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sur 705 notes
N°1842 – Mars 2024.

L'amant de la Chine du NordMarguerite Duras – Gallimard.

Ce roman aurait été écrit en 1991 par Marguerite Duras après l'adaptation cinématographique qu'elle juge décevante par jean-Jacques Annaud de « L'amant » qui lui valut le prix Goncourt en 1984 et un succès mondial. C'est donc en quelque sorte une sorte de rectification qui apporte des précisions en vue d'un éventuel autre film avec des annotations précises pour sa réalisation.
Après de longues années passées, quand la vie avait repris son cours, il y avait eu cette communication téléphonique, ces quelques mots lointains de cet amant pleins de regrets, d'amour pour elle, cet oubli impossible . Ainsi veut-elle évoquer sa première histoire d'amour, celle qu'on n'oublie jamais. Ce sera « L'amant », le film d'un autre, puis ce livre. Elle est « l'enfant » et lui n'a pas de nom, sans doute pour insister sur l'aspect transitoire de cette aventure.

Elle se rend à Saïgon pour ses études et relate sa rencontre avec le Chinois élégant et plus vieux qu'elle, sur le bac qui traverse le Mékong, elle se décrit comme une jeune fille de seize ans, pauvre mais insolente, qui a des relations difficiles avec sa mère, un peu délaissée par elle. Il y a ce « coup de foudre » du Chinois qui la voit pour la première fois, l'accompagne dans sa belle voiture, la séduction rapide qui les amène dans sa garçonnière mais cela ne se résume pas à une longue aventure amoureuse et sensuelle. C'est le début de leur histoire et du désir réciproque qui les animent et qu'ils s'avouent. On apprend cette liaison parce évidemment tout se sait mais il n'y a pas de scandale parce que la mère est appréciée, reconnue par tous comme une bonne institutrice, généreuse, humaine. Il y a une grande complicité et une tolérance autour de cette relation autant au lycée qu'à la pension. Elle manque les cours et découche pour rester avec lui et il y a autour de cette relation une grande tolérance, voire une forme de complicité. Elle se confie à Hélène, une élève de la pension pour qui elle nourrit une passion amoureuse.
Ils ne font pas que s'aimer, ils parlent d'eux librement, rient ensemble, se racontent leur histoire, évoquent l'avenir quand ils seront séparés. Ils le savent parce qu'en Chine il y a des traditions autour du mariage. Son amant est fiancé à une jeune fille plus jeune, ailleurs et qu'il doit épouser sinon il perd sa généreuse dot et son père le déshérite, et puis un Chinois n'épouse pas une blanche. Elle devra repartir pour la France qu'elle ne connaît pas, tourner la page. Leur amour est sans lendemain, mais ils s'aiment. Dès lors les relations prennent un tour nouveau. Il y a des rencontres cordiales du Chinois avec la mère, ensemble ils parlent de l'amour qu'il porte à sa fille, de la souffrance et de la solitude qu'il ressent face à l'impasse de cette relation et que les larmes partagées, souvent versées, n'adoucissent pas, la peur pour la fille de tomber enceinte de son amant autant que l'espoir un peu fou d'avoir un enfant de lui pour peser sur:leur histoire, la prise en compte de la sordide misère de la famille, la volonté du Chinois de l'aider sans l'humilier, des projets d'aide financières pour le rapatriement. Et ce malgré le fils aîné plus intéressé que jamais. I ,

Donc beaucoup de différences par rapport au film qui n'était qu'une adaptation du roman, lui-même riche en nuances. Il y a l'ambiance, l'étude des personnages, les relations qui se tissent entre eux .Elle décrit l'atmosphère familiale dans cette école française au sud de l'Indochine en 1930. le père est mort, sa figure est à peine esquissée, la mère, perturbée, désabusée, désespérée vivote comme elle peut, se méfie de son fils aîné Pierre, son préféré, imprévisible, cupide, voleur, profiteur et même violent et qu'elle songe à faire rapatrier. La préférence de la fille va à Paulo, l'autre fils plus jeune mais aussi à Thanh, le chauffeur dévoué à qui ce livre est dédié. Elle l'aime d'un amour authentique, impossible aussi. Tous sont plus ou moins destinés à terme à quitter ce décor .
Il y a toujours cette obsession de la mort qui me paraît prégnante dans ses romans, comme une fatalité parce que nous sommes mortels mais aussi une attirance face aux échecs de la vie, comme si elle devenait insupportable, parce qu'on ne peut pas revenir en arrière. Face à cet amour authentique et sans issue elle est la seule solution. La figure du père mort est lointaine, la mère préférerait que son fils aîné ne soit plus là mais son départ vers la métropole est pour elle un peu sa mort. Elle l'aime mais il met en péril le fragile équilibre de cette famille. le Chinois voudrait bien que son père meurt...Le roman se termine sur le suicide d'un jeune passager, en haute mer.
Ce que je retiens dans ce livre c'est la volonté d'écrire ce pan de son histoire personnelle, parce qu'écrire c'est témoigner, c'est aussi  un bonheur fou parce que la poésie y est mêlée, c'est à la fois un plaisir, une souffrance, une nécessité, peut-être une absurdité mais c'est aussi une victoire sur la mort.

J'ai longtemps, à titre personnel, nourri, une sorte de rejet de l'oeuvre de Marguerite Duras. Cette relecture attentive me la présente sous un jour différent qui n'exclut cependant pas certaines incompréhensions.

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Bien qu'il faille se garder de chercher dans la vie d'une écrivaine, ou d'un écrivain, la source de son oeuvre romanesque (Proust l'écrit si bien dans son Contre Sainte-Beuve), il est parfois utile de comprendre les circonstances de son écriture.
C'est le cas, me semble-t-il, ici. Marguerite Duras, après avoir connu, en 1984, avec l'Amant, le succès, la reconnaissance, certes tardive, par le Prix Goncourt, n'a pas pu suivre, en raison d'une maladie grave, l'adaptation cinématographique du livre faite par Jean-Jacques Annaud. Elle n'appréciera pas celle-ci (il est vrai qu'Annaud n'est pas un cinéaste connu pour sa finesse psychologique), et réécrira fiévreusement l'histoire en 1991 (poussée aussi par la nouvelle de la mort de son amant chinois en 1990), dans un style propre à une adaptation cinématographique, avec des notes en ce sens et même à la fin du livre, une trame pour un scénario.

J'ai lu L'Amant il y a longtemps et je ne peux pas, il faudrait que je le relise, comparer en toute objectivité ce dernier avec L'Amant de la Chine du Nord.

Celui-ci m'est apparu comme une remémoration bouleversante d'une première passion, dans sa crudité et aussi son ambiguïté, j'y reviendrai.

Duras, avec une écriture simple, une abondance de dialogues et de détails, m'a donné l'impression de vouloir revivre ce moment unique de son existence, pour que tout ne soit pas perdu, de nous faire ressentir le coup de foudre entre cette adolescente de 15 ans et ce chinois de 27 ans, le déchirement du jeune chinois contraint aux règles de sa société, de sa famille très riche qui a d'avance programmé avec qui et quand il va se marier.
L'éveil de la sensualité débordante de « l'enfant » ( c'est ainsi que se nomme Marguerite Duras), qui s'exprime surtout avec son amant si délicat et sensible, mais aussi avec son amie Hélène, le serviteur Thanh, et même son frère Paulo, est décrit par ces petites touches si spécifiques du style durassien, mais avec tant de sincérité parfois crue qui peut déconcerter, Duras ne juge pas.

Et puis il y a cette famille, la mère désemparée devant ces enfants, surtout l'ainé, Pierre, violent et opiomane, qu'elle se résout à éloigner de son autre fils Paul dit Paulo, la mère ruinée par l'escroquerie de l'achat de terres incultivables, mais qui lutte avec énergie. La mère qui voudrait que sa fille épouse un homme riche pour soulager la charge de sa famille, et Duras nous laisse dans l'incertitude de savoir si la liaison de « l'enfant » avec le jeune Chinois très riche, n'est pas, au départ, intéressée. Cette ambiguïté des sentiments touche d'ailleurs beaucoup de protagonistes de l'histoire, le chinois, la mère.

C'est un récit magique, très visuel, centré sur les personnages, leurs sentiments, dans une atmosphère de chaleur et de mousson, mais peu de description des lieux.
Ce sont l'éveil des sens et la passion, avec ses rires et ses pleurs, qui l'animent de bout en bout, et c'est magnifique.

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L'amant de la Chine du Nord
Marguerite Duras

J'ai lu ce roman juste après avoir terminé « L'amant », qui reçut le prix Goncourt 1984. En 1992 sortait la sulfureuse et très esthétique adaptation cinématographique par celui qui s'entendit si bien avec Umberto Eco pour le film du « Nom de la rose ». Avec Duras, la relation fut tout autre, ce qui conduisit le réalisateur à développer seul son script, afin de rester fidèle à sa vision. Marguerite Duras déclarera d'ailleurs : « Rien ne m'attache au film, c'est un fantasme d'un nommé Annaud. » Un an avant la sortie du film de Jean-Jacques, elle publiera ce nouveau roman, sa propre vision cinématographique de « L'Amant ».

Il s'agit ainsi de la même histoire, mais avec des partis pris différents, une structure formelle et narrative d'un autre ordre. Il y a d'abord l'évocation visuelle, scénique, qui s'étoffe de didascalies et de choix de metteur en scène. Duras parle de la caméra, de la manière de filmer les lieux et les corps. En fin d'ouvrage, elle donne même des idées de plans de coupe : un ciel bleu criblé de brillances, un fleuve vide dans son immensité dans une nuit indécise, le paquebot sous la pluie droite de la mousson, le jeu des enfants et des chiens jaunes…

Surtout, il y a les dialogues, « chaotiques mais d'un naturel retrouvé ». Duras évoque des « couches de conversation juxtaposées ». le livre original en revanche, ne possédait pratiquement aucun dialogue, il se construisait par sauts temporels, par strates de mémoires, par flaques de souvenirs. le récit est ici plus linéaire, visuel, interactif. L'amant a désormais une voix, un discours, et le roman s'attache à ces liens du langage avec l'enfant, ainsi que Duras évoque sa jeune personne. le traitement des personnages secondaires est exploré plus en profondeur. La mère, le petit frère Paulo et Than, le garçon vietnamien entré très jeune au service de la famille, prennent une ampleur nouvelle. On découvre aussi la passion amoureuse et défendue qui lie la jeune fille à son fragile petit frère, celui qui est différent, une passion analogue à celle qui la lie finalement au Chinois.

Trois manières de raconter une histoire. Toutes fascinantes à leur façon.
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On reconnaît bien là Marguerite Duras: l'Indochine, l'Amant, la jeunesse, la beauté, la famille…

Dans ce texte, réécriture de « l'Amant », l'auteure n'hésite pas à mélanger les références à son oeuvre. Les deux plus fortes sont donc « L'Amant » (logique, du coup) et « Un barrage contre le Pacifique). Inutile de préciser que si vous avez aimé ces deux titres, vous aimerez celui-là.
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L'Amant de la chine du Nord / Marguerite Duras
« Elle sourit à son amant, elle le retrouve, elle se cache contre son corps. Elle dit : Avec notre histoire, je crois que ma vie a commencé. La première de ma vie. »
C'est ainsi que l'enfant de quinze ans, une petite jeune fille encore, se confie au jeune Chinois de treize ans son aîné, un séducteur expérimenté. Elle connaît les premiers émois de l'amour et du sexe et à la pension Lyautey elle a besoin de confier à son amie Hélène les détails de cet amour qui la dévore. Parallèlement, elle confie aussi son amour absolu et incestueux pour son jeune frère Paulo. Nous sommes en 1930 en Cochinchine et l'enfant vit avec sa mère qui est directrice d'école, son frère ainé Pierre qui se drogue, son petit frère Paulo et Thanh le jeune homme chauffeur recueilli autrefois par la mère. Il s'agit d'un récit autobiographique dans lequel Marguerite Duras évoque un amour impossible qu'elle connut dans son adolescence. Et déjà à l'époque elle savait qu'elle en ferait un livre qu'elle écrirait plus tard. Elle y retrace avec tact et talent son addiction au sexe certainement due à une carence affective parentale.
Sur la forme, on a affaire à un récit tout à fait original du point de vue du style, un style épuré très personnel qui va à l'essentiel, fait de phrases courtes très expressives qui suffisent pour recréer les paysages somptueux du delta du Mekong, les situations et l'ambiance morose et mélancolique qui règne tout au long du récit : « Ils regardent l'océan de rizières de la Cochinchine. La plaine d'eau traversée par les petites routes droites et blanches des charrettes d'enfants. L'enfer de la chaleur immobile monumental. À perte de vue la platitude fabuleuse et soyeuse du Delta. » La narration au présent apporte une immédiateté et une proximité au déroulement de l'action : on est présent soi-même comme un voyeur à la garçonnière de Cholon où se déroulent les ébats des jeunes amants. Certains chapitres ressemblent à un scénario destiné à la réalisation d'un film, lequel film d'ailleurs fut tourné en 1991 par Jean jacques Annaud et sortit sur les écrans en 1992.
Extrait : « « Ils se regardent, se regardent jusqu‘aux larmes. Et pour la première fois de sa vie elle dit les mots convenus pour le dire, les mots des livres, du cinéma, de la vie, de tous les amants.
-Je vous aime.
Le chinois se cache le visage, foudroyé par la souveraine banalité des mots dits par l‘enfant. Il dit que oui, que c‘est vrai. Il ferme les yeux. Il dit tout bas : je crois que c‘est ça qui nous sera arrivé.».
Pour la petite histoire il faut savoir que ce livre écrit en 1991 est une autre version de celui de 1984 intitulé « L'Amant », lequel inspira J. J. Annaud pour la réalisation de son film. N'ayant pas apprécié le film, M. Duras décida de réécrire son histoire.

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En Indochine, dans l'entre deux guerres, une très jeune fille française se donne à un Chinois d'au moins 10 ans son aîné. Parallèlement, cette jeune fille voit sa famille se déliter : Un frère aîné brutal, un plus jeune mutique et une mère ruinée par de mauvais placements.

Comme tout le monde, je connais l'amant mais ce titre m'a intrigué . Est ce la même oeuvre ? Plus ou moins en fait.
L'auteur a décidé de réécrire son roman, après que son adaptation cinématographique, et à laquelle elle n'avait pas été associée, lui a déplu.
Ce livre peut se lire du coup presque comme un scénario de film, l'auteure n'hésitant pas à expliquer comment ses phrases devaient être filmées. Voilà pour la petite histoire.

Ce livre a plusieurs cotés déroutants. L'écriture est saccadée, parfois à la limite des syntaxes autorisées.
Et puis, il y a l'histoire , traduisant la vie familiale en Indochine mais surtout l'éveil à la sexualité de la jeune enfant, qui ferait aujourd'hui la une des journaux .
Le plus déroutant peut être est l'absence d'explications de cette attirance mutuelle , et foudroyante, entre deux personnes si opposées. L'auteure nous laisse d'interpréter cette liaison . On est plus ou moins dans le flou du début à la fin.
Alors , au delà de l'aspect moral qui peut rebuter, j'ai été un peu trop dérouté pour apprécier pleinement ce livre , mais de part l'histoire de sa conception, son style si particulier et cette plongée historique dans l'Indochine de l'entre deux guerres, comme Edith, je ne regrette rien et me laisserait bien tenter par une autre immersion dans l'oeuvre de cette écrivaine
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C'est pour moi , mon cinquième roman que je viens de terminer de Marguerite Duras. Quand je lis les critiques je constate que les avis sont très partagés. Des lecteurs adorent, d'autres comme moi n'ont pas été accrochés par ce roman ,par cette autobiographie.
La jeunesse de l'auteure à Saigon dans une école de filles, sa rencontre, elle a quinze ans à ce moment là, avec un chinois bien plus âgé qu'elle, ses premiers ébats amoureux, tout est bien raconté. La vie en Indochine durant les années 30, aujourd'hui appelée Viet-Nam est bien décrite. Pour le relation amoureuse d'une jeune fille avec un homme bien plus âgé, je préférai Lolita de Nabokov.
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Une autre couleur, une autre émotion. Marguerite Duras publie en 1992, après 1 année d'écriture, une nouvelle version de l'histoire d'amour entre l'amant et l'enfant. L'amant chinois est mort et l'amant a été adapté au cinéma, sans que Marguerite Duras ne puisse participer au projet pour raisons de santé. Ces raisons la poussent à retranscrire une version plus descriptive de l'histoire d'amour.
Toujours l'amour, le rire et les larmes. La beauté.
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Bien sûr, L'amant de la Chine du Nord comporte des indications cinématographiques, mais c'est avant tout une réécriture de L'amant, avec plus de précisions, souvent inutiles (comme celles qui concernent l'argent) parce que l'essentiel a été dit dans le précédent roman, précisions parfois malaisantes, parce qu'elles renforcent l'idée d'une perversion à peine esquissée dans le premier.
Un livre curiosité. Loin d'être une lecture nécessaire.

Lien : https://dequoilire.com/la-re..
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Magnifique !
Dès la première page.
J'avais aimé L'amant. Cette version diffère, elle est encore plus imprégnée de cette expérience exceptionnelle vécue par ces deux personnes.

Ayant séjourné au VNam (quelques années après la fin de la guerre), je retrouve certaines ambiances, certains lieux.
Mais ce n'est que le décor ; ce qui arrive à ces deux personnes, dans leur âme, leur être, est superbement décrit, des décennies plus tard.
Magnifique.
Lien : https://www.edilivre.com/app..
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