Jorge Semprun, l'écriture de la vie

Critique et Analyse de "L'Ecriture ou la vie" de Jorge Semprun

L'ouvrage "l'écriture ou la vie", publié en 1994 aux Éditions folio, est un récit autobiographique racontant l'histoire de Jorge Semprun.
Ce résistant communiste espagnol de la Seconde Guerre Mondiale, est arrêté puis déporté par les nazis au camp de concentration de Buchenwald.
Après 2 ans d'expérience de la mort, le camp (et par la même occasion Jorge Semprun) est libéré en 1945 grace un soulèvement des déportés, peu avant l'arrivée des troupes américaines.

Le livre se déroule en 3 parties, elles-mêmes découpaient en 10 chapitres. L'histoire est racontée à partir de cette libération mais est
interrompu par des analepses (retour en arrière) durant des périodes contemporaines et supérieures à son arrestation. Jorge Semprun tient un objectif de transmission de son expérience
qui se clarifie de plus en plus au fil de l'histoire, jusqu'à la rédaction d'un ouvrage.

le récit étant autobiographique est raconté au point de vue interne. Mais l'auteur décrit aussi des histoires relationnelles.
L'appellation "copains" qui désigne en réalité les déportés du camp de Buchenwald, tel que Nicolai ou Maurice Halbwach, mort devant Jorge Semprun peu après la libération du camp. L'auteur fait
d'autres rencontres au cours du récit, en passant par les soldats, les anciens résistants et certaines femmes, on y découvre une panelle de relations qui nous permet le rattachement à certaines périodes de sa vie.
Mais l'auteur révèle beaucoup plus de réflexions internes.
Il s'adresse au lecteur au sujet de ses différents ressentis. Et c'est cette introspection qui mêlé à ses différentes relations va permettre à nous ,lecteurs, de suivre
l'avancée de son/ses objectif/réflexions.
Cette réflexion est justement un élément-clé de l'histoire. D'où le titre "l'écriture ou la vie", qui désigne bien l'hesitation de l'auteur, dans un premier temps de la manière de
transmettre son histoire. Et puis dans un second temps de sa capacité à le faire. Car oui, l'une des grosses parties de la réflexion interne se questionne sur la force et l'aptitude qu'a
l'auteur dans cette restitution.

Une problématique qui se rapproche de celle de notre séquence, qui elle se questionne sur l'utilisation de l'outil littérature dans la restitution des témoignages de violences historiques.
Mais essayons de l'analyser pour qu'elle se rapproche au mieux de celle de Jorge Semprun. Ici la partie historique c'est tout l'aspect de la déportation par les nazis, mais en quoi elle est ressentie comme violente ?
Une violence très directe, dans cet ouvrage, c'est le moment où Jorge Semprun visionne des images de plusieurs camps de concentration. Il y voit des personnes rongées par les maladies
et des pelleteuses déversants les restes des non survivants dans des fosses communes. Ces visions d'horreurs ne donnent pas l'impression d'un choque sur l'auteur, en même temps ce n'est
pas la première fois qu'il y est confronté (c'est la première fois qu'il en voit des vidéos).
L'aspect témoignage est aussi une part importante de la réflexion. Un devoir de mémoire que Jeorge Semprun essaye de réaliser dans le livre, mais c'est au final l'ensemble de l'histoire
avec ses récits souvent très détaillés, qu'il y parviendra.
Et pour finir la place de l'outil littérature dans la restitution de ses témoignages. Après la déportation l'auteur se retrouve dans regroupement d'anciens déportés et ensembles ils
s'interrogent sur la manière de restituer au mieux toute la violence vécue. La conclusion en vient à la vidéo documentaire (beaucoup moins développé à l'époque). Néanmoins une nuance
est faite sur le fait que personne ne voudrait prendre le risque de faire un documentaire trop précis, car trop choquant pour les futures générations.
Jorge Semprun choisira pour sa restitution personnelle la littérature. Pour conclure cette analyse, le récit est profondément lié à la problématique de la séquence. L'auteur se questionne
sur le fond et la forme de sa restitution comme toutes les personnes victimes de violences historiques, ayant voulu raconter leurs expériences.

Maintenant avec du recul sur l'ouvrage je trouve que son histoire est très intéressante, en dehors de son aspect technique et utilitaire, le point de vue interne que permet l'autobiographie
est une très bonne façon de rentrer dans l'histoire qui nous est racontée (tellement immersive que j'ai fait des cauchemars ou j'était en direction d'un camp de concentration).
Étant moi-même un amateur de récits historiques, ce livre permet de changer notre position de spectateur à acteur de ces
violences historiques. le passage final, lorsque j. Sempreun revient des dizaines d'années après sa déportation dans le camp de Buchenwald, dans le cadre d'un reportage
documentaire (ironie du sort) et très marquant d'introspections. L'auteur découvre une "madeleine de Proust" tellement imprégnante, qu'il se redécouvre dans le camp, prisonnier,
comme si toutes les réflexions le ramenaient dans ses traumatismes.
Il n'y a pas vraiment de passages détestés mais plutôt des aspects moins intéressants. Certaines longueurs pouvaient survernirent dans les descriptions des relations. Pas qu'elles ne soient
Inintéressantes, elles n'apportent juste que des "détails" qui emmêlent le fil de l'histoire original.
Toutes ces critiques justifies la note, un très bon récit de restitution historique quelquefois parasité de lourdeurs qui allonge l'histoire initiale.

Après "Si c'est un homme" de Primo Levi, c'est un livre sur la mémoire et l'oubli. En exergue on peut lire cette phrase de Maurice Blanchot:
Qui veut se souvenir doit se confier à l'oubli, à ce risque qu'est l'oubli absolu et à ce beau hasard que devient alors le souvenir.
Le travail de mémoire, ne jamais oublier mais il est parfois si difficile de rapporter l'indicible !
Je retrouve la même phrase de Blanchot en exergue du livre de Modiano, Encre sympathique. Ouvrage époustouflant, la encore sur la mémoire.