Une lecture inhabituelle qui m'a beaucoup séduite… en dépit de quelques perplexités, car ce roman est difficilement classable ou dans tant de cases qu'il vaut mieux se laisser porter par ce récit choral…
la narration se fait à travers les voix de quatre amis, natifs du sud de l'Italie…qui, un jour, ont accepté le Pacte proposé par l'un d'eux… Un Sud italien, aussi torturé dans ses paysages que dans les caractères et mentalités de ses habitants.
« Ce qui pousse ici doit composer avec le manque d'eau et l'excès de soleil, de même qu'avec le vent, la grêle et les orages. C'est la loi du plus fort, et même les plus forts en sortent rabougris et esquintés. C'est un paysage hors du temps, mais pas d'une manière qui me plaît. Face à lui, je me sens très vulnérable. (p. 21)”
Quatre amis, ont un jour, dans leur jeunesse fait un pacte : se retrouver chaque année tous ensemble, quoiqu'il arrive ! Ce pacte décidé par le plus fantasque, Art, qui 22 ans auparavant avait curieusement disparu… de cet épisode des plus mystérieux, personne ne saura rien, et l'année du récit, Art disparaît à nouveau, les 3 autres amis s'inquiètent, enquêtent, le cherchent, craignant qu'il lui soit arrivé quelque chose…
Quatre amis aux personnalités très différentes, mais se complétant, à leur manière ! On assiste à l'évolution de ces quatre amis, leurs convictions , leurs joies, leurs désillusions, l'évolution de leurs rapports… Bien que très différents, ils restent plutôt bienveillants envers les travers, défauts , et « ratages » des autres.
Un beau livre sur l'Amitié, avec aussi ses territoires d'ombres…Dans un contexte des plus opaques entre Surnaturel, traditions séculaires, religion, superstitions, Mafia et nos quatre Loulous… devenus « citadins » qui restent toutefois imprégnés , et partie prenante de cette terre difficile des Pouilles..
Une lecture quelque peu déroutante, au début, pour moi, entre thriller, suspens, magie et une bonne dose de SURNATUREL…, psychologie et littérature…. Roman assez difficilement classable ! C'est en lisant l'excellent billet de l'amie « paroles »… que j'ai acquis ce texte et découvert cet écrivain italien, pour la toute première fois !... J'en suis ravie et fort agréablement surprise !
De magnifiques descriptions des paysages des Pouilles, de l'ambiance unique de ces lieux :
» de petites chapelles se dressent là où on les attend le moins, des cubes modestes qui sont là depuis des siècles et résistent au vent, à la chaleur, aux tempêtes, des lieux où les fidèles peuvent s'agenouiller pour prier leur dieu jaloux. La campagne regorge de ces chapelles, et d'oratoires, de statues, et autres traces moins évidentes de traditions oubliées (...) Cette partie du monde, profondément religieuse, dure et roussie par le soleil, appartient aux saints. Ils sont le lien entre le profane et le sacré, entre le visible et l'invisible. Autrement dit, entre les Choses cachées et nous. Les saints et leurs lieux du culte matérialisent la frontière entre deux lieux différents. » (...) (p. 227)
Ces lieux de leur enfance qu'ils détestent et dont, dans un même temps ils ne peuvent se passer, et avec lesquels ils ont grandi et ont construit leur imaginaire…
Une lecture très différente de mes « attirances habituelles »… qui m'a vraiment séduite…Je ne commenterai pas plus longuement… Un des charmes de ce roman est de cultiver le Mystère…et de se laisser dériver dans un espace et lieux autres…hors du simple rationnel ; un style plaisant, très vivant, équilibrant descriptions, suspens... et dialogues nombreux… !!
Commenter  J’apprécie         272
Faire partie d'une tribu. Signer un pacte. Se retrouver chaque année, à la même date, au même endroit, quoiqu'il arrive. C'est ce que font ces quatre hommes, amis depuis l'enfance, tous originaires d'un petit village des Pouilles.
Mais cette année, Art, n'est pas au rendez-vous. Son téléphone ne répond pas et sa maison est vide...
« Le soir du Pacte, on est présent. On peut vivre à l'autre bout du monde, se marier et devenir prince d'un pays lointain, le soir du Pacte, on est présent. Il n'y a pas de si ni de mais. »
Fabio, Tony et Mauro sont inquiets. D'autant qu'ils comprennent vite qu'Art cultivait des plans de cannabis et vendait sa production localement. Se pourrait-il alors qu'il ait empiété sur le terrain de la mafia locale et reçu un avertissement fatal ?
Les trois amis vont alors enquêter et découvrir bien des choses cachées sur Art. Connait-on vraiment ses amis ? Surtout quand on sait que celui-ci avait disparu vingt-deux ans plus tôt et réapparu sept jours plus tard en disant simplement qu'il avait fugué...
J'ai dévoré ce thriller, subjuguée par l'ambiance étouffante des Pouilles, intriguée par le mélange des croyances religieuses ou surnaturelles, étonnée par les personnages multiples et bien typés, secouée par les révélations apportées à tour de rôle par les trois amis. C'est un roman déroutant dans lequel on cherche sans cesse la vérité ou la part de vérité que chaque personnage détient. C'est aussi une très belle histoire d'amitié qui défie le temps, les trahisons et les coups du sort.
Une histoire étrange et fascinante !
Commenter  J’apprécie         338
On est tous en train de mourir ! Depuis l’instant de notre naissance. Les enfants parlent de devenir grands, ils n’attendent que ça, mais en réalité on ne devient pas grands, on devient petits. Quand on est jeunes, on est immenses, et ensuite on rétrécit. A cinq ans, tout est possible, mais qu’est-ce qu’il nous reste à quarante ? Dès qu’on fait un choix, on renonce à tous ceux qu’on aurait pu faire à la place, et on devient de plus en plus petits, chaque choix nous dévore un peu, brûle nos possibles, et à la fin il ne reste plus rien de nous. La mort est un rétrécissement progressif qui nous fait passer de l’infini au néant.
-Sa vie la rendait heureuse, a dit Mauro à voix basse.
-Elle avait une petite vie, minuscule ! Cette maison, cette ville, ce putain de monde, tout est trop petit. Maman a laissé cet enfoiré lui dire ce qu'elle devait faire et comment s'habiller si elle voulait aller au Paradis, comme s'il connaissait quoi que ce soit aux Choses cachées. Maman a passé sa vie à faire ce que l'on disait et d'accepter d'être...petite. Elle était intelligente, maline et toute petite."Un silence .
"Telle mère, tel fils. ça fait trop longtemps que je suis petit. Il est temps de..." Il s'est interrompu.
"de ? l'a relancé Mauro.
-De prendre de l'ampleur." (p. 114)
De petites chapelles se dressent là où on les attend le moins, des cubes modestes qui sont là depuis des siècles et résistent au vent, à la chaleur, aux tempêtes, des lieux où les fidèles peuvent s'agenouiller pour prier leur dieu jaloux. La campagne regorge de ces chapelles, et d'oratoires, de statues, et autres traces moins évidentes de traditions oubliées (...) Cette partie du monde, profondément religieuse, dure et roussie par le soleil, appartient aux saints. Ils sont le lien entre le profane et le sacré, entre le visible et l'invisible. Autrement dit, entre les Choses cachées et nous. Les saints et leurs lieux du culte matérialisent la frontière entre deux lieux différents. (...) (p. 227)
Ce qui pousse ici doit composer avec le manque d'eau et l'excès de soleil, de même qu'avec le vent, la grêle et les orages. C'est la loi du plus fort, et même les plus forts en sortent rabougris et esquintés. C'est un paysage hors du temps, mais pas d'une manière qui me plaît. Face à lui, je me sens très vulnérable. (p. 21)
Le secteur funéraire est florissant à Casalfranco, pas parce que l'on meurt davantage ici qu'ailleurs, mais parce, dans le Salento, on claque des fortunes dans les enterrements. Ici, on meurt les plus somptueusement possible, comme pour donner à la population une dernière occasion de dire du bien de nous. (p. 197)
Interview de Francesco Dimitri (en italien)