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EAN : 9782234064003
120 pages
Stock (06/01/2010)
3.79/5   67 notes
Résumé :
" Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d'une gangue de chairs et d'os. Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps... >Voir plus
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Ce que j'aurais profondément ressenti lors de cette lecture c'est cette distance, ce fossé d'incompréhension qui sépare les « bien-portants », ceux qui ne vivent pas dans la même souffrance qu'un autre homme qu'il soit atteint d'une maladie rare, sans nom ou qu'il soit l'un de ses soldats mutilé physiquement et psychiquement revenu de la boucherie de 14-18.
Je salue Guillaume de Fonclare et le remercie pour avoir tenter et, à mon avis, parfaitement réussi à établir « Un pont entre deux rives qu'un siècle sépare », un pont entre ceux qui souffrent dans leur chair et les autres.
Cet homme est doublement témoin en tant que directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne et en ayant à lutter avec un corps qui ne lui obéit plus. Il mène lui-aussi un combat, une guerre : « Je suis morcelé, j'occupe un corps qui m'appartient de moins en moins chaque jour, et dont les différentes parties déclarent une à une leur indépendance. Je découvre ainsi des interactions entre des membres ou des organes dont je n'avais jamais soupçonné l'existence et qui s'affirment au fil de révoltes successives. »

Il rend la parole à ces hommes « du premier XXe siècle, des hommes qui ne pleuraient pas, qui ne se plaignaient pas, qui ne déballaient pas leur mal-être »
« Ce que j'étale aujourd'hui, nous dit-il, ils l'ont gardé scellé au fond de leur coeur. La brûlure n'en est pas moins mordante. »

Des scènes inoubliables jalonnent ce témoignage :

« L'image de ces deux squelettes embrochés l'un dans l'autre ne me quittera plus. L'un était un officier français – il avait un revolver et une montre, signes distinctifs et caractéristiques de l'officier – et l'autre était allemand, comme il se doit. »
(…) Quant à moi, si l'on me demandait un avis, on ne toucherait à rien, on laisserait ces restes là où ils sont, dans leur linceul de terre tissé par le temps, à l'abri, dans leur monde. »

Guillaume de Fonclare dans ce premier livre appréhende le jour où il ne pourra plus travailler au sein du mémorial. La lecture de son dernier livre « Joë » montre qu'il croit désormais pouvoir trouver une réponse dans l'écriture lui qui s'est découvert définitivement écrivain au contact de Joë Bousquet.
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« Dans ma peau » est un voyage entre deux guerres, le choc frontal entre la brutalité de la guerre de 1914-18 et la progression d'une maladie orpheline sur son auteur.
C'est la rencontre simultanée du directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne avec un passé d'une brutalité terrible et les limites sans cesse repoussés de sa propre douleur.

Ce livre d'une grande dignité est bouleversant, à mi-chemin entre le témoignage et l'essai. Jamais misérabiliste, Guillaume de Fonclare nous livre son combat quotidien, et rend hommage à tous les poilus. Il nous rappelle avec force de ne jamais oublié l'épouvantable gâchis d'une génération sacrifiée.

Dans un style magnifique, Guillaume de Fonclare fait cohabiter ses souffrances avec le souvenir de jeunes soldats broyés par la guerre, fauchés en pleine jeunesse. C'est un parcours initiatique bien cruel que lui impose son destin mais « Dans ma peau » révèle un homme et son talent d'écrivain.
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"Dans ma peau" est un récit autobiographique de l'écrivain français Guillaume de Fonclare, publié cette année.
Guillaume de Fonclare est depuis quelques années le directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne mais, ainsi que nous le découvrons dans ce témoignage, il est aussi un homme atteint d'une maladie auto-immune d'origine et d'identité inconnues qui ne cesse de gagner du terrain.
L'auteur met ainsi en parallèle, sans toutefois verser dans la comparaison, sa douleur à la souffrance de ces milliers de soldats morts sur le champ de bataille mais surtout à celle de ces vétérans porteurs de séquelles invisibles...

Ce récit se présente tel un cheminement intérieur, nourri à la fois des connaissances historiques et du ressenti de l'auteur quant aux souffrances engendrées par la Grande Guerre et de ses réflexions sur cette maladie auto-immune inconnue des médecins.
Une "torture égocentrique", une "intime cruauté dont je suis à la fois l'initiateur et l'objet".
Guillaume de Fonclare possède les mots justes pour expliquer l'inexplicable et décrire cette catégorie de maladie qui implique pour le malade de voir son système immunitaire se retourner contre lui et mettre un terme à cette communion entre corps et esprit, contraints à se livrer une bataille quotidienne.

Sans jamais adopter le ton de la plainte et par le biais d'un vocabulaire largement emprunté au registre militaire, l'auteur nous explique son parcours du combattant : la perte progressive d'autonomie, le lourd passage à la Sécu et au statut d'invalide, le corps devenu vieux avant l'âge, la fatigue croissante, les angoisses face aux lendemains incertains, le spectre de la mort et l'effort de vivre malgré tout.
Dans cet Historial dédié avant tout à l'homme, Guillaume de Fonclare a su trouver un refuge qui lui a permis d'accepter sa douleur au nom d'une dignité qu'il tient à conserver.

En ce lieu qui a vu périr 2 hommes au mètre carré (soit plus d'un million de personnes selon estimation), l'auteur mesure sa chance de pouvoir vivre en liberté et parler de ce que ces soldats rescapés, ces hommes d'un autre temps, ne se seraient jamais autorisés à évoquer, les cauchemars et douleurs invisibles laissées par la guerre.
Si l'auteur aborde énormément la mort, il salue également la prévenance des vivants, de ses proches en leur délivrant un message d'amour que l'on sent à la fois sincère et investi d'une certaine pudeur.
J'y ai ressenti l'amour d'un père, d'un mari mais j'y ai vu aussi une démarche d'historien, soucieux de laisser une trace après sa mort.

Bien que ces deux aspects soient intimement liés, je dois bien avouer avoir été beaucoup plus sensible aux considérations de l'auteur quant à son expérience de la maladie qu'aux diverses allusions à la Grande Guerre qui accompagnent son récit.
Et ce n'est pourtant pas faute de dresser des ponts entre les deux sujets. Peut-être n'ai-je pas une connaissance suffisante de l'Histoire que pour pouvoir mesurer et apprécier ce témoignage historique à sa juste valeur.
J'ai donc avant tout été bouleversée par l'histoire d'un homme capable d'évoquer la noirceur de la maladie en tant que prélude à la mort tout en investissant son récit d'un hymne à la vie, ou du moins à la survie...
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Les aller-retours entre la souffrance des soldats de la 1ère guerre mondiale et celle de l'auteur sont très bien réussis. G.De Fonclare arrive à nous rendre très présent le vécu des soldats de 14-18, les traces qu'ils ont laissées dans le sol de la Somme ainsi que les difficultés qu'il éprouve à vivre avec son corps qui est chaque jour un peu plus douloureux et défaillant que la veille. Il n'y a ni complaisance ni dolorisme dans ce texte court et frappant. G.De Fonclare met en avant les difficultés de lien social qui résultent de sa maladie dégénérative bien plus que ses ressentis physiques.
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En exergue:

La gloire a sillonné de ses illustres rides
Le visage hardi de ce grand Cavalier
Qui porte sur son front que nul n'a fait plier
Le hâle de la guerre et des soleils torrides.

José Maria de Heredia Les Trophées ( 1893)

Que dire.. c'est un texte que j'avais découvert grâce à l'émission littéraire du Masque et la plume, qui m'a tellement marquée par sa dignité, tant dans l'écriture que dans ce qui est décrit, que j'ai bien du mal !
Guillaume de Fonclare était directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme.Il est par ailleurs atteint d'une maladie auto-immune, qui, jour après jour, le diminue un peu plus en le faisant de plus atrocement souffrir.
Dans ce livre peut être testamentaire ( bien qu'il dise bien sûr vouloir continuer à écrire , tout en ne sachant pas de combien de temps il va encore disposer), on ne peut parler de parallèle entre les jeunes soldats morts par milliers dont les tombes l'entourent et sa propre souffrance, ce serait trop simpliste. Mais il existe et il ne le nie pas. Il parle en particulier de sa possibilité à lui de parler ( pas toujours , pas vraiment, car c'est très difficile de parler de douleur) alors qu'eux, même rescapés, ont été contraints au silence.
Il parle aussi de l'importance de la littérature dans la construction de soi,de l'acceptation et de l'humilité,de ce qui aide à vivre, minute après minute, et c'est magnifique d'émotion maitrisée.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Je songe à ce qu’il va falloir entreprendre pour occuper mon oisiveté : me remettre au latin, à la grammaire ; écrire ; vivre sans autre stress que de n’avoir rien à faire, en polissant ma culture classique à la française. Il me faudra me contraindre à l’exercice physique pour ne pas laisser l’invalidité me gagner tout entier. Je serai inopérant et inactif, certes, mais je veux exprimer tout ce dont je suis capable. J’ai bon nombre de talents. Oui, j’ai bon nombre de talents, et je vais pouvoir les cultiver sans compter mon temps. La plume me portera et elle me fera tomber tous les masques, elle me fera découvrir l’immensité des mondes insoupçonnés qui dorment au fond de moi. Je veux être un pont entre deux rives qu’un siècle sépare, sans pour autant avoir la suffisance de me croire au-dessus de ceux qui n’ont pas l’incommodité de mes maux ni les avantages de ma fonction. Je ne cherche pas à construire une œuvre, ni à faire de la littérature. Je cherche à exister autrement qu’assis derrière un bureau, et je veux m’envisager autrement que seul, chez moi, à pleurer sur mon sort.
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Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d'une gangue de chairs et d'os. Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m'écharpent à chaque moment. Mon esprit ressasse d'identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j'aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d'un corps devenu trop lourd. Je ne suis plus qu'un homme mal assis qui songe sans fin, et si j'ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint.

Non, aucun accident, aucune violence n'est à l'origine d'un tel état ; ce n'est qu'une intime cruauté dont je suis à la fois l'initiateur et l'objet. L'origine de cette torture égocentrique demeure un secret inviolable. J'aurais tant aimé pouvoir mettre un nom sur cette douleur, mais le mal dont je souffre n'en a pas. Il fait partie de l'immense famille des maladies orphelines, des syndromes systémiques, des maladies auto-immunes, des connectivites et des troubles « sans étiologie ». Il est un mystère, et aucun médecin ne saura me dire quelle forme prendra l'échéance finale, ni à quel horizon se feront connaître les termes de ce départ redouté, si tant est que ce mal m'y conduise. Alors, je surveille les signes de ma lente dégradation, en essayant de ne pas déchoir, de ne pas accepter un « laisser-faire » qui hâterait le processus.
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je veille à leurs côtés, je veille ces hommes, mes frères d’outre-monde. Je veille les lâches, les traîtres, les meurtriers, les héros, les saints, tous les Flaubert, Schiele, Dickens avortés. Tous furent petits garçons ; tous ont aimé et furent aimés ; tous avaient un prénom, un surnom ou un sobriquet dont ils ne voulaient pas. Tous ont été passés à la moulinette de la guerre totale, celle qui arrache aux familles les plus jeunes, les plus forts et les plus beaux pour les jeter dans le fracas de l’acier qui déchiquette en éclats et en mitraille. Ceux qui en reviennent sont plus vieux, plus faibles et plus laids. Car nul n’a jamais, jamais gagné la guerre.
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L'esprit tente de dominer le corps, même si le corps promet de prendre sa revanche.
Cette bataille imbécile mène aux portes de la folie; soi-même se parcellise, devient deux, trois, puis quatre; l'esprit, le corps, les mains, l'intestin, le diaphragme; on a peur, on geint, on tâtonne, on suinte, on respire mal.
Il faut rassembler toutes ses parties éparses, en acceptant que la souffrance prenne toutes les formes et qu'elle est soi comme le sont la faim, l'envie, l'odorat et le toucher, la peur et l'angoisse.
Apprendre que l'on est aussi dans ce que l'on ne connaît pas de soi-même, et que cette part intime et inconnue saura se faire entendre sans que l'on comprenne les motivations de cette intervention plaintive.
Je dois résister à toutes les offensives que lance mon corps contre lui-même, combat harassant dont nulle part ne sort vainqueur. "Je me grignote", pour parodier Joffre. Oui, je me grignote; et c'est moi contre moi. Je suis un champ de batailles, de batailles perdues. p.58
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C'est le musée qui m'a sauvé ,sauvé de la dépression, du désespoir, c'est le musée qui a allumé en moi cette petite flamme que désormais, j'aurai tout le temps de faire grandir. Au travers de la souffrance de cette multitude, c'est ma souffrance que j'ai appris à respecter et à accepter. Il n'y a pas de leçon de morale dans ce constat; je n'ai pas fait taire mes douleurs parce que j'en ai rencontré de plus grandes. Non, ma douleur est là, elle n'a pas faibli; il n'y a pas de souffrance plus grande que d'autres. Le musée m'a appris la décence, le courage, l'humilité, le pardon et l'espoir. C'est ici que j'ai construit ce qui me fera demain, c'est ici que j'ai appris à être un homme, pleinement un homme et seulement un homme.
Depuis cinq ans, mon corps est en zone rouge, dans cette zone où destruction et espoir se combattent. Je ne saurais dire à quel moment j'ai dépassé les limites, et je ne saurais dire où se trouvent ces limites. Est-ce l'une de mes cellules qui a d'abord sonné la révolte, ralliant à sa cause des milliards de partisans? Ou bien est-ce au fond de mon cerveau qu'un reptile endormi, réveillé par un mauvais rêve, s'est ébroué si violemment qu'il a mis mes neurones sens dessus dessous et mes nerfs à nu? Même si on m'annonce l'impossibilité de reconstruire, je reconstruirai. Je reconstruirai une vie susceptible d'être vécue par mon corps malade, qui me trimbale depuis si longtemps que je lui dois bien de le trimbaler à mon tour. Nous irons donc à son rythme, j'apprendrai à entendre ses plaintes, à les comprendre et à les soigner de mon mieux. Si nous avançons cahin-caha, je n'aurai cure des quolibets et des lazzis; un pas vers l'autre, nous avancerons vers un plus loin que j'ai appris à ne plus redouter; et j'aurai appris à vivre dans ma peau.
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Vidéo de Guillaume de Fonclare
Sur le plateau, François Busnel donne la parole au moine bouddhiste Matthieu Ricard, au philosophe Alexandre Jollien et au psychiatre Christophe André, qui publient «A nous la liberté !». Après «Trois amis en quête de sagesse», ils se retrouvent pour un nouvel opus en commun sur le thème de la liberté intérieure. Léonor de Récondo publie «Manifesto», roman autobiographique sur les derniers instants de la vie de son père. Guillaume de Fonclare évoque «Ce nom qu'à Dieu ils donnent», récit sur la retraite d'un écrivain en proie aux malaises. A ses côtés, Philippe Claudel parle de sa dernière pièce, «Compromis», jouée par Pierre Arditi et Michel Leeb. Elisabeth Quin complète la liste des invités avec «La nuit se lève». La journaliste, atteinte d'un double glaucome, y raconte son combat contre la maladie.
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