Spontanément, je n'aurais pas associé
George Sand et
Fiodor Dostoïevski... Je connais mieux Sand que
Dostoïevski, mais l'une est pour moi une écrivaine attachée à la vie champêtre, avec des personnages féminins aux idéaux moraux élevés - qu'elles soient d'origine humble ou aristocratique, soucieuses d'amour, de tendresse. Les histoires finissent bien, les méchants sont rarement très violents, et s'ils dressent des obstacles, les héros - et les héroïnes les surmontent.
Alors que, de ce que j'ai lu,
Dostoïevski est plus proche du réel, plus naturaliste en un sens, avec des personnages représentés tels qu'ils sont, non des idéaux de perfection comme
Lélia, mais avec des défauts et même des vices (alcoolisme, violence parentale, ambition, désir de parvenir...). Loin de la lumière des personnages de Sand, ce sont les bas-fonds de l'âme humaine que nous présente
Dostoïevski.
Mais en lisant ce qui est ici non une critique mais un hommage, j'ai trouvé finalement de nombreux points communs. L'oeuvre de Sand n'est pas si sentimentale voire sentimentaliste que cela, il y a parfois de la noirceur -
Lélia justement finit mal, dans la violence. Un de ses romans s'appelle d'ailleurs "
La ville noire", où elle observe justement de façon assez naturaliste sa société contemporaine en pleine mutation industrielle et sociale. Aujourd'hui, on peut avoir du mal à comprendre les accusations de libertinage dont elle faisait l'objet - ses contemporains différenciant mal l'écrivain public au masculin de la femme privée, et
Dostoïevski revient dessus : ses romans sont parfaitement moraux - c'est ce que je leur reproche d'ailleurs personnellement.
J'ai donc en partie révisé mon jugement sur Sand grâce à
Dostoïevski - ou, en tout cas, je me rappelle qu'il ne faut pas la réduire à quelques oeuvres. Et j'ai me semble-t-il un peu mieux compris l'oeuvre de
Dostoïevski, ou une partie en tout cas. Oui grâce à ce texte j'ai compris me semble-t-il qu'il s'intéressait au féminisme, ou en tout cas à la cause féminine. Pour ne parler que de ses deux romans les plus connus, Dounia, Sonia, Nastasia, Aglaë... sont des personnages féminins très forts, complexes. Je m'interrogeais lors de ma lecture de
l'Idiot, n'étant pas totalement sûre que les personnages fassent référence au féminisme, mais oui, dans ce texte, j'ai bien eu l'impression que
Dostoïevski est féministe, il célèbre
George Sand en tant que femme, en tant qu'artiste, en tant qu'artiste engagée et en tant qu'autrice (je ne sais pas comment le mot est écrit dans la langue originale, mais le sens du mot doit bien être compris au féminin à la fin de ses réflexions en tout cas).