AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782348057892
200 pages
La Découverte (01/10/2020)
4.5/5   5 notes
Résumé :
Dans l’amas des archives de la principale institution chargée de l’histoire et de la mémoire du génocide au Rwanda, plusieurs liasses de fragiles petits cahiers d’écoliers renfermaient dans le silence de la poussière accumulée les récits d’une centaine d’enfants survivants.
Rédigés en 2006 à l’initiative d’une association rwandaise de rescapés, dans une perspective testimoniale et de catharsis psychologique, ces témoignages d’enfants devenus entre-temps des j... >Voir plus
Que lire après Sans ciel ni terreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En septembre 2016 , Hélène Dumas, une des historiennes spécialisées dans l'histoire du génocide des Tutsi au Rwanda, doit procéder au classement de toute une documentation empilée dans les armoires et cartons de la bibliothèque abritée par la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG). C'est au fond d'une armoire qu'elle découvre des cahiers d'écoliers recueillant les récits d'une centaine d'orphelins. Ces écrits ont été recueillis à l'initiative d'une association de rescapés, de professeurs en psychologie et de « conseillers en traumatismes » qui souhaitaient que ces jeunes témoignent de leur histoire d'enfant survivant, dans un objectif testimonial et psychologique. Ces écrits ont été recueillis entre le 21 et le 23 avril 2006, soit 12 ans après le génocide. Sachant que la moyenne d'âge des enfants scripteurs en 1994 est entre 8 et 12 ans, les personnes qui écrivent en 2006 ne sont encore que de très jeunes gens. Et 12 ans après, le langage de l'enfance est toujours là chez ces jeunes qui ne sont pas encore entrés dans l'âge adulte. Les mots et le temps qu'ils emploient révèlent une expérience du génocide qui les a comme figés dans le temps.

Avant.
Pendant.
Après.

Voici les trois époques sur lesquelles ces jeunes rescapés vont devoir écrire. Trois époques qui s'articulent autour de celle qui a bouleversé à jamais leur jeune vie, celle du génocide qui s'est déroulé du 7 avril à la mi-juillet 1994 au Rwanda.
Que retenir de ces mots qui nous font vivre le génocide à hauteur d'enfant ?
Si les récits de l'avant nous plongent dans les souvenirs heureux du foyer, de la famille , d'un père souvent idéalisé car assassiné le premier, ils sont aussi très vite entachés des premières brimades humiliantes et signes de racisme vécus à l'école. La guerre civile apporte aussi son lot de persécutions qui annoncent quelque chose de plus grave à venir… Les enfants le vivent et ressentent l'inquiétude de leurs parents.
Le génocide qui va ensuite durer un peu plus de deux mois et anéantir les 3/4 de la population tutsi est, en majorité pour les enfants d'alors, la première expérience de la mort, la césure où leur vie bascule dans l'horreur absolue. Je ne reviendrai pas sur les scènes de massacre d'une violence inouïe si ce n'est pour dire que l'on n'a jamais fini d'imaginer jusqu'où la cruauté des hommes peut aller… Les faits décrits par les enfants sont les marqueurs même de ce que l'on appelle une politique génocidaire. On vise l'anéantissement de tout un groupe, du vieillard au nouveau né : faire
disparaître le passé et empêcher l'avenir. Tous les massacres sont perpétrés avec une cruauté absolue dans la volonté très claire de faire souffrir longtemps les victimes.

« Sans ciel ni terre » est une histoire du génocide avec les mots et les souvenirs de l'enfance. Un témoignage qui place les lecteurs que nous sommes et l‘historienne face à ce que l'on croyait de l'ordre de l'indicible et pourtant… Pourtant, les mots des enfants sont là, ce qu'ils ont vécu y est décrit minutieusement et oui, finalement, l'horreur se raconte.
Après le génocide, le traumatisme est énorme mais pas encore « reconnu » pour ces jeunes dont les blessures sont tout autant physiques que psychiques. le désespoir et la peur toujours vivaces. Ces jeunes sont d'une génération qui a vécu l'impensable : l'extermination des leurs dans des actes d'une cruauté inouïe. C'est la destruction de leur vie d'avant et de leur vie présente puisqu'ils n'ont plus rien : ni famille, ni biens matériels. Rien. Après le génocide, ils vivent dans une solitude sociale et un dénuement affectif absolus. A cette situation s'ajoute la proximité des génocidaires hutu, les voisins tueurs, toujours là sur les collines, parfois dans les foyers des rescapés qu'ils ont usurpés, au nom du projet de « réconciliation nationale » du pays.

Ces témoignages, écrits avec un ressenti vivace où le temps n'a plus court, sont bouleversants. Eclairés par les commentaires d'Hélène Dumas, ils permettent au lecteur d'appréhender au plus près ce que fut ce génocide des Tutsi au Rwanda. Je terminerai par cette phrase de l'un de ces jeunes rescapés qui résume à elle seule ce qu'est sa vie 12 ans après le génocide : « Je suis sans relation avec le monde alors que le Rwanda est rempli de gens. »


Commenter  J’apprécie          171


critiques presse (1)
LaCroix
18 décembre 2020
L’historienne Hélène Dumas analyse les récits d’orphelins du génocide rwandais.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Aux deux extrémités de la chaîne générationnelle , à travers le sort spécifique réservé aux enfants les plus jeunes comme aux vieillards, se lit la singularité de toute politique génocidaire : l'anéantissement du passé et de l'avenir du groupe voué à disparaître. Les viols systématiques, très souvent accompagnés de sévices touchant aux organes reproducteurs, s'inscrivent dans cette logique d'extermination.
Commenter  J’apprécie          70
Voir un Rwandais qui en tue un autre à cause de comment il a été créé, ou bien à cause de la famille où il est né, un enfant qui ne sait pas d'où tout cela vient, ni où tout cela mène et qui tombe pourtant dedans, n'a-t-il pas besoin d'une personne qui l'en fasse sortir ?!
Commenter  J’apprécie          60
Le voisinage maintenu entre tueurs et victimes après le génocide représente sans nul doute l'une des singularités majeures de la configuration rwandaise.
Commenter  J’apprécie          40
On l'aura remarqué, la menace n'est pas colportée sur les collines par des étrangers, par des inconnus en uniforme, mais bien par des voisins. Les prémices de la violence, les victimes en font l'expérience à travers des figures familières. Cette première trahison des proches marque un basculement irrémédiable dans une violence d'un nouvel ordre.
Commenter  J’apprécie          10

Video de Hélène Dumas (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hélène Dumas
Hélène Dumas. La Mémoire des génocides en France.
autres livres classés : rwandaVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (31) Voir plus




{* *}