Chantegril, le puy Violent, août 1914. le coeur lourd et résigné, Victor, mobilisé comme tant d'autres hommes, doit quitter sa ferme et laisser sa femme, Mathilde, et sa mère, Marie, aux bons soins de son fils, Joseph, qui devient, dorénavant, l'homme de la famille. Certain que la guerre ne s'éternisera pas, il part confiant même si Mathilde voit en l'orage qui gronde au loin un mauvais présage. Les deux femmes s'organisent déjà, prévoyant le fauchage, sachant que le bon vieux Léonard, ami et soutien de la famille, sera d'une grande aide. C'est d'ailleurs à lui que l'adolescent confie ses craintes et sa peur. Dans la ferme voisine, chez les Valette, lui, un homme rustre et violent, rage de n'avoir pas pu accomplir son devoir à cause de sa main mutilée tandis qu'elle pleure son fils parti au front. Ils hébergent bientôt Hélène et Anna, leur nièce et leur belle-soeur dont le mari est lui aussi mobilisé. Dans ce petit hameau, Joseph et Anna ne tardent pas à faire connaissance...
Adapté du roman éponyme de
Franck Bouysse, cet album nous emmène dans le Cantal, désormais dépeuplé de la plupart de ses hommes partis au front, laissant aux femmes et aux adolescents le soin du travail à la ferme. Si Joseph, 15 ans, ne rechigne pas à la tâche, tenu par l'espoir du retour de son père, il n'en reste pas moins un adolescent dont l'arrivée d'Anna va chambouler sa vie. Recueillies par les Valette, un couple aigri, elle et sa mère n'ont d'autre choix que de supporter le mauvais caractère, la rudesse et la violence parfois de leurs hôtes. Ainsi, l'on sent poindre, peu à peu, un drame d'autant que l'atmosphère s'alourdit au fil des jours puis des semaines marqués par l'absence des hommes dont le retour tarde, par les esprits qui s'échauffent, par la rancoeur et la jalousie qui s'installent, par cette vie nouvelle à laquelle chacun tente de s'habituer, par la guerre pas si lointaine, par ces chagrins qui pèsent.
Fabrice Colin nous offre une adaptation plutôt fidèle au roman et réussie. En 150 pages, il prend le temps de fouiller ses personnages, d'installer une ambiance de plus en plus lourde et pesante, de s'attarder sur la vie qui suit son cours malgré la guerre. Graphiquement, si le trait brut manque parfois de finesse, la palette de couleurs sombre, variant du marron au mauve en passant par l'ocre ou le gris, renforce cette ambiance étouffante et angoissante.