J'avoue avec une humilité sincère ne pas avoir compris ce livre : n'avoir reconnu ni une définition exacte de la sérialité des figures féminines fabriquées, ni surtout ses implications – en termes de domination ? de subordination au virilisme ? à la société du spectacle ? au capitalisme ? En termes de capacité de résistance reconnue aux femmes ? d'une résistance qui ferait appel à autre chose qu'à une réappropriation de la subjectivité ? Ou bien, au contraire, serait-ce la sérialité même des femmes qui, à l'instar d'une armée composée de soldats revêtant un uniforme, contiendrait son propre antidote ?
Je m'attendais à une réflexion dans le sillon de l'excellent essai de
Mona Chollet,
Beauté Fatale – et celui-ci n'apparaît même pas dans la bibliographie. J'ai l'habitude des démonstrations d'une thèse, et je n'ai trouvé là qu'une succession de tableaux, parfois plusieurs dans le même chapitre, qui, s'ils forment les motifs d'une mosaïque, ils ne me permettent pas d'élargir ma focale jusqu'à en apercevoir l'ensemble de la scène. Par moments, j'ai trouvé même des contradictions dans le fil conducteur, et ce non seulement sur Beyoncé, les Femen et les « lucioles » de
Pasolini. de plus, si la plupart des références littéraires et philosophiques convoquées ne me sont pas totalement inconnues, par contre les (beaucoup plus nombreuses) références cinématographiques et surtout aux séries télé américaines, demeurent pour moi complètement obscures malgré les longs chapitres qui en font l'objet quasi unique.
Inversement, lorsque les Cariatides soutenant le toit de l'Erechtéion ont été citées comme premier exemple de filles en série, j'aurais aimé voir le raisonnement développé davantage, de même que le parallèle entre
Marilyn Monroe et
Nelly Arcan, autrice que j'adore ; comment parler (dans un certain détail) de
Virginia Woolf en omettant entièrement son
Orlando, qui me paraît fondamental du point du genre ?
Enfin, les courts-circuits entre la domination des femmes, la maltraitance animale dans les élevages industriels et les camps d'extermination nazis m'ont choqué me paraissant absolument abusifs et offensants pour les victimes – Marine Delvaux, qui file la métaphore des lapins et des lapines, aurait-elle oublié que Hitler était végétarien et assurément pas un playboy ? de même, je suis perplexe devant la juxtaposition de l'agression sexuelle et de la nécessité de la sororité, même en convoquant
Agamben – là aussi, je vois une certaine légèreté vis-à-vis des victimes de violences hélas bien avérées (cf. cit. 3).