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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec Les Démons (ou Les Possédés, titre moins conforme mais plus célèbre en français, notamment en raison de l'adaptation théâtrale qu'en a faite Albert Camus, voir le nota bene au bas de cet avis), Dostoïevski s'attelle à un immense canevas politico-sociétal qu'il est difficile de définir en deux mots et dont les limites me semblent, elles-mêmes, assez floues.

Afin de situer quelque peu l'oeuvre, je vous propose de commencer par cet extrait, issu de la bouche de Stepan agonisant (Troisième partie, Chapitre VII, à la fin du sous-chapitre 2), qui me semble révélateur avant de commenter (N.B. : Dostoïevski vient de citer le passage correspondant dans les évangiles, pour ceux que cela intéresse, il s'agit de l'épisode du démoniaque gérasénien qu'on trouve dans les évangiles de Marc, Matthieu ou Luc) :

« Ces démons qui sortent d'un malade et entrent dans des porcs, ce sont toutes les plaies, tous les miasmes, toute l'impureté, tous ces grands et petits démons, qui se sont accumulés, pendant des siècles et des siècles, dans notre grande et chère malade, dans notre Russie. Oui, cette Russie que j'aimais toujours. Mais une grande idée et une grande volonté l'éclaireront d'en haut comme ce possédé du démon, et tous ces démons en sortiront, toute l'impureté, toute cette turpitude qui suppure à la surface... et ils demanderont eux-mêmes à entrer dans des porcs. D'ailleurs peut-être y sont-ils déjà entrés ; peut-être ! C'est nous, nous, et eux, et Petroucha... et les autres avec lui, et moi peut-être le premier, et nous nous précipiterons, déments et enragés, du haut du rocher dans la mer et nous nous noieront tous, et ce sera bien fait pour nous parce que nous ne sommes bons qu'à cela. Mais la malade guérira et "s'assoira aux pieds de Jésus"... »

On comprend bien, je pense, le message que cherche à nous délivrer l'auteur. En ces années 1870, la Russie connaît des troubles, l'ancien ordre établi vacille (notamment depuis l'abolition du servage en 1861), la religion vit une crise et les ferments de la révolte " à la française " commencent à voir le jour.

Des opportunistes de tout poil cherchent à souffler sur les étincelles à coups d'idéologies (socialiste, nihiliste, autres) pour mettre le feu à la Russie et se saisir du pouvoir, quitte à s'adonner au bain de sang. L'aristocratie déchue et proche de la ruine (suite au partage des terres lors de l'abandon du servage) n'y est pas étrangère.

C'est donc ce faisceau de craintes et de menaces que l'auteur essaie de dépeindre dans cet étrange ouvrage, mi politique, mi social, mi romantique, mi mystique (les amateurs de Pagnol et qui savent mieux compter que moi noteront que comme César, moi aussi j'ai quatre tiers dans mon cocktail, voire même un peu plus, mais je n'ai jamais réussi à dénombrer aussi loin).

Fiodor Dostoïevski bâtit un scénario à échafaudage complexe, animé d'une myriade de personnages (les noms russes avec prénom + patronyme, à la longue, finissent par tous se ressembler, je vous conseille de mettre un repère à la page de présentation des personnages, ça vous sera utile jusqu'au bout), dont les principaux semblent être Nikolaï Vsévolodovitch Stavroguine et Petr Stépanovitch Verkhovenski.

Le premier symbolisant l'aristocratie décadente, le second, les classes supérieures arrivistes semant le trouble ; l'ensemble constituant " les démons " dont la Russie " possédée " devra se débarrasser pour recouvrer sa sérénité séculaire.

En somme, une lecture un peu alambiquée, mais pas désagréable, on ne sait pas trop où l'auteur nous emmène, mais il nous emmène. Un séjour en apnée dans la demie folie ambiante de presque tous ses personnages (comme presque toujours chez Dostoïevski), parmi les démons de la Russie tsariste. Tout ceci, bien sûr, n'est que mon diable d'avis, dont je vous invite à vous déposséder s'il ne vous convient pas, car, à lui seul, il ne signifie pas grand-chose.

N. B. : Selon les éditions et les traductions, le titre est transcrit soit sous la forme " Les Possédés ", soit sous la forme " Les Démons ", mais il s'agit bien du même livre. Traditionnellement et parce que les premières traductions françaises l'ont transcrit ainsi, le titre Les Possédés s'est popularisé, tandis que les traductions plus récentes et plus soucieuses de la lettre ont tendance à privilégier Les Démons.

Cette différence, d'ailleurs, se résout à une histoire de contenant et de contenu, c'est selon. Certains mauvais esprits ont tendance à croire qu'il y aurait peut-être aussi une toute petite motivation financière à faire croire à du nouveau sous le soleil avec ces changements de titre, mais personnellement je serais fort surprise qu'un quelconque démon de l'appât du gain puisse posséder un quelconque éditeur, mais allez savoir ?...
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Quelles difficultés démoniaques m'ont posé Les Démons, alias Les Possédés, de Dostoievski ! Difficultés pratiques d'abord : il m'a fallu pas moins de 2 ans pour le lire, en revenant évidemment en arrière quand je le reprenais après de longues pauses. Puis pas loin de 3 mois pour écrire ma chronique, intimidée que j'étais par le maître Dostoiveski, également un peu paresseuse je l'avoue... le point d'orgue étant les 45 minutes que je viens de passer à chercher frénétiquement (et en vain) les notes prises pendant ma lecture !

Difficultés à suivre et à bien tout comprendre, ensuite. Car non seulement les personnages s'appellent tous pareil, ou presque, tels Piotr Schpountzovitch et Bidule Piotrovitch (le second étant naturellement le fils du premier), mais ils sont nombreux et se ressemblent beaucoup dans leur exaltation, leur agitation un peu stérile et leurs délires verbaux. Le livre mêle en outre des considérations politiques, la narration proprement dite, des morceaux de bravoure ironiques et des digressions philosophiques. Et il fonctionne souvent par allusions, ellipses ou énigmes. Inutile de dire que je m'y suis parfois perdue...

J'ai du m'accrocher, donc, mais ça en valait sans aucun doute la peine ! Je ne savais pas que Dostoiveski pouvait être si fin psychologue et si drôle, et je me suis régalée de sa verve, par exemple dans sa longue caricature de l'oisif exalté qui écrit 2 lettres par jour à son amie, de la pièce à côté... Ou encore dans sa description du bal avorté et de la réaction de la sotte et frivole comtesse...

Plus profondément, j'ai eu l'impression que le livre me mettait en contact avec "l'âme russe", pour utiliser les grands mots, un peu de la même façon que Middlemarch m'avait montré la vie dans une petite ville anglaise. Qu'ai-je retenu de "l'âme russe" selon Les Possédés? Qu'elle est bien différente de la nôtre : pas de retenue, en tout cas ici, mais de l'exaltation, des cris, des crises de nerfs, des pleurs, des sentiments exacerbés et exprimés...

Enfin, j'ai côtoyé des révolutionnaires russes : nihilistes, fouriéristes, idéalistes, actifs ou beaux parleurs. Si je n'ai, là non plus, pas bien saisi toutes les différences et les tendances, j'ai compris à quel point la Russie tsariste était à cette époque en déséquilibre, sur le fil, prête à basculer.

Challenge Pavés 25/xx, challenge XIXeme siècle 4/xx et challenge Variétés
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« Si Dieu n'existe pas, tout est permis. »
de Fiodor Dostoïevski ( Les Frères Karamazov)
Dans ce roman-pamphlétaire Dostoïevski met en garde la Russie conservatrice contre le progressisme libéral et contre toute doctrine abjurant dieu .
Si l'homme renie dieu , il devient homme-dieu . Pour Dostoïevski l'homme a besoin de se sentir dominer par une force divine qui reteint ses folies en l'empêchant de se suicider ( Kirilov et Stavroguine ) et de tuer ses semblables( Piotr Stépanovitch).
Pour les socialistes nihilistes de ladite époque la religion est un outil pour bercer le peuple . donc il faut s'en détacher .
Afin de bien peindre le volet philosophique et religieux du socialisme athée et du communisme , sachant que le communisme est la version révolutionnaire du socialisme (rouge) , l'auteur avait choisis des personnages malhonnêtes , intrigants , polémiqueurs et égoïstes . qui emploient tout les moyens (les tracts , la propagande mensongère , les assassinats ,les incendies , l'incitation a la révolte ...) pour s'emparer du pouvoir .
Une fois au pouvoir, Dostoïevski nous développe leur approche politique qui se base sur le CHIGALEVISME «Doctrine qui prône l'asservissement du peuple comme seul moyen de faire son bien »
Il est a noter que le volet économique du socialisme n'a pas été développé par l'auteur a part le mot (propriété) , peut être que l'auteur l'avait prémédité pour prouver que ces gens ne portaient pas un vrai projet de société .« D'où vient , c'est une chose que j'ai remarquée , me souffle un jour Stepan Trofimovitch à cette époque , d'où vient que tout ces socialistes et communistes enragés soient en même temps si incroyablement lardes , amasseurs de biens , qu'ils aient un tel sens de la propriété ,et cela au point que plus leur idées sont avancées , plus est fort leur sens de la propriété ..........d'où cela vient t-il ? Est -il possible que cela vienne aussi de leur sentimentalité ? »
Après avoir été partisan de cet état d'éspit ce qui lui avait coûté le goulag et en se basant sur un fait réel , l'assassinat de l'étudiant Ivanov (chatov) par le fanatique rouge Netchaïev ( Piotr Stépanovitch) , Dostoïevski tourne en ridicule cette idéologie et ces piliers , comme Tourgueniev qui l'a personnifié par Karmazinov , le fameux écrivain déconnecté , Hertzen , Bakounine . Fourier, Proudhon ...
Ce qui est envoûtant chez Dostoïevski c'est la psychologie , toujours au rendez-vous avec des personnages tourmentés , suspicieux , incertains et malades , tels que Stavroguine et Piotr Stépanovitch . Raskolnikov dans crime et châtiment . Ivan, Dimitri et Alexeï Karamazov dans les frères Karamazov et Goldiadkine dans le double. le mot DÉLIRE y revient toujours .
Dostoïevski avait bien pressenti févier 1917 !
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Au détour d'une conférence à laquelle j'assistais, l'orateur a glissé « Si vous voulez comprendre le terrorisme actuel, lisez Les démons de Dostoïevski, tout est dit ». J'ai depuis tout oublié de la conférence et du conférencier, mais la remarque était suffisamment intrigante pour me donner envie de découvrir ce roman de Dostoïevski : certes, l'écrivain est fin psychologue, mais décrire notre situation actuelle 100 ans plus tôt, ça me semblait être trop beau pour être vrai.

La première partie du roman m'a laissé plutôt sceptique : en guise d'intrigue, une famille bourgeoise, un intellectuel désoeuvré, et un fils au comportement un peu original qu'on a bien du mal à marier. Si on n'enlèvera pas à Dostoïevski ce don de croquer ses personnages à la perfection et de trouver chez chacun les ressorts intimes qui guident toutes ses actions, le titre du roman paraît jusque là assez peu justifié.

Il prend cependant tout son sens dans les deux parties suivantes. Car la jeune génération de cette famille proprette a été en contact avec des révolutionnaires nihilistes (« La société est pourrie, brûlons tout, ce qui renaîtra des cendres sera forcément meilleur »), et les changements sociétaux en cours, dont l'abolition du servage, monte à la tête de ce petit monde, bien décidé à en découdre.

Dès lors que les premiers signes d'une action de leur part transpire dans la bonne société, tout le monde semble pris d'une étrange fébrilité. À force de se préparer au pire, les faux pas s'enchaînent et finissent par provoquer ce qu'ils cherchaient à éviter. L'équilibre des forces devient confus, et les conjurés eux-mêmes sont d'ailleurs bien incapables de déterminer s'ils sont 5 ou 500 000. Des pensées tenues jusque là bien secrètes se libèrent brusquement, et personne n'ose plus les contester trop vigoureusement, de peur d'être déjà dépassé par les événements, et en minorité, ce qui n'est jamais bon dans les époques de transition. En cette période de trouble, on a l'impression que le moindre épiphénomène peut s'imposer durablement dans les esprits par un (mal)heureux concours de circonstances.

Les démons est le roman de Dostoïevski qui m'a donné le plus de mal jusqu'à présent : j'ai trouvé la trame assez tortueuse, et on change parfois brutalement d'angle de vue sur un personnage ; ce n'est pas que ses actions deviennent incohérentes, mais certaines problématiques qui tournaient autour de lui disparaissent soudainement sans vraiment recevoir de conclusion. Mais comme tous les livres de l'écrivain russe, je sais déjà qu'il me laissera une forte impression : ses protagonistes sont tellement bien analysés, tellement bien ciselés, qu'ils restent dans ma tête pour de longues années.

Les démons ne m'ont pas permis de comprendre tout de notre situation actuelle, car il me semble que les contextes diffèrent par certains aspects ; mais merci au conférencier qui, s'il ne m'a rien laissé de ses thèses, m'a au moins conseillé un excellent livre, et a ainsi fait bien plus pour moi que la plupart de ses confrères.
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Les démons est, pour Dostoïevski, une oeuvre peut-être plus personnelle qu'il ne le perçut lui-même. Les démons, ce sont ces révolutionnaires en herbe mené par Piotr Stépanovitch et qui visent à mettre à bas la Russie traditionnelle, éternelle même. Les démons, c'est une galerie de personnages à la fois loufoques et inquiétants, pleins de contradictions, tout proches de la folie, pleinement orgueilleux, pédants et fragiles, amoureux et iniques. Mais cette galerie de personnages, c'est aussi et surtout la personnalité complexe de Dostoïevski qui, dans Les démons, s'insurge contre les bouleversements que connait la Russie dans la deuxième moitié du 19ème siècle - tout en ne faisant aucune allusion à ce contexte dans le roman, qui baigne dans une atmosphère "Russie éternelle" - qui sont autant dus à la déliquescence des élites qu'à l'influence néfaste des socialistes européens et, pour Dostoïevski, à l'influence plus que probable du démon. Et aux scènes terribles de meurtre lâche et de suicide philosophique succèdent les salons grotesques des révolutionnaires et les bals ratés des grandes dames.
Un roman puissant, brouillon même, comme symbole du tourbillon de l'âme russe.
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C'est un très grand roman. le texte est long, l'histoire complexe, les personnages nombreux. Devant un tel monument, il faut un peu d'audace pour s'en tenir à un très bref commentaire. Mais, pour faire court, je dirai simplement que les trois principaux thèmes du livre sont la société russe; le nihilisme; le caractère du personnage principal (Stravroguine).
D'abord la société russe: elle était déjà en évolution au XIXème siècle, à l'époque où a été écrit le roman, puis elle a subi une profonde mutation après 1917. L'auteur nous fait donc visiter un monde qui a complètement disparu, avec ses diverses classes sociales, ses valeurs, ses conventions, ses questionnements, etc. Dostoievski nous fait voir comment s'agite le microcosme d'une ville russe, avec ses nombreux protagonistes, avec ses grands événements et ses petits scandales, avec beaucoup d'agitation et de bavardages d'apparence assez vaine.
Par ailleurs, l'auteur attire toute notre attention sur un petit groupe de comploteurs d'inspiration nihiliste, dirigé par Verkhovensky. Pour Dostoievski (devenu "russophile" dans la seconde partie de sa vie), cet individu correspond au prototype du révolutionnaire le plus haïssable, dont le but est de saper tous les fondements civiques et moraux de la Russie: lui et ses acolytes présentent des profils bien différents - du meilleur au pire - mais, en fin de compte, ce sont des "démons", "possédés" par des idées et des projets mortifères. Une place importante du livre est consacrée aux discussions interminables et aux plans machiavéliques (ou qui veulent l'être) du groupe Verkhovensky. En fait, ces individus m'apparaissent presque comme des pantins génialement maniés par Dostoievski. Pour dire la vérité, j'ai du mal à prendre au sérieux ces factieux, dangereux mais bavards et dilettantes, surtout quand je pense aux révolutionnaires "professionnels", déterminés et disciplinés, qui apparaitront au XXème siècle et dont la stratégie aura une échelle planétaire.
Quoique particulièrement cynique, le chef, Verkhovensky, éprouve une sorte de naïve dévotion pour Stravroguine (qui me semble être le personnage principal du roman); celui-ci est incité à prendre la tête du groupe de factieux. Mais, enfermé dans son orgueil et son négationnisme religieux, il veut surtout vivre sa vie en s'exonérant de toute obligation et de tout garde-fou moral. le lecteur sent bien que, avec cet homme fascinant, l'auteur explore une dimension différente: Stavroguine parait personnifier le Mal - non pas d'un point de vue politique, mais sur un plan presque métaphysique. En témoigne, par exemple, un passage (exclu de la première édition), le récit - assez elliptique - d'une atroce vilenie qu'il a accomplie vis-à-vis d'une petite fille, autrefois. Bien entendu, toute cette histoire ne peut que très mal finir…
En conclusion: quoique sa lecture soit longue et assez difficile, ce grand roman me semble être le meilleur de Dostoïevski.
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Ayant déjà lu les autres gros pavés de Dostoïevski, je n'en étais pas à mon coup d'essai avec cet auteur...Qui réussit cependant presque toujours à me chambouler. C'est à l'édition d'André Markowicz sortie en trois volumes chez Actes Sud que je me suis attaquée, non sans mal !

L'intrigue des Démons se situe dans une petite ville de province bouleversée par le retour de deux jeunes hommes aux desseins plus que douteux : Nikolaï Stavroguine et Piotr Verkhovenski, qui ont l'air bien décidés (l'un plus que l'autre) à mettre la ville sens dessus dessous pour en prendre le contrôle (une sorte de stratégie du choc à la Naomi Klein avant l'heure).

On y retrouve les thèmes chers à l'auteur : amours non verbalisés que l'on perçoit dans les regards et dans les tourments intérieurs de chacun, canailles vivant aux crochets de personnes bien sous tout rapport mais incapables de déceler la sournoiserie de la cour qui les entoure, cercles intellectuels et nobles fermés et moqueurs, messes basses et on-dit qui se répandent à travers la ville, personnages aux fulgurants transports qui les épuisent physiquement, suicide et réflexion sur l'existence de l'homme.

Mais cette oeuvre recèle aussi d'une importante dimension politique, à travers la description que font les différents personnages des idéologies en vogue en Russie dans les années 1860 : nationalisme, libéralisme, nihilisme, socialisme sont autant de "-ismes" qui viennent menacer l'ordre et la quiétude de la Grande Russie...Une critique que l'on pourrait même qualifier de visionnaire, puisque quel que soit leur bord, les membres de la cellule révolutionnaire ont tous plus ou moins accepté l'objectif final suivant : un groupe restreint de personnes se doit de contrôler et d'abêtir les 99% restants pour garantir un régime optimal et idéal. Charmant programme !

Si l'intrigue, complexe à souhait, avait tout pour me prendre aux tripes, j'ai rencontré d'énormes difficultés à venir au terme de ces trois tomes. Pas forcément parce que je n'ai pas aimé les Démons, mais parce que la lecture est ardue : le narrateur qui fait le récit du désastre à venir a l'air aussi impuissant que le reste de la ville et la multiplicité des personnages et leurs surnoms divers m'a un peu désorientée au début de la lecture. Mais c'est surtout le chaos ambiant et les scènes agitées sans qu'on en comprenne réellement les tenants et les aboutissements qui m'ont perturbée ; on se sent à tout moment au bord du précipice, l'on pressent qu'un complot machiavélique est à l'oeuvre et va s'abattre incessamment sous peu sans en voir les contours esquissés. J'en ressortais de chaque chapitre avec une impression de dégoût face à des personnages maléfiques, manipulateurs à outrance, insaisissables tant ils courent sans cesse, et surtout absolument détestables, et auxquels nul ne semble pouvoir échapper.

Dostoïevski réussit ici avec brio à plonger son lecteur dans une sorte de malaise dont on peine à ressortir ! C'est avec un soulagement que j'ai lu la postface du traducteur Markowicz, qui explique les difficultés qu'il a lui même rencontrées lors de la traduction, et l'atmosphère très pesante qui ressort du roman original en russe. Il est aussi vrai que certains passages font penser à un autre texte de l'auteur, le rêve d'un homme ridicule, dans lequel le suicide était déjà abordé.

En bref, une lecture malaisée et malaisante, à ne pas lire si vous êtes déjà d'humeur noire, mais du Dostoïevski dans toute sa splendeur !
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Un roman vaste, une véritable fresque, comme toujours avec Dostoïevski : de nombreux personnages à la fois variés et ciselés qui se confrontent les uns aux autres, tant dans l'action que par leurs idées. Au coeur de l'intrigue, un petit groupe (électron présumé d'un mouvement à l'échelle de la Russie) tente de contribuer au déclenchement d'une révolution d'ampleur nationale. L'athéisme, le socialisme et le nihilisme, opposés au système de l'époque, sont autant de doctrines que l'auteur peut explorer, voire attaquer, au travers de l'idéal que les différents membres du mouvement poursuivent. À l'inverse d'autres romans du même auteur, son point de vue est à mon sens plus marqué, pas voilé, et les confrontations entre les différentes opinions pas équilibrées. J'avais préféré « L'idiot », « Crimes et châtiments » ou encore les « Frères Karamazov » ; mais, ça reste du Dostoïevski, et donc un réel plaisir à lire, même quand l'action n'est que domestique, il y a toujours une attente, des intrigues qui tiennent le lecteur en haleine. Par ailleurs, j'ai trouvé la préface un peu trop négative compte tenu de ce que j'ai lu.
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Prenez Stavroguine, le personnage le plus indifférent, le plus blasé (entendez par là le plus nihiliste) de toute l'histoire de la littérature, du genre par exemple à mettre deux doigts dans les narines d'un vieillard à une soirée et à le faire se balader comme ça sans aucune raison, gratuitement. Ajoutez un jeune idéologue révolutionnaire qui veut le prendre comme exemple afin de tout renverser. Laissez graviter autour de ce dernier d'autres individus tous plus farfelus les uns que les autres, dont un par exemple qui considère dieu et le fait de se donner la mort comme de la pure logique (cf. le mythe de Sisyphe d'Albert Camus qui en parle). Et vous obtenez les possédés (ou les démons, selon la traduction).

Ce roman, abordant donc le nihilisme, est effectivement le plus fort sur ce thème qu'il m'ait été donné de lire. Stavroguine, en bon personnage dostoïevskien, dégage une telle puissance dans sa manière de prouver l'absurdité de la vie ! On en ressort assez lucide avant de se rendre compte qu'il y a quand même quelques petits plaisirs de vie ici-bas échappant à toute cette négativité (peut-être par exemple la littérature ;)), ouf !

Je vous conseille plutôt la traduction de l'édition du Livre de poche, j'avais commencé avec celle de Folio mais n'avais pas accroché (d'autant plus que le beau portrait de l'édition du Livre de poche correspond vraiment bien).
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Un superbe livre tous les heros sont ici peu où prou fanatiques mais de choses differentes: religion politique, Dostoeivski nous compte leur vie et celle de ceux qui les entourent avec les difficultes rencontrées au quotidien : un regal qui n'a pas pris une ride selon moi !
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