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Philippe Mikriammos (Autre)
EAN : 9782020061445
217 pages
Seuil (01/04/1982)
4.5/5   5 notes
Résumé :
Déjà très connue dans son pays, Angela Carter est en train de devenir tranquillement une des meilleures romancières anglaises. Sept romans, deux recueils de nouvelles, un essai, couronnés par trois prix. Elle pratique ces genres avec un égal bonheur, sans compter poésie et critique littéraire. Dans son dernier roman, La Passion de l'Eve nouvelle, Angela Carter a le plus savamment dosé son cocktail d'érudition, moderne aussi bien que classique, et de délire imaginati... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Toujours plus radicale dans sa réinvention des mythes et archétypes qui structurent l'imaginaire et les rapports entre les sexes, Angela Carter se fait la mère d'une nouvelle monstruosité littéraire, une affolante oscillation des genres, qui floute la frontière entre satire et satyre.

Tout juste débarqué d'Angleterre dans une Amérique dystopique ravagée par la guerre civile entre minorités, son héros adulescent nommé Evelyn présente d'emblée une caricature de l'homme romantique et égocentrique, inconscient de la réalité qui l'entoure. En effet, sa vision du monde a été façonnée par la star hollywoodienne Tristessa de Saint-Ange, descendante filmique de la Justine de Sade. Enclin à collecter ces femmes éthérées et naïves pareilles à des oiseaux rares exotiques, Evelyn s'accapare la couche de la locale Leilah, en une parodie sordide de la romance entre Baudelaire et Jeanne Duval. Mais dans cette Amérique du futur imparfait, la vie ne peut rester éternellement antérieure ; et une embardée encore plus appuyée vers le roman d'anticipation causera l'amputation du destin d'Evelyn en même temps que de sa particule et de ses parties. Ainsi naîtra l'Eve éponyme, reflet déformé de l'andréïde de Villiers de l'Isle-Adam.

Fuyant les autres et sa propre identité, Eve(lyn) se replie vers le désert comme son idole Tristessa (qui y a pour sa part bâti un domaine où enfouir le secret douloureux qui la fait languir), et comme Angela Carter livrée elle aussi à ce désert semblable à une page blanche où on abolit le temps, où tout régresse vers un point zéro, et où vivent des réalités « solipsistiques » coupées du monde extérieur et de ses problèmes. Là peut s'accomplir en trois phases, trois réalités, trois chapitres, la fécondation alchimique par laquelle Ève devient ovoïde, androgyne platonicienne unie à son contraire, poule aux oeufs d'or dont les péripéties accouchent d'un neuvième chapitre d'anthologie, miraculeuse virée dans un manège de science-fiction baroque qui tourne et retourne sa masse de symboles délétères afin que la force centrifuge les propulse vers l'extérieur, comme passés dans une gigantesque machine à laver et à essorer. Ce processus se veut fatal aux symboles arborés par ceux qui considèrent les femmes comme des moins que rien. Tel Zéro, personnage viriliste et misogyne (caricature plus ou moins explicite De Sade, Nietzsche et Mishima), qui vise à établir son règne absolu sur une Amérique changée à son image, le Zéro absolu, celui où gèlent toutes les larmes de Tristessa. le sexe n'est pas toujours synonyme d'amour chaleureux, et c'est bien à rétablir celui-ci que travaillent les machines de Carter.

Dommage néanmoins qu'elle ne se soit pas arrêtée au chapitre dix, qui aurait pu faire une décente conclusion. Hélas, dans une insatiabilité féminine revendiquée, Carter en veut plus et fait basculer sans prévenir son livre dans un réalisme magique de dernière minute. Cela rend tout à coup bancal son récit qui jusque-là se tenait. Sans cet écart maladroit, la perfection plastique d'Eve aurait pu s'accorder avec une forme littéraire bien particulière : science-fiction féministe postmoderne, déjà abordée avec Les machines à désir infernales du Dr. Hoffman et réitérée ici de façon un peu plus maîtrisée. Malgré encore une fois cette fin qui échappe à sa créatrice, de son propre aveu, car il est si difficile de s'arrêter quand la passion déborde.

« Mother tried to take history into her own hands but it was too slippery for her to hold. Time has a way of running away with itself, though she set all the symbols to work; she constructed a perfect archetype »
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Oh mais qu’elle avait été belle, et était restée belle, Tristessa de St Ange, promue comme « La plus belle femme du monde » (t’en souvient-il ?) , qui exécutait ses autobiographies symboliques en des arabesques de kitsch et d’hyperbole, et transcendait pourtant la rhétorique de la vulgarité en la rendant illustre grâce à une héroïque absence de compromis.
Je pense que c’était Rilke qui déplorait énormément le caractère inapproprié de nos symboles, regrettait si amèrement que nous ne puissions, à l’instar des Anciens Grecs (étaient-ce eux ?), trouver des symboles externes adaptés à la vie en nous ; oui c’était sa formule. Mais non. Il se trompait. Nos symboles externes sont voués à toujours exprimer la vie en nous avec une précision absolue : comment pourrait-il en être autrement, puisque la vie les a engendrés ? Ainsi ne devons-nous pas accuser nos pauvres symboles s’ils prennent des formes qui nous semblent si futiles, ou absurdes, car les symboles eux-mêmes n’ont aucun contrôle sur leurs propres manifestations incarnées, aussi dérisoires puissent-elles être : seule la nature de notre vie a déterminé leurs formes.
Une critique de ces symboles est une critique de nos vies.

But oh, how beautiful she had been and was, Tristessa de St Ange, billed (do you remember?) as ‘The most beautiful woman in the world’, who executed her symbolic autobiography in arabesques of kitsch and hyperbole yet transcended the rhetoric of vulgarity by exemplifying it with a heroic lack of compromise.
I think it was Rilke who so lamented the inadequacy of our symbolism – regretted so bitterly we cannot, unlike the (was it?) Ancient Greeks, find adequate external symbols for the life within us – yes, that’s the quotation. But, no. He was wrong. Our external symbols must always express the life within us with absolute precision; how could they do otherwise, since that life has generated them? Therefore we must not blame our poor symbols if they take forms that seem trivial to us, or absurd, for the symbols themselves have no control over their own fleshly manifestations, however paltry they may be; the nature of our life alone has determined their forms.
A critique of these symbols is a critique of our lives.
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J’étais nerveuse et inquiète : bien que je fusse une femme, je me faisais aussi passer pour une femme, même si d’un autre côté beaucoup de femmes nées comme telles consacraient leurs vies à de pareilles imitations.

I was tense and preoccupied; although I was a woman, I was now also passing for a woman, but, then, many women born spend their whole lives in just such imitations.
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