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EAN : 9782070768738
128 pages
Gallimard (03/04/2003)
3.9/5   5 notes
Résumé :
« N'oubliez pas mon île. Fétu de canne au duvet rose, vêtue de sucre et de jasmin, n'oubliez pas son visage d'enfant puni derrière les esprits clos, ses mains meurtries au bris du jour. Ses pieds coincés dans les failles de son passé. »

« Tu es une effraction dans l'absence de mes nuits. Approche. Tends ton envie. Que je l'enroule autour de mes lèvres en un jus amer et putrescible. Tes yeux me songent et m'évertuent, me dégringolent d'impatience. Au b... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Comment vous parlez de ce recueil ? C'est un foisonnement de tout ! de thèmes, de styles, de lieux, d'époques..., dans lequel il faut se laisser guider, se laisser doucement prendre par la main et avancer avec l'auteure au gré de ses traversées d'océan, de ses élans de vie et ses différents âges. On accoste aux abords de l'enfance et son innocence, on fait le pari de l'exil comme promesse de tous les possibles, et on retarde à chaque minute, le jour du retour et son lot de dépits et de déceptions, pour finir par échouer sur cette mortelle engeance - entre révolte et acceptation mêlées - parce qu'il n'est ici plus question de choix, d'envol ou de fuite en avant...
Ananda Devi a emmené dans son exil son île, celle rêvée, aimée, chérie, cette terre insulaire au chaud tout ce temps, dans sa tête et son corps. Elle retrouve une île Maurice en souffrance, d'une beauté sauvage, âpre et exsangue qui s'accroche et lutte.
L'une et l'autre se mélangent et se confondent pour nous livrer une vérité au goût amer.

« oublie, oublie, oublie, l'autre versant du miroir.
(…)
regarde-toi en face, ne te détourne pas. Laisse tomber ces tissus qui te mensongent. Nue, tu es.
(…)
Les illuminées mystiques et stoïques prennent la fuite. Laisse les partir, ne les poursuis.
Regarde
Regarde ton ciel qui te rêve. Regarde la coulée de lave brune de ton dernier soleil.

Et vis. »

Il y a dans ce recueil, traces de tristesses et regrets éphémères, nés d'un trop plein de lucidité qui assaille soudain. Vous savez, cette lucidité qu'on souhaiterait tous avoir, bien que nous ne mettons rien en oeuvre, ou si peu, pour y parvenir. Cette lucidité qui fait mal et naît, quand nous posons les gants et les oeillères et prenons le temps de regarder derrière nous, ce et ceux que nous avons laissés, oubliés, rayés. Pour mieux avancer.

« Recentrée en moi-même, je vois les ruines d'hier et les tombes de demain. Je puise l'espoir dans l'autre réalité, celle qui ne se connaît pas de combats inutiles. Je suis de passage et la maritime angoisse de vivre et de mourir ne sont que tristesses passagères. En planant au dessus de moi-même, je me vois, marionnette, poupée ou girouette, et je joue paresseusement avec les fils de mes vies. Pincement au coeur, larme incongrue, rire inopiné, tout cela est bien infime. Quelque part, une chose plus grande que moi m'écoute et me méprise. »

Que reste-t-il pour livrer combat ? Comment échapper à « ces chemins de soumission et de complaisance [qui] sont en vérité la plus grave des trahisons » ?
Ici, pas de traversée du miroir : « Nous avons besoin de nos failles parce que vivre est une dérobade », orchestrée par le long désir qui anime Ananda Devi, comme il nous anime tous, en courant tout le long de notre échine, entre nos reins et nos deux hémisphères.
Et ce qui relie tout cela, tout ce désir toujours renaissant comme un phénix surgissant de ses cendres à ce bouillonnement de vie et de mort incessant, c'est l'écriture !

Parce que nous ne pouvons plus refaire « le chemin à l'envers », parce que les choses, les gens évoluent aussi, l'acte d'écrire permet de se ré-approprier tous ces lambeaux de vie : la notre et celle des autres, pour les rassembler au sein d'une même histoire.

« Écrire est un lieu. Une fois la porte ouverte, on n'a de cesse d'y revenir. le reste n'a aucune importance. Écrire est un travail à contre-courant de soi-même, de ses propres failles, de sa propre paresse. »

« Les mots, seule terre dans le silence de l'écrit. (...) le miracle des mots est que, dans leurs pliures réfractées, tout est beau : le sombre et le sordide . »

Et quelle liberté alors ! Si je veux écrire pour dire tout, ne rien dire ou dire autre ? Je peux. Glisser sous ma plume mes «comme si », user et abuser du mot chéri et banir tous ceux haïs ? Je le peux aussi.

« On fait acte de phrases, pacte de mots. Une histoire tournée court s'ourle autour d'un point final qui débouche sur une débauche de rêves de gloire. Tout cela finit par aboutir à la musique en demi-teinte d'un seul Lecteur séduit. Et cela suffit. »

Vaste fumisterie !

« Vous n'avez pas encore compris la futilité d'un tel acte. Vous qui portez la plume aux mots, la salive au désir, le ventre au cercueil, la ruine à l'orgueil, vous serez les prochaines épaves. »

Alors, je me précipite en arrière et regarde à nouveau dans mes rétros imaginaires :
« ce temps que tu décomptes, lancé à rebours, tu l'ouvres comme un livre jusqu'à sa première page, et là tu le vois : il n'y avait rien d'écrit. »
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
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Le long désir. Ananda Devi surprend ici à s'essayer au mélange des genres: poésie en prose, passages narratifs et romanesques entrecoupés de maximes. le tout renvoie à sa propre vie, la relation entre son corps, sa personne, et son environnement, réel ou fictif. On se balade ainsi entre l'île Maurice, sa terre natale tant regrettée, et sa terre d'asile, qu'elle ne nomme finalement jamais. le ton plutôt pessimiste du texte est parfaitement mis en lumière par un style haché, avec une ponctuation quasi-inexistante. La forme est aussi complexe que le fond, qu'on ne comprend vraiment que rarement. L'ouvrage se clôt avec quelques réflexions sur l'écriture: mon passage préféré au final. C'est là qu'elle laisse tomber son style frisant le cadavre exquis pour une écriture plus conventionnelle. Mais on ne lui en voudra pas d'avoir voulu laisser aller sa plume à l'instinct.

Le long désir est donc un ouvrage très personnel. Personnellement, je n'ai pas accroché, même si la qualité de l'écriture de Devi fait que le tout reste digestible, en particulier grâce à certaines phrases décapantes de vérité (cf. citations).
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
J'avais oublié jusqu'au parfum de mes propres feuilles leurs veines les branchages d'où elles ont été cueillies la forme de mes membrures et la cassure de mes arêtes et les exigences de mon ciel et le nuage fervent des cimetières et le cœur de mes orages lourds tout cela oublié oublié alors que m'attendait une petite fille esseulée aux yeux plongés dans son propre regard.

A présent je la vois, je la revis et elle me tente. Je me souviens d'elle, non comme d'une innocente, mais comme une marée ténébreuse qui attendait de déferler. Aujourd'hui encore, cela ne s'est pas fait. Les chemins bifurqués m'ont entraînée bien loin vers de vieilles lunes. Elles ne se sont pas transformées en soleils. Ces chemins de soumission et de complaisance sont en vérité la plus grave des trahisons.

Je veux rejoindre mon étoile. Je veux la parcourir de vie et laisser des traînées de sang sur le miroir des sentiments parce que c'est pour cela que l'on est, par pour un sourire pâle d'aube déjà mourante à peine levée, pas pour un soupir crépusculaire que rien de plus sombre que le repas du soir ne tourmente, pas pour un avenir de pain rassis de rêves réduits de chair amortie d'enfants partis

un devenir d'ombre assaillie par ses propres moisissures.

Et si cela ressemble à de l'amertume, tant pis. Qu'elle soit un coup de fouet sur mon cœur endormi et que la cosse ainsi fendue fasse naître un fruit défendu tenu par une petite fille tragique tout près de sa poitrine, car elle sait, elle, que c'est ainsi que vient la vraie parole,

la seule qui compte.
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Vous n'avez pas encore compris la futilité d'un tel acte. Vous qui portez la plume aux mots, la salive au désir, le ventre au cercueil, la ruine à l'orgueil, vous serez les prochaines épaves. On retrouvera sans doute un jour quelque minerai enfoui au fond de vos incertitudes, quelque cristal de démesure dont on ne saura plus décompter les facettes, on parlera d'écriture avec un mol regret comme on parle d'un objet cassé mis au rancart du souvenir, ou ce sera peut-être la lassitude énigmatique du chercheur devant ses hiéroglyphes, mais ce sera tout.
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Le crime ne paie pas et pourtant je voudrais tuer. En moi, quelque chose d'avarié, une. Plaie, une tare, une. Lâcheté. Est-ce moi ce n'est pas moi pourtant il y a bien une autre. Qui rêve qui. Vit qui. Écrit qui. Est ? Alors c'est quoi ce bout de chiffon de crasse de.

Paillasson qui s'efface ?

Le crime ne pleure pas et pourtant. Moi si. Je contemple mon corps dénaturé. Qui ne dévergonde plus. Ne rit. Plus ne crie plus de grande grande joie. Dans l'enthousiasme des découvertes. Regard passif qui ne hante. Plus personne.

Le crime ne discrimine pas entre. Ses victimes et pourtant en moi je choisis. De me défaire de celle que. Je n'aime plus.
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Marche au milieu de ta sciure elle te collera aux pieds sans jamais te lâcher amie ennemie elle est la poussière de toi qui se perd à force de se rassembler.

Marche au milieu de ta haine elle a des droits sur toi pour être née femme et vide ce vide qui n'a de sens qui n'a de cesse que de se désemplir.
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Ce que je cherche : une rime de plus. Mais cette syllabe n'existe pas. Elle est le vide dans le silence, et la mort dans l'absence. Elle est l'impossible et l'irrésolue équation.
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