pour réveiller une démocratie vieillissante en ayant trouvé un procédé peu recommandable – mais malheureusement crédible - : le déclenchement d'une guerre civile, qui leur permettra de reprendre le contrôle, après qu'un million de morts aient été sacrifiés …
Nostalgie, poésie, humour,
Stefano Benni s'inscrit dans une grande lignée d'auteurs italiens comme
Dino Buzzati ou
Italo Calvino, en signant ici un grand recueil de
nouvelles.
« Parmi les dieux que les hommes inventèrent, le plus généreux est celui qui, en unissant plusieurs solitudes, en fait un jour d'allégresse. »
Ce pourrait être la ligne de conduite de cette « Grammaire de Dieu ».
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