L'opinion commune est une sotte indiscrète
Et futile ; [...] Je peux vous le dire maintenant,
L'enfer que vous avez souvent évoqué n'est rien d'autre
Qu'une crainte servile et sotte superstition.
John Ford : DOMMAGE QU'ELLE SOIT UNE PUTAIN, Acte V, Scène 3.
LE BATELIER
Monsieur, je suis votre serviteur.
LE CHARRETIER
Je vous suis fort obligé,
Monsieur, des grandes largesses que par générosité
Et noble vertu vous conférâtes à ma personne.
Je mets à vos pieds mon zèle reconnaissant.
LE BATELIER
Vous m’ôtez les mots de la bouche. Prenez donc la peine
De déposer votre fardeau et de vous en remettre
À celui qui met son zèle à votre service.
LE CHARRETIER
Vos civilités, monsieur,
Comme vagues de vives eaux, débordent les rives
De votre flot généreux, et le canal de vos bontés,
L’onde de vos sollicitudes, portent vers ma personne
Leur bienfaisante fraîcheur — sans elles je serais
Une terre infertile — et font naître de la gratitude
Chez celui qui est votre humble et dévoué serviteur,
Dont la seule ambition est de vous obliger.
LE BATELIER
Croyez que j’accorderai autant d’efforts à la rame
Et à la voile que j’en mets à gagner le pain de ma femme
Et de mes enfants pour vous conduire, vous
Et votre suite honorable, jusqu’au port
De vos plus chers désirs.
LE CHARRETIER
Soyez assuré, monsieur,
Que je ne désire pas moins être l’heureux truchement
Qui, à coups de fouet et de sifflet, conduira
Tous vos détracteurs à l’échafaud.
Richard Brome : LES ANTIPODES, Acte IV, Scène 9, v. 1-22 (p. 1574-1575)
LE FRÈRE : Il est un lieu — ma fille,
Écoutez-moi —, dans une cavité profonde et noire,
Où l’on ne voit jamais le jour ; là nul soleil ne brille,
Mais de feux consumants règne l’horreur ardente ;
Le soufre brûle sans lueur dans le brouillard fumeux
Des ténèbres infectées. Dans ce lieu
Habitent par milliers mille diverses espèces
De morts qui ne meurent jamais. Là, les âmes damnées
Hurlent sans être prises en pitié ; là, les gloutons
Sont nourris de crapauds et de vipères ; là, l’huile brûlante
Coule dans la gorge de l’ivrogne ; l’usurier
Est contraint d’avaler des gorgées d’or fondu ;
Là, le meurtrier est poignardé sans cesse
Sans jamais pouvoir mourir ; là, le dépravé repose
Sur des barres de fer rougi tandis que son âme
Est tourmentée par les fureurs de sa luxure.
John Ford : DOMMAGE QU’ELLE SOIT UNE PUTAIN, Acte III, Scène 6, v. 8-23 (p. 1425).
CORVINO : Me déshonorer avec le bouffon de la cité !
Un saltimbanque, un filou bavard, un arracheur de dents !
Et en public, à la fenêtre ! Là ! Pendant qu’avec
Tout un répertoire de gestes et de grimaces,
Il captivait tes oreilles chatouillées avec un boniment sur sa drogue.
Une troupe de vieux garçons, des débauchés notoires,
Te couvaient des yeux comme des satyres. Et toi, tu souris
Gracieusement, et tu ventiles tes faveurs
Pour satisfaire tous ces chauds lapins !
Ben Jonson : VOLPONE, Acte II, Scène 5, v. 1-9 (p. 63).
JASPER : Oui, je suis son spectre [...]
Quand tu seras à table, avec tes amis,
Le cœur joyeux, le ventre rempli de vin,
Je surgirai au milieu de ton orgueil et de ta gaieté,
Invisible à tous sauf à toi-même,
Et je te murmurerai à l’oreille un conte si triste
Que la coupe te tombera des mains et que tu
Seras là, muet et pâle comme la mort même.
Francis Beaumont : LE CHEVALIER DE L’ARDENT PILON, Acte V, Scène 1, v. 24-30 (p. 269-270).