«
Mademoiselle de la Ferté », dans l'oeuvre de
Pierre Benoit, représentait une première incursion (très réussie), dans le roman psychologique « métropolitain ». Dès le roman suivant, notre auteur revient à ses premières amours et nous retrouvons avec lui des contrées exotiques, des femmes à la beauté fatale… et des héros qui tombent sous le charme. «
La Châtelaine du Liban » reprend en effet tous les éléments de la « méthode Benoit ».
Cette fois-ci nous sommes au Liban, sous protectorat français, au début des années 20. Lucien Domèvre est un jeune officier méhariste (c'est comme un cavalier, mais avec des chameaux). Il déclare son amour à Michelle, la fille du colonel Hennequin, qui le lui rend bien (Michelle, pas le colonel). Croyant bien faire, celui-ci le fait verser dans le renseignement où il côtoie du beau monde. Pour son malheur, il fait la connaissance d'Athelstane Orlof, une aventurière dont la beauté n'a d'égale que la duplicité et le mystère, et qui possède une espèce de château dans le désert. Que pensez-vous qu'il arriva ? C'est Lucien qui dans… le sable se trouva (vous noterez que je fais des efforts pour garder à cette chronique un niveau élevé tant du point de vue moral que littéraire). Pour notre ami Lucien, ce n'est que le début.
Raconté comme ça, les plus futées d'entre vous, charmantes lectrices, les plus perspicaces d'entres vous, aimables, lecteurs, me diront avec un certain à-propos et non sans justesse : Mais c'est «
L'Atlantide » que vous nous ressortez là à la sauce libanaise ! Une déesse des sables belle et mystérieuse et d'autant plus fatale, n'est-ce point un clone de la sulfureuse Antinéa ? Un jeune officier subjugué au point d'y laisser (presque) son honneur, sa fortune et sa raison, ne serait-ce pas une réincarnation des méharistes
Saint-Avit et Morhange ? N'y aurait-il pas là un léger cousinage ? Oui et non, dirais-je (sans trop me mouiller). Athelstane n'est pas Antinéa :
la châtelaine du Liban a un côté vénal et malsain bien plus prononcé que la souveraine du Hoggar, même si le résultat reste le même. Et si Domèvre suit la même pente que ses collègues sahariens, rien ne dit que… mais chut ! vous le saurez assez tôt.
Dans les ventes de livres, «
La Châtelaine du Liban » arrivait (à l'époque) juste derrière «
L'Atlantide » et «
Koenigsmark ». Aujourd'hui ce classement est quelque peu étonnant. Si le roman reste attrayant par son intrigue, son exotisme et ses personnages plutôt bien campés, il est par bien des côtés déconcertant, essentiellement parce qu'on a l'impression que
Pierre Benoit « patine » un peu dans son imagination, et nous ressert un plat réchauffé (après avoir changé l'assiette, quand même !) C'est un peu dommage, l'auteur aurait pu creuser un peu plus le côté politique, où Français et Britanniques, en cette partie du Proche-Orient essayaient d'arracher à leur profit (et même à leurs profits) les restes de l'Empire Ottoman. Cela dit «
La Châtelaine du Liban » reste un roman très agréable à lire, même s'il est un chouïa en-dessous des autres livres cités.
Pour ceux que ça intéresse, il existe un film de 1956, réalisé par
Richard Pottier, avec
Jean-Claude Pascal et Gianna-Maria Canale. Cette adaptation, pas très fidèle, ne vous laissera pas un grand souvenir, sinon pour les beaux yeux de la belle italienne…