"Une semaine a passé. Sans nouvelles. C'est un peu inhabituel mais elle ne veut pas l'appeler. Cela donnerait une drôle de tournure à l'accident des lèvres. [...] Est-ce que l'on demande pourtant des justifications à un baiser ? On l'ignore ou on passe aux étapes suivantes, on s'abstient généralement de le commenter."
Elle s'interroge, sans cesse, elle détaille, analyse, scrute.. épie même le moindre mouvement, surtout s'il donne l'air de s'approcher d'elle. Car elle, elle ne s'approche de personne. Il faudrait déjà qu'elle sache l'image qu'on a d'elle. "Et elle, de quoi peut-elle bien avoir l'air ? On ne le lui dit jamais." Pendant qu'elle observe, au moins, elle ne pense pas au vide qui l'emplit, qui résonne. Pendant ce temps, elle s'oublie.
Le rythme est intérieur, intime, se calque sur celui du sang, des pensées, qui ne cessent de l'agiter. Un mouvement interne qui va à contre-courant du mouvement externe, sans jamais pouvoir l'intégrer.
Elle aime un homme qui aime un ange. Elle n'a pas les ailes pour l'emmener loin d'ici, pourtant, lentement, il vient à elle.
"Elle se demande si, toute sa vie, elle sera destinée à frapper contr des portes d'appartement pour qu'un homme la laisse entrer ou s'il ne s'agit que de répétitions accidentelles."
En attendant, (car elle attend, la plupart du temps, des autres, de sa vie-même), elle fait de drôles de rencontres, du genre de celles que la plupart des gens fuieraient. Mais elle, non. Pendant ce temps, au moins, elle vit. Elle n'est plus seulement la voix qui annonce les heures de départ et d'arrivée des trains, gare du Nord. Elle rêverait de partager avec tous ces voyageurs leurs parcours, les villes et payx qu'ils ont vus, qui ne sont pour elle que des noms. Car jamais elle n'a voyagé. Personne ne lui a jamais proposé de voyager. Seule, ça ne sert à rien. On ne fait que se retrouver face à soi dans un autre endroit. C'est ce qu'elle pense. "Emporter avec elle sa raison de rester est la seule manière dont elle puisse voyager".
A lire doucement, à petits mots, comme elle avance à petits pas dans sa vie et même celle des autres, de peur de déplacer trop d'air, de bouleverser le cours des évènements. Revenir, sur ses mots, pour vérifier qu'on n'a rien oublié, et puis constater que non. C'est bien elle, c'est bien sa vie, monotone, monocorde, anonyme. En apparence.
Ca cache quelque chose, le fait de ne jamais parvenir à s'attacher, à s'amarrer à l'autre, à quelqu'un d'autre. Mais quoi ?
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