SAINT NAZAIRE II Immortelle des sables
De la même façon j'aime les pins
qui pousse en bord de mer, ceux qui verdissent
les ports, les docks
et les étroites places
ombragées et poussiéreuses qui vagabondent entre
la Mission des marins et le Bar du Port
ou bien, disséminés sur la dune et balayés par le vent :
le panicaut, l'orpin blanc,
l'orchis des sables, vert anguille et violet, l'orchis bouc
et l'orchis bouffon, bien charnu sur sa tige argentée.
Pourtant si je devais choisir entre toutes ces plantes,
sans le moindre doute, je choisirais cette perle banale,
cette beauté rebelle : l'immortelle des sables,
ses boutons secs dorés
éclatants sur le sable
sans pareil, enracinée et éternelle.
III Gwenn ha Du
Je me souviens du chant qu'ils entonnaient
en rentrant du pub, The Woodside, mes oncles et cousins,
noircis par les mines et les chantiers navals, enveloppés par la fumée,
criant à tue-tête dans les rues et venelle assoupies par la pluie,
pour entendre l'écho que renvoyaient les pierres
comme un sentiment de déjà-vu
Ce qu'ils cherchaient alors
c'était un nouveau départ,
le noir qui fait naître le blanc, le blanc dans le noir,
une âme plus ancienne, arraché à la chair et à l'os,
pour poursuivre le vieux récit des hommes sous forme de chant,
la joie sauvage des cornemuses, souvenirs païens,
une foule de parents qui émergent de la mer,
une demeure qui se profile dans le brouillard
pour devenir un foyer.
Je songe à présent à leur amour désincarné,
à ce réflexe animal que je partage avec eux, dans les nerfs et les os,
à quelque chose d'impérieux s'efforçant de surgir des veines,
à un territoire saint : le dur quotidien;
puits de mine et docks, ports et prairies,
la brèche dans la haie, le murmure du cours d'eau,
un arpent de brouillard et de ronces où ce que j'ai perdu
a ressurgi sous une forme différente, éveillant à peine un souvenir.
Il n'y a nulle permanence ici ; (...)
c'est le territoire saint, où il n'arrive rien,
un lieu que l'on peut prendre pour un foyer, quand on comprend
qu'on ne peut le détenir,
qu'on ne peut ni le prendre
ni le donner;
aigrettes et cormorans, ibis, oiseaux et échassiers de la côte,
la touriste japonaise, la fille du bar de la plage,
les fantômes du clan et les saints modernes, ceux qui sont désignés
gardiens du chant et de la guerre, les morts impertubables :
tout passe par là - et ce passage
que nous tenons désormais pour sanctuaire.
Et parfois,
il n'arrive rien :
le monde qui se retirait revient sur lui-même,
une bourrasque de vent, un bagad dans une ruelle,
des voix d'enfants
rassemblées dans un cyprès;
ce qui importe à présent, ce n'est pas le récit,
ce qui importe, ce n'est pas l'évènement, mais l'ourlet effiloché
ce qui importe, c'est le point où rien n'a d'importance :
la brèche dans la haie,
un arpent de brouillard et de ronces,
et comment le sacré - dur quotidien -
nous revient dans les chants et les superstitions,...
LE CROISIC V Péninsule
(...) et je sais ce que nous perdons, instant après instant,
dans la manière dont les noms perpétuent le mythe
de tout ce que l'on a remplacé : moulin à vent, dolmen,
prairie, quai des pêcheurs --
un pays réappris et oublié, tels les morts
qui marchent parmi nous, attendant que le jour
les illumine et éclaire leur route du connu
à cette nouvelle étrangeté : église, port, âtre,
ce lent retour de la mémoire à la naissance
et à tout ce qu'il y a dans l'intervalle : la mer, le ciel,
le rire des femmes, la musique des matins d'été.
Chasse nocturne
Les enfants se figurent la mort comme une accumulation
d'ombres entre les arbres : une cachette
pour tout ce que les adultes ne peuvent nommer.
Pourtant, ils se pressent pour ne pas manquer le rendez-vous
au fond des bois, au point de rencontre des lignes parallèles,
là où tout est modifié de son propre
élan - modifié même si nous disons transformé -
lévrier en chevreuil, rires en peau et os.
Et personne ne survit à la chasse : bien que les hommes rentrent en groupes de trois ou quatre, le visage rendu inexpressif par le froid,
ils n'atteignent jamais vraiment ce qu'ils semblent être,
laissant au cour de la forêt une tournure de phrase ou
une chanson de leur enfance, penchés sur la proie qui tressaille,
ils attendent, tandis que leurs couteaux transpercent le sang
comme du beurre ou de la soie, que le coeur s'arrête.
Chasse nocturne
Les enfants se figurent la mort comme une accumulation
d'ombres entre les arbres : une cachette
pour tout ce que les adultes ne peuvent nommer.
Pourtant, ils se pressent pour ne pas manquer le rendez-vous
au fond des bois, au point de rencontre des lignes parallèles,
là où tout est modifié de son propre
élan - modifié même si nous disons transformé -
lévrier en chevreuil, rires en peau et os.
Et personne ne survit à la chasse : bien que les hommes rentrent en groupes de trois ou quatre, le visage rendu inexpressif par le froid,
ils n'atteignent jamais vraiment ce qu'ils semblent être,
laissant au cour de la forêt une tournure de phrase ou
une chanson de leur enfance, penchés sur la proie qui tressaille,
ils attendent, tandis que leurs couteaux transpercent le sang
comme du beurre ou de la soie, que le coeur s'arrête.
INTRODUCTION :
« […] Forte d'une longue expérience conradienne, la Grande-Bretagne d'aujourd'hui emporte sur ses ponts et passerelles une multiplicité d'ethnies et de communautés de toute allégeance, sans renier pour autant la fermeté monarchique de son cap, la démocratie relative de se hiérarchie, la plasticité absolue de sa langue maritime. Comme elle nous le laisse supposer, il semble qu'elle essaie de tenir pour elle-même la difficile synthèse entre accepter le changement à doses progressives tout en s'ouvrant à la complexité de la grande famille humaine, sans cesser d'explorer par le poème l'énigme de notre présence dans l'Univers. » (Jacques Darras.)
CHAPITRES :
0:00 - Titre
0:06 - Jeffrey Wainwright
1:04 - Wendy Cope
1:51 - Robert Minhinnick
4:01 - John Burnside
5:40 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
L'île rebelle, anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle, choix de Martine de Clercq, préface de Jacques Darras, traduction de Martine de Clercq et Jacques Darras, Paris, Gallimard, 2022.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Jeffrey Wainwright : http://2.bp.blogspot.com/-N3JM6jtiDBQ/Tp2dLBrdXCI/AAAAAAAAADw/Ta4zoWOxB4Y/s1600/Cathedral+Poetry+Prize+2+-+Credit+Jon+Atkin.jpg
Wendy Cope : https://www.thetimes.co.uk/article/birthdays-today-wendy-cope-px5pjt2nm83
Robert Minhinnick : http://3.bp.blogspot.com/-0coN533NnoQ/U_3MYYOxKxI/AAAAAAAACgk/MkiWuXJpkuQ/s1600/JM140725_Porthcawl_198.jpg
John Burnside : https://www.the-tls.co.uk/articles/the-music-of-time-john-burnside-book-review-marjorie-perloff/
BANDE SONORE ORIGINALE : Scott Buckley - A Kind Of Hope
A Kind Of Hope by Scott Buckley is licensed under an Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) license.
https://www.free-stock-music.com/scott-buckley-a-kind-of-hope.html
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CONTENU SUGGÉRÉ :
#4 : https://youtu.be/lx1XBpgpQtY
#2 : https://youtu.be/ICSodYrx4VU
#1 : https://youtu.be/8jOkSUGjndA
https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8rtiqkMjM0D1L-33¤££¤56De Martine de Clercq58¤££¤
https://youtu.be/uyu5YAAkVqw
https://youtu.be/1nl¤££¤50Jeffrey Wainwright55¤££¤
https://youtu.be/0_7B4skPN8g
https://youtu.be/i3cPIcz3fuY
#JacquesDarras #LÎleRebelle #PoésieAnglaise
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