Okavango, un thriller haletant qui se dérou
le dans ces contrées peu explorées d'Afrique australe, possède tous les atouts pour une adaptation au cinéma. Un cadre paradisiaque au coeur des réserves africaines où se révèle toute la beauté du monde sauvage mais cette faune sauvage africaine est l'objet de toutes les convoitises et la proie de tous les trafics.
L'
Okavango est un fleuve qui prend sa source en Angola central, avant de traverser la Namibie pour atteindre le Botswana. Il a la particularité de ne jamais rejoindre l'océan, il est le seul fleuve au monde à se jeter dans la terre, son cours s'achève par un vaste delta dans
le désert du Kalahari.
Roman policier, mais également roman d'amour, car si l'intrigue haletante est sur fond de massacres et trafics d'animaux sauvages, de belles histoires d'amour nous sont contées, la plus belle étant celle que porte
Caryl Férey, par le biais de certains de ses personnages, aux animaux et à la nature dans son intégralité.
Okavango s'ouvre sur la découverte du corps sans vie d'un jeune pisteur, en plein coeur de Wild Bunch, une immense réserve animalière à la frontière namibienne. C'est la ranger Solanah Betwase engagée avec ferveur dans la lutte anti-braconnage qui va mener l'enquête, une enquête très diffici
le, d'autant que John Latham, le propriétaire de la réserve est un personnage ambigu et plutôt misanthrope… de plus, un autre homme dit « le scorpion », un vrai méchant, va bientôt faire surface, un mercenaire recyc
lé dans le braconnage, le chef de la mafia locale, le pire braconnier du continent. L'aide de Seth, jeune équipier Khoï de Solanah et de Priti, cette jeune San, sera bien utile à Solanah pour dénouer l'intrigue, mais sera-t-elle suffisante ?
Une magnifique couverture et une carte proposée dans les premières pages permettant de situer l'intrigue, mettent le lecteur dans de bonnes conditions de lecture.
J'ai été sidérée par cette intrigue diaboliquement ficelée, émerveillée par la beauté de ce monde sauvage mais effrayée et carrément stupéfaite en apprenant les ravages qu'on lui inflige.
J'étais assez loin de me douter des atrocités que l'homme était capab
le de faire subir aux animaux et d'apprendre que plus ils sont menacés d'extinction et plus ils prennent de la valeur.
C'est toute la logique capitaliste ! Ainsi cette corne de rhinocéros utilisée dans la médecine traditionnelle asiatique et qui peut atteindre des valeurs faramineuses à la bourse de Hong Kong car, censée doper la libido de celui qui en mange. Quand on sait qu'elle est composée de macronutriments que l'on retrouve tout simplement dans nos cheveux et dans nos ongles, on aimerait pouvoir en rire… Mais des braconniers opèrent, manipulés par des trafiquants intouchables.
J'ai beaucoup appris sur ces Khoï, peuple pastoral et ces San, chasseurs-cueilleurs, reconnus pour leur langue qui comporte des clics, en fait des claquements de langue, longtemps discriminés et chassés par les colons néerlandais puis britanniques, qui montrent qu'un autre rapport au monde est possible, vivre en harmonie avec son biotope.
Le charme du bouquin vient également de la richesse et de la complexité des personnages.
Les personnages féminins sont magnifiques. Comment ne pas être admiratif devant cette ranger Solanah, cette femme mal dans sa peau, mal dans son couple, qui se bat pour son autonomie. Elle porte tellement de choses qu'elle se voit plus grosse que ce qu'elle n'est et il est particulièrement intéressant et plaisant de la voir peu à peu se débarrasser de tout ça.
Quant à Priti, ce petit bout de femme San, je vous laisse découvrir son énergie, sa roublardise et toute la luminosité qu'elle apporte au polar. Solanah, Priti : deux femmes puissantes !
Impossib
le de terminer sans évoquer ces scènes terribles de cruauté ou d'entraide envers les animaux que
Caryl Férey, rencontré aux Correspondances de Manosque 2023, nous décrit mieux que n'importe quel cinéaste ne pourrait nous les montrer !
Il est dur de constater que le rapport aux animaux sauvages et aux braconniers est symbolique de l'état de notre planète et que seuls quelques échos fugitifs dans les médias relaient ces informations.
On ne peut que souhaiter, s'il n'est déjà pas trop tard, que ce thriller
Okavango de
Caryl Férey fasse considérer le monde d'une autre manière, que l'on comprenne que la liberté de ces animaux sauvages est en réalité aussi la nôtre, s'en prendre à la leur, c'est s'en prendre à la nôtre !
Comme les précédents ouvrages de
Caryl Férey,
Okavango encore peut-être davantage, si cela est possible, a été un véritable coup de coeur !