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sur 1718 notes
Après "Voyage au bout de la nuit", on revient avec "Mort à crédit" sur l'enfance de Bardamu, qui est haute en couleur. Son père est secrétaire, sa mère tient une boutique de dentelle. Tous les deux sont dépassés par l'époque : lui en est resté à l'écriture manuscrite en délié alors que les machines à écrire font leur apparition, tandis que les dentelles sont délaissées pour des tissus plus modernes. Leur occupation favorite consiste à se plaindre de leur fils, responsable de tous leurs maux, et incapable de se rendre compte de tous les sacrifices qu'ils consentent pour lui assurer une vie correcte, et le considérant déjà comme ayant tous les vices.

Après avoir difficilement obtenu son certificat d'études, il reste au jeune Ferdinand à trouver un emploi. Sa mère l'aide dans ses démarches, tout en dévoilant à ses possibles futurs patrons l'étendue de la dépravation de son fils, par acquis de conscience. Il finit par être embauché dans un grand magasin réputé, mais sans paie, pour être renvoyé peu de temps après pour bavardage, puis dans un atelier de ferronerie spécialisé dans les horreurs invendables. Il se fera renvoyé également pour avoir égaré une pière de grande valeur. Après chaque épisode, Ferdinand a droit a un concert de plaintes sur son ammoralité, et son inconscience des sacrifices consentis.

Grâce à l'appui de son oncle, seule bouffée d'oxygène dans cet univers qui lui est hostile, Ferdinand est envoyé en pension en Angleterre, où il refusera d'apprendre quoi que ce soit. À son retour, lassé par un énième discours moralisateur de son père, il se bat avec lui, et sera logé chez son oncle. Celui-ci par le placer chez Martial, un scientifique un peu illuminé, qui tient un journal décrivant les dernières inventions du moment. Si les premiers mois se passent bien, la suite est un peu moins satisfaisante : Martial se ruine en jouant aux courses, puis en voulant organiser un concours pour se renflouer un peu, ses locaux se font ravager par des inventeurs mécontents. Il tente ensuite de monter une pension, en comptant sur ses légumes surdéveloppés par les "ondes telluriques" pour les nourrir. Mais l'expérience tourne court, et ses enfants finissent par chaparder dans les fermes aux alentours pour pouvoir s'alimenter. Tout ce petit monde finira en prison ou en pension, et Martial se suicidera.

"Mort à crédit" est tout aussi frappant que "Voyage au bout de la nuit" : l'argot y prend une plus grande place encore, et le style est plus violent, avec des phrases courtes et des points d'exclamation qui les ponctuent souvent. L'entourage de Ferdinand ressemble à des caricatures d'humains, chacun coincé dans le rôle qu'il s'est imposé et dans lequel il se complait : les parents victimes d'une progéniture ingrate, le grand scientifique incompris des foules, ... À la fois drôle, grinçant, et un peu écoeurant par moment.
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Pourquoi lire Céline ?

Sans doute la réponse semblera-t-elle évidente à ceux qui l'ont déjà lu, mais comment convaincre les autres ?
Et comment définit-on -car c'est bien là qu'est la question- une oeuvre comme étant majeure et indispensable ?

C'est comme pour la musique classique... J'avoue aisément ne pas y connaître grand-chose, mais lorsque je prends la voiture (l'un des rares moments où j'ai l'occasion d'écouter un peu de musique, puisque je ne peux pas lire en conduisant !), j'ai l'habitude de choisir des stations de radio qui en diffusent. Je ne me soucie guère d'élargir ma culture dans ce domaine, et peu m'importe le nom du compositeur ou le titre de l'oeuvre qui passe ; ce qui compte, à ce moment précis, c'est le plaisir que me procure cette écoute. Il y a une évidence qui surgit, celle de l'art, du talent, et cette délicate alchimie qui mêle la maîtrise de cet art à une espèce de facilité dans l'excellence, comme si elle était naturelle, innée.
C'est probablement ce que l'on appelle le "don", ce pouvoir de transformer l'exigence et les difficultés inhérentes au savoir-faire en une oeuvre complexe et pourtant accessible par l'évidence de sa beauté.

Et c'est ce que j'ai ressenti à la lecture de « Mort à crédit » (tout comme à celle du "Voyage..."). L'auteur donne l'impression de s'adonner à un long bavardage spontané, aux consonances populaires (et il est particulièrement loquace !), mais on devine aussi clairement sous ce « badinage » à l'apparence facile le virtuose du langage qu'est Céline. Chaque mot est à sa place, et associé aux autres de façon à donner à l'ensemble du texte ce rythme si particulier, qui nécessite presque un effort d'adaptation respiratoire de la part du lecteur ! Les phrases se suivent avec une sorte de précipitation, souvent séparées par trois points de suspension, et certains passages sont de véritables orgies de métaphores et d'expressions qui peuvent paraître de prime abord improbables, mais qui sont en réalité fort éloquentes.
En résumé, Céline déploie une verve infatigable !

Un exemple ? :
"Je me laissais pas embringuer... J'étais plus bon pour la parlote... J'avais qu'à me rappeler mes souvenirs... le gueuloir de la maison !... les limonades à ma mère !... Toutes les vannes qu'on peut vous filer avec des paroles ! Merde ! Plus pour moi ! J'avais mon sac !... J'en étais gavé pour toujours des confidences et des salades !... Salut ! J'en gardais des pleines brouettes... Elles me remontaient sur l'estomac, rien qu'à essayer... Ils m'auraient plus..."
ou :
"...On le bafoue ! On me pourchasse ! On me glaviote ! En plein Paris ! Bien ! Bon ! Soit ! Qu'ils aillent tous se faire pustuler !... Que la lèpre les dissèque ! Qu'ils fricassent en cent mille cuves remplies de morve et de cancrelats ! J'irai les touiller moi-même ! Qu'ils macèrent ! Qu'ils tourbillonnent sous les gangrènes ! C'est pain bénit pour ces purulents !"
Vous voyez ? Et c'est qu'il est drôle, en plus ! Ce qui prouve qu'il n'est nul besoin d'être austère, rigide et de se prendre au sérieux pour réaliser des oeuvres géniales... je dirais même : au contraire... Ce qui peut sembler surprenant, c'est que la truculence du ton n'empêche pas le fond du récit d'être particulièrement sombre. En suivant les pérégrinations du jeune Ferdinand, narrateur de "Mort à crédit", c'est avec toute la crasse de l'humanité que nous nous colletons. Et ce dans les deux sens du terme : l'humanité de Céline chie, vomit, pue, mais surtout elle est mauvaise, vile, égoïste (heureusement, il a aussi pris soin d'introduire dans son récit des personnages -même s'ils sont rares- qui redorent quelque peu l'image du genre humain...)
Il y a donc des tas de raisons pour lesquelles il faut lire Céline... parce que c'est drôle, intelligent, original, et, le plus important... parce ce qu'il y a de grandes chances pour que vous y preniez Du PLAISIR !
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C'est l'histoire d'un gamin solitaire dans le Paris d'entre deux guerres, élevé par des bourgeois pauvres, bêtes, fermés sur le monde, prétentieux qui voulaient avoir l'air d'être ...
Tout ce petit monde évolue sous l'oeil et la plume de Céline avec sa férocité et son humour qui sont des constantes dans presque toutes ses oeuvres.
Il passe naturellement de l'horreur au grotesque, il écrit comme il parle ou plutôt comme il pense, va d'une phrase à l'autre sans attendre, presque sans respirer.
Pour finir, un vrai chef d'oeuvre au même titre que " Voyage au bout de la nuit "
A lire absolument.
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Attention chef d'oeuvre ! Je viens de le relire dans la version illustrée par Tardi chez Futuropolis. Mardi a su entrer en symbiose avec l'écrit de Céline, ses dessins noirs et blancs ont donné une image saisissante du récit. Et quel récit, que dis-je témoignage; Voilà un homme qui sait manier la plume, le verbe, l'argot , le parler du titi parisien, les expressions apaches des années 10; quel vocabulaire. Il est unique, comme sa vie d'ailleurs. Il évoque son enfance et la totalité de son adolescence sans condescendance, ses expériences, ses échecs, ses petites joies. Voyage au bout de la nuit est un livre exceptionnel, beaucoup ont déjà disserté sur le sujet, je ne vais pas m'étendre. Il a sa place dans toute bonne bibliothèque et outre l'exploit du récit, c'est un formidable témoignage vivant du Paris de cette époque...
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N°839 – Décembre 2014.

Mort à crédit - Louis-Ferdinand CELINE – Gallimard.

« Voyage au bout de la nuit », le premier roman de Céline qui avait manqué de peu le prix Goncourt fut cependant un succès. Dans sa quête de mémoire, l'auteur choisit de nous livrer son enfance mais Bardamu qui avait été le personnage central du « Voyage » perd son nom mais se prénomme toujours Ferdinand. Cela n'en est par moins un roman autobiographique mais où il choisit des épisodes particuliers en leur donnant une dimension dramatique et en en bouleversant la chronologie. Il commence par évoquer son rôle de médecin, puis, assailli par la fièvre replonge dans son enfance  et son adolescence, celles d'un fils de boutiquier parisien des année 1900, marquées par l'échec au niveau familial et professionnel. Son père, Auguste, est employé de bureau chez un agent d'assurances et sa mère Clémence ouvre une boutique de dentelles dans le « Passage des Bérésinas». Leurs relations sont difficiles et parfois violentes. Il insiste sur cette « Belle époque », qui ne l'a pas été pour tout le monde et spécialement pour les petites gens guettés par l'endettement et finalement par la misère. le progrès technique qui caractérise ces années ne leur profite pas. Et lui de conclure que vivre c'est acheter sa mort à crédit, ce qui donne son titre au roman.
Le style est à peu près semblable à celui du « Voyage » fait de points de suspension, de phrases parfois hachées ou laissées en suspens qui veulent sans doute évoquer le délire qui a caractérisé sa manière de s'exprimer. Quant aux descriptions, elles ont plus élaborées mais prennent parfois une dimension scatologique et nauséeuse. Elles sont insistantes et parfois dérangeantes. L'argot, quant à lui est toujours présent mais le délire verbal, les propos de l'auteur parfois obscènes autours du sexe reste sa caractéristique, un peu comme une obsession..
Les personnages sont des inadaptés, des gens qui vivent en dehors de leur époque, ses propres parents d'abord mais aussi le père Gorloge, M. Merriwin, Roger-Martin Courtial des Pereires, inventeur farfelu et un peu escroc. L'oncle de Céline, Édouard qui lui vient en aide à plusieurs reprises et Caroline, la grand-mère de Céline représentent pour l'enfant une manière de s'échapper de ce contexte familial difficile. L'école ne réussit guère au jeune Ferdinand qui accompagne sa mère sur les marchés. Il devient ensuite commis puis employé chez le bijoutier Gorloge mais malheureusement pour lui cela tourne mal. Son séjour en Angleterre, chez les Merriwin est aussi un échec et l'ambiance délétère qui règne chez ses parents à cause de la misère qui s'y installe détermine son oncle Édouard à recevoir Ferdinand chez lui. C'est grâce à lui qu'il rencontre Courtial, génial inventeur mais complètement marginal et dont l'expérience d'agriculture tellurique tourne au fiasco. Son séjour chez lui quelque peu chaotique se termine par le suicide de son protecteur, le retour de Ferdinand à Paris et son engagement dans l'armée. On peut y voir une référence à son premier roman de même que son évocation de son rôle de médecin.
La mort est omniprésente dans ce texte, celle de Mme Berenge, celle de la grand-mère, le suicide de Nora Merriwin et celui de Courtial. Il y a aussi de la vie, à travers les expériences sexuelles décrites par Céline ce qui en fait un roman différent du « Voyage ». le texte évoque l'immense malheur du monde et le lecteur a l'impression que la vie de Ferdinand est un cauchemar tout juste adouci par son séjour chez les Courtial et par la présence de son oncle.
Comme toujours chez Céline, la relation est un peu décousue. Il fut beaucoup moins bien accueilli que « Voyage au bout de la nuit », fit scandale et subit même des censures, ce qui perturba Céline qui y vit une injustice. Il a sans doute voulu parler en le grossissant du malheur de l'humanité mais la dimension sexuelles du texte a sûrement dérangé le lectorat de l'époque et choqué la morale publique. Ferdinand est un personnage souffrant, victime de la malchance..
Je reste fasciné par le verbe de l'auteur, « cette petite musique célinienne »par sa compassion pour la misère humaine. Derrière les anecdotes, j'y ai surtout lu un profond désespoir. Ce roman publié en 1936 est le premier d'une trilogie autobiographique qui se poursuivra par « Casse-pipe » , inachevé, et « Guignol's band ».

©Hervé GAUTIER – Décembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Publié en 1936, ce serait le deuxième grand roman de Céline. Effectivement, ce roman est sidérant. Céline dans un élan autobiographique dépeint son enfance difficile à Paris, dans un passage insalubre près du Palais-Royal où sa mère tient une boutique de dentelles misérable. Son père, homme exigeant, petit employé peu sûr de lui, très conformiste, le terrorise mentalement plus que physiquement, le dévalorise, le tire vers le bas. Sa mère, soumise, handicapée, se déplaçant difficilement, travaille à en périr et ne le soutient pas. le jeune Ferdinand est placé dans une spirale de l'échec. On dirait aujourd'hui qu'il évolue dans une milieu de « loosers ». Dans ce paysage déprimant, seuls la grand-mère, Caroline et l'oncle Edouard, apportent une note de bienveillance et de joie. Ils l'aident et le soutiennent.
Déroulant son enfance, Céline nous amène dans des lieux passionnants : le Paris du début du 20ème siècle, ouvrier et insalubre ; l'Angleterre dont il ne pénètrera pas la langue malgré un séjour effarant de plusieurs mois dans un pensionnat de la côte sud à Chattam, la campagne de l'Oise et ses paysans, terribles.
Il nous fait rencontrer des personnages fascinants tels cet inventeur-arnaqueur, Courtial des Péreires et son épouse, chutant de leur grande maison de Montretout à la fange et à la mort.
La fange, la mort, la misère, le sexe sont omniprésents dans ce roman noir. le style de Céline faits de longs monologues enfiévrés chargés de redondances est unique.
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Bien sûr il y a ce style unique qui a tant influencé un Audiard parmi d'autres, sa force, ses fulgurances, sa poésie du cloaque, son désenchantement parfois complaisant jusqu'à l'asphyxie (Céline dit lui-même au début du roman qu'il pourrait être moins sombre mais que c'est plus fort que lui). j'ai été embarqué au début avec jubilation. Et puis mon intérêt a décliné peu à peu parce que l'histoire, à l'autobiographie revisitée, reinventée, apparaît comme une succession d'anecdotes pas toujours captivantes et souvent décousues (comme le souvenir) qui ne tiendraient que par le style. J'ai trouvé l'ensemble inégal et finalement un peu ennuyeux. Mais tout avis semble un peu dérisoire face à la puissance de son univers et de sa prose. J'essaie juste d'être honnête.
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Livre génial. J'avais lu le Voyage, mais ici la tonalité est tout autre. Même si les premières pages ne le laisse pas présager, ce livre est vraiment hilarant. Il y a nombres de scènes vraiment comiques, même si tragi-comique très souvent, et des personnages loufoques. On suit l'enfance et l'adolescence de Ferdinand, où oppressé par sa famille et vivant dans la misère, il doit trouver un métier. Il se retrouve alors au milieu de situations rocambolesques. J'ai apprécié le ton, les descriptions et toutes les expressions argotiques de ce texte autobiographique qui nous font bien plonger dans les années 1900-1910. J'aurai aimer lire une suite mais je ne crois pas qu'il y en ait une. Étonnamment j'ai aussi trouvé l'influence de Zola dans le parlé populaire et la description des classes laborieuses.
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Ce roman me hante.
Ce roman est ambigu car il est à la fois un " roman " et à la fois largement autobiographique , et suivant quel spécialiste on écoute , on insistera sur l'une ou l'autre de ces dimensions.
Pour vous expliquer le contexte, mort à Crédit c'est l'enfance du " ferdinand " bardamu du voyage au bout de la nuit. A la base c'était le premier. Suivrait " Guerre " récemment retrouvé dans une histoire fascinante , celle des manuscrits volés. Événement littéraire majeure puisque dans le tas de manuscrits volés nous avons le service militaire de " guerre " qui serait finalement casse-pipe qui est quasiment retrouvé lui aussi. La dernière partie " Londres " à aussi été retrouvé dans les manuscrits et le projet à aussi donné guignols band 1 et 2 qui font d'ailleurs référence à un moment au courtial de mort à Crédit, d'où l'idée de suite.
" Guerre " sortira en librairie au mois de mars et est disponible en pré-commande.
Mort à Crédit est un roman énorme par sa taille , et écrasant , épuisant, déprimant : mais bouleversant.
Il y'a de nombreuses scènes que je n'ai retrouvé nulle part ailleurs.
Sans spoiler car c'est l'atmosphère et et style qui compte et je ne vous raconte pas l'histoire , pour vous mettre en appétit , il y'a une scène avec Gorloge qui se fonds dans son trou presque indissociable de son environnement , une scène de sexe , en réalité d'initiation , mais en même temps d'abus , très crue et provoc' y compris aujourd'hui - surtout aujourd'hui diraient certains ; et un humour absolument génial et dévastateur.
Mort à Crédit c'est un long cri violent et excessif - mais toujours juste - qui emporte tout sur son passage.
Il y'a une scène aussi sur la plage où ferdinand est emporté dans les cailloux qui est racontée d'une manière inouïe et je n'ai jamais rien lu comme ça : pour moi il y'a beaucoup de génie dans mort à credit.
La poésie est très présente dans ce roman très sombre : il me semble que la mère du narrateur , qui a la jambe malade et d'ont les affaires marchent mal, pourrait être la mère de Céline qui faisait de la dentelle fine même si François Gibault biographe officiel de Céline dit que Céline est un fils de petits bourgeois dont les affaires marchaient très bien : ce qui m'étonne car pourquoi Céline mentirai, ou exagererait comme l'affirme Gibault : se pourrait il que ce soit Gibault qui mente sur Céline car lui même est un bourgeois et que donc il faut empêcher à Céline d'être le maître de son histoire , ou qu'on ait de l'empathie pour lui : ou une meilleur compréhension sociologique de ses prises de position futures ?
Les passages sur la violence familiale ( une scène hallucinante de violence avec le combat contre le père ) et sur le sentiment d'humiliation et de détresse me bouleversent car je les sais authentiques pour les avoir vécus moi même.
Je pense que c'est le sentiment d'humiliation et détresse morale et métaphysique qui a été à l'origine du nazisme et du fascisme : et donc ( même si Céline OBJECTIVEMENT est en décalage complet avec ces idéologies et est mal vu par l'occupant ) des pamphlets par ailleurs , et entre autre antisémites , chefs d'oeuvres aux multiples thématiques autres que l'antisémitisme.
Céline se déverse corps et âme dans ce roman , il s'expose , il est généreux , il raconte son histoire et il se dénude. Il mets sa fameuse " peau sur la table " comme il le dira lui même dans une célèbre interview.
On l'a traité comme un chien. le roman a été très mal reçu à sa sortie et la critique l'a massacré en l'attaquant personnellement de manière ultra violente.
Céline reviendra sur ces " critiques " et exposera ses griefs contre ceux qui l'ont attaqué violemment dans bagatelles pour un massacre ( bagatelles est une allusion aux ballets qui ont lieu dans la pièce de théâtre du livre , ainsi que le fait qu'à saint-malo , à la duchesse-Anne , Céline écoutera du Beethoven nottamment ses pièces qui s'appellent les bagatelles comme le rapellera Marc-Edouard-Nabe en citant lucette destouches , sa femme , qui lui a confié cette anecdote , c-a-d que Céline mets par écrit sa fameuse " petite musique " pour avertir le massacre des français dans un prochaine guerre absurde , certes pilotée par les juifs etc ). Je pense que l'un des moteurs du fascisme , et même du national-socialisme , à été le sentiment de misère,  d'humiliation et de révolte contre cette humiliation: quelque-chose que Mussolini et Hitler ont très bien sû manipuler à leurs fins.
C'est un livre très important , qui, parce-qu'il permets de comprendre Céline , et les pamphlets qui suivront , n'est pratiquement jamais analysé l'orsequ'on prétends l'attaquer.
Sartre et Simone de Beauvoir diront qu'ils ont entrevu le fascisme de Céline dans mort à credit , et que, même s'ils ont été très marqués par le voyage , c'est à ce moment là qu'ils se sépareront de lui.
Pourtant la nausée de Sartre est un décalque de mort à Crédit publié deux ans avant. Et sartre essayera en pillant le père , de le tuer par la suite en le discréditant après guerre , car Céline est celui qui lui fournira tout son coffre fort philosophique , - en réalité très peu - et il tentera par tous les moyens de le cacher en profitant que Céline soit , momentanément, discrédité après la guerre.
Celine dans mort à Crédit à travers courtial des peireires inspiré de Henri de Graffigny , aborde le courage et la désillusion d'une sorte de géo-trouve-tout hilarant , idéaliste à la Jules Verne , qui tentera de nombreuses expériences scientifiques et qui sera confronté à l'échec sans arrêt.
Même dans les moments les plus sombres Céline arrive à rendre supportable le pire par son style et son humour , il y'a même un passage très malaisant homosexuel un peu pédophile bizarre avec le petit  "mongolien " un peu simplet qui dans , si je me rapelle bien , le pensionnat suce le jonc du narrateur , et qui adore ça en plus : et qui a une petite plante toute ridicule au bord de sa fenêtre.
Il y'a de nombreux passages bouleversants , provocants , scandaleux , toujours avec cette mise à distance poétique et humoristique : vraiment un formidable roman, que je vous recommande , si vous voulez savoir l'enfance du ferdinand bardamu du voyage au bout de la nuit et peut-être aussi celle de Céline : ce livre est un must : tout y est.
Même si Céline , évidemment , continuera à écrire chef d'oeuvre sur chef d'oeuvre.

( je vous recommande la version non censurée en pléiade,  car je ne fais confiance à la version poche , ce n'est pas marqué " texte intégral " , et j'ai lu qu'il y avait eu différentes forme de censure de ce roman , j'ai parfois peur que tout le monde n'a pas lu le même ).
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629 pages de rebondissements divers, la quatrième de couverture présente ainsi l'ouvrage : " le roman foisonnant où Céline raconte son enfance et sa jeunesse..."

Il s'agit bien en fait de jeunesse mais est-ce vraiment celle de Céline? - car il s'agit néanmoins d'un roman - alors il faut s'accrocher. Né d'un père employé aux assurances et d'une mère mercière le jeune Ferdinand commence par narrer son existence au "Passage", impasse d'un quartier de Paris où la vie devient de plus en plus difficile entre un père qui se fait exploiter et humilier et une mère besogneuse qui se ruine la santé à vendre sa marchandise et joindre les deux bouts. Ferdinand fait peu à peu l'apprentissage de la vie.

Le début est extrêmement déroutant en ce sens que le narrateur se trouve dans un hôpital en proie à des accès de fièvre qui le ramènent à son enfance. On a souvent rapproché Proust de Céline, peut-être est-ce par cette position couchée de départ propre à la méditation qui ramène à l'enfance comme si le demi-sommeil ou le délire contenaient un roman.

Ferdinand passe de déconvenues en déconvenues mais surtout brosse un portrait sans concession de l'humanité, des petits commerçants exploiteurs et mesquins, des employés fourbes et lâches... Jamais, pour quelque emploi qu'il occupe, il est payé un tant soit peu et il sert de bouc émissaire aux turpitudes des autres. Ses parents le croient ainsi complètement irrécupérable, pourri jusqu'à l'os, de quoi se forger une haine farouche :

"La vraie haine, elle vient du fond, elle vient de la jeunesse, perdue au boulot sans défense. Alors celle-là qu'on en crève. Y en aura encore si profond qu'il en restera tout de même partout. Il en jutera sur terre assez pour qu'elle empoisonne, qu'il pousse plus dessus que des vacheries, entre des morts, entre les hommes." (149)

La grand-mère Caroline d'abord puis l'oncle Edouard -véritable ange-gardien de Ferdinand - trouvent des excuses à sa maladresse et à son comportement parfois hors-norme. A force de se faire renvoyer de ses emplois de magasinier-arpète à placier à la petite semaine, Ferdinand est envoyé en Angleterre grâce à l'argent de l'héritage de la grand-mère et la générosité de l'oncle Edouard :

" Ce que je voulais c'était partir et le plus tôt possible et plus entendre personne causer. L'essentiel c'est pas de savoir si on a tort ou raison. Ça n'a vraiment pas d'importance... Ce qu'il faut c'est décourager le monde qu'il s'occupe de vous... le reste, c'est du vice." (209)

Ferdinand va tenter sa chance dans une pension anglaise où il s'évertue à n'apprendre aucun mot malgré les instances répétées du directeur. Il préfère se masturber (l'érotisme est omniprésent dans le texte) en rêvant à la belle directrice et sortir "l'idiot", enfant attardé des précédents dont l'absence de langage et l'aspect anormal conviennent à Ferdinand comme à un frère. La construction d'une pension concurrente oblige notre héros à rentrer au bercail où ce dernier affrontement avec son père (ils en viennent aux mains dans un épisode d'un réalisme volontairement répugnant) incite l'oncle Edouard à placer son neveu chez un inventeur délirant, vivant d'expédients et d'arnaques diverses, Courtial des Pereires.

C'est alors que commence une épopée à la fois grotesque, misérable et hors du commun : des inventions que publie des Pereires aux escroqueries qu'il monte : par exemple un concours d'inventeurs autour du fameux "mouvement perpétuel", à ses déboires récurrents aux courses en passant par les montées en ballon "pédagogiques" pour finir par le projet fumeux d'un chanoine fou de scaphandre permettant d'aller à la chasse aux trésors enfouis par les navires ayant sombré, jusqu'au dénouement tragique, le titre du roman prend pleinement son sens dans cette deuxième partie. Des Pereires ne cesse de courir après le moindre sou et de dépenser immédiatement tout ce qu'il a dans un enthousiasme désarmant.

Mort à crédit est bien sûr l'occasion pour Céline de brosser le portrait de personnages sortis tout droit de son enfer personnel, comme ce curé fou qui revient en force dans la campagne où des Pereires, sa femme et Ferdinand se sont retirés pour faire pousser des légumes "par impulsion tellurique" et fonder une espèce de pensionnat qui se transforme en repaire d'adolescents chapardeurs et jouisseurs, profitant d'une liberté qu'on ne leur avait jamais donnée.
Avec des Pereires , Ferdinand apprend à risquer le tout pour le tout, à repartir à zéro sans se décourager - ce qui illustre en quelque sorte ses déboires précédents - mais aussi que la vie est une tragédie sans repos qu'on peut cependant trouver belle en levant les yeux vers le ciel pour contempler les constellations. Car il y a de l'aventure, de la folie et la philosophie dans ce roman d'apprentissage d'un nouveau genre, très innovateur pour l'époque, dans lequel se multiplient les phrases céliniennes avec leur point d'exclamation suivi de points de suspension, comme un pensée urgente et violente qui veut arrêter le temps, s'empresser de vivre dans un monde peuplé de monstres humains où surnagent quelques originaux et de braves bougres sans lesquels il ne serait plus possible d'exister. Céline a ce rare talent de pouvoir passer d'un coup des scènes les plus triviales aux plus poétiques méditations :

"Ah! c'est bien terrible quand même... on a beau être jeune quand on s'aperçoit pour le premier coup... comme on perd les gens sur la route... des potes qu'on reverra plus... plus jamais.. comme des songes... que c'est terminé... évanoui... qu'on s'en ira soi-même se perdre aussi... un jour très loin encore... mais forcément... dans tout l'atroce torrent des choses, des gens... des jours... des formes qui passent... qui s'arrêtent jamais..." (418)
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