Page intéressante d'histoire littéraire, et rappel salutaire sur le sens du statut de l'écrivain...
Dans cet essai de 2006, s'appuyant notamment sur un épluchage minutieux de correspondances, dont beaucoup inédites ou publiées depuis peu,
François Dufay ne dressait pas tant le portrait de la « droite littéraire après 1945 » (comme l'indique de façon un peu trop ambitieuse le sous-titre), mais plutôt celui des stratégies, manoeuvres et collusions diverses tentées ou mises en oeuvre par
Jacques Chardonne et
Paul Morand pour « survivre » ou raviver leur statut littéraire lourdement flétri à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale et des faits de collaboration qui leur furent reprochés.
La manière dont les passions et les intérêts de ces deux gloires ternies et ceux des tout jeunes « hussards » (au premier rang desquels
Roger Nimier) s'allièrent dans les années 50, puis au-delà, pour, tout en luttant contre la gauche littéraire, exister à nouveau, constitue un récit plutôt passionnant.
Tout aussi passionnante est la démonstration que la revendication du style, de l'esprit et de la qualité d'écriture, à l'exclusion de tout « engagement », est bien loin d'être toujours innocente (bien que position souvent adoptée au nom d'un indéniable « snobisme littéraire »)... et que cette mécanique fut utilisée de manière souvent cynique pour parvenir à la partielle « réhabilitation » recherchée... Passionnant aussi, à sa manière, le recensement (loin d'être exhaustif toutefois) des innombrables bassesses, vacheries et piques dont ces esprits acérés étaient tout sauf avares, y compris à l'égard de leurs soutiens (notamment au sein de l'abondante correspondance entre Chardonne et
Morand jusqu'au décès du premier en 1968).
Une page fort intéressante d'histoire littéraire, et un rappel salutaire, malgré tout, sur ce que le statut de l'écrivain a pu signifier, ou peut signifier encore...