AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782757833643
272 pages
Points (07/03/2013)
4.73/5   11 notes
Résumé :
On a pu dire de Schneepart que ce sont les " poèmes de 1968 ", en donnant à ce moment sa signification historique liée aux révoltes étudiantes, aux mouvements sociaux et au Printemps de Prague.
Au plus près de son époque et de lui-même, Paul Celan y réinvente sa diction. En janvier 1970, dans une lettre à Ilana Shmueli, Celan évoque, avec une fierté lucide, ces poèmes, qui ne seront publiés qu'après sa mort: " [Ce volume] est sans doute ce que j'ai écrit de p... >Voir plus
Que lire après Partie de neigeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Partie de neige » de Paul Celan a été publié après la mort de l'auteur. Les poèmes qui composent ce recueil ont été écrits entre décembre 1967 et octobre 1968.
L'esprit du poète est accaparé par les évènements politiques : le printemps de Prague, l'assassinat de Martin Luther King, les manifestations étudiantes en Allemagne suite à l'attentat contre un dirigeant étudiant d'extrême gauche, les manifestations et revendications de mai 68...
Paul Celan est entre l'effervescence de voir cet espoir d'une « révolution sociale et antiautoritaire » qui pourrait transformer le monde, se réaliser sous ses yeux et la crainte de voir l'histoire « bégayer » et ses démons ressurgir.
« Les problèmes de la poésie se posent à moi avec une grande acuité, les évènements – tu imagines combien je suis affecté par ceux de Tchécoslovaquie – me sollicitent au milieu de ce que j'écris, de ce que j'essaie d'écrire », confie t-il en 1968.

« A TON OMBRE, A TON
ombre toute mal-sonnée aussi,
j'ai donné sa chance,

elle, elle aussi
je l'ai lapidée à coups de moi-même,
moi le droit-ombré, droit-
sonné -
étoile à six branches
à laquelle tu as
adonné ton silence,

Aujourd'hui
adonne ce silence où tu veux,

catapultant du sous-sacralisé par l'époque,
depuis longtemps, moi aussi, dans la rue,
je sors, pour n'accueillir aucun coeur,
jusque chez moi dans le pierreux-
multiple. »

Pour Paul Celan, la poésie est « datée » : elle est de l'Histoire, mais non ancrée dans un temps.
Elle est de ce lieu daté d'où parle le poète. Toute la création poétique à l'oeuvre a pour but d'atteindre cet autre lieu de la parole, ce non-lieu, universel et libertaire, guidée par cet imperceptible « fil d'espérance » qui, contre toute logique, ne rompt pas.

« OBSCUR-SURGIE, une fois encore,
ta parole s'en vient
jusqu'à la pousse pré-ombragée
du hêtre.

Il n'y a rien
à faire et tirer de vous autres,
tu tiens pour fief une étrangeté.

Infiniment
j'entends la pierre tenir en toi, droite. »

On ressent cette fébrilité de la création dans les poèmes, la quête et la tension du choix des justes mots, toujours ramassés, condensés, à vif chez Paul Celan. Les précieuses notes de Jean-Pierre Lefebvre nous éclairent et nous accompagnent tout en nous permettant de nous éloigner de la traduction qu'il nous propose. Il ne fige pas l'interprétation, il permet au lecteur, dont je suis, qui ne maîtrise pas toute la subtilité de l'alchimie linguistique mise en oeuvre par Paul Celan dans la langue allemande, de pouvoir entrevoir ce foisonnement de sens et se l'approprier.

« PARLER AVEC LES IMPASSES
de l'En-face,
de sa
signification
expatriée - ;

mâcher ce
pain avec
des dents d'écriture. »
Commenter  J’apprécie          232

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Illisibilité de ce monde…


ILLISIBILITÉ de ce
monde. Tout, double.

Les horloges fortes
donnent raison à l’heure scindée,
à voix rauque.

Toi, coincé dans tes tréfonds,
tu grimpes hors de toi
pour toujours.

*

UNLESBARKEIT dieser
Welt. Alles doppelt.

Die starken Uhren
geben der Spaltstunde recht,
heiser.

Du, in dein Tiefstes geklemmt,
entsteigst dir
für immer.

*
Commenter  J’apprécie          10
Le poète assume, dans l'univers de la parole, un rôle et une voix qui sont de témoignage et non de prophétie, en même temps que de réflexion continue sur le geste singulier de l'écriture poétique. Un rôle et une voix qui ne sont pas "de composition" comme dans l'univers du spectacle, mais authentifiés jour après jour dans et par l'existence, ses jeux, ses tragédies, ses rencontres y compris verbales. Chaque journée construit le mystère de ses coïncidences matérielles et mentales, et le poème authentique respecte ces mystères, les cristallise comme une neige, au risque de l'hermétisme : les dossiers génétiques, en exhibant les différentes phases de l'écriture, manifestent bien ce respect, et le traducteur doit compenser la perte inévitable de nombreuses corrélations intimes en proposant au lecteur des éléments d'information principalement sémantique, parfois historique ou personnelle.
(...)
La partie consiste en trois opérations : faire ricocher sur la glace rayée des rêves-cailloux plats, extraire à la pioche de leur gangue dure les ombres-mots et ombres de mots, et les disposer sans fioritures selon des mesures vivantes (les abrasses de l'écriture des vers entassés) tout autour de l'outil même, du fer de pioche qui les a dégagés, dans la pierre réduite à néant par le tourbillon des eaux glaciaires, dans le trou d'eau qui est aussi la source glottale de la parole.
Notice à Partie de neige, de Jean-Pierre Lefebvre
Commenter  J’apprécie          120
     
QUOI COUD
sur cette voix ? Sur quoi
coud cette
voix
en deçà, au-delà ?
     
Les abîmes sont
par serment liés au blanc, c'est d'eux
qu'est montée l'aiguille de neige,
     
avale-la,
     
tu ordonnes le monde,
ça compte
autant que neuf noms,
nommés à genoux,
     
tumuli, tumili,
tu
bazardes et collines, bien vivant,
viens
dans le baiser,
     
un coup de nageoire,
constant,
éclaircit les baies,
tu avances
à l'ancre, ton ombre
se dépouille de toi dans les buissons,
     
arrivée,
ascendance,
     
un coléoptère te reconnaît,
vous êtes à chacun
imminent,
des chenilles
vous tissent un cocon,
     
la Grande
Boule
vous accorde le passage,
     
bientôt
la feuille attache sa veine à la tienne
des étincelles
doivent passer par là,
le temps d'un manque d'air,
     
un arbre dressé te revient, un jour,
il déchiffre le nombre,
     
un mot, avec toute sa verdure,
rentre en soi, se transplante,
     
suis-le
     
(Paris, 10 janvier 1968)
-
     
WAS NÄHT
an dieser Stimme? Woran
näht diese
Stimme
diesseits, jenseits?
     
Die Abgründe sind
eingeschworen auf Weiß, ihnen
entstieg
die Schneenadel,
     
schluck sie,
     
du ordnest die Welt,
das zählt
soviel wie neun Namen,
auf Knien genannt,
     
Tumuli, Tumuli,
du
hügelst hinweg, lebendig,
komm
in den Kuß,
     
ein Flossenschlag,
stet,
lichtet die Buchten,
du gehst
vor Anker, dein Schatten
streift dich ab im Gebüsch,
     
Ankunft,
Abkunft,
     
ein Käfer erkennt dich,
ihr steht euch
bevor,
Raupen
spinnen euch ein,
     
die Große
Kugel
gewährt euch den Durchzug,
     
bald
knüpft das Blatt seine Ader an deine,
Funken
müssen hindurch,
eine Atemnot lang,
     
es steht dir ein Baum zu, ein Tag,
er entziffert die Zahl,
     
ein Wort, mit all seinem Grün,
geht in sich, verpflanzt sich,
     
folg ihm
     
     
Traduit de l'allemand par Jean-Pierre Lefebvre.
(éd. Points, 2013 – pp. 22-25)
Commenter  J’apprécie          71
Avec une clé changeante
tu ouvres la maison , dans laquelle
tournoie la neige des choses tues .
Et au gré du sang , qui sourd
des yeux, de la bouche ou de l'oreille ,
ta clé change .
Change ta clé , change le mot ,
qui doit suivre le tournoiement des flocons .
Au gré du vent qui te pousse en avant ,
s'enroule autour du mot " la neige " .
Commenter  J’apprécie          180
TOI AVEC LA FRONDE LANCE-TÉNÈBRES,
toi avec la pierre :

il est Au-delà-du-soir,
je luis derrière moi-même.
Viens donc me redescendre,
ne plaisante plus
avec nous.

DU MIT DER FINSTERZWILLE,
du mit dem Stein :

Es ist Überabend,
ich leuchte hinter mit selbst,
Hol mich runter,
mach mit uns
Ernst.
Commenter  J’apprécie          90

Videos de Paul Celan (32) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Celan
Chaque mois, un grand nom de la littérature contemporaine est invité par la BnF, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. L'écrivain Stefan Hertmans est à l'honneur de cette nouvelle séance.
Rencontre animée par Cécile Bidault, productrice chez France Culture
QUI EST STEFAN HERTMANS ? Stefan Hertmans, né à Gand en 1951, a publié plusieurs recueils de poésie, des essais et des romans. Son oeuvre poétique a été récompensée par le prix triennal de la Communauté flamande. Son roman Guerre et Térébenthine, traduit dans vingt-quatre langues, a été nommé pour le Man Booker International Prize. Il a publié tous ses romans aux éditions Gallimard, dont Une ascension en janvier 2022. Dans la collection « Arcades » paraît également en mai 2022 Poétique du silence, un volume regroupant quatre essais de Stefan Hertmans sur la modernité poétique dans ses rapports au langage et au mutisme, concentré de ses réflexions sur les oeuvres de Hölderlin, de Paul Celan et De W.G. Sebald notamment.
En savoir plus sur les masterclasses littéraires : https://www.bnf.fr/fr/agenda/masterclasses-en-lisant-en-ecrivant
+ Lire la suite
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (26) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1290 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *}