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EAN : 9782021529111
528 pages
Seuil (02/06/2023)
3.96/5   178 notes
Résumé :
Fuyant l’Irlande, où il est né en 1799, Cashel Greville Ross s’enrôle dans l’armée. Ainsi débute un parcours tumultueux, semé d’épisodes glorieux et de revers de fortune, dans les pas de l’Histoire. Blessé et décoré à la bataille de Waterloo puis témoin des atrocités de l’armée anglaise aux Indes, il arpente la France et l’Italie, où il se lie d’amitié avec Byron et Shelley avant de tomber éperdument amoureux de la mystérieuse Raffaella. Mais le goût de l’aventure l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Le romantique, c'est Cashel Greville Ross, aventurier d'origine irlandaise qui n'aura passé que peu de temps sur sa terre natale. Son histoire débute sur un secret de famille, qui le pousse d'abord à s'engager dans l'armée. Héros de la bataille de Waterloo, le goût de l'aventure et des voyages le mènent ensuite vers d'autres contrées tout au long de sa vie, des Indes orientales au Massachusetts, en passant par l'Italie, la France, l'Autriche et un peu l'Angleterre. Tantôt soldat, écrivain, brasseur, explorateur ou encore diplomate, Cashel n'aura de cesse de penser à Raffaella, son amour de jeunesse perdu, qu'il ne peut oublier.

L'auteur, par le biais de Cashel et ses nombreuses (més)aventures, nous fait traverser le XIXe siècle en long, en large et en travers. L'Histoire, avec un grand H, y a sa place et son rôle à jouer (faits historiques, progrès, culture). En cela, on ne peut lui reprocher d'avoir mal campé ses personnages. Au contraire, on s'y croirait, tellement tout est bien dépeint et implanté.

Il m'a fallu tout de même un peu de temps pour rentrer complètement dans cette histoire (après un bon premier tiers), pourtant riche en aventures, mésaventures et rebondissements divers. Tout est pourtant bien écrit et décrit, peut-être de manière un peu trop détachée en revanche, ce qui fait que je ne me suis pas liée à Cashel immédiatement. Mais Cashel est un personnage trop bien travaillé pour qu'on ne s'y intéresse pas. J'ai même fini par m'y attacher, et de là, j'ai englouti le roman page après page.

Et côté intrigue, j'ai suivi le même chemin : si j'ai trouvé le début pas plus passionnant que ça (mais toujours très bien développé), c'est captivée et harponnée que j'étais ensuite, en n'ayant plus du tout envie que ça se termine. D'autant que j'ai croisé des personnages (réels et fictifs) hauts en couleur et que j'étais totalement imprégnée par l'atmosphère 100% XIXe siècle.

Un départ difficile donc mais que j'ai vite oublié. Tout y est si bien développé que je ne pouvais rester longtemps indifférente, ni à une intrigue riche en aventures et événements, ni à des personnages travaillés, ni à un contexte historique approfondi, et non plus à une écriture fine et minutieuse (qui manque tout de même un peu de sentiments).

Grâce à ce roman historique complet, foisonnant et bien plus captivant qu'il n'y paraît au premier abord, j'ai passé un très bon moment de lecture.
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Autrefois, quand le web n'existait pas, il était impossible, seul chez soi, de chercher des références de livres à lire. Quelques libraires faisaient connaître leurs recommandations, mais ils donnaient souvent le sentiment d'un choix limité et dicté par les éditeurs. Heureusement, il y avait la télé et Apostrophes, une émission que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître. Dans les années quatre-vingt, j'ai ainsi suivi un conseil inopiné de Bernard Pivot : j'ai acheté, lu et beaucoup aimé un livre d'un jeune écrivain britannique nommé William Boyd. Depuis, j'ai lu ses romans dès leur publication, une bonne quinzaine d'entre eux, en tout cas. le Romantique est le quatrième que je critique.

Le Romantique est une fausse biographie. C'est une fiction, qui raconte la vie, en plein dix-neuvième siècle, d'un Anglo-Irlandais né en Ecosse, répondant au nom de Cashel Greville Ross ; un homme qui aura cherché fortune et bonheur un peu partout en Europe et sur trois autres continents. Il aura croisé quelques figures célèbres — Lord Byron, les époux Shelley — et aura été mêlé à des événements ayant marqué l'Histoire, comme la bataille de Waterloo, ou ayant un jour fait partie de l'actualité, comme une polémique fameuse ayant opposé des explorateurs sur la localisation des sources du Nil.

William Boyd est un excellent conteur et j'ai suivi agréablement les bonnes et les moins bonnes fortunes de Cashel, dans des pérégrinations subies ou choisies, menées depuis son enfance jusqu'au jour de sa mort à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Irrémédiablement idéaliste et naïf, il aura fait partie de ces hommes toujours prêts à se lancer dans des projets nouveaux étonnants et même détonnants. Des aventures qui souvent l'auront dépassé, mais dans lesquelles il aura chaque fois cru s'accomplir, jusqu'au moment où… Se tenant en haute estime, il aura eu tendance à sous-évaluer les écueils susceptibles d'advenir et à ne pas trop se soucier de ses responsabilités personnelles. Mais quoi qu'il lui en ait coûté, il s'en sera toujours tenu au principe d'écouter son coeur et non pas la raison.

Styliste talentueux, William Boyd est capable d'adopter différents partis littéraires. Dans le Romantique, le texte fleure bon son dix-neuvième siècle ; une écriture tout à fait adaptée au genre du roman et traduite en français à la perfection.

Mais !… Mais si elles recèlent leurs lots de rebondissements et d'extravagances attestant de l'imagination débordante de l'auteur et de son humour, les aventures picaresques et amoureuses de Cashell Greville Ross ne sont pas suffisamment captivantes, pour que le roman puisse être considéré comme un chef-d'oeuvre ou comme un « page turner ». Il m'a fallu supporter quelques détails longuets. J'ai parfois eu, avec regret, l'impression que l'auteur n'exploitait pas à fond les intrigues qu'il avait imaginées. C'est notamment mon sentiment pour l'histoire d'amour de Cashel et de Raffaella, qui prétend s'inspirer d'un épisode de la divine Comédie.

J'ai aussi éprouvé une sensation de déjà vu, un phénomène après tout normal quand on suit régulièrement un auteur. William Boyd avait déjà écrit un livre sur un personnage contraint à plusieurs reprises, par les circonstances, à fuir les lieux où il était installé et à abandonner ses proches (L'amour est aveugle). Et ce n'est pas non plus la première fois qu'il utilise des artifices pour faire croire que des personnages de roman ont vraiment existé et qu'ils ont participé activement à des événements réels (Les vies multiples d'Amory Clay).

Voilà donc les quelques raisons pour lesquelles la lecture de ce livre m'a inspiré une légère déception. Une réaction personnelle, un peu égoïste. Car le Romantique a tout pour séduire celles et ceux qui souhaiteront découvrir William Boyd, son grand talent littéraire et sa maîtrise de l'art romanesque.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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« Je naquis en Ecosse, au petit matin du 14 décembre 1799. Plus tard ce même jour, l'ancien président des Etats-Unis d'Amérique, George Washington, mourait à son domicile de Mount Vernon en Virginie. Je veux croire qu'il n'existe aucun lien entre ces deux évènements. Nous sommes à la veille de mon anniversaire ; j'aurai demain quatre-vingt-deux ans.
Ainsi débute l'autobiographie inachevée, décousue et quelque peu déconcertant de Cashel Greville Ross (1799-1882), tombée en ma possession voici quelques années avec des documents connexes.
Qui fut ce Cashel Greville Ross ? Quelle fut la nature de sa vraie vie ? Comment reconstruire son ontologie singulière ? Nous disposons au moins de quelques éléments pour démarrer, mais jusqu'à quel point pouvons-nous nous y fier ?
Aussi, plutôt que de m'escrimer à rédiger une biographie de Cashel Greville Ross, j'ai considéré que l'histoire de sa vie, de sa vraie vie, serait bien mieux servie si on l'écrivait ouvertement, sciemment, honnêtement sous la forme d'un roman. »

Quelle course épuisante autour du monde, c'est un romantique qui ne s'arrête jamais, mais aussi quel bonheur de le suivre dans ces pérégrinations.

Cashel, enfant heureux, vit avec sa tante Elspeth Soutar, suite au décès de ses parents, à Stillwell Court, dans le comté de Cork, en Irlande. Malheureux, un jour il apprend qu'ils doivent déménager en Angleterre, à Oxford, il fait ses études au « collège académique pour jeunes gens du recteur Archibald Smythe ».

Il doit obéir à la lettre aux recommandations de sa tante, sinon ils auront des problèmes. Il n'est plus son neveu, mais son fils, il ne comprend plus rien. Il aura deux frères Hogan et Buckley.

Il se pose beaucoup de questions et un jour, en farfouillant dans les tiroirs fermés à clé, il apprend un secret qui change totalement sa vie. Sous l'effet du Gin, il s'engage dans le 99e régiment d'infanterie du Hampshire comme tambour. Il est logé dans une caserne à Portsmouth. Il participe à la bataille de Waterloo. Retour en Angleterre, suite à une blessure. On le retrouve avec la fonction de lieutenant dans l'armée de la présidence de Madras de la Compagnie anglaise des Indes orientales. A Ooty la verdoyante, la vallonnée, la Suisse de l'Inde australe.

Obligé de partir, il quitte Bombay par bateau, pour revenir à Waterloo et décide d'écrire son histoire, il voyage en France, en Belgique, en Suisse, Paris, Milan, son camp de base pour explorer les alentours, Pise, il se fait des amis, Shelley, lord Byron, les sujets de conversation tournent le plus souvent autour de la littérature.

On le retrouve à Ravenne, attirée par la contessa Rafaella Rezzo « Il voyait à présent que toute sa vie l'avait mené jusqu'à Ravenne. Une complexe alchimie d'embranchements, de diversions, de reculades, de décisions impromptues et de hasards l'avait amené à se trouver dans ce Teatro Municipale près de cette femme fascinante et extraordinaire. »

1832, Cashel se trouve maintenant, propriétaire de la ferme de Willow Creek, à New Banbury, dans le Comté de Middlesex, Massachusetts. Il sera tour à tour fermier, brasseur.

Retour en Angleterre, entre chaque pan de sa vie, il fait une pause, avant d'aborder une autre destination.

1856, de nouveau, son coeur l'entraine à Zanzibar, pour découvrir les sources du Nil. « Lorsqu'on l'approche depuis les hauts fonds des eaux azur, Zanzibar paraît enchanteresse, écrivit Cashel dans son calepin. Sur cette étendue de bleu resplendissant, de petits agrégats de pierre corallienne blanche se découpent en alternance avec le vert éclatant des palmiers, des tamariniers et des figuiers. »

1859, retour à Londres, il persévère dans l'écriture de son livre, il veut prouver au monde qu'il est le premier Européen à avoir vu le grand Nyanza Oukéréoué, que les sources du Nil Blanc se trouvaient bien sur la rive nord du lac Oukéréoué, mais il y a de la concurrence. D'autres veulent avoir le premier rôle.

1864, la vie en Angleterre, l'ennuie, il accepte le poste de consul de la république du Nicaragua à Trieste.

Cashel a toujours écouté son coeur, « Est-ce une grande force ou une terrible faiblesse ? » à vous de le découvrir.

Un magnifique récit qui nous entraine d'un continent à l'autre, sans jamais nous ennuyer. C'est diablement bien écrit. Une aventure dont on ne se lasse pas, tant c'est remuant.

Passionnant, le Romantique de William Boyd. 431 pages sur ma liseuse que je n'ai pas vu passer.
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« Il nous faut accepter les vies que nous avons menées, et non imaginer celles que nous aurions pu mener. »
C'est pourtant ce que fait William Boyd, à partir d'une mèche et de cartes. Il imagine une vie et quelle vie ! Celle d'un voyageur passionné, d'un érudit romantique.
Né en Irlande, tambour à Waterloo, soldat aux Indes, brasseur aux États Unis, Cashel Greville Ross a vécu mille existences, entraînant ses proches dans ses passions, côtoyant Shelley et Byron, aimant avec une belle constance l'élue de son coeur.
Toujours rêveur, toujours exalté.
Un récit haut en couleur, romanesque à souhait, qui explore le 19e siècle avec gourmandise et enthousiasme (comme son héros 😉).
La plume est fluide, l'histoire toujours flamboyante, à la manière des auteurs feuilletonistes classiques.
Une chouette découverte !
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Il y a quelque chose de merveilleux à lire William Boyd. Oui, c'est ça, un pur émerveillement de lecture.
Le Romantique correspond à tout ce que j'aime dans le genre romanesque et, cerise sur le pudding, boucle une sorte de grand oeuvre ( un peu comme La Recherche) initiée par Un anglais sous les Tropiques, il y a presque 40ans
J'ai donc dégusté chaque chapitre lentement, ce fût un pur délice.
À partir de quelques éléments biographiques moyennement intéressants, William Boyd va imaginer la vie picaresque d'un certain Cashel Greville Ross . Né en Écosse en décembre 1799, élevé en Irlande puis à Oxford, Cashel est décédé en 1882 dans de troublantes circonstances !
L'auteur nous rappelle judicieusement que n'importe lequel d'entre nous sera oublié totalement après…3 ou 4 générations. Diable, je n'avais jamais vu les choses comme ça…
Mais ce ne sera pas le cas de Cashel (Appelons-le par son prénom !) qui, grâce à cette vraie-fausse biographie, passera à la postérité.

Nous allons donc le suivre dans un extraordinaire périple, difficile à décrire sans spolier. Contentons nous des lieux : Oxford donc, Portsmouth, Waterloo, Madras, Ceylan, Pise, Florence, Ravenne, Arles, Londres, Boston, Londres, Zanzibar, la Tanzanie, Londres encore, Milan, Trieste, Venise !
Il ira de magnifiques réussites en cruelles désillusions, rebondira toujours, tâtera de la prison et du palais…
Il aimera beaucoup mais, au final, sera l'homme d'une seule femme.
Cashel est bien un romantique, privilégiant le coeur à la raison.

On retrouve dans ce fabuleux roman les thèmes chers à Boyd : l'héroïsme, la déchéance, la maladie, la confusion des sentiments et une sorte de best-of de tous les aléas de la contingence.
William Boyd, en spinoziste émérite, joue les destinées sur un coup de dés…qui jamais n'abolira le hasard !
C'est souvent très drôle, érudit et au final totalement jubilatoire. On apprend beaucoup de choses sur l'occident du XIXe siècle, dans le quotidien de nombreuses classes sociales, version british bien sûr. C'est à dire arrosé d'humour, de Brandy, et d'une désarmante trivialité.
Et pour ne rien gâter, la traduction est remarquable.

Ne ratez surtout pas le Romantique cet été, c'est très loin des filegoude qui sentent le sable chaud et la crème solaire, mais c'est un splendide roman d'aventures et d'amour. Un roman romantique en somme, au sens le plus radical du terme !
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
07 août 2023
L’écrivain britannique William Boyd a une spécialité : inventer la bio de parfaits inconnus pour en tirer des récits hautement addictifs.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LesEchos
11 juillet 2023
Avec cette vraie fausse biographie d'un aventurier irlandais qui aurait traversé le monde au XIXe siècle, le grand romancier anglais signe une nouvelle ode prodigieuse à la fiction. De la bataille de Waterloo à l'Italie galante, d'une ferme en Amérique aux sources du Nil, le lecteur sort de ce livre fleuve, groggy et ravi.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LeFigaro
14 juin 2023
Généreux, inventif, d’une liberté totale, William Boyd nous conte les aventures de Cashel Greville Ross, semées d’échecs et de réussites aux quatre coins du monde.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeSoir
14 juin 2023
Au galop, William Boyd envoie Cashel Greville Ross courir le monde à la recherche de l’amour et de la fortune.
Lire la critique sur le site : LeSoir
SudOuestPresse
06 juin 2023
Le romancier nous entraîne dans les aventures débridées de l’attachant Cashel Greville Ross, de Waterloo aux Indes en passant par le Massachusetts…
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LaLibreBelgique
31 mai 2023
Son nouveau roman traverse le XIXe siècle dans les pas d’un grand voyageur. Si romantique, toute cette vie à attendre.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Était-il le plus grand imbécile du monde ? Oui. Quel genre d'homme peut aimer une femme qu'il n'a pas vue depuis quarante ans ? Le plus grand imbécile du monde. Le plus grand imbécile romantique et ridicule du monde. Ou bien un homme qui sait ce qu'est le véritable amour.
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Au bout de deux heures à chercher en vain le sommeil, il enfila ses vêtements et ses bottes, attrapa son manteau et sortit arpenter les rues enténébrées de Ravenne. Mieux valait marcher que rester dans son lit à se tourmenter… Il erra sans but, puis se retrouva devant une basilique qu’il reconnut : San Francesco. Il s’avança jusqu’à la grille latérale et regarda entre les barreaux le tombeau de Dante. Il était venu de nombreuses fois, dont une avec Raffaella, et même s’il n’y voyait goutte dans l’obscurité, il savait qu’un bas-relief au-dessus du sarcophage représentait le poète en buste.
Il resta là un moment, comme en une vague supplique à l’ombre de Dante, une noire contemplation de son propre purgatorio à lui. Le parfait imbécile, chassé du paradiso par sa maîtresse de complaisance Raffaella. Qu’eût fait Dante de cette histoire d’amour sincère malavisé et de froid commerce ? Cashel se racla la gorge et cracha par terre, soudain pris de nausée. Il devait quitter cet endroit maudit, quitter Ravenne pour n’y jamais revenir
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Cashel affirma toujours que son premier souvenir était celui d’un homme en noir menant un cheval noir. Un inconnu dont il avait alors cru qu’il voulait le tuer pour une mystérieuse raison. Cette rencontre, qui remontait à ses quatre, cinq ou six ans, eut lieu par une fin d’après-midi hivernale alors qu’il traînassait dans le bosquet derrière le cottage où il vivait dans le comté de Cork, en Irlande. Il entendit au loin des trompes de chasse et des huées venant des champs, puis plus près, aux abords du bosquet mais hors de sa vue, des crissements et clappements de végétation foulée par une créature de grande taille se frayant un passage dans le sous-bois.
Cashel fut saisi par une peur qui le glaça tout entier. Alors émergea de derrière un gros fourré de houx un homme menant un immense étalon d’ébène musculeux qui renâclait et s’ébrouait, l’encolure et les épaules tapissées d’écume beige. L’air ambiant s’emplit d’une odeur de sellerie et de sueur animale, musquée, salée. L’homme de belle stature qui tenait les rênes portait une redingote noire à boutons d’argent et un chapeau noir à calotte haute qui le faisait paraître encore plus grand. Ses bottes d’équitation noires lustrées à la perfection étaient munies de petits éperons d’argent émoussés.
C’était la Mort venue le chercher ! songea Cashel. À moins que l’homme en noir ne fût le diable en personne !
Or ce n’était ni la Mort ni le diable, simplement un homme qui conduisait une monture épuisée à travers un bois. Un homme à la mâchoire carrée, avec une large moustache tabac.

(INCIPIT)
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Je me suis pris d’une véritable affection pour cette étrange cité. Imaginez, si vous le pouvez, une ville de province autrichienne de bonne taille, avec ses solides bâtiments municipaux, une Bourse, un théâtre, des bureaux de négoce, des rues où s’alignent de belles boutiques, et une bureaucratie efficace et fournie (qui mène toutes ses affaires en allemand, naturellement). Puis placez-la sur un joli coin de la côte adriatique, équipez-la d’un port aussi actif que Lisbonne ou Hambourg et d’un chantier naval. Enfin, peuplez-la d’une majorité d’Italiens bourgeois et aigris, parlant un dialecte vénitien et souhaitant ardemment rejoindre l’Italie aux dépens de l’Autriche, et d’une quantité non négligeable de paysans slovènes. Saupoudrez d’une pincée de Turcs, de Grecs, d’Arméniens et autres étrangers venus des confins de la Méditerranée orientale, et vous aurez une idée de ce qu’est cette métropole unique. Son vaste port accueille officiers et matelots du monde entier : Suède, Japon, Égypte, pour ne nommer que trois contrées. C’est une ville riche dans une riche terre de la Couronne d’un riche empire. La vie quotidienne grouille tout autour de moi. Je peux aller à l’opéra écouter Bellini ou Mozart. Je peux me rendre dans des tavernes du petit peuple comme dans des restaurants luxueux. Je peux acheter du café brésilien et des cigares cubains. Tout cela paraît quelque peu irréel, mais sied à mon état d’esprit et, peut-être, à ma personnalité.

(à propos de Trieste)
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«  Qui était - il ?
Qu’était - il ?
Quel était son «  être passé » qui constituait son «  être présent » ? .
En tant que fils bâtard d’un aristocrate protestant anglo- irlandais et d’une gouvernante écossaise, toute sa vie ou presque reposait sur des mensonges sophistiqués élaborés par ses parents, qui avaient comploté pour le duper.
Sa nature, cette personne qu’il était désormais , qui voyageait librement à travers l’Europe , se résumait - elle à un piètre simulacre , un crêpe de faussetés tissé par commodité pour maintenir des normes sociales ostentatriices ? .
À supposer que son «  être passé » fût bien celui - là , comment construire à présent son «  être actuel » ? . »
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Au sommaire de la Critique, deux livres :
"Drive", recueil de poèmes de Hettie Jones resté jusqu'à présent inédit en France et disponible dans une édition bilingue chez Bruno Doucey (traduction de l'anglais (Etats-Unis) : Florentine Rey et Franck Loiseau).
"Trio", le nouveau roman de William Boyd paru au Seuil et traduit de l'anglais par Isabelle Perrin.
Nos critiques du jour : Marie Sorbier, rédactrice en chef du magazine I/O Gazette et productrice d'Affaire en Cours sur France Culture et Laurent Nunez, écrivain et éditeur.
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