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Michel Bibard (Traducteur)
EAN : 9782213014043
628 pages
Fayard (04/09/1985)
3.93/5   14 notes
Résumé :
Si le Palinure de Virgile conduit Enée jusque sur les rivages de la terre promise avant de mourir tué par les Lucaniens, celui de Fernando del Paso, lui, nous guide à travers un récit d'une ébouriffante luxuriance, à l'écriture ingénieuse jusqu'au génie, à la fois drolatique et d'une beauté poétique digne du meilleur des surréalistes: roman total, rabelaisien, boulimique, avalant et restituant tous les mondes réels, possibles ou imaginaires, mettant en oeuvre et en ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Palinure est un personnage de l'Énéide. Virgile nous dit de lui : «une seule victime pour le salut de beaucoup». Neptune avait exigé d'Énée une victime expiatoire en échange de son aide pour que la flotte du Troyen puisse atteindre en toute sécurité les côtes italiennes. Compagnon et pilote d'Enée, une nuit où il était à son poste, endormi à la barre par un sortilège envoyé par le dieu, Palinure tomba à la mer. Il n'eut donc pas de sépulture, ce qui était l'un des plus grands malheurs qui pouvait arriver à quelqu'un dans l'Antiquité gréco-romaine. Ensuite, lorsqu'Enée sera descendu dans l'Hadès en compagnie de la Sybille de Cumes, celle-ci prédira à l'âme tourmentée de Palinure qu'un cénotaphe serait érigé un jour en sa mémoire sur la côte campanienne.

Et «Palinuro», qui est-il dans le roman homonyme de Fernando del Paso ? le narrateur ? Un double du narrateur ? Son frère aîné mort à huit mois de gestation dans le ventre de sa mère ? le frère de Fernando del Paso, décédé lui aussi quelque temps avant la naissance de l'écrivain?

Si l'on peut légitiment présumer au début du roman que la première et la troisième voix de narration utilisées à tour de rôle pointent au moins deux entités, à la fois séparées et réunies, âmes non pas jumelles, mais pour ainsi dire siamoises, distinctes quoiqu'irriguées simultanément par quelques «kilomètres d'une tuyauterie sanguine» partagée, très rapidement la question de savoir qui raconte quoi deviendra accessoire pour le lecteur, pour ne pas dire superflue...

En effet, à l'image d'une des tantes du (des) narrateur(s), Luisa, qui après avoir rencontré l'amour à Paris, l'avoir perdu au Mexique, où ce dernier venu la rejoindre avait été sauvagement assassiné, déciderait malgré tout de rester à Mexico mais en vivant au quotidien à l'heure de Paris, l'on s'habituera à accepter sans problème cette transitivité possible entre les choses, conception facilement vérifiable par simple démonstration poétique, «qu'une chose peut être elle-même et autre chose en même temps, ou plusieurs à la fois» ; qu'un cénotaphe, par exemple, peut être un monument funéraire sans mort, ou qu'une histoire soit racontée par «une personne qui peut être d'autres personnes en même temps, et aucune d'elles»...
Dans l'«Interprétation des Rêves», Sigmund Freud ne nous avait-il pas d'ailleurs appris que tous les personnages d'un rêve peuvent représenter une seule et même personne, avatars plus ou moins reconnaissables du rêveur lui-même ?

PALINURE DE MEXICO, il est vrai, plutôt qu'à un récit réaliste ou réaliste-magique habituels, pourrait faire penser davantage à un long «rêve éveillé», construit à partir de «restes» biographiques de son auteur/narrateur et nourri par ses projections fantasmatiques : élucubrations oniriques d'un cogito mis temporairement en veille alors que le courant créé par cette tension située entre l'organique et le psychique qu'on appelle «pulsions» continuerait, lui, à circuler activement dans l'espace mental instauré par le roman.

Malgré son aspect extravagant d'orgie langagière, superlative et pléthorique, dédiée au «cercle absurde, obscur, magnifique et vicieux de la vie» (selon la formule du «cousin Walter», l'un des avatars certainement les plus prolifiques du narrateur), PALINURE DE MEXICO tels les rêves, ou l'inconscient d'où ceux-ci extrairaient toute la richesse symbolique et l'essentiel de leur énergie créatrice, se révélera être, cependant, selon la célèbre formulation de Lacan, parfaitement «structuré comme un langage», d'une cohérence interne à toute épreuve!

PALINURE DE MEXICO relève d'une pure performance littéraire qui m'a personnellement laissé pantois: Pororoca littéraire risquant de charrier, et de jeter quelquefois à terre, un lecteur à moitié sonné par une telle puissance péristaltique, par une mécanique parfaitement huilée accouchant à tour de rôle, sans discontinuer, de flots amazoniens de verve discursive et de prose poétique, d'érudition et de culture d'almanach, de lyrisme et de truculence, de farce picaresque et de sagacité pénétrante, ce sur près de huit cents pages bien tassées (coll. «Points Poche»)!

C'est ainsi par exemple, qu'après des passages s'attardant sur la passion fusionnelle et dévorante née entre le narrateur et sa cousine Stéphanie, distillant un champ lexical très prolifère, romantique et primesautier, susceptible de ravir des adolescentes chlorotiques cherchant une bonne raison pour ne pas mettre fin prématurément à leurs jours, PALINURE DE MEXICO n'hésitera pas à enchaîner sur le récit de juteuses étreintes sexuelles, de phantasmes érotiques décomplexés, ainsi que d'autres divagations et errements libidinaux polymorphes plus ou moins crus provenant de l'esprit tordu de son narrateur et de sa bande d'avatarés - ou encore à alterner des chapitres où l'hypermnésique «cousin Walter» égrène à un rythme encyclopéen des connaissances de toutes sortes qu'il emmagasine et débite frénétiquement, ou bien soutient, comme lors de son exil temporaire à Londres, des thèses d'une hauteur de vue philosophique à faire pâlir tout un cénacle de penseurs allemands, avec d'autres chapitres où le «frérot Malkas » du narrateur, Grand Masturbateur «dont la manie branlatoire lui faisait craindre de mourir de la maladie de Parkinson », adepte par ailleurs de savoirs foutraques et de tout un tas d'autres jeux outranciers, développera avec délectation ses thèses sur l'onanisme, ou autour de cette discipline beaucoup moins connue que la Médecine, la Pétologie, déclinant volontiers les grandes étapes de son histoire, depuis l'empereur Claude qui « voulait, selon Suétone, légaliser par un édit l'émission de pets en tous lieux et circonstances», en passant par « l'ars honeste petandi in societate » de Pantagruel, ou enfin ce curieux traité éventé par D'Alembert, nommé «Réflexion sur la cause générale des vents», avant, naturellement, de lui proposer de participer à une expérience scientifique prouvant le caractère flammigère de ces derniers.

C'est après avoir quitté le Mexique, depuis Londres et par la voix du cousin Walter, que le narrateur réalise qu'il rêve d'écrire un roman «de tous les points de vue imaginables», « y compris physiologique ou physico-chimique», conçu non seulement et ainsi que le préconisait Henry James, comme «un organisme vivant», mais «aussi maladif, fragile et défectueux qu'un organisme humain, et en même temps aussi compliqué et magnifique», un livre non pas «à la peau apollinienne, à la peau lisse et blanche (...) mais un livre écorché, un livre dionysiaque qui affirmera triomphalement la vie avec toute son obscurité et son horreur». Si Fernando del Paso avait en fin de compte été le seul dans cette affaire à ne pas avoir entamé de vrais études de Médecine, il semble, comme le cousin Walter, avoir compulsé un nombre incalculable de manuels spécialisés et d'ouvrages sur l'histoire de la Médecine durant la rédaction du roman (initiée au Mexique et terminée à..Londres)!

Roman d'apprentissage prenant donc pour point de départ le microcosme existentiel d'un étudiant de médecine, son histoire personnelle et familiale (inspirée en partie par des épisodes de l'enfance et de la jeunesse de l'écrivain), sa passion éhontée et impudente pour sa cousine, ses idéaux de jeunesse et sa quête de sens à la vie, PALINURE DE MEXICO se révélera également une épopée moderne, haute en couleur, en lyrisme et en onirisme, reliée et tributaire de l'héritage légué par l'histoire de la littérature occidentale à qui elle ne cesse de rendre hommage – « de Rabelais à Joyce » (selon les mots très justes d'un critique au moment de sa parution en France), en passant, y rajouterais-je, par Swift , la Commedia dell'arte ou le mouvement surréaliste.

Sur fond de l'histoire tumultueuse et violente, passée et présente, de la nation mexicaine (l'action est située en 1968, année où la police avait ouvert le feu sur des étudiants rassemblés sur la place Tlatelolco à Mexico), incluant notamment le legs européen important rajouté au creuset des cultures ayant contribué à sa formation , PALINURO DE MEXICO affichera par ailleurs une ambition totalisante et décomplexée (et en faisant par la même occasion courir un véritable marathon surchargé d'images, prodigieusement métonymique et oulipien, à un lecteur risquant d'être parfois obligé de faire quelques breaks, respirer un bon coup, avant de s'y replonger !!!) lorsque, essayant de tenir à bout de bras le tout, l'universel, il aspirerait comme le cousin Walter, à décliner la réalité sous tous les points de vue imaginables, ainsi que l'indiquera d'ailleurs, en toutes lettres, le titre de son vingt-cinquième et dernier chapitre-chant : «Toutes les roses, tous les animaux, toutes les places, toutes les planètes, tous les personnages du monde»!!

Ouf ! On y arrive, je crois! Vraiment..?

Ce qui est sûr en tout cas, c'est que je ne conseillerais pas cette lecture tous azimuts, et d'autant moins à ceux qui n'apprécient pas particulièrement le style poétique churrigueresque dont l'auteur fait largement preuve ici.
La surabondance est en effet, à mon sens, l'unique reproche raisonnable qu'on pourrait faire à ce roman magnifique, chef d'oeuvre de l'écrivain et prix du meilleur livre étranger en France (1986).

Un défaut de fabrication d'ailleurs pleinement assumé par l'auteur et cohérent avec sa filiation dionysiaque.

(Et si jamais il vous arrivait en le lisant, d'avoir quelques pulsions poéticides ponctuelles, ne vous inquiétez pas, c'est tout à fait normal!)

¡Que viva México!
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Le Palinure de Fernando del Paso est un univers narratif en soi, véritable jeu de piste époustouflant, d'une érudition hors du commun, conviant le lecteur à partager un délire littéraire dans la cour des miracles qu'est Mexico. Fernando del Paso trace la trajectoire d'un étudiant en médecine, amoureux fou de sa cousine, qui achève son périple, en octobre 1968, lors des évènements de la place des Trois-Cultures à Mexico.
Tout est navigation à la dérive dans cette oeuvre, les déclinaisons et variations transforment phrases, chapitres et paragraphes, avec le corps et l'amour pour ancrage. Dans ces pérégrinations cauchemardesques, c'est la dynamique érotique qui fait triompher la vie.
L'auteur explore avec jubilation une multitude de procédés d'écriture, dont la poésie, pour exorciser les risques d'éclatement et de morcèlement du corps. A la menace de l'histoire, la fragilité des êtres et la précarité de la condition humaine, Fernando del Paso multiplie les lumières du rêve et de l'érotisme, invitant une inépuisable dynamique du langage : pour lui, l'écriture dit les forces de la vie.
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"Et avertis l'esprit de Faust qui galope à travers les espaces", telle est l'ultime injonction sur laquelle se clôt ce Palinure de Mexico. Diantre! Que ta plume a galopé Fernando! Qu'il nous fut difficile de suivre l'amble de ton esprit de démiurge !

Palinure veut suivre la carrière du mythique Asclépios, collectionne tous les objets et ustensiles nécessaires à la pratique de l'art, mais il n'a pas le coeur assez solidement accroché pour ce faire, déambule en la faculté de médecine, se gargarisant de mots savants, le crayon à la main, revisite les chefs-d'oeuvre plastiques, façon planche anatomique, et échoue finalement dans une agence de publicité. Singulier produit d'une famille d'originaux, il connait sa cousine au sens biblique du terme, et dans sa chambre d'étudiant s'adonne à des joutes oratoires, iconoclastes et dada avec ses camarades.

Les mots manquent pour qualifier un tel objet tant la tentation d'hyperboliser est grande. Disons que le roman est composé de chapitres qui, chacun, s'apparente au morceau de bravoure. Les grandes figures baroques du roman sont ici invoquées : Rabelais, Swift, Sterne, Joyce et tant d'autres. L'imagination formelle de l'auteur, alliée au ludisme total de l'exercice, en fait une oeuvre à part. On pourrait dire que dans la radicalité de son exubérance ébouriffante (hyperbolisme nous voilà !) le Palinure de del Paso serait digne d'être encapsulé, en tant que représentant de la littérature latino-américaine, pour un envoi avec d'autres échantillons de la production fictionnelle des hommes, bouteille à la mer intergalactique, à destination des entités extraterrestres, testament de notre espèce depuis longtemps disparue. Avertissement préliminaire : la forme échevelée du récit, le penchant de l'auteur pour l'énumération jaculatoire, éructante et érudite, confine à l'ad absurdum voire à l'ad nauseam, avec des fortunes diverses, selon le chapitre et le lecteur. Mais ça n'est pas aussi hermétique, élitiste que Joyce, loin s'en faut. Une chose est sure, l'indifférence est impossible en face d'un tel ouvrage. Pas de moyen terme : ce sera "oeuvre culte" ou "farsi il culo".
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C'est un texte foisonnant que j'ai lu il y a preque 30 ans, et dont je garde dans les méandres de mes ordinateurs une belle longueur de citation.
Mais je me souviens parfaitement de l'effet que ce texte a fait sur moi, et de son rythme.
J'en ai écrit un "à la manière de" :
http://lyjazz.cheminsinstantanes.fr/post/2008/10/03/A-la-maniere-de3

et un "je me souviens", plus complet, chez Martin Winckler


Lien : http://wincklersblog.blogspo..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Hacíamos el amor compulsivamente. Lo hacíamos deliberadamente.
Lo hacíamos espontáneamente. Pero sobre todo, hacíamos el amor diariamente. O en otras palabras, los lunes, los martes y los miércoles, hacíamos el amor invariablemente. Los jueves, los viernes y los sábados, hacíamos el amor igualmente. Por últimos los domingos hacíamos el amor religiosamente.
O bien hacíamos el amor por compatibilidad de caracteres, por favor, por supuesto, por teléfono, de primera intención y en última instancia, por no dejar y por si acaso, como primera medida y como último recurso. Hicimos también el amor por ósmosis y por simbiosis: a eso le llamábamos hacer el amor científicamente. Pero también hicimos el amor yo a ella y ella a mí: es decir, recíprocamente. Y cuando ella se quedaba a la mitad de un orgasmo y yo, con el miembro convertido en un músculo fláccido no podía llenarla, entonces hacíamos el amor lastimosamente.
Lo cual no tiene nada que ver con las veces en que yo me imaginaba que no iba a poder, y no podía, y ella pensaba que no iba a sentir, y no sentía, o bien estábamos tan cansados y tan preocupados que ninguno de los dos alcanzaba el orgasmo. Decíamos, entonces, que habíamos hecho el amor aproximadamente.
O bien Estefanía le daba por recordar las ardilla que el tío Esteban le trajo de Wisconsin y que daban vueltas como locas en sus jaulas olorosas a creolina, y yo por mi parte recordaba la sala de la casa de los abuelos, con sus sillas vienesas y sus macetas de rosasté esperando la eclosión de las cuatro de la tarde, y así era como hacíamos el amor nostálgicamente, viniéndonos mientras nos íbamos tras viejos recuerdos.
Muchas veces hicimos el amor contra natura, a favor de natura, ignorando a natura. O de noche con la luz encendida, mientras los zancudos ejecutaban una danza cenital alrededor del foco. O de día con los ojos cerrados. O con el cuerpo limpio y la conciencia sucia. O viceversa. Contentos, felices, dolientes, amargados. Con remordimientos y sin sentido. Con sueño y con frío. Y cuando estábamos conscientes de lo absurdo de la vida, y de que un día nos olvidaríamos el uno del otro, entonces hacíamos el amor inútilmente.
Para envidia de nuestros amigos y enemigos, hacíamos el amor ilimitadamente, magistralmente, legendariamente. Para honra de nuestros padres, hacíamos el amor moralmente. Para escándalo de la sociedad, hacíamos el amor ilegalmente.
Para alegría de los psiquiatras, hacíamos el amor sintomáticamente. Y, sobre todo, hacíamos el amor físicamente.
También lo hicimos de pie y cantando, de rodillas y rezando, acostados y soñando. Y sobre todo, y por simple razón de que yo lo quería así y ella también, hacíamos el amor voluntariamente.
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Mais une fois de plus, cette félicité fut passagère. La mort de notre miroir ne fut que la première de toute une série de calamités qui commencèrent, pour ne plus jamais s’arrêter, un dimanche de mai, quand Stéphanie voulut me repasser une chemise et qu’elle s’aperçut que notre fer à repasser Juan devait être opéré d’un court-circuit à l’estomac. (...) Il ne se passa pas de semaine, par la suite, sans que notre tapis Alix ne perdît une mèche de cheveux, ou notre peigne Rodrigo deux ou trois dents. Un soir, au milieu d’un opéra comique, notre radio Philco devint aphone sous le coup de l’effort. Mais aucun de nos objets – ou peut-être devrais-je dire, personne de nos objets – ne nous ne fit aussi peur que notre pâte dentifrice Gleem et notre cuvette de W.-C. Paula. Gleem, qu’on venait d’aller chercher au supermarché, alors qu’elle était à peine une petite-fille de pâte, et vierge, et toujours le sourire aux lèvres, se mit à avoir une horrible suppuration dense et blanchâtre. Et s’il est vrai que Paula était déjà fort âgée et qu’elle avait la gorge en mauvais point – c’est d’ailleurs pour cela que nous lui faisions faire tous les jours des gargarismes de détergents et de déboucheurs -, mais jamais nous n’avions pensé qu’un jour elle irait tellement mal qu’elle se mettrait à vomir des matières fécales.
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Et je ne sais pas si Malebranche avait raison. Je ne sais pas si ce sont nos jambes qui nous meuvent ou nous qui mouvons nos jambes (ou Dieu qui meut notre volonté et nos jambes) mais en tout cas nous nous acheminâmes tous trois vers Trafalgar Square ; et alors je me suis rappelé, quelle coïncidence, que là même, dans cette rue, un de ces stupides étudiants qui se spécialisent en littérature latino-américaine et connaissent mieux Manuel Payno que nous ne connaîtrons jamais Alexander Pope, m’avait dit : «Ainsi donc vous êtes exilé», et je lui avais répondu : «Non, monsieur, je vis à Londres, et pour être plus exact, dans Irving Street.» «Comment ? Ici même, dans cette rue ? À quel numéro ?» me demanda-t-il. Et je lui dis : «Au numéro quarante et un», ce qui est ma pointure. Et je m’en fus. Je veux dire que nous sommes partis, moi et tous mes membres et organes (à l’époque nous étions déjà toute une multitude) avec notre maison et notre patrie et le monde sur le dos, comme l’escargot.
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Et pour ne pas passer ma vie à vous parler toujours de la même chose, je vais vous raconter une fois pour toutes et exhaustivement comment ma cousine et moi nous faisions l’amour.
Nous faisions l’amour inévitablement.
Nous le faisions délibérément.
Nous le faisions spontanément.
Mais avant tout, nous faisions l’amour quotidiennement.
Ou en d’autres termes, les lundis, les mardis et les mercredis nous faisions l’amour invariablement.
Les jeudis, les vendredis et les samedis, nous faisions l’amour également.
Et enfin les dimanches nous faisions l’amour religieusement.
Ou bien nous faisions l’amour par compatibilité de caractère, pour de bon, pour mémoire, par téléphone, de prime abord et en dernière instance, par précaution et à tout hasard, comme mesure d’urgence et en dernier recours.
Nous fîmes aussi l’amour par osmose et par symbiose : c’est ce que nous appelions faire l’amour scientifiquement.
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Pour les chauves, nous ferons des préservatifs pourvus d'une perruque. À l'intention des dames respectables qui à un moment donné désireraient se mettre dans la peau des plus abjectes, méprisées, irresponsables, vulgaires et misérables de toutes les putains, nous fabriquerons des préservatifs reproduisant exactement les marques et les stigmates des maladies vénériennes aussi vieilles que l'humanité: depuis le chancre qui fit l'infortune du gentil berger Syphilis, jusqu'aux excroissances de chair sur la verge décrites par Don Francisco Diaz (médecin privé de Philippe II) et aux inflorescences veloutées du granulome pudendi.
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Vidéo de Fernando del Paso
Le roi d'Espagne Felipe VI a remis le prix le plus important dans la littérature espagnole, le prix Cervantes, à l'écrivain mexicain Fernando del Paso.
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