C'est avec curiosité que je suis entré dans la lecture de cette anthologie poétique de la grande femme de lettres danoise, aujourd'hui disparue,
Inger Christensen. Avant cet ouvrage, je ne connaissais rien de cette auteure, par ailleurs romancière, dramaturge et essayiste.
Cette anthologie publiée chez
Poésie Gallimard contient cinq de ses recueils, ceux qui, à des périodes différentes, lui ont offert une reconnaissance puis une place centrale dans la littérature danoise :
Lumière (1962), Herbe (1963), Lettre en avril (1979), Alphabet (1981) et
La Vallée des Papillons (1991).
Ce qui m'a marqué durant la lecture, c'est, très perceptibl
e, son travail sur les mots, sur leur sonorité, leur fortuité, sur la mémoire que chacun renferme en lui et nous lègue. Dans beaucoup de ses textes, elle évoqu
e souvent ce rapport particulier aux mots :
« Je reconnais là
une clairière dans la langue
les mots refermés
sont là pour être aimés
pour être répétés jusqu'au simple »
Dans son écriture, nous sommes comme dans un commencement, comme à la naissance de la parole au coeur du langage. Sa poésie se place dans le point d'intersection entre ce qui est prédéterminé et le fortuit, dans une tension entre l'immuable et l'imprévu. La poétesse tente de rassembler, de concilier ces deux parts inséparables de l'écriture. Elle y parvient avec beaucoup de justesse.
« Dessiner un cercle fragile
dans l'air ou dans l'eau
poser un doigt sur les lèvres
adoucir la foi
poser une mains sur le coeur
te répondre sincèrement :
ne rien répondre
ne rien souhaiter
défendre ta main étrangère
les bras ouverts
défendre les faibles
avec confiance
répondre aux forts
avec confiance
les forts et les faibles
qui ont tous des mains étrangères
qui ont tous des mains étrangères
elles bougent lentement et s'échangent
les faibles et les forts
te répondre sincèrement
dessiner un cercle
dans l'air ou dans l'eau »
Autre point qui m'a particulièrement plu dans la poésie d'
Inger Christensen, c'est l'acte d'écrire considéré comme un double mouvement : il y a celui qui aspire, qui intègre en lui le rythme, le flux du monde, et celui qui remonte jusqu'à ce mouvement ordonné des choses pour se couler, pour se fondre dans tout le rythme de l'univers, dans la pleine conscience de celui-ci. Ce rythme puissant de l'univers qui contient notre fin, notre prédestination, contient aussi le fortuit du langag
e, son élan perpétuel.
« Il y a notre travail avec les images les mots pour
rapporter les choses à leur paysage d'origine. Celui
qui toujours a été le même en même temps. »
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