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EAN : 9791095244417
176 pages
Othello (08/09/2023)
3.9/5   10 notes
Résumé :
Ed a hérité de son père, disparu dans des circonstances mystérieuses, l'amour de la musique et une collection de vinyles de rock alternatif assortis de fiches briostol sur lesquelles il écrivait des critiques. Persécuté par les jeunes de la ville, délaissé par une mère nonchalante, il se réfugie dans l'amitié de Lila, avec qui il tente de créer un groupe, puis va fuir ses démons à Montréal, où il devient une icône de la scène musicale, un DJ star brûlant la vie par ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'ai terminé 2023 et commencé 2024 avec "Cold Wave" d'Adrien Durand, premier roman d'un pro de l'écriture (rock critique et fondateur des éditions le Gospel) publié par Le Nouvel Attila, collection Othello. Si à ce stade vous vous dîtes « La quoi ? » à propos du titre du roman, je vous suggère la lecture de "Rip it up and start again" de Simon Reynolds (chez Allia), ouvrage indispensable et précieux sur le post-punk.
Je pouvais difficilement passer à côté de ce texte puisqu'à la fin du collège, après avoir écouté pendant longtemps du Brel, du Balavoine, du Gotainer (les quelques disques de mes parents et de mon frère plus agé), j'ai basculé vers Cure (difficile d'y échapper en 1985), Depeche Mode, puis Joy Division, Simple Minds (avant les tubes), Bauhaus. Je suis à peu près sûr que la première K7 que j'ai achetée, c'était "Closer", à la FNAC en sous-sol de la galerie Saint-Christoly, premier voyage à Bordeaux avec ma mère. Je ne prétends pas être un expert en New, Cold ou Dark Wave ; ayant rapidement rencontré Bernard Lenoir pendant mes inlassables explorations de la FM et des Grandes Ondes, mon univers musical s'est élargi au post-punk, aux rocks anglais et américains et d'autres joyeusetés. J'ai picoré dans tout ça avec un bonheur permanent mais sans l'envie de me constituer une culture dans quoi que ce soit, donc sans me documenter, sans creuser un champ musical particulier. Et déjà, la radicalité non-maîtrisée me posait problème : les Virgin Prunes, c'était trop pour moi, Einsturzende Neubaten aussi, même Siouxsie je n'ai pu supporter ça qu'avec Robert Smith dans le line up – je crois que je n'étais pas assez sophistiqué, ou trop con – oh, wait … les deux ! Enfin bref, j'ai préféré les Happy Mondays et les Pixies.
N'empêche, New Wave, Cold Wave, ça me parle par le son, l'époque et les tripes. J'ai donc lu les 167 pages du roman, malgré la maquette insupportable qui à chaque page a failli me sortir du texte. J'ai bien noté que c'était un hommage à Peter Saville, c'est mignon et pertinent vu la teneur du texte mais perso, ça m'a gêné (les goûts, les couleurs tout ça). Par contre, couverture parfaite, si les Cocteau Twins existaient toujours, ils en seraient verts de jalousie.
Bon, et au bout de ces 2000 signes de blabla, qu'en dire de "Cold Wave" ?
Ben déjà, que c'est bel et bien une émanation littéraire de la Cold Wave, le courant musical, ce qui est en soi une réussite. C'est l'histoire d'un loser, brisé dès l'enfance par des parents dysfonctionnels, affligé du syndrôme de Marfan (c'est le Nosferatu de Murnau, en très gros), oscillant en permanence au seuil de la psychose qui devient Vernon Subutex au Canada puis perd tout espoir de rédemption et de réussite en cédant à la violence. C'est bien entendu un résumé à la truelle sujet à caution, mais quand on a été libraire avec 20 secondes pour convaincre quelqu'un d'acheter un livre, on prend vite l'habitude des pitchs « dans ta gueule ».
Quoi qu'il en soit, Ed est un formidable personnage Cold Wave, il est même la Cold Wave incarnée, comme si nous étions dans un méandre du "American Gods" de Neil Gaiman. Souffrance existentielle, traumas familiaux, maladie mentale, violence, désespoir, inadéquation à la société, décadence, drogue, dépression, Ed porte tout ça, en est conscient et se débat, et Adrien Durand réussit son gars avec justesse (jamais il ne le pousse vers la caricature ou l'outrance) et empathie. On suit son parcours et ses errances avec fascination et commisération, et d'autant si on est ou si on a été amateur.trice de cold.
On l'attendait de quelqu'un qui connaît très bien les rouages et l'envers du monde de la musique, et on n'est pas déçu : "Cold Wave" est roman sur la musique vivante, c'est-à-dire jouée et son écosystème, passionnant sur la fabrique du succès, le quotidien de l'artiste, la peinture sans concession (amère ?) du milieu – Gary en manager vampirique, et le mémorable Chaton. Tout en sachant exprimer ce qu'est le plaisir de jouer de la musique, l'excitation de monter un groupe, la griserie d'être sur scène, le pied de faire danser des gens avec sa playlist ou ses disques.
Autre point fort, c'est le talent de Durand pour les portraits et la vacherie réjouissante. J'ai adoré sa description des concerts de Peter Hook et de son public, sachant que j'ai malheureusement fait partie des cinquantenaires bedonnants et dégarnis venus constater ou nier que malgré ses efforts sympathiques et de bonne foi, Ian Curtis et Joy Division étaient morts (un peu comme si McCartney prétendait faire des concerts des Beatles).
Je dois cependant avouer que je suis resté sur ma faim achevée la dernière page. Peut-être à cause d'une écriture qui manque de longueur, d'intensité ; c'est difficile de passer de la forme courte de la chronique à la longueur d'un roman. Durand a voulu contourner l'obstacle en enfilant des textes courts façon fix-up, de manière à ce que la somme des parties produisent un tout plus grand. C'est plutôt réussi, mais ça manque donc parfois de profondeur, de moments plus contemplatifs, la narration prend toujours le pas sur l'écriture, alors qu'il a une plume prometteuse cet Adrien, pour l'instant plus doué pour la punchline que pour les envolées formalistes d'un Liberati (par exemple). Enfin, l'histoire d'amour avec Lila est foireuse, déconcertante de mièvrerie, floue et évanescente, et je n'ai pas senti Durand très à l'aise avec ce personnage féminin cliché qui est là, pas là, peut-être là et n'aurait donc pas dû être là. Globalement, la partie « retour à Cerbère » n'est pas la plus enthousiasmante du roman, frappée de confusion, de mollesse et souffrant du contraste avec la totale réussite pyrotechnique de la partie Canada-Québec et les terribles évocations des traumas de l'enfance et de la cellule familiale.
Des bémols, ceci dit, rien qui puisse empêcher de recommander chaudement (uh uh uh) "Cold Wave", un court roman qui saisit bien l'essence universelle et intemporelle d'une musique et d'un mouvement culturel nés il y a 45 ans.

"Watched from the wings as the scenes were replaying
We saw ourselves now as we never had seen
Portrayal of the trauma and degeneration
The sorrows we suffered and never were free"
(Ian Curtis, Decades)
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Ed a grandi à Cerbère, une ville chic et bourgeoise de la banlieue parisienne, où il n'a jamais réussi à trouver sa place. Abandonné par son père, élevé par une mère instable, dont il ne peut percevoir les pensées qu'à travers les avis qu'elle laisse sur des sites marchands ou sur des plateformes de notation de restaurants, Ed ne peut compter que sur : Lila, sa meilleure amie ; Catherine, la mère de celle-ci, psychologue new age, qui joue le rôle de mère de substitution ; et la collection de disques de son père, seul vestige paternel, dont chaque album est accompagné d'une fiche critique, à la fois factuelle et subjective. Après l'échec de Ligne 13, son duo musical formé avec Lila – un nom inspiré par pire la ligne de métro de Paris –, une série d'humiliations, et une tentative de suicide, Ed, qui souffre du syndrome de Marfan, s'exile à Montréal, pour devenir un DJ reconnu, spécialiste des musiques sombres et dansantes.

On retrouve dans ce pitch tout l'univers d'Adrien Durand, chantre du Do It Yourself à la française et acteur multifacette du monde de la musique. J'ai découvert Adrien Durand en 2008, à l'époque où il était le chanteur de Jordan, excellent groupe indie rock teinté de hardcore, dont « Oh No We Are Dominos », le premier album, sonnait parfaitement moderne, tout en ayant le regard tourné vers Q And Not U et Minor Threat. Adrien a par la suite occupé plusieurs postes au sein de l'industrie musicale – tourneur, attaché de presse, critique musical (The Drone et Les Inrocks) – avant de fonder le Gospel, média alternatif et maison d'édition qui publie, avec ferveur et passion, des textes issus de la contre-culure, tels que Ce qui vit la nuit de Grace Krilanovich, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler cette année. J'ai eu la joie d'éditer chez Playlist Society, son premier livre : Kanye West ou la créativité dévorante, un essai sur le geste artistique, la bipolarité, et la personnalité problématique du musicien. S'en est suivi, trois essais, publiés au Gospel, en forme d'atelier de réflexion sur la musique et comment elle résonne avec nos vies : Je n'aime que la musique triste et Je suis un loser, baby (en finir ou pas avec les années 1990) et Tuer nos pères et puis renaître. On pourrait alors imaginer Cold Wave, son premier roman, dans la continuité directe de son travail. Et il l'est tant ce parcours est intégré dans le récit, transformant le livre en un miroir déformé des expériences de son auteur. Mais il est aussi beaucoup plus que cela.

Cold Wave est un roman sur la déconstruction de la réalité. Alors que la majorité des oeuvres désireuses de fissurer le réel font appel à des défaillances psychologiques, des incursions fantastiques ou aux effets de la drogue, Cold Wave utilise simultanément tout l'arsenal à sa disposition, mais à dose homéopathique, et sans jamais acter officiellement qu'il y a recours. Il faut visualiser Fight Club de Chuck Palahniuk (1996), amputé de sa révélation finale, laissant le spectateur avec le doute. Schizophrénie, manifestations de spectres, confusion mentale, amnésie partielle, souvenirs d'enfants tronqués, passé magnifié à tort, cauchemars éveillés et états d'ébriété : tous ces éléments vont permette à Adrien Durand de briser par à coup l'univers du roman. Ed en arrive même à revivre des scènes de son passé dans le présent, via un étrange transfert avec un enfant à qui il donne des cours à domicile.

Cette remise en question du réel n'est pas un tour de passe-passe horrifique, elle interroge notre rapport à la mémoire, et à la vie que l'on se construit à partir de celle-ci. « Depuis mon retour en France, j'ai l'impression d'avancer dans un labyrinthe de réminiscences », admet Ed. En 2012, les éditions le Mot et le Reste publient Rétromania de Simon Reynolds (traduit par Jean-François Caro), sous-titré Comment la culture pop recycle son passé pour s'inventer un futur. On pourrait voir Cold Wave comme une transposition du livre, appliquée à l'existence tout entière.

Mais que devient la musique dans Cold Wave ? Elle prend le contrepied du roman. Alors que tout est évanescent, la musique s'avère le seul point de repère, dans lequel Ed et le lecteur peut avoir confiance. le roman ne trahit jamais la musique. Celle-ci n'est jamais un rêve, une invention ou un moyen de percer le réel. Elle est ce qui nous maintient en vie. Peu importe s'il s'agit de la facette la plus sombre de nos âmes. « Kas Product, Guerre Froide, Suicide, Bauhaus, Mathématiques Modernes, Deux. C'était la revanche des moins que rien. Les groupuscules contre le reste du monde. Des terroristes du mal-être », écrit Adrien Durand. L'auteur réussit à porter un regard ironique/cynique sur l'industrie musicale, et, dans un même mouvement, à faire ressurgir une passion naïve, sincère et pure, comme s'il était un adolescent éternellement enthousiaste, doté du recul critique d'un rescapé du monde de la nuit.

Un premier roman magnifique, maîtrisé de bout en bout, où tout semble mouvant, instable et incertain, tout en faisant preuve d'une impeccable cohérence.
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Vendu comme un « roman mutant » par une partie de la presse, Cold Wave l'est peut-être plus par son sujet et la manière d'en parler (une réussite je dois dire) que par sa construction ou même son histoire qui n'ont rien de particulièrement révolutionnaire, mais on en attend pas tant de toute façon. Alors, si Cold Wave n'est pas mutant, il n'en reste pas moins sacrément étonnant et même : entêtant. Derrière la façade d'un inquiétant roman rock au romantisme noir et autodestructeur dont la bande-sonore - la fameuse Cold Wave (qui, selon les latitudes, sera de la musique dark, ou gothique) - pourrait limiter le public aux seuls connaisseurs (c'est bien dommage), Cold Wave est un véritable méandre où l'auteur n'a de cesse de nous inviter et de nous perdre. Ed, traumatisé par la disparition de son père qui lui a laissé tout de même un héritage mystérieux sous la forme d'une collection de disques datant de 1978 (The Scream, de Siouxsie) à 1986 (Filigree and Shadow, de This Mortal Coil), n'arrivant décidemment pas à trouver sa place dans ce monde, fuit sa petite ville bourgeoise et ses tourments pour le Canada où il va – accidentellement - rencontrer le succès en tant que DJ. Là, profitant d'un revival, il joue la musique qu'il aime, celle qui a le pouvoir de le sauver. Mais Ed traine ses démons… Adrien Durand fait très fort, il laisse des parties de son roman dans le noir pour mieux prolonger de courts instants, de les passer à la loupe d'une verve critique (et juste), et là, c'est formidable, comme, par exemple, le Festival des Talents Émergents où l'on croise un Michael Gira (Swans) furibard et où Ed se sent piégé et comme ramené à son passé - l'industrie du disque, sa superficialité, y est notamment dénoncée. Il y a aussi les obsessions du roman : la junkfood, la violence, l'amour impossible. On en sort assez remué et certain d'une chose : c'est le roman d'une génération, celle (et paradoxalement : peu importe son âge) qui se retrouve dans la musique de Bauhaus, The Cure ou encore … (ajoutez le nom de votre groupe favori de cette époque).
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Cold Wave raconte l'histoire d'un jeune adulte chevronné post-punk et autres réjouissances mélodiques où s'embrassent le désespoir et l'amertume d'un malaise existentiel.
Au fil de l'histoire on découvre que le cadre dans lequel il a grandit manque de structure à tous les niveaux, il oscille entre parents dépressifs et proches aux comportements antisociaux ou dépressifs.

Notre antihéros se traine d'autre casserole : syndrome de Marfan, harcèlement, solitude... Mais il a une certitude, son coeur ne bat que pour la musique. Il nourrit un rêve depuis toujours: vivre de sa musique, la faire partager aux publics de groupes qu'il adule (Joy Division, Bauhaus, NIN). Face à sa difficulté de donner un sens à son existence et à l'absence de toute figure identificatoire solide, Eddie tente de surmonter pourtant de surmonter ses traumatismes.
Il essaiera jusqu'à la fin de l'histoire de combattre le déterminisme familial et surtout géographique... car à l'entendre il semble que la ville de Cerbère n'ait qu'une engeance médiocre.
Il essaiera de combattre ce vide cruel de manière diverses : il se remplit de malbouffe, de dettes, d'histoires de coucherie médiocre, de violence et finalement de la fièvre de la scène.
Et pourtant... Il semble que même cette idole soit impuissante face à la peur du néant et de l'hérédité.

Au fil de l'histoire on sent quand même certaine maladresses narratives qui érodent un peu la fluidité de lecture. On ressort du bouquin en étant pas très sûr de qui est mort et qui ne l'est pas et puis j'ai trouvé que la fin, bien que touchante, aurait été plus adaptée pour un film que pour un livre. J'ai quand même bien aimé le sentiment de déshérence acide et de soif d'aventure présents tout au long du livre (et qui m'ont un peu rappelé Jack Kerouac).
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
« J’imaginais que mon père aussi, le petiot banquier un peu gris à la correspondance secrète, fantasmait l’idée même du clan, l’alchimie bizarres entre quelques individus qui se rassemblent sous un nom de guerre pour aller faire du bruit dans les interstices sales des grandes villes. Kas Product, Guerre froide, Suicide, Bauhaus, Mathématiques Modernes, Deux. C’étais la revanche des moins que rien. Les groupuscules contre le reste du monde. Des terroristes du mal-être. »
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Vidéo de Claude Durand
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