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Elisabeth Beyer (Traducteur)Aleksandar Grujicic (Traducteur)
EAN : 9782742762767
285 pages
Actes Sud (07/08/2006)
3.99/5   198 notes
Résumé :
Dans une université américaine, un écrivain débutant, qui pourrait s’appeler Cercas, se lie d’amitié avec un vétéran du Viêtnam anéanti par le poids de son passé. A son retour en Espagne, le succès de l’un de ses romans le propulse soudain au firmament et, gorgé de suffisance, il ne voit pas qu’il a perdu son âme. Un drame se produit auquel, peut-être, il faudrait survivre. Aux portes de l’enfer, qui s’ouvrent béantes sur le mépri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
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La première partie du roman m'entraîne dans une université américaine de l'Illinois. Tu connais Urbana. Bien sûr, souviens-toi de ce film qui a su donner des lettres de noblesse à ce trou du cul de l'Illinois où même une Marylin Monroe dans sa splendeur ne réussirait pas à réchauffer les coeurs de ces péquenauds. Certains l'aiment chaud. Au début, Jacques Lemmon et Tony Curtis doivent donner un concert dans une ville glaciale du Middle West. Mais poursuivis par quelques gangsters, ils filent en Floride déguisés en choristes. Eh bien Urbana, c'était cette ville où ils n'iront jamais préférant s'encanailler sous le soleil de la Floride. de là à en déduire qu'il fait meilleur en Floride qu'à Urbana… Sauf qu'à Urbana, il y a une bonne université avec un département de langues étrangères portant sur la littérature espagnole et des cours donnés en catalan.

Urbana, première partie, un écrivain débutant s'y installe, "double" imaginaire et romancé de l'auteur en personne, Javier Cercas. Il y croise notamment un vétéran du Vietnam et se lie d'amitié au cours d'échanges sur la littérature, dans un bar où, si le premier prétexte fut de causer catalan, le second était de s'enfiler quelques bières dans une ambiance éclairée d'un comptoir de bar…

Mais je n'ai pas envie de t'en dire trop – pour une fois. Porque ? Parce que j'ai adoré, tout simplement. Alors comment te faire aimer ce roman, te donner envie de faire l'amour avec ce livre ? D'autant plus que je sens cette pointe de frustration, Javier Cercas, mi-estremadurien mi-catalan, signe ici un roman bien plus américain qu'espagnol. Alors toi qui voulais flirter avec les catalanes, tu devras de te satisfaire des universitaires de l'Amérique profonde. En contrepartie, la moitié du roman se passe à Barcelone. On ne danse pas le flamenco, là-bas ?

Il est question d'histoire d'amitié, forte, de liens qui se créent et qui attachent les âmes sans que l'on sache pourquoi, et malgré les dédales de la vie. Que l'on soit dans l'Illinois ou en Catalogne, l'esprit de cet ami hante celle de l'auteur qui n'est plus un débutant et qui a acquis même une certaine notoriété. Un roman sur les écrivains, sur la peur de la page blanche ou la page remplie de banalité. Un roman fait pour moi, parce que surtout il m'a rappelé les premiers romans de Paul Auster. Je te l'ai dit, avec « à la vitesse de la lumière », j'ai des pages de littérature américaine avec sa guerre du Viêt-Nam et la musique de van Morrison. Oui, il faut lire ce roman pour ses longues digressions sur les atrocités de cette putain de guerre, et pour écouter en boucle la voix écorchée de van Morrison sur « Astral Weeks », une bouteille de vin et deux verres.

Urbana, dernière partie. le roman s'achève. Je suis presque triste de le finir, je n'ai pas envie de passer à autre chose. Pourtant, il faut tourner la dernière page. Et me dire que tout n'est pas fini. Bien au contraire. C'est la vie. Qu'elle soit en Catalogne ou dans l'Illinois. La bière a le même goût, mais le ballon pas la même forme.
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Encore une fois, je reviens à Javier Cercas que Pecosa, avec tout son talent, m'a fait apprécier. Il me reste deux livres traduits en français à découvrir : A petites foulées, son premier roman, et A la vitesse de la Lumière, que je viens d'achever.

Une fois de plus Javier Cercas m'a touchée en plein coeur, malgré son phrasé tortueux qui fait penser qu'on visite la coquille d'un gastéropode.

Je suis en effet entrée dans le récit « à petites foulées », circonspectes, et j'ai été soudain emportée à grandes embardées, « à la vitesse de la lumière », à la vitesse de l'émotion, malgré la distance clinique que Cercas introduit toujours entre lui et son sujet, malgré cette ironie, cette cruauté, cette objectivité d'archiviste qui lui permettent de se prendre pour point de départ, point de vue et point de mire de presque tous ses récits sans jamais sombrer dans l'exhibitionnisme ou le narcissisme, sans qu'on se sente jamais tenté de qualifier ses livres d'autobiographiques, alors qu'il le sont quasiment tous, à un degré ou à un autre.


Le début, malgré le titre fulgurant, est, comme souvent chez Cercas, tâtonnant: il met lentement en place la vie de bohême, les amis artistes, les rêves d'avenir, la peur de l'enlisement dans la ville provinciale de Gérone, la tentation de Barcelone, les interminables discussions dans les petits bistrots enfumés, quand tout à coup, comme une trouée dans le brouillard, éclate, pour le narrateur , l'opportunité inespérée d'un poste d'assistant d'espagnol à la faculté américaine d'Urbana.

Mais une fois à Urbana, le récit à nouveau tâtonne, tourne , littéralement autour du sujet, car le narrateur, apprenti – romancier, y fait la rencontre d'un ancien vétéran du Vietnam, plein de silences et de culpabilité, Rodney Falk, un fin lettré, amoureux de Hemingway mais le coeur à jamais en enfer. Cercas verrait bien Rodney en sujet de son prochain roman, si le sujet, décidément récalcitrant, ne lui glissait entre les mains.

Retour à la case Barcelone. Cercas s'est mis à écrire et à publier. Son premier livre qui porte un regard caustique sur l'université américaine- Rodney n'y apparaît qu'en silhouette- passe inaperçu, mais le second, Les Soldats de Salamine, est accueilli par un succès fulgurant, foudroyant, qui fait sauter toutes les digues : griseries d'ego, bouffées d'orgueil, inlassables beuveries, folle fatuité, honteuses trahisons…Tant d' Hybris attire les foudres du destin qui fond simultanément, à la vitesse de la lumière, sur l'auteur qui a oublié l'homme qu'il était et sur son (futur) sujet qui ne peut oublier, lui, l'homme que la sale guerre vietnamienne a fait de lui. Sur celui qui , en Espagne, est en train de perdre son âme et celui qui , en Amérique, ne peut malgré tous ses efforts la retrouver tout à fait.

Une étrange symétrie s'imprime dans les dernières pages de ce récit entre celui que l'écriture a failli perdre et celui que le silence, plus que la parole tardive, a perdu.

Bouleversante conclusion, qui évite tous les pièges de la facilité ou du romanesque et retrouve le chemin de l'amitié vraie, de la simplicité, du réconfort.

On ferme ce livre à la fois tâtonnant et fulgurant, le coeur serré.
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Avec : A la vitesse de la lumière, je découvre Javier Cercas et c'est un véritable coup de coeur.
Pendant toute ma lecture, j'avais l'impression d'être dans un café à écouter un vieil ami me raconter une histoire d'êtres humains si fragiles.
C'est d'ailleurs le thème du roman, une histoire d'amitié. Une amitié improbable entre un jeune espagnol qui veut écrire un roman et un vétéran de la guerre du Vietnam qui a beaucoup lu.
La menbrane centrale du récit, c'est la littérature et l'écriture.
Le narrateur, notre espagnol finira par écrire la vie de son ami, Rodney, le rescapé et le coupable de la guerre du Vietnam.
Il est beaucoup question de culpabilité dans ce roman, les atrocités commises par Rodney au Vietnam lui empêchent toute vie ultérieure. Rejets et remords sont la pierre angulaire de notre homme.
Mais la culpabilité ne s'inscrit pas que dans l'horreur de la guerre.
Le narrateur, va aussi la connaître par la folle spirale du succès que lui apporte un de ces romans. Et, cette spirale fait un tour complet jusqu'à que ces deux amis le comprennent.
Qui peut aider l'autre à sortir de l'enfer ?
Celui qui écrit la vie de l'autre ?
Fascinante dualité, la vie s'en mêle et chacun revit ou incarne une partie de l'autre.
Un roman magnifique où les ressorts de l'âme et la psychologie sont subliment mêlés.

"Trouver des coupables, c'est très facile, ce qui est difficile, c'est d'accepter qu'il n'y en ait pas"

Longtemps, cette phrase résonne en nous.
Un livre que je vous recommande et vous en souhaite la lecture.
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le narrateur de « A la vitesse de la lumière » -qui pourrait être l'auteur Javier Cercas lui-même-, jeune homme espagnol, rêve avec son ami Marcos Luna de devenir des artistes à succès. Si Marcos souhaite être peintre, le narrateur a pour ambition de devenir écrivain. Il accepte la proposition d'aller travailler dans une université américaine à Urbana, pour y donner des cours d'espagnol. C'est pour lui la possibilité de recueillir de la matière à son écriture et de nourrir l'écrivain en devenir.
A l'université, il fait la rencontre de Rodney Falk, vétéran de la guerre du Vietnam. Ce collègue est un homme taciturne, solitaire, considéré comme étrange par les autres de l'université.
En prenant l'habitude de se retrouver chaque semaine dans un bar pour que le jeune homme apprenne le catalan à Rodney, de converser sur les thèmes de l'écriture et la littérature, ils deviennent peu à peu amis. Le vétéran se révèle être un esprit fin et cultivé, amoureux de la littérature, des grands écrivains, notamment d'Hemingway. Rodney va ainsi lui expliquer que le succès peut littéralement tuer un écrivain. Devenir un grand écrivain, c'est -selon lui- créer du sens à la réalité, accepter de regarder la réalité en face. Avec le succès, l'écrivain a l'obligation de ne jamais cesser d'écrire, de toujours voir cette réalité, de chercher son sens, sous peine de dépression ou de suicide.
Rapidement, le narrateur comprend que la guerre du Vietnam a détruit Rodney, même si ce dernier évite, de prime abord, d'en parler. De par sa vie solitaire, s'excluant quasiment de toute vie sociale, mais aussi par quelques remarques sur l'homme qu'il est, le jeune espagnol réalise que son ami est rongé par la culpabilité, par les actes infâmes des soldats que la guerre oblige à faire, poursuivi par ses ombres. La guerre finit par rendre un homme inhumain et barbare et changer la nature même de son être et de son âme.
De retour d'un voyage de quelques semaines avec des amis, il va apprendre que Rodney a disparu. Peut-être notamment parce que, pour l'écrivain qu'il est, il est curieux de cet homme profond et ravagé par son passé, il va tenter de le retrouver, de mieux le connaître.
Mais, Il va finalement rentrer en Espagne sans le retrouver. Il va rencontrer sa future femme, avoir un enfant et tenter d'écrire jusqu'à ce qu'un de ses romans rencontre le succès…
J'en ai presque déjà trop dit. Comme l'exercice est souvent difficile, par notre envie d'argumenter sur le plaisir qu'on a connu à lire une oeuvre, à donner l'envie à l'autre, de raconter l'histoire et d'en dire un peu trop !
A ce propos, ce qui a été le cas pour ce roman, j'en profite pour regretter (et le terme est faible) que certaines quatrièmes de couverture ou critiques littéraires, soit nous fassent miroiter monts et merveilles qu'on cherchera en vain dans le roman, soit nous en racontent beaucoup trop, quand ce n'est pas jusqu'à l'épilogue, et ainsi, contrarient tout effet de surprise, d'intrigue et donc l'émotion.
Le roman de Javier Cercas par son écriture intelligente et fine, la psychologie, la profondeur de ses personnages m'a captivée dès les premières pages. Rodney est un de ses personnages, complexe, qui nous touche, forcément.
C'est un roman lumineux parce que cela parle de l'amitié, de son pouvoir, mais aussi de littérature, de ce qui fait tenir les hommes. Mais, c'est aussi bien entendu un roman sombre par ses autres thèmes : la guerre et la culpabilité. La culpabilité comme celle des Tragédies, celle qui s'insinue en soi et dévore peu à peu l'âme. Une culpabilité qui va, bien sûr, bien au-delà de la guerre. Ce sentiment qui peut naître pour tout à chacun, selon nos actes vis-à-vis des autres, notre conscience.
Et si cette histoire m'a tenue en haleine jusqu'à la fin, c'est bouleversée que j'ai fermé ce roman.
Et il va sans dire que je vais poursuivre ma découverte de cet écrivain.
Un grand merci à Merik pour m'avoir fait découvrir Javier Cercas !
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Voilà un livre dans lequel je suis entré tranquillement, qui m'a progressivement happé par son intensité en crescendo et dont j'ai terminé la lecture à bout de souffle.

Avec ce roman qui date d'une douzaine d'années, l'auteur, l'écrivain catalan Javier Cercas, s'efforce de disséquer les méandres de la culpabilité et du remords dans la conscience. Il entrecroise les parcours de deux personnages, qui cherchent chacun leur double dans l'autre. L'un est un vétéran américain du Vietnam, un ancien membre d'un escadron d'élite accusé de crimes de guerre, qui se débat dans la quête d'une impossible expiation. L'autre – narrateur de l'ouvrage – est un jeune écrivain qui, malgré les mises en garde, perd ses repères moraux dès son premier succès de librairie et doit en assumer de lourdes conséquences. Les drames arrivent en un éclair et transforment les destinées à la vitesse de la lumière. On ne les voit pas arriver, mais certaines pages sont brutales.

Le début est pourtant doucement anesthésiant – une sensation agréable, au demeurant ! –, comme lorsqu'on se trouve confortablement installé dans un univers familier, ou pour être plus précis, lorsqu'on a l'impression d'avoir déjà lu quelque part les pages du livre qu'on a entre les mains. Dans A la vitesse de la lumière, plusieurs traits m'ont conforté dans ce ressenti.

L'écriture de l'auteur, superbement traduite de l'espagnol, est faite de longues phrases qui se déploient et se redéploient en modulations harmonieuses ; de très longues phrases dont la composition unit, dans une syntaxe irréprochable, la narration des faits et le ressenti qu'ils inspirent au narrateur. Ça ressemble à du Proust et j'aime beaucoup. (Je relis souvent, au hasard, deux ou trois phrases de Marcel Proust ; une façon d'échapper à l'agitation du quotidien, comme lire de la poésie ou écouter de la musique.)

Comme A la recherche du temps perdu, A la vitesse de la lumière – un air de parenté dans les titres que je découvre en les écrivant côte à côte ! – pourrait passer pour une autobiographie. le narrateur, auquel on ne connaît ni nom ni prénom, ressemble en tous points à l'auteur, mais ce n'est pas tout à fait lui !... Une anecdote : après la publication du roman, Javier Cercas, qui enseigne à Barcelone, a dû préciser à ses étudiants qu'il n'avait pas été victime personnellement du drame subi par son personnage de narrateur dans le livre, un ouvrage de fiction.

La première partie du livre m'a rappelé des schémas de romans anglo-saxons contemporains. Un jeune plumitif au début de son chemin d'écrivain a opportunément trouvé un poste de professeur assistant dans une université américaine. Il s'y lit d'amitié avec un collègue plus âgé du nom de Rodney Falk, un intellectuel féru de littérature, dont le comportement étrange le pousse à chercher à en savoir plus sur son passé. Cette recherche se concrétise par la mise à nu progressive du personnage de Rodney, l'ancien militaire qui ne s'est jamais remis des contradictions auxquelles il a dû faire face, là-bas, au Vietnam et chez lui, après son retour. L'histoire est racontée par son père, dont la narration est enchâssée dans la narration principale, une construction romanesque courante dans la littérature du dix-huitième et du dix-neuvième siècles.

Toutes ces parentés littéraires pourraient traduire un manque d'originalité de l'ouvrage. Peu importe. Soulignant que certaines idées deviennent des clichés juste parce qu'elles sont vraies, Rodney avait prévenu son ami narrateur que, quand on cherche à « dire des choses originales pour faire l'intéressant, on finit par ne dire que des conneries ».

Dans la descente aux enfers des deux hommes, aucune rédemption par l'amour ne semble possible. Reste la mort… Et la littérature. Cette ultime voie passe par un retour aux sources qui boucle l'histoire. En trouvant ainsi comment terminer son livre, le narrateur trouve aussi son salut.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
- Tu as lu Hemingway ?

J’avais à peine lu Hemingway ou je l’avais lu n’importe comment, et l’idée que j’avais de l’écrivain américain se résumait en un lamentable cliché dont le protagoniste était un vieux au bout du rouleau, dévergondé et alcoolique, ami de danseuses de flamenco et de toreros, qui véhiculait dans ses œuvres démodées une image d’Epinal de l’Espagne constituée de stéréotypes les plus rances et les plus insupportables.

- Oui, ai-je répondu, soulagé par cette lueur de conversation littéraire et comme je devais voir là une autre magnifique occasion d’annoncer clairement à mes collègues de faculté mon inébranlable vocation cosmopolite – que j’avais déjà affichée par mon commentaire homophobe sur le cinéma d’Almodovar – j’ai ajouté : Pour moi franchement, c’est de la merde.
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Il y avait surtout du rock et pas mal de Bob Dylan. Notamment Bringing it All Back Home, un disque avec une chanson que je connaissais bien: It's Alright , Ma (I'm Only Bleeding). Le disque dans les mains, je me suis mis à repasser dans ma tête cette chanson sans consolation qui n'avait pourtant jamais cessé de rendre à Rodney la joie intacte de sa jeunesse, et soudain, tandis qu'en attendant Jenny je me souvenais avec la même précision aussi bien de ses paroles que de sa musique, j'ai eu la certitude qu'au fond cette chanson ne parlait que de Rodney, de la vie annulée de Rodney, car elle parlait de mots sans illusion qui aboient comme des balles et de cimetières bourrés de faux dieux et de solitaires qui pleurent et ont peur et vivent dans un puits conscients que tout n'est que mensonge et qu'ils ont compris trop vite qu'il valait mieux ne pas tenter de comprendre, car elle parlait de tout cela et surtout du fait que celui qui n'est pas occupé à mourir est occupé à vivre. "Maintenant, Rodney ne s'occupe qu'à mourir" ai-je pensé. Et aussi : "Moi, pas encore."
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Tout commença le matin où sa compagnie se rendit dans un village proche occupé encore la veille au soir par le Viêt-công. L’incursion du Viêt-công visait à recruter des soldats, et dans ce dessein les combattants sollicitèrent l’aide du chef du village, qui se montra rétif à collaborer. La réponse des combattants fut si foudroyante qu’il était déjà trop tard quand il voulut changer d’avis : ils prirent ses deux filles, de six et huit ans, les violèrent, les torturèrent, leur tranchèrent la gorge et jetèrent leurs cadavres mutilés dans le puits qui ravitaillait le village en eau potable, pour la contaminer.
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- Tu veux écouter de la musique ? a dit Jenny en entrant dans le salon.
Je lui ai dit que oui, elle a mis l’appareil en marche à la cuisine. J’ai écarté la tentation d’écouter Dylan et j’ai mis Astral Weeks de Van Morrison, et quand Jenny est revenue, avec une bouteille de vin et deux verres, nous nous sommes assis l’un en face de l’autre et avons laissé le disque tourner, tout en conversant avec une fluidité favorisée par l’alcool et la voix rugueuse de Van Morrison.
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- Si, a-t-il dit, puis il m’a demandé : C’est quoi un écrivain ?
- Comment çà ? Ai-je répondu avec impatience. Un type capable d’aligner des mots les uns après les autres et de le faire avec grâce.
- Exact, a acquiescé Rodney. Mais c’est aussi un type qui se pose des problèmes complexes et qui, au lieu de les résoudre ou d’essayer comme le ferait n’importe quel individu sensé, les rend plus complexes encore. C’est à dire un cinglé qui regarde la réalité et qui parfois la voit.
- Tout le monde voit la réalité, ai-je objecté. Même sans être cinglé.
- C’est là que tu te trompes, a dit Rodney. Tout le monde regarde la réalité mais rares sont ceux qui la voient. L’artiste n’est pas celui rend visible : çà, c’est vraiment du romantisme, bien que pas de la pire espèce : l’artiste est celui qui rend visible ce qui est déjà visible et que personne ne peut ou ne sait ou ne veut voir. Que personne ne veut voir surtout. Parce que c’est trop désagréable, souvent effroyable et il faut vraiment avoir des couilles pour le voir sans fermer les yeux ou partir en courant, car celui qui le voit se détruit ou devient fou
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Vidéo de Javier Cercas
Grand entretien avec Javier Cercas, modéré par Guénaël Boutouillet.
38e édition Comédie du Livre - 10 jours en mai Samedi 13 mai 2023. 17h - Espace Albertine Sarrazin
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