Marville. Petite ville tranquille sur la côte normande. Tranquille ? Pas si tranquille que ça! En ce joli mois de mai les cadavres se ramassent à la pelle : Robert, prof stagiaire au collège Aubin-Corbier, est retrouvé dans les toilettes dudit collège les veines tailladées (suicide ?), Georges Latour, époux infirme de Louise Latour, prof de français, dégringole de la falaise et se tue (accident ?), un nain à la trottinette termine ses jours sous les roues d'un 4x4 (accident ?), une autre prof est retrouvée assassinée sur son lit, et comment cette vieille femme alcoolique est-elle tombée raide morte dans le trou qu'elle creusait pour enterrer son vieux chien ? Beaucoup trop de morts pour Marville et pour Carole Riou, commandant de police judiciaire au SRPJ de Rouen…
Dans ce Coin tranquille pour mourir, le récit du narrateur se mêle à un journal tenu par un serial killer, heu… un tueur en série, heu… pardon, j'en perds mon latin, un tueur multirécidiviste, comme on dit chez nous, qui signe allègrement les trépas marvillois.
Ce Coin tranquille est un roman fort agréable à lire et, pourquoi pas, à offrir à un prof si vous en connaissez. Il y reconnaîtra la salle des profs, les réunions pédagogiques ou syndicales, la cantine, les élèves tous plus charmants les uns que les autres qui hurlent dans les couloirs en se bousculant, les copies à corriger… L'auteur, enseignante elle-même, nous propose une typologie assez exhaustive des professeurs : le stagiaire au bout du rouleau, la prof hystérique, le principal détesté et détestable, la prof de lettres écrivain raté… un microcosme bien brossé. On peut reprocher à notre auteur un brin de démagogie et un chouia de simplifications : les profs sont formidables ou dépressifs… les gens de gauche sont intelligents et ceux de droite corrompus et, naturellement, le milieu policier est machiste.
Cela dit, le personnage principal, Carole Riou, est attachant. On suit avec plaisir son enquête, on adopte son point de vue, on l'accompagne dans son cheminement, on partage ses doutes, on comprend ses colères…Et puis, ô délice du lecteur de romans policiers, on se laisse abuser, comme elle, par les indices que sème ça et là
Yvonne Besson pour mieux nous entortiller. L'histoire tient la route, l'intrigue est solide, consistante, cohérente. On aurait juste souhaité une fin plus surprenante mais bon, on a apprécié le déroulement de l'enquête… le quotidien des profs est bien rendu. Et le texte est émaillé, pour notre plus grand plaisir, de références à la littérature tout court et à la littérature policière. Enfin pour moi la littérature policière est de la littérature tout court.
Carole Riou est l'héroïne récurrente d'
Yvonne Besson - puisque voici le quatrième volet de ses aventures après Meurtre à l'antique,
La Nuit des autres et Doubles dames contre la mort. A quand le cinquième ?
En conclusion, je ne résiste pas à citer Carole Riou elle-même, clin d'oeil de la romancière à ses lecteurs : “Comment le saurais-je ?... Tu oublies que je suis un personnage de roman !”
C'est peut-être ça la magie d'un roman : oublier qu'on est lecteur et être dans le roman.
Merci madame Besson