L'ouvrage d'
Aurélie Filippetti m'a attiré pour 2 raisons : son titre quelque peu sloganesque '
Les derniers jours de la classe ouvrière' et l'endroit où est situé l'action et que je connais relativement bien, ayant vécu de longues années au Luxembourg et d'avoir traversé cette région de la Lorraine très souvent, pour y aller faire des courses le week-end. du moins, c'est ce que je croyais en entament ce livre. Mais j'ai vite compris mon erreur et réalisé que la réalité pour la population de cette région m'avait grandement échappé.
La description qu'en fait Filippetti dans ce livre, en d'autres termes l'évocation des conditions de vie et de mort des pauvres émigrés pour la plupart des Italiens (et Polonais) dans les mines lorraines constitue, à mon avis, la grande qualité de cet ouvrage. Même si le style et l'écriture peuvent être considérés comme légèrement décevants, ils ne sauraient éclipser la force de cette évocation d'un monde, qui, pour les non-initiés, demeure énigmatique et clos.
Sans les qualités littéraires d'
Emile Zola, ce livre m'a fait penser à 'La bête humaine' de ce grand maître, le volume 17 de son cycle des Rougon-Macquart, paru en 1890, soit plus d'un siècle ou 113 ans avant celui-ci.
Le livre illustre, à sa façon, qu'en dépit des grandes différences en revenus qui persistent (lire : 'Le capital au XXe siècle' de
Thomas Piketty), grâce à des luttes sociales de longue durée, l'horreur des abus de la classe privilégiée et propriétaire de ces mines, comme les de Wendel, d'une main d'oeuvre bon marché de mineurs qui gagnaient leur maigres salaires sous le sol dans des conditions de sécurité et d'hygiène révoltantes, n'existe plus aujourd'hui, du moins plus dans notre partie du globe.
À ce propos, l'auteur parle des descendants de ces mineurs qui travaillent actuellement comme employés dans les banques du Grand-Duché de Luxembourg.
Aurélie Filippetti est d'ailleurs un exemple vivant, quoique exceptionnel, de cette promotion sociale : fille de mineur, députée à 34 ans de la Moselle ( jusqu'à une date toute récente) et Ministre de la Culture et de la Communication à 39 ans. Sur son passage au 182, rue Saint-Honoré, - siège du ministère à
Paris - où depuis un bon mois Françoise Nyssen a pris fonction, je préfère, en tant que Belge, m'abstenir de tout commentaire.
Par contre, je la remercie, non seulement de m'avoir ouvert les yeux sur un monde qui m'étais inconnu, mais également de m'avoir appris un tas d'informations que j'ignorais, bien que fort intéressé par
L Histoire.
Si je savais, bien sûr, que cette région à été fort contestée entre les deux pays voisins, je ne savais pas que la siderurgie de Lorraine/Lothringen envoyait des agents en Italie pour recruter des mineurs, contre des primes dérisoires. En effet rien que la construction de la tour Eiffel demandait beaucoup
d'acier. J'ignorais aussi que Mussolini, vain comme il était, supportait mal ces 'departs' et offrait des primes de retour au 'sole d'Italia'. "Le succès fût mesuré" ajoute l'auteur, qui après conclue ce chapitre en spécifiant- et je cite de nouveau : "Ils (Les immigrés) s'en allèrent mourir au fond des camps allemands sans avoir revu le coeur vert de l'Italie. Puissent-Ils simplement avoir appris la pendaison du Duce." Autre chose que j'ai appris, c'est qu'il existait une grande rivalité entre mineurs et sidérurgistes.
Le déclin de la sidérurgie en Europe constitue une page sombre pour beaucoup de personnes qui en ont été directement ou indirectement affectés. Et pour être honnête, la richesse fabuleuse de celui qui en a racheté une bonne partie, comme Arcelor, l'indien Lakshmi Mittal me gêne quelque part. Que le nouveau maitre des forges- pour emprunter un terme de
George Ohnet- ait financé, il y a 4 ans, le mariage le plus cher de l'histoire (une peccadille d'environ de 50 millions de Livres sterling) pour une de ses nièces...me révulse carrément.
Au fond, cet ouvrage me rappelle aussi l'excellent livre de
Silvia Avallone '
D'acier'. Mais cet ouvrage là était un roman, qui est situé dans un contexte plus récent.
Bref, je crois pouvoir recommander cet ouvrage d'
Aurélie Filippetti à toutes celles et ceux qui sont intéressés par un monde disparu : celui des dizaine de milliers de mineurs et sidérurgistes, et de leur famille, en Europe Occidentale.